Hépatites d`origine virale des Léporidés: introduction et
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Hépatites d`origine virale des Léporidés: introduction et
Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 1991, 10 (2), 269-282 Hépatites d'origine virale des Léporidés: introduction et hypothèses étiologiques J . - P . M O R I S S E , G. LE G A L L et E. BOILLETOT * Résumé: En moins de dix ans, deux affections hépatiques virales très graves se sont répandues chez les Léporidés (lapins et lièvres) dans de très nombreux pays. Au mois de mai 1989, l'Office International des Epizooties a attribué à la première de ces nouvelles affections, la dénomination de «maladie hémorragique virale du lapin», avec inscription sur la Liste B du Code zoosanitaire international. Cette maladie est cliniquement très proche du «syndrome du lièvre brun européen». Cependant, de nombreuses inconnues subsistent sur la nature exacte des virus du lapin et du lièvre car, bien qu'apparentés, ces virus semblent différents et la transmission croisée entre espèces fait actuellement l'objet de résultats contradictoires. Malgré la mise en évidence récente de leur étiologie virale, les hépatites des Léporidés sévissent probablement depuis plusieurs années en Europe ; elles existent sous une forme clinique chez le lièvre en Europe du Nord depuis 1980 environ et sous une forme inapparente (ou ignorée) depuis 1975 chez le lapin en Tchécoslovaquie. Ces maladies des Léporidés sont de véritables hépatites virales et elles présentent avec certaines hépatites virales humaines (B et non-A non-B), sous leur forme fulminante, des ressemblances frappantes pour ce qui concerne la clinique, les lésions anatomopathologiques et le mode de transmission. La contamination par voie fécale-orale, prédominante pour les hépatites A et E, expliquerait aussi, dans le cas des animaux, la vulnérabilité toute particulière des petits élevages fermiers, seuls utilisateurs de fourrages potentiellement contaminés. La diversité des virus (ARN et ADN) responsables, chez l'homme, d'hépatites graves, permet de s'interroger sur la possibilité d'une étiologie également multiple chez les Léporidés. Bien qu'aucune transmission à l'homme n'ait été observée, même chez les populations en contact avec le virus animal, les ressemblances entre hépatites des Léporidés et hépatites virales humaines, justifieraient l'instauration d'une concertation avec les milieux médicaux spécialisés. MOTS-CLÉS : Epidémiologie - Hépatite E - Hépatites fulminantes - Hépatites virales non-A non-B - Maladie hémorragique virale du lapin - Pathogénie Syndrome du lièvre brun européen. * Centre National d'Etudes Vétérinaires et Alimentaires, B . P . 53, 22440 Ploufragan, France. 270 GÉNÉRALITÉS Le développement de la cuniculture au cours des vingt dernières années a entraîné, du fait de l'intensification des techniques d'élevage, une augmentation de la fréquence et de la gravité des affections respiratoires et digestives. L'étiologie de ces deux syndromes a fait l'objet de recherches bactériologiques d'autant plus nombreuses que le rôle exact des bactéries mises en évidence (pasteurelles, colibacilles, clostridies) est souvent indissociable de celui des conditions d'environnement des animaux (claustration, alimentation, hyperproductivité). Bien que réalisés chez de la seule indiscutable de nombreux virus aient été isolés chez le lapin, surtout lors de contrôles les animaux de laboratoire, la virologie a longtemps été axée sur l'étude maladie économiquement importante et dont l'étiologie virale soit : la myxomatose. La mise en évidence en République populaire de Chine, en 1984 (16, 27, 34) d'une maladie hémorragique virale (ou pneumonie hémorragique virale) à évolution foudroyante a marqué un tournant dans l'étude de la pathologie du lapin (Oryctolagus cuniculus). C'est seulement en 1988 que le rapprochement a été fait entre cette maladie et une affection cliniquement