Les « boîtes à outils » de Madame Taubira
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Les « boîtes à outils » de Madame Taubira
883 LA SEMAINE DU DROIT L’APERÇU RAPIDE PEINES 883 Les « boîtes à outils » de Madame Taubira À propos de la loi du 15 août 2014 POINTS-CLÉS ➜ La loi n° 2014-896 du 15 août 2014 a introduit une nouvelle peine dans le Code pénal : la contrainte pénale ➜ Elle a également instauré une série de dispositions afin d’accentuer l’individualisation des peines dans le but affiché de prévenir la récidive ➜ Hormis quelques articles, la loi du 15 août 2014 entrera en vigueur le 1er octobre 2014 Virginie Peltier, maître de conférences, université de Bordeaux, Institut de sciences criminelles et de la justice (EA 4601) T rès attendue parce que très médiatisée, la loi « relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales », dite loi Taubira a été promulguée le 15 août 2014, le Conseil constitutionnel ayant validé l’essentiel de ses dispositions dans une décision du 7 août, à l’exception de l’article 49 qui voulait instaurer une contribution pour l’aide aux victimes par une majoration de 10 % des amendes pénales, douanières et de certaines amendes administratives (Cons. const., déc. n° 2014696 DC, 7 août 2014). Animée par l’idée que la lutte contre la récidive passe essentiellement par l’application à chaque condamné de la peine qui lui convient le mieux et qui, dans la mesure du possible, doit éviter d’entraîner une privation de liberté, elle a refondu, pour les rendre plus lisibles, les principes qui président à la personnalisation de la peine, introduisant, en outre, la très controversée peine de contrainte pénale. Mais au-delà de cette sanction emblématique, l’ensemble de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 (JO 17 août 2014, p. 13647. – Étude à paraître J. Pradel) – hormis le volet tendant à renforcer les pouvoirs de la police et de la gendarmerie – est tout entier guidé par ce double objectif : favoriser au maxi- Page 1510 mum l’individualisation de la peine, éviter autant que faire se peut la privation de liberté. Pour cela, en amont du prononcé de la peine, la loi institue, à l’article 10-1 du Code de procédure pénale (L. n° 2014-896, art. 18), la justice dite restaurative, applicable à toute procédure pénale et à tous les stades de celle-ci, à savoir un ensemble de mesures destinées à résoudre les « difficultés résultant de l’infraction », en particulier, la « réparation des préjudices de toute nature » qui en ont résulté (CPP, art. 10-1). Mais ce souhait législatif d’organiser une justice concertée – l’accord de la victime et du prévenu étant requis – contribue encore à obscurcir la frontière entre responsabilité civile et pénale – dans le prolongement de la curieuse peine de sanction-réparation. Cette volonté d’éloigner cette dernière de son aspect purement répressif transparaît encore dans la compétence reconnue à l’officier de police judiciaire de transiger sur l’action publique pour les contraventions de la cinquième classe et certains délits (CPP, art. 41-1-1 créé), quoique cette disposition introduite par l’article 35 de la loi soit sans réel rapport avec son objectif premier. En aval, la loi réécrit une partie de l’article 707 du Code de procédure pénale (L. n° 2014896, art. 24, I), redéfinissant les objectifs poursuivis par l’exécution des peines – préparer l’insertion ou la réinsertion de la personne condamnée afin de lui permettre d’agir en personne responsable et respec- tueuse des règles et des intérêts de la société et d’éviter la commission de nouvelles infractions – puis en fixant ses modalités. Il s’agit d’adapter le régime d’exécution de la peine subie par le condamné en fonction de l’évolution de sa personnalité comme de sa situation matérielle, familiale et sociale, régulièrement évaluée, même si la victime dispose, en contrepoids, d’un certain nombre de prérogatives (et d’un bureau d’aide aux victimes, institué dans chaque tribunal de grande instance, dont le fonctionnement sera précisé par décret : CPP, art. 706-154 créé ; L. n° 2014-896, art. 26) destinées à assurer sa tranquillité et sa sûreté (CPP, art. 707, IV, 4° mod.). Ainsi, notamment, le droit d’obtenir réparation de son préjudice par le biais d’une mesure de justice restaurative, qui accroît l’ambiguïté du système ainsi mis en place, la victime ayant dorénavant la possibilité d’obtenir réparation du préjudice né de la commission de l’infraction par trois moyens différents : l’action civile, la peine de sanction-réparation et la justice restaurative. À l’inverse de la loi du 24 novembre 2009 (L. n° 2009-1436 : JCP G 2014, doctr. 