La rançon de la gloire

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La rançon de la gloire
LES LAURÉATS DU CONCOURS
Tout le monde est sur le pied de guerre,
ceux qui montent le chapiteau,
les installateurs d’électricité,
Couronnement d’un projet monstre
La rançon de la gloire
Depuis le mois de mai, une troupe de sans-emploi insensibles au stress sillonnent le pays avec quelques responsables qui eux non plus n’ont pas froid aux yeux.
Gabriella Staub
«A part ça, tout va très bien», déclare Mike
Kaufmann en me tendant la main en signe de
bienvenue. Le devoir l’appelle, et cela depuis
maintenant quatre mois et demi. Il faut dire
qu’il y a du pain sur la planche, comme le
montrent les 289 heures supplémentaires
comptabilisées par Stefan Bebier.» Le bilan
est impressionnant et fournit en même temps
des informations importantes sur un projet
d’occupation d’envergure nationale, auquel
MAMT-Agenda a décerné le 10 septembre
dernier l’oscar du programme d’occupation
le plus innovateur pour l’année 1998.
Jusqu’au mois d’octobre, les sans-emploi
doivent parcourir le pays avec leur «coquille
d’escargot», autrement dit le chapiteau que
l’artiste Heinrich Maria Opladen a conçu tout
spécialement à l’intention de Swissaid et qui
doit faire halte dans pas moins de 18 villes
suisses. On n’a pas affaire à des artistes de
cirque, mais force est de reconnaître qu’il
réussissent à chaque fois des tours de force
en l’espace de vingt-quatre heures. Dix sansemploi en moyenne assurent en l’occurrence
le travail prévu pour une quinzaine de places
d’occupation budgétées dans le cadre de la
tournée. Certains sont particulièrement endurcis, et ils n’hésitent pas à sacrifier leurs
soirées afin de mettre la main à la pâte là où
on a besoin d’eux.
On se demande inévitablement pourquoi
il n’y a pas plus de monde pour dresser le
chapiteau, d’autant plus que l’Office fédéral
du développement économique et de l’emploi (OFDE) a approuvé 43 postes au total.
Margrit Moser, en charge du personnel pour
le «Palais du Monde» a fait tout ce qui était
en son pouvoir: «Je me suis adressée dès le
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mois de juin à plus de quarante Offices régionaux de placement (ORP) afin de les
mettre au courant de notre situation quelque peu désespérée. Je n’ai reçu aucune
réponse. L’équipe pour la tournée manque
notamment de techniciens et surtout de personnes capables de dresser le chapiteau. Il
nous faudrait quelqu’un qui ait des épaules
solides, des talents d’artisan, et qui soit prêt
en plus à accepter des missions irrégulières
et ponctuellement stressantes. Le problème
est peut-être dû à l’été, car c’est une période
de construction intense, et les artisans au
chômage se font plus rares.»
«En période faste, nous avons employé
momentanément jusqu’à 63 hommes et femmes sans emploi», explique Carlo Tanner, en
charge de l’administration du personnel et de
la comptabilité. C’est l’un des six respon-
MAMT-AGENDA 7/98
LES LAURÉATS DU CONCOURS
le chien,
les responsables des décors
sables du projet qui s’étend sur une année au
total. «Une centaine de chômeurs ont collaboré plus ou moins longtemps au «Palais du
Monde», mais nous n’avons pas toujours pu
occuper les places planifiées au départ. Je
pense notamment à la tâche complexe des
deux responsables qui étaient prévus dans
chaque ville.»
