Picasso : cubisme analytique L`année 1910 voit
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Picasso : cubisme analytique L`année 1910 voit
Picasso : cubisme analytique L’année 1910 voit apparaître et se développer de nouvelles recherches visant à redéfinir, une fois de plus, la représentation de la figure et de l’espace dans lequel elle se meut. Le Portrait de Wilhelm Uhde, printemps-automne 1910, collection particulière, est une étape décisive dans l’œuvre de Picasso. C’est d’abord un retour au portrait qu’il avait négligé depuis la fin de la période bleue, celui d’un amateur d’art qui ouvrit une galerie rue Notre-Dame-desChamps, fut l’éphémère époux de Sonia Delaunay, et devint l’un de ses proches. Picasso et Uhde (1874-1947) firent connaissance en 1905. Dans son ouvrage, De Bismarck à Picasso, 1938, Uhde, qui s’installa à Paris en 1904, se souvient : « Ce fut un long chemin qui m’a conduit de l’inculture des provinces orientales à ce Paris dans lequel je suis chez moi, qui m’a conduit loin de tout ce qui était prussien, luthérien, réactionnaire, bismarckien vers le libre domaine de l’art, qui m’a conduit de ce portrait d’oncle qui, dans le château de Kamierz, me suivait du regard jusqu’à mon portrait peint par Picasso ». C’est ensuite une œuvre qui marque la distance prise avec Cézanne et la disparition de la couleur au profit d’un camaïeu (déploiement à la surface de la toile de différents tons d’une même couleur, à ne pas confondre avec le monochrome) de beige-gris afin de neutraliser les qualités spatiales et affectives de la couleur. C’est enfin la volonté de donner la première place à la forme et à l’objectivité qu’elle sous-tend qui permettent la permanence et la stabilité des choses. Le portrait d’Ambroise Vollard, printemps-automne 1910, Moscou, musée Pouchkine, est plus complexe que celui de Wilhelm Uhde. Ambroise Vollard (1868-1939) a ouvert une galerie, rue Laffitte, en 1894 et présente sa première exposition Cézanne en 1895. En 1901, il propose au public parisien la première exposition de Picasso. Il acheta le fonds d’atelier de Picasso au printemps 1906, puis fait de même au début de l’été 1907 et achète enfin la production de Cadaquès en 1910. Il édite 14 gravures de Picasso, 1904-1905, connues sous le nom de suite des Saltimbanques. La partie supérieure de son portrait montre une fragmentation de la surface mais n’empêche pas de le reconnaître. Autour de lui, des petits plans qu’on appelle facettes, possédant une autonomie d’orientation et rompant l’homogénéité du monde visible, rendent la lecture de l’œuvre difficile. Braque indiquait que les objets fragmentés lui servaient à établir l’espace et le mouvement dans l’espace. Picasso est donc passé en six mois de temps de compositions en camaïeu à larges plans à des compositions, toujours en camaïeu, mais à plans fragmentés de plus en plus petits. La Jeune fille à la mandoline (Portrait de Fanny Tellier), printemps 1910, New York, The Museum of Modern Art, est la conséquence, dans l’œuvre de Picasso, de la révélation des Musiciennes de Corot qu’il avait pu voir au Salon d’Automne de 1909. La figure est empreinte de grâce et d’élégance, voire de sensualité, la courbe du sein répondant à celle de l’instrument de musique. Les deux portraits de Mademoiselle Léonie, l’un datant du printemps 1910, l’autre de l’été, passé à Cadaquès en compagnie de Fernande Olivier, toutes deux en mains privées, évoquent le personnage féminin du roman de Max Jacob, Saint-Matorel, édité par Daniel-Henry Kahnweiler en février 1911. De l’un a l’autre, Picasso « fait éclater la forme » et élabore une grille cubiste applicable à tous les motifs et qui prendra le nom de cubisme analytique. Daniel-Henry Kahnweiler, dans la Montée du cubisme, publié en 1920, met en évidence l’opposition entre analyse et synthèse dans l’œuvre de Picasso et de Braque. Il remarque la nouvelle méthode analytique qui permet à Picasso de « figurer la corporéité des choses et leur position dans l’espace, au lieu d’en donner l’illusion par des moyens trompeurs ». Nous cessons d’être devant une représentation de la réalité compréhensible d’emblée mais dans l’exploration fine des structures de la réalité au moyen d’images explosées ou développées à plat comme les faces d’un dé, ce qui permet d’avoir du monde qui nous entoure une vision simultané mais déconcertante. Picasso et Braque emploient également le signe cubiste que l’on remarque dans Le Guitariste, été 1910, Paris, musée national d’art moderne, et qui mobilise l’attention du spectateur. Il n’est désormais plus indispensable de peindre un objet ou une figure dans leur totalité, ni d’appliquer le même traitement aux différentes parties d’un objet ou d’un corps. Il en résulte que notre vision est sans cesse bousculée par des éléments qui semblent détachés d’un ensemble et flotter dans l’ensemble. Le peintre exige de nous que nous prenions chacun des éléments qu’il a mis sur sa toile afin de reconstruire intellectuellement la totalité des données. Le signe cubiste trouve sa meilleure définition avec l’image de la guitare. Elle est déclinée par ses signes distinctifs, la rosace centrale, la table d’harmonie, les cordes. Il suffit donc d’un rond barré de lignes le plus souvent horizontales pour que nous puissions, à partir de ces quelques indices, reconstruire le tout et lire la scène. A l’automne 1910, le Portrait de Daniel-Henry Kahnweiler, Chicago, Art Institute, en est un très bel exemple, tant l’artiste nous sollicite pour rassembler les éléments épars constituant le corps du grand marchand du cubisme, chose d’autant plus délicate que Picasso, utilise, ici, le principe du passage cézannien, c’est-à-dire l’interruption de la ligne de contour qui permet l’interpénétration des plans . Début 1911, Picasso tente un resserrement du motif au centre de la composition dans La Guitariste (ou Joueuse de mandoline), Prague, Galerie nationale, et L’Homme à la mandoline, au printemps, Bâle-Riehen, Fondation Beyeler. Cette mise en page va conduire à la trouvaille de la composition pyramidale développée à Céret durant l’été. Picasso arrive seul à Céret, petite ville de Catalogne française non loin de Perpignan, au début du mois de juillet 1911, Braque le rejoint à la mi-août et y réside jusqu’au début 1912, alors que Picasso doit rentrer à Paris le 25 août, à cause du vol de la Joconde, le 22 août, par Vincenzo Peruggia. Les maisons et le pont du chemin de fer lui inspirent des croquis qui nous permettent de lire le Paysage de Céret, New York, The Solomon R.Guggenheim. Les œuvres majeures du séjour, Le Poète, Venise, Fondation Peggy Guggenheim, et L’Accordéoniste, New York, The Solomon R.Guggenheim, présentent des compositions plus claires, plus équilibrées et plus harmonieuses en raison de l’emploi de la pyramide, que Braque reprend dans L’Homme à la guitare, New York, The Museum of Modern Art, sans pour autant être plus lisibles. Nous sommes dans la phase hermétique du cubisme analytique qui mène les œuvres au bord de l’abstraction, dont ne veulent ni Braque ni Picasso. Braque, resté à Céret, tente avec Le Portugais, automne 1911-début 1912, Bâle, Kunstmuseum, de réintroduire la réalité, mais, sans l’imposer brutalement, par le choix subtil des lettres et des chiffres qui évoquent la vie d’un café à travers la vitre duquel nous remarquons un guitariste jouant de la guitare émerge.