552, Étude J.-P. Céré), l’accent est davantage mis sur la fonction de réadaptation que doit poursuivre l’application de la peine. Il n’est d’ailleurs symboliquement plus fait mention de prévention de la récidive – terme trop négativement connoté – mais du souci d’éviter la commission de nouvelles infractions. Pour autant, la loi met en place, aux articles 709-11 et suivants du Code de procédure pénale, LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - N° 36 - 1er SEPTEMBRE 2014 LA SEMAINE DU DROIT L’APERÇU RAPIDE des dispositions destinées à assurer l’efficacité des sanctions pénales susceptibles d’avoir été prononcées. Ainsi celui qui ne respecte pas les obligations ou interdictions nées de sa condamnation peut faire l’objet d’une rétention aux fins de vérification de sa situation (CPP, art. 709-1-1 créé ; L. n° 2014-896, art. 34, I, 4°. - La loi prévoit le même mécanisme pour la personne placée sous contrôle judiciaire : CPP, art. 141-4 mod. - CPP, art. 141-5 créé), d’une perquisition (CPP, art. 709-1-2 créé), d’une interception de correspondances ou d’une géolocalisation (CPP, art. 709-1-3 créé), ces deux dernières en fonction de la nature de l’interdiction méconnue et de l’infraction pour laquelle l’individu avait été condamné. Toutefois, le cœur de la réforme se situe, d’une part, dans la volonté du législateur de réorganiser les règles d’individualisation des peines (1) – le texte utilisant tour à tour les termes d’individualisation et de personnalisation, preuve que les deux peuvent être tenus pour synonymes – et, d’autre part, dans la création d’une nouvelle peine, la contrainte pénale (2). À cela s’ajoutent l’instauration du mécanisme de la libération sous contrainte (3) et une réforme des dispositifs de mise en liberté pour motif médical (4). 1. La réorganisation des règles d’individualisation de la peine Les règles d’individualisation de la peine avaient jusque-là leur siège à l’article 132-24 du Code pénal, devenu une véritable auberge espagnole à la faveur de l’empilement d’une succession de lois. La loi du 15 août 2014 a le mérite de clarifier la matière en répartissant le contenu de ses divers alinéas dans les textes idoines, traitant autant du choix de la peine que de son exécution. En premier lieu, et après avoir rappelé les deux fonctions de la peine – sanctionner l’auteur de l’infraction, favoriser son amendement (C. pén., art. 130-1 créé ; L. n° 2014896, art. 1er) –, le nouveau texte complète (L. n° 2014-896, art. 2), tout d’abord, l’article 132-1 du Code pénal qui, jusque-là, ne faisait qu’annoncer les trois sections relatives au régime des peines – dont la personnali- sation – par deux alinéas, le premier posant le principe d’individualisation (C. pén., art. 132-1, al. 2), le second rappelant que « (…) la juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, conformément aux finalités et fonctions de la peine énoncées à l’article 130-1 » (C. pén., art. 132-1, al. 3). L’individualisation de la peine d’amende, en tenant compte des ressources et des charges de l’auteur de l’infraction est, elle, ajoutée à la fin de l’article 132-20 du Code pénal qui prévoyait seulement la possibilité pour le juge pénal de prononcer une amende d’un montant inférieur à celui encouru (L. n° 2014896, art. 3, I, 2°). Pour favoriser au mieux l’adaptation de la peine à la situation du condamné, la loi supprime, ensuite, tout ce qu’elle considère comme un obstacle à son individualisation, à savoir l’automaticité de la révocation du sursis simple (C. pén., art. 132-36 créé ; L. n° 2014-896, art. 8 qui entrera en vigueur au 1er janvier 