Giuseppe Bertello, l`homme de confiance

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Giuseppe Bertello, l`homme de confiance
LE G8 DU PAPE FRANÇOIS
Giuseppe Bertello, l’homme de confiance
Mgr Giuseppe Bertello,
président du gouvernorat
de l’État de la Cité du Vatican,
est le seul Italien du G8
et le seul issu de la Curie.
ALESSANDRO SERRANO/CPP/CIRIC
d Le 1er octobre, le pape
François réunira à Rome les huit
cardinaux des cinq continents
choisis pour le conseiller
dans le gouvernement de l’Église
et la réforme de la Curie.
d Diplomate de carrière,
le cardinal Bertello, qui fut
donné favori pour devenir
le bras droit du nouveau
pape, fréquente depuis
longtemps Jorge Bergoglio,
dont il partage la simplicité.
L’ouverture de la réunion du groupe
des huit cardinaux conseillant le pape
François, demain, marquera le jour
de ses 71 ans. Natif du diocèse piémontais d’Ivrée, Giuseppe Bertello est
le seul Italien de cette commission
informelle mise sur pied par le nouveau pape. Le seul aussi issu de la
Curie romaine, qu’il connaît de l’intérieur.
Depuis deux ans, le cardinal Bertello
préside le gouvernorat de la Cité du
Vatican. Un poste avant tout d’administration interne et de rationalisation
économique qui, selon un observateur
italien, devrait l’inciter à chercher une
autre affectation. La presse italienne
a d’ailleurs présenté, jusqu’au bout,
ce diplomate de carrière comme un
très sérieux candidat pour devenir
secrétaire d’État du Saint-Siège, soit
le premier collaborateur du pape François. Lequel a nommé le 31 août dernier un autre diplomate italien, plus
jeune et pas encore cardinal, Mgr Pietro Parolin.
La diplomatie, Giuseppe Bertello
en possède une longue expérience.
Docteur en droit canonique, il a étudié
à l’Académie pontificale ecclésiastique,
autrement dit l’école de formation
diplomatique du Vatican. Et depuis
1971, soit cinq ans après avoir été ordonné prêtre, il sillonne le globe, de
nonciatures apostoliques en missions
de représentation du Saint-Siège. Du
Soudan au Mexique, de la Turquie à
Genève, auprès des Nations unies et
de l’Organisation mondiale du commerce, le P. Bertello a fait montre de
la simplicité toute en rondeur et de la
délicatesse que lui prêtent ceux qui
l’ont côtoyé.
C’est en particulier en Afrique qu’il
s’est forgé sa réputation de grand di-
plomate. Nonce dans les années 1980
en résidence à Accra, il a couvert aussi,
depuis la capitale du Ghana, le Togo
et le Bénin, pays alors en transition
démocratique et auquel il reste attaché. Il y est retourné en août dernier
pour le Pèlerinage national. Et, s’il s’y
est entretenu avec le chef de l’État, il
a aussi souhaité revoir son ancien
chauffeur, Bruno.
« Mgr Bertello
est un sage,
à la manière biblique.
Quelqu’un qui,
avant de juger, essaye
de comprendre. »
Une même attention pour tous
que ce cardinal, se comportant dans
Rome comme un prêtre ordinaire,
manifeste aussi à sa table, où il prend
soin de présenter à ses invités ceux
qui le servent avec beaucoup
d’égards. « Son style le rapproche de
celui du pape », observe Théodore
Loko, ambassadeur du Bénin auprès
du Saint-Siège : « C’est un homme
simple et direct mais qui a des principes et sait être ferme. »
Ses années comme nonce au
Rwanda furent des plus éprouvantes.
Nommé dans ce pays à partir de 1991,
c’est-à-dire au début de la guerre civile
entre Hutus et Tutsis, l’archevêque
italien n’abandonne pas son poste
malgré les massacres et les menaces
proférées à son encontre. « Mgr Joseph
Bertello fut pour moi un guide avisé
en me faisant pénétrer, contre l’avis du
gouvernement, dans des poches rebelles,
à la lisière de l’Ouganda », raconte
dans J’ai senti battre le cœur du monde
(Éd. Fayard) le cardinal Roger Etchegaray, envoyé une première fois dans
le pays en 1993 avec Mgr Parolin.
« Mgr Bertello est un sage, à la manière
biblique », témoigne aujourd’hui le
cardinal émérite français à propos de
son ami : « Quelqu’un qui, avant de
juger, essaye de comprendre. »
Être nonce en Italie, à Rome, près
du Tibre, aurait pu sembler plus tard
une sinécure pour le diplomate ecclésiastique. Mais représenter le pape à
deux pas du Vatican dans un pays qui
lui est intimement lié, comme Giuseppe Bertello le fit de 2007 à 2011,
exige beaucoup de doigté. Cette fonction très particulière de nonce donne
peu de prise sur les nominations des
nombreux évêques italiens. Mais elle
lui donne une connaissance intime
de l’Église italienne. « Il en connaît
tous les secrets », confie une source
italienne proche du Vatican, selon qui
Mgr Bertello, au sein de la Cité du Vatican, est ainsi « très respecté ». Cette
autorité mêlée à sa simplicité en ferait
un candidat idéal au poste de « modérateur de la Curie », pour en coordonner et en surveiller les divers dicastères, si un tel poste devait être créé.
Il bénéficie, en tous les cas, de la
confiance du pape. Les deux hommes
ont un vieil ami commun, feu Ubaldo
Calabresi, qui fut nonce en Argentine
lorsque le « Père Bergoglio » devint
évêque auxiliaire et que Giuseppe
Bertello, lui, connut auparavant au
début de sa carrière diplomatique au
Soudan et au Venezuela. Lors de ses
passages à Rome, Jorge Bergoglio, alors
archevêque de Buenos Aires, logeait
chez la sœur de Mgr Calabresi, où il
retrouvait Mgr Bertello.
Ce dernier, créé cardinal par
Benoît XVI en mars 2012, se montrera
un soutien de la première heure, ou
plutôt du premier tour de scrutin, à la
candidature du cardinal Bergoglio lors
du conclave de cette année. Le diplomate italien, qui entretient de bonnes
relations avec les cardinaux d’Afrique
et d’Amérique latine, fruits de sa carrière, élargit les soutiens. Il parvient
aussi à détacher un nombre de voix
italiennes en sa faveur. Il vote et fait
voter Bergoglio. Un mois après l’élection du pape, sa place au sein du « G8 »
pontifical traduisait déjà estime et
reconnaissance.
SÉBASTIEN MAILLARD (à Rome)
LIRE AUSSI les portraits des sept autres
cardinaux du G8 dans les numéros
précédents de La Croix.