identique apparue sur le continent européen : d ' a b o r d dans le sud de l'Italie en 1986 puis dans d'autres pays européens, ainsi q u ' e n Afrique (Egypte et Tunisie) et m ê m e en Amérique (Mexique). La nature hémorragique des lésions, l'atteinte hépatique massive, l'origine apparemment alimentaire des troubles, ont été interprétées d'emblée, comme autant d'éléments orientant vers une étiologie toxique. Cette hypothèse reprise et amplifiée par les média a été présentée comme le résultat d'une pollution de l'environnement, ce qui était u n défi à la logique puisque seuls les lapins semblaient sensibles aux toxiques (3, 5, 21). Dans certains pays, comme l'Italie, une campagne de presse, attribuant l'origine du problème aux retombées radioactives de Tchernobyl, a été à l'origine d'un véritable désastre économique pour les éleveurs. Enfin, les observations épidémiologiques et virologiques, jointes aux études anatomopathologiques, ont clairement démontré l'origine infectieuse et plus particulièrement virale de cette hépatite nécrotique primaire, secondairement responsable de troubles de la coagulation (14, 15, 19, 2 1 , 23, 33). A u mois de mai 1989, l'Office International des Epizooties donnait à cette affection l'appellation de «maladie hémorragique virale du lapin» et, en anglais, de viral haemorrhagic disease (VHD), avec inscription sur la Liste B du Code zoo-sanitaire international. Si les particules virales sont facilement mises en évidence au niveau des hépatocytes, leur adaptation en milieu cellulaire a longtemps été u n échec, aussi la culture réussie par des chercheurs chinois (notamment C.-Y. Ji) et rapportée dans le présent ouvrage par W.-Y. X u et H . - B . H u a n g fait-elle figure de première mondiale. A u p a r a v a n t , faute de pouvoir obtenir ce virus par culture, ses caractéristiques ont été étudiées sur des broyats de foie, avec des résultats souvent discordants, suivant les auteurs : virus 271 A D N de type parvovirus pour certains (6, 10, 34) ou virus A R N de type calicivirus p o u r d'autres (13, 23, 24). Cette ambiguïté persiste, à moins que (hypothèse développée ultérieurement) nous ne soyons en présence de deux virus différents s'exprimant cliniquement de façon peu ou pas différenciée. Depuis 1985 (et sans doute depuis plusieurs années), une autre espèce animale appartenant au même ordre des Léporidés, le lièvre (Lepus europaeus et Lepus timidus), subit également de lourdes pertes dans plusieurs pays d ' E u r o p e du N o r d et de l'Ouest (8, 11, 17, 18). Cette affection, connue en français sous le n o m de «syndrome du lièvre b r u n européen» et, en anglais, d'European brown hare syndrome (EBHS), présente les mêmes caractéristiques lésionnelles que la V H D et, tout c o m m e chez le lapin, différentes étiologies toxiques ont été d ' a b o r d envisagées : ingestion de mercaptodimethur (hélicide largement utilisé sur les cultures betteravières) ou consommation exagérée de colza de variété « O . O » . U n e origine bactérienne a également été suspectée par suite de l'isolement assez fréquent de Clostridium sordellii sur les cadavres (17). Après 1988, la mise en évidence relativement aisée au niveau hépatique de particules virales morphologiquement identiques à celles de la V H D chez le lapin, jointe à la similitude des lésions anatomopathologiques, ont incité certains chercheurs à proposer pour les deux syndromes une appellation unique : «hépatite nécrotique infectieuse des Léporidés» (19). P o u r la suite de l'exposé et compte tenu des recherches en cours, les appellations V H D et E B H S seront utilisées respectivement p o u r le lapin et p o u r le lièvre. EXTENSION GÉOGRAPHIQUE Signalée pour la première fois en 1984 en République populaire de Chine et en République de Corée, la V H D du lapin est observée sur quatre continents dans de très n o m b r e u x pays (Tableau I). D a n s le cas particulier de la France, les premiers cas