2015 : L. n° 2014-896, art. 54, II), les peines-plancher (L. n° 2014896, art. 7, I, 1°), la distinction entre primodélinquants et récidivistes pour l’application de certains aménagements de peine, sans aller toutefois jusqu’à un alignement systématique (V. par ex., CPP, art. 721 mod., art. 721-1 mod. en matière, respectivement, de crédit de réduction de peine et de réduction supplémentaire de peine : L. n° 2014-896, art. 13) et les obstacles à l’atténuation de la peine concernant les mineurs de plus de seize ans, notamment, là encore, en cas de récidive (Ord. n° 45-174, 2 févr. 1945, art. 20-2, al. 2 mod. ; L. n° 2014-896, art. 7, III, 2°, b). Mais elle abaisse d’un tiers les quanta encourus par l’auteur d’une infraction dont l’altération des facultés mentales en auraient altéré la lucidité, ce dernier n’encourant plus que trente ans de privation de liberté en cas de commission d’un crime passible de la réclusion ou détention criminelle à perpétuité (C. pén., art. 122-1, al. 2 mod. ; L. n° 2014-896, art. 17, I), sauf si le juge décide de passer outre, mais seulement en matière correctionnelle, par une décision spécialement motivée. La personnalisation de la peine, tant prônée par la loi, est donc bridée en matière crimi- LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - N° 36 - 1er SEPTEMBRE 2014 883 nelle, même si, certes, c’est par faveur pour le condamné. Et le nouveau texte de tirer les conséquences de la règle désormais posée à l’alinéa 2 de l’article 122-1 du Code pénal devant la cour d’assises (L. n° 2014-896, art. 17, II) ou encore en matière d’obligation de soins imposée à un condamné, curieusement placée à l’article 706-136-1 du Code de procédure pénale (L. n° 2014-896, art. 17, II, 4°), le législateur ayant toutefois pris la précaution de modifier l’intitulé du chapitre autrefois uniquement relatif à l’irresponsabilité pour cause de trouble mental, celui-ci englobant désormais les mesures de sûreté pouvant être ordonnées en cas de reconnaissance de l’altération du discernement (L. n° 2014-896, art. 17, II, 3°). Enfin, pour que la juridiction de jugement puisse prononcer la peine la plus adaptée à la personne du condamné, la loi institue un ajournement de son prononcé pour lui permettre de se livrer à des investigations afin de mieux connaître la situation matérielle, financière et sociale de l’intéressé (C. pén., 132-70-1 et s. ; L. n° 2014-896, art. 5, I). Ce dispositif est complété par un ajournement aux fins de consignation d’une somme d’argent en vue de garantir le paiement d’une éventuelle amende (C. pén., art. 132-70-3, créé ; L. n° 2014-896, art. 6). En second lieu, la loi s’est encore attachée à favoriser l’individualisation de la peine au stade de son exécution. Pour cela, la loi transfère le contenu de l’alinéa 3 de l’ancien article 132-24 du Code pénal vers l’article 132-19 du même code dont l’alinéa second est remplacé par deux alinéas aux termes desquels en matière correctionnelle, une peine d’emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu’en dernier recours si la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate (L. n° 2014-896, art. 3, I, 1°). Cependant, comme auparavant, l’emprisonnement doit faire l’objet d’un aménagement si la personnalité et la situation du condamné le justifient et sauf impossibilité matérielle. En outre, le tribunal correctionnel qui ne prononce ni sursis ni aménagement de la peine ferme doit spécialement motiver sa décision au regard des faits de l’espèce, de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale. Page 1511 883 Enfin, pour favoriser l’exécution des sanctions pénales, il est créé à partir d’août 2015 un bureau de l’exécution des peines, dans chaque tribunal de grande instance et dans chaque cour d’appel, chargé de remettre à toute personne condamnée présente à l’issue de l’audience correctionnelle un relevé de condamnation pénale mentionnant les peines qui ont été prononcées (CPP, art. 709-1 créé ; L. n° 2014-896, art. 4). Parmi elles, figure la contrainte pénale. 