La rançon de la gloire
Markus Thomas, en l’occurrence pilote et
responsable de formation doté d’une grande
expérience professionnelle et de la vie, est
actuellement responsable régional pour la
tournée, et c’est lui qui prend en charge directement l’équipe du «Palais»: «Notre
succès crée lui aussi des problèmes: jusqu’au
mois d’août, 35 % des chômeurs qui ont fortement soutenu notre programme avaient déjà
obtenu un emploi fixe. Dans ces cas-là, ils
nous quittent en l’espace de vingt-quatre
heures, et on n’a alors personne pour reprendre le flambeau». «Nous manquons de
monde», déclare Stefan Berber, qui a quant à
lui été engagé pour le mixage du son. «En
fait, je travaille aussi comme constructeur
de chapiteau, cuisinier, expert en vidéo, monteur de câbles, menuisier et sanitaire…» Ces
propos n’ont rien de nouveau pour Markus
Thomas, mais il leur prête néanmoins l’oreille avec attention. Il vient de faire 32 heures
d’affilée avec une pause de deux heures, le
temps de faire un petit somme, alors que
MAMT-AGENDA 7/98
et autres installations
l’apéritif d’ouverture vient seulement de commencer à Zoug! La personne prévue pour la
veille de nuit a pris la poudre d’escampette le
jour avant, et Markus Thomas a ainsi décidé
d’aller une nouvelle fois au charbon, histoire
de permettre quelques heures de sommeil
bien mérité à un des jeunes.
L’équipe apprécie beaucoup ces marques
d’abnégation. «Markus est un vrai pote, et
on ne s’ennuie pas avec lui. Quand il est responsable pour une des villes au programme,
nous savons d’emblée que tout va bien fonctionner, que ce soit pour le logement, pour
les repas ou pour d’autres questions.»
«C’est un peu comme au service militaire. Il faut souvent faire des corvées peu
gratifiantes», explique Markus Thomas.
«Mais quand on regarde en arrière au bout de
six mois, le positif prend alors le dessus.»
Tous sont d’ailleurs unanimes pour dire que
le problème ce n’est pas seulement le stress,
les nombreuses heures supplémentaires ou
les loisirs réduits comme peau de chagrin,
mais plutôt «le manque de reconnaissance
pour les performances quotidiennes, et le
sentiment de ne pas être pris au sérieux».
La rédaction de MAMT-Agenda félicite
quant à elle cordialement toute l’équipe pour
sa récompense méritée dans le cadre du
concours 1998 honorant le programme d’occupation le plus innovateur. Nous sommes
convaincus que les visiteurs du «Palais du
Monde» partagent notre admiration. ❏
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Jubilé de Swissaid
Cinquante ans de solidarité
Le précurseur de «Swissaid» a vu le jour en juillet
1948 sous le nom d’«Aide suisse à l’Europe» et
prévoyait de collecter des dons pour différentes
œuvres d’entraide au bénéfice des populations
ruinées par la guerre. Avec le temps, la perspective
s’est de plus en plus déplacée vers d’autres continents, et la structure a été rebaptisée «Aide suisse à
l’étranger» en 1956 avant de trouver en 1968 son
appellation actuelle connue dans le monde entier.
Le credo et en même temps la recette employée par
Swissaid est l’entraide afin que les destinaires apprennent à se tirer d’affaire par leurs propres moyens.
C’est dans cet esprit que Swissaid intervient dans
neuf pays d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie. Depuis 1983, la fondation vient au secours des paysans, des groupements de femmes ainsi que des petites organisations locales de développement dans la
réalisation de projets destinés à l’amélioration des
conditions de vie, voire dans les domaines de l’écologie et des droits de l’Homme. Ceux qui souhaitent
obtenir le soutien de Swissaid doivent en faire euxmêmes la demande, tout en expliquant clairement
quel est le type d’aide escomptée. Swissaid émet souvent certaines conditions – telles que des plantations
d’arbres – à respecter impérativement pour pouvoir
bénéficier d’une aide financière de départ ou de
tout autre formule envisageable.
Pour Swissaid, aide veut aussi dire «échange d’expérience», une aide réussie étant une opération permettant d’inculquer une certaine assurance à ceux
qui ont appelé au secours.
Pour de plus amples informations
Swissaid
Jubiläumstrasse 60, case postale, 3000 Berne 6
Téléphone 031-351 33 11, CCP 30-303-5