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Portrait Marie Baguette, 86 ans JUGE « COMME POUR ENFANTS, J’AI SEMÉ DE BELLES VALEURS » « J’ai toujours aimé les jeunes. Je croyais en eux. Après tout, tout le monde fait des erreurs de jeunesse », nous raconte Marie Baguette avec conviction. Marie Baguette a 86 ans et une bonne dose de répartie. Celle qui se décrit comme une grande timide a gravi les échelons de la justice pour devenir un jour juge pour enfants. Un métier passionnant qu’elle raconte avec ardeur. A u cinquième étage de la Résidence Le Cinquantenaire, à Etterbeek, les toits de Bruxelles s’offrent au visiteur. Depuis la chambre de Marie, nous observons les immeubles de la Commission européenne, les Arcades du Cinquantenaire ainsi que les principales tours bruxelloises. Un bâtiment manque à la vue : le Palais de justice. Pourtant, durant près de 40 ans, Marie, 86 ans, y travaillait 04 12 heures par jour en tant que juge pour enfants… Comment avez-vous débarqué dans le monde de la justice ? Marie « Adolescente, je voulais faire beaucoup de choses. J’ai d’abord voulu être assistante sociale, mais mon père m’a dit : " Tu feras le droit ". Puis, j’ai voulu être infirmière, mais mon père m’a dit : " Tu feras la médecine ". J’ai finalement étudié le droit. Mais il y avait un problème : il fallait faire un stage d’avocate et parler en public ! Or, j’ai horreur de ça, je suis une grande timide ! » Vous avez malgré tout effectué ce stage… Marie « Oui, chez Maître Van Pé qui s’est pris d’affection pour la timide que j’étais. Je faisais tout pour éviter de plaider. J’ai énormément appris avec ce patron. Il faut dire qu’il avait l’art de me donner du travail ! Je travaillais de nombreuses heures par jour. » © D.R. CETTE ANNÉE-LÀ... « J’ai commencé mon stage d’avocate chez Maître Van Pé en 1956. J’étais tremblante, frémissante, rougissante et pleurnicharde, mais il s’est pris d’affection pour la timide que j’étais. » Comment êtes-vous devenue juge pour enfants ? Marie « Un lundi férié, j’ai reçu un coup de téléphone du juge dirigeant le tribunal de la jeunesse qui me proposait un poste. Je lui ai répondu que j’avais quatre enfants et que je voulais d’abord m’occuper d’eux avant de m’occuper des enfants des autres. J’ai donc refusé. Mais il a insisté et, finalement, après quelques semaines d’essai, j’adorais tellement ce travail que j’ai continué pendant dix ans. » Qu’est-ce qui vous plaisait dans ce métier ? Marie « Les contacts humains avec les jeunes, mais aussi avec les parents. J’ai toujours aimé les jeunes. Je croyais en eux. Et après tout, tout le monde fait des erreurs de jeunesse. » En quoi consistait votre travail ? Marie « Le juge de la jeunesse a des compétences très larges, pénales et civiles. De 7h45 à 19h30, je recevais les jeunes. Tous les mardis, j’allais sur le terrain rendre visite aux mineurs placés. Aujourd’hui, je peux dire que je connais les routes belges par cœur ! » Quels sont vos plus beaux souvenirs ? Marie « Les lettres de remerciement que je recevais des mineurs. Cela illustrait le résultat de 1983 Je me souviens d’un garçon abandonnique, c’est-à-dire qu’il avait été abandonné dans son jeune âge et, par peur d’être encore abandonné, il n’établissait aucun lien avec personne. Le jour où j’ai appris qu’il avait décroché un travail, je lui ai écrit une lettre pour le féliciter. La semaine d’après, j’ai découvert que la lettre n’avait pas été remise. « Il ne faut pas féliciter un abandonnique », m’a-t-on dit, « cela le déstabilise ». Il fallait que je dise : « Il était temps ! ». Et puis quoi encore ? Je lui ai finalement dit : « Il était temps, mais je savais que tu allais trouver un travail ! » mon travail. D’ailleurs, moi aussi, je leur écrivais, pour prendre de leurs nouvelles ou pour les féliciter. » Aujourd’hui, êtes-vous encore en contact avec ces mineurs ? Marie « Je croise encore régulièrement des jeunes qui me disent " merci " ! Il y a quelques années, dans un taxi, le chauffeur m’a dit : " Vous ne me devez rien car vous m’avez remis sur le bon chemin, et ça, ça n’a pas de prix ! " Je lui ai répondu que son travail n’avait pas de prix non plus. Je l’ai alors regardé et j’ai posé le billet sur le siège. » Quel regard portez-vous sur votre carrière ? Marie « On me demande souvent combien de jeunes j’ai sauvés. Je réponds toujours : " Je n’en sais rien, mais j’espère que j’ai semé en eux de belles valeurs et que cela a germé… " » Biographie 1929 Naissance à Uccle. 1949–1954 Études de droit à l’ULB. 1954–1957 Stage d’avocat chez Maître Van Pé. 1957 Mariage avec André Dumont, avocat lui aussi. 1958–1960 Naissances de Nathalie, Valérie et Sophie à 1 an d’intervalle. 1965 Début de sa carrière de juge. 1968 Naissance d’Olivier. 1986 Début de sa carrière de juge pour enfants. 1996 Fin de sa carrière. 05