2. La contrainte pénale Mesure phare de cette loi du 15 août 2014, la création de la contrainte pénale vise à assurer un « suivi » renforcé de certains délinquants dont le profil révèle qu’ils en ont besoin pour éviter le risque de réitération de l’infraction (C. pén., art. 131-3, 2° mod. ; C. pén., art. 131-4-1 créé ; L. n° 2014-896, art. 19). Elle s’adresse en effet aux délinquants nécessitant « un accompagnement socio-éducatif individualisé et soutenu » (C. pén., art. 131-4-1, al. 1er). La contrainte pénale se présente pour l’instant comme une peine alternative à l’emprisonnement susceptible d’être prononcée en cas de condamnation à un délit passible de cinq ans d’emprisonnement au plus, la loi prévoyant elle-même ab initio sa propre réforme puisque, d’une part, à compter du 1er janvier 2017, la contrainte sera encourue pour n’importe quel délit (L. n° 2014-896, art. 19, II) et, d’autre part, dans les deux ans suivant sa promulgation, un rapport devra être remis au Parlement sur l’opportunité de supprimer la peine d’emprisonnement prévue pour certains délits en la remplaçant par la seule contrainte pénale (L. n° 2014896, art. 20). Elle impose au condamné de se soumettre, à ce titre, pendant une durée allant de six mois à cinq ans à des « mesures de contrôle et d’assistance ainsi qu’à des obligations et interdictions particulières destinées à prévenir la récidive en favorisant son insertion ou sa réinsertion au sein de la société » (C. pén., art. 131-4-1, al. 2). La contrainte pénale, exécutable par provision, se présentant ainsi comme une « boîte à outils » dans laquelle le juge pénal va pouvoir puiser une ou plusieurs mesures adéquates pour assurer l’accompagnement requis, elle Page 1512 offre un contenu variable en fonction de la personnalité et de la situation du prévenu et des circonstances de commission de l’infraction, bref, de l’individualisation décidée par le juge, à une exception près : le condamné doit respecter l’ensemble des mesures de contrôle – qui sont celles de l’article 132-44 du Code pénal, autrement dit du sursis avec mise à l’épreuve – pendant toute la durée d’exécution de la contrainte pénale (C. pén., art. 131-4-1, al. 3). Quant aux obligations et interdictions susceptibles d’être prononcées, elles sont variées. Il y a celles mentionnées à l’article 132-45 du Code pénal, là aussi celles du sursis avec mise à l’épreuve, le travail d’intérêt général (qui doit être accepté par le condamné et dont la durée maximale passe de deux cent dix à deux cent quatrevingts heures : V. L. n° 2014-896, art. 21) et l’injonction de soins qui ne peut toutefois être prononcée que si la personne a été condamnée pour un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru, une expertise médicale ayant préalablement conclu qu’elle était susceptible de faire l’objet d’un traitement (C. pén., art. 131-4-1, al. 4 et s.). Enfin, le condamné peut bénéficier des mesures d’aide de l’article 132-46 du Code pénal telles qu’elles étaient jusqu’alors prévues en matière de sursis avec mise à l’épreuve. veillance judiciaire). Mais entre le moment de l’entrée en vigueur de la contrainte et la période à laquelle elle sera évaluée (dans les deux ans suivant la promulgation de la loi), une circulaire devrait venir prôner le recours au seul sursis avec mise à l’épreuve lorsqu’un simple contrôle des obligations et interdictions apparaîtra suffisant et à la contrainte pénale quand un accompagnement renforcé semblera s’imposer – corriger un dispositif législatif bancal par voie de circulaire, il suffisait d’y penser ... La contrainte pénale est décidée par le tribunal correctionnel qui peut en choisir le contenu dès qu’il la prononce, s’il dispose de suffisamment d’informations. Dans le cas contraire, et exactement comme en matière de sursis avec mise à l’épreuve, d’ailleurs, c’est le juge de l’application des peines qui détermine les obligations comme les mesures d’assistance auxquelles le condamné sera astreint après évaluation de sa personnalité, de sa situation matérielle, familiale et sociale par le service pénitentiaire d’insertion et de probation, leurs rôles respectifs étant détaillés aux articles 713-42 et suivants du Code de procédure pénale (L. n° 