d ' E B H S ont été observés en 1985 (17, 18) et les premiers cas de V H D en juillet 1988 (21) ; depuis cette date, la diffusion des deux maladies a été suivie grâce à u n réseau d'épidémio-surveillance reposant sur les informations recueillies auprès des laboratoires de diagnostics départementaux répartis sur l'ensemble du territoire français. Les diagnostics essentiellement nécropsiques font l'objet, pour partie, d ' u n contrôle virologique [test d'hémagglutination (HAT), immuno-électromicroscopie, immunofluorescence] réalisé par le Centre National d'Etudes Vétérinaires et Alimentaires (15). Ces renseignements permettent de connaître l'extension des affections, mais il est impossible d'en évaluer la prévalence en raison du faible pourcentage de cas faisant l'objet d'une demande de diagnostic. La Figure 1 m o n t r e la surperposition sur les mêmes secteurs géographiques de la V H D sur lapins domestiques et sauvages et de l ' E B H S chez le lièvre. 272 TABLEAU I Liste des pays ayant signalé la présence des hépatites d'origine virale chez les Léporidés Pays VHD Asie République populaire de Chine République de Corée 1984 1984 Europe Allemagne Autriche Belgique Danemark Espagne France Grande-Bretagne Grèce Hongrie Italie Malte Pologne Portugal Roumanie Suède Suisse Tchécoslovaquie URSS Yougoslavie 1989 1989 1989 1990 1988 1988 1990 1987 1986 1990 1989 1988 1989 EBHS 1987 1986 1985? 1982-1983 1985-1986 1991 1988 1985-1986 1989 1980-1984 1988 1987 1986-1987? 1989 Afrique et Océan Indien Egypte Liban Ile de la Réunion Tunisie 1988 1989 1989 1989 Amérique Mexique 1988 ORIGINE ET M O D E D E TRANSMISSION D E LA V H D ET D E L'EBHS Origine Si la V H D du lapin sous sa forme clinique a été observée pour la première fois en République populaire de Chine et en République de Corée en 1984, il n'est pas évident que le virus soit d'origine asiatique. Des contrôles réalisés en Tchécoslovaquie sur des sérums conservés depuis 1975 et m o n t r a n t la présence d'anticorps anti-VHDV sur u n pourcentage élevé d ' a n i m a u x (Rodák, article dans le présent ouvrage) attestent que l'infection devait nécessairement exister dès cette époque, soit sous une forme inapparente, soit sous une forme subaiguë qui aurait pu passer inaperçue. Cette présence très précoce du virus sur le continent 273 FIG. 1 Répartition de la V H D et de l'EBHS sur le territoire français en 1990 Nombre de foyers répertoriés en 1990: • lapins domestiques A lapins sauvages O lièvres Source: 570 216 406 VHD VHD EBHS Réseau de Surveillance V H D - E B H S , C N E V A , Ploufragan, France. 274 européen est à rapprocher de l'observation faite par certains auteurs chinois de l'apparition de la V H D dans leur pays faisant suite à l'introduction de reproducteurs A n g o r a en provenance d'Allemagne (34). Par ailleurs, la présence en Europe du N o r d d ' u n virus hépatotrope très pathogène pour les populations de lièvres (L. europaeus et L. timidus) est plus que probable dès 1980 (8, 11). Hypothèse d'une transmission inter-espèces La similitude des lésions macroscopiques et microscopiques jointe à de nombreuses caractéristiques communes : morphologie du virus, résistance de jeunes animaux, transmission par voie orale, etc., justifient l'hypothèse d'une transmission d'une espèce à l'autre. Différents auteurs en République populaire de Chine (16), en France (22) et en Italie (5) rapportent des essais réussis de transmission du lièvre au lapin ou m ê m e du lapin au lièvre. D'autres auteurs plus n o m b r e u x insistent sur l'échec total et constant des transmissions croisées et sur les différences existant, malgré une parenté certaine, entre ces deux calicivirus (13). Nos connaissances sur les caractéristiques des différentes souches virales sont encore trop fragmentaires pour expliquer ce p a r a d o x e . Si certains épidémiologistes soulignent que, malgré leur coexistance, une seule des deux espèces animales est atteinte