2014-896, art. 22). Mais, même lorsque la juridiction de jugement les a fixées ab initio, le juge de l’application « La contrainte pénale vise à assurer un « suivi » renforcé de certains délinquants. » On le constate, l’ensemble des mesures constituant le régime de la mise à l’épreuve se retrouve donc transposé au sein de la contrainte pénale, ce qui risque d’entraîner un risque de confusion entre la contrainte et ledit sursis et pose, à tout le moins, la question de l’opportunité du maintien de ce dernier. Pourtant, la solution législative implique la coexistence des deux sanctions pendant un premier temps, en raison des multiples difficultés qu’aurait suscitées la disparition du sursis (application de la loi dans le temps, sort des peines « mixtes », c’est-à-dire comportant une part de sursis, et plus encore, nécessité de réorganiser le droit de la peine puisque les mesures de contrôle et les obligations du sursis avec mise à l’épreuve sont reprises dans nombre d’autres mécanismes répressifs à l’instar, par exemple, de la sur- des peines peut toujours intervenir en cours d’exécution pour les modifier, les supprimer ou en ajouter de nouvelles, la situation du condamné devant, en effet, être réévaluée autant que de besoin et au moins une fois par an (CPP, art. 713-44) ; il peut même en suspendre l’exécution en cas d’incarcération du condamné (CPP, art. 713-46). En outre, si le condamné respecte les mesures, obligations et interdictions qui en découlent pendant au moins un an, le juge de l’application des peines peut mettre fin de façon anticipée à la contrainte. En revanche, s’il les méconnaît, la loi instaure une réponse graduée : tout d’abord, le magistrat peut procéder au rappel des mesures et obligations qui pèsent sur lui, puis, si cela n’apparaît pas suffisant, saisir le président du tribunal de grande instance ou un juge désigné par LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - N° 36 - 1er SEPTEMBRE 2014 LA SEMAINE DU DROIT L’APERÇU RAPIDE lui afin que soit mis à exécution contre le condamné tout ou partie de l’emprisonnement fixé par la juridiction ayant prononcé la contrainte (CPP, art. 713-47 ; C. pén., art. 131-4-1, al. 10), mécanisme destiné à faire pression sur le condamné pour qu’il respecte ses obligations (même s’il peut être exécuté sous le régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur ou de la surveillance électronique), largement éprouvé en droit positif, par exemple, en matière de suivi socio-judiciaire. Il en va de même si le condamné commet, pendant la durée d’exécution de la contrainte pénale, un crime ou un délit de droit commun suivi d’une condamnation à une peine privative de liberté sans sursis (CPP, art. 713-48). 3. La libération sous contrainte Lorsque le condamné à une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée totale inférieure ou égale à cinq ans en a effectué les deux tiers, sa situation doit être examinée par le juge de l’application des peines en commission de l’application des peines, afin de déterminer s’il peut faire l’objet d’une libération sous contrainte (en vigueur au 1er janvier 2015 : L. n° 2014-896, art. 54, II), le condamné exécutant alors le reliquat sous le régime d’une semi-liberté, d’un placement à l’extérieur, d’une surveillance électronique et même d’une libération conditionnelle (CPP, art. 720 créé ; L. n° 2014-896, art. 39, I). S’il n’a pas été procédé à cet examen, le condamné peut malgré tout faire l’objet de la mesure, cette fois-ci prononcée par le président de la chambre de l’application des peines, d’office ou sur saisine du condamné ou du procureur de la République (CPP, art. 720, al. 4). Là encore, le législateur n’a fait que rassembler dans une autre « boîte à outils » une série de mesures qui existaient déjà en droit positif, sans rien apporter de réellement novateur. En revanche, en cas d’exécution d’une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée supérieure à cinq ans, le condamné peut, après en avoir accompli les deux tiers, bénéficier d’une libération conditionnelle après examen de sa situation par le juge de l’application des peines ou le tribunal de l’application des peines lors d’un débat contradictoire qui, en cas de condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité, ne peut intervenir avant le terme du temps d’épreuve ni avant celui de la période de sûreté (CPP, art. 730-3, al. 1 ; L. n° 2014-896, art. 42). S’il n’a pas été procédé audit débat, la chambre de l’application des peines peut le tenir, d’office ou sur saisine du condamné ou du procureur de la République (CPP, art. 730-3, al. 3). Ce dispositif n’entrera en vigueur qu’au 1er janvier 2015 (L. n° 2014-896, art. 54, II). Enfin, la loi a institué un mécanisme pour le condamné qui n’a fait l’objet ni d’une libération sous contrainte, ni d’une libération conditionnelle : le juge de l’application des peines peut ordonner qu’après sa libération et pendant une durée qui ne peut excéder le total des réductions de peines dont il a bénéficié, il soit soumis aux mesures de contrôle de l’article 132-44 du Code pénal, 883 concordantes requises jusqu’alors (CPP, art. 720-1-1, al. 2, mod. ; L. n° 2014-896, art. 51, I), ce qui va faciliter le prononcé de cette mesure. Un certificat médical reste suffisant en cas d’urgence, le nouveau texte n’exigeant plus, en revanche, que le pronostic vital du condamné soit, en outre, engagé. S’inspirant des règles précédemment énoncées en matière de suspension médicale de peine, la loi du 15 août 2014 (art. 50) introduit, au surplus, un article 147-1 dans le Code de procédure pénale qui dispose qu’en toute matière et à tous les stades de la procédure, et sauf s’il existe un risque grave de renouvellement de l’infraction, la mise en liberté d’une personne placée en détention provisoire peut être ordonnée, d’office ou à la demande de l’intéressé, lorsqu’une expertise médicale établit qu’elle est atteinte d’une pathologie engageant son pronostic vital ou que son état de santé physique ou mentale « La loi modifie sensiblement la suspension médicale de peine puisqu’il n’est désormais plus besoin que d’une seule expertise médicale pour en décider. » à certaines interdictions de l’article 132-45 et aux mesures d’assistance de l’article 13246, par transposition, ici encore, du modèle du sursis avec mise à l’épreuve. Mais en cas d’inobservation desdites mesures, le condamné peut se voir retirer tout ou partie des réductions de peine dont il a bénéficié et être réincarcéré (CPP, art. 721-2, al. 6, créé ; L. n° 2014-896, art. 44), ce qui n’est pas sans rappeler la logique de la surveillance judiciaire, même si le texte exclut de cette procédure les condamnés qui font l’objet de cette mesure de sûreté. 4. La mise en liberté pour motif médical La personnalisation d’une peine ne peut être totale s’il n’est pas tenu compte de la situation médicale du condamné. De ce fait, la loi modifie sensiblement la suspension médicale de peine puisqu’il n’est désormais plus besoin que d’une seule expertise médicale pour en décider, au lieu des deux expertises LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - N° 36 - 1er SEPTEMBRE 2014 est incompatible avec le maintien en détention. La personne remise en liberté peut alors être placée sous contrôle judiciaire ou faire l’objet d’une assignation à résidence avec surveillance électronique. Bien que l’on sorte ici du strict cadre de la recherche de la personnalisation d’une peine puisque celleci n’a pas encore été prononcée et ne le sera peut-être jamais, le législateur a donc profité de la loi nouvelle pour donner un cadre à la jurisprudence de la Cour de cassation, interrogée de façon récurrente par des prévenus placés en détention provisoire et invoquant leur santé défaillante pour solliciter une remise en liberté (V. par ex. Cass. crim., 18 déc. 2013, n° 13-86.739, n° 13-86.740 : JurisData n° 2013-029424 ; Bull. crim. 2013, n° 263 : l’expertise médicale constitue une vérification au sens de CPP, art. 194, al. 4. – Cass. crim., 29 févr. 2012, n° 11-88.441 : JurisData n° 2012-003065 ; Bull. crim. 2012, n° 58. - Rappr. Cass. crim., 27 oct. 2009, n° 0982.505 : JurisData n° 2009-050067 ; JCP G 2010, 85, note M.-C. Guérin en matière de garde à vue). Page 1513