dans certains pays, cela est loin d'être constant et nombreux sont les territoires où, à l'évidence, les deux espèces subissent simultanément de lourdes pertes (Italie, France, Allemagne, etc.). Enfin, signalons la mise en évidence par la technique E L I S A d'anticorps anti-VHDV chez des lièvres cliniquement sains en Tchécoslovaquie (L. Valicek, communication personnelle). Transmission directe intra-espèces Bien que peu d'études aient été réalisées chez les animaux sauvages, il semble que les modalités de circulation du virus au sein des populations sont identiques chez les lapins domestiques ou sauvages et chez le lièvre. Dans les deux cas, le développement du virus dans les hépatocytes et son transport par la bile au niveau de l'intestin expliquent le m o d e préférentiel de transmission par voie fécale-orale. D a n s les deux cas les jeunes animaux sont insensibles au virus. U n e récente expérimentation, réalisée en France sur des lots de dix lapereaux âgés de quatre à dix semaines et provenant de reproducteurs indemnes d'anticorps, m o n t r e que la sensibilité, nulle à quatre semaines, augmente ensuite rapidement avec l'âge (résultats personnels n o n publiés) (Fig. 2). Parallèlement, des dosages plasmatiques réalisés sur des lapereaux témoins révèlent une augmentation considérable au niveau des transaminases hépatiques après le sevrage ( 5 semaine). Le niveau des aspartates aminotransférases (ASAT) et des alanines aminotransférases (ALAT), multiplié par trois à six semaines, témoigne d'une activité hépatique très modifiée ; faut-il y voir le signe d ' u n e hypersensibilité des hépatocytes à partir de cet âge, ou l'acquisition d ' u n e fonction hépatique susceptible de révéler le pouvoir pathogène du virus? e 2 Evolution physiologique des transaminases hépatiques 6 lots de 10 sujets âgés de 3 à 10 semaines ** Mortalité après infection expérimentale par le VHDV 7 lots de 10 sujets âgés de 4 à 10 semaines * FIG. 275 276 Dans les deux cas : V H D et E B H S , la maladie semble évoluer de la même façon dans les populations sauvages : après un épisode clinique, se traduisant par l'apparition de n o m b r e u x foyers dans une zone donnée, on assiste à la reconstitution des populations à partir des survivants adultes et surtout des jeunes sujets naturellement résistants. Cette population immunisée croît rapidement, puis o n observe souvent, quinze ou dix-huit mois plus tard, une nouvelle vague de mortalité résultant d ' u n e immunité faiblissante aggravée par une démographie en expansion. Ainsi, chez les lapins de garenne et chez les lièvres, y a-t-il, vraisemblablement, juxtaposition de populations de statuts immunitaires très différents ; les fluctuations du niveau immunitaire peuvent expliquer l'apparition cyclique de l'EBHS chez le lièvre et la persistance de l'infection dans les populations, ainsi q u ' e n témoigne l'ancienneté de la maladie dans certains pays d ' E u r o p e du N o r d (8, 11). Transmission indirecte et rôle possible des carcasses congelées La très grande facilité de transmission de la maladie par toutes les voies utilisées expérimentalement explique la rapidité et la fréquence des contaminations naturelles auxquelles sont exposés les Léporidés domestiques ou sauvages : tout matériel ou aliment souillé par les sécrétions-déjections d'un sujet malade ou par le simple contact avec u n cadavre est potentiellement infectant. Ainsi s'explique le très lourd tribut payé à la V H D par les petits élevages fermiers pour lesquels verdure et fourrages représentent la base de l'alimentation. Bien qu'il n'existe aucune information précise à ce sujet, il n'est pas exclu que des insectes puissent servir de vecteurs actifs ou passifs dans la transmission de ces maladies. P o u r ce qui concerne le rôle éventuel des carcasses de lapins congelées, il faut rappeler la très grande résistance du virus dans le milieu extérieur. Le virus conserve son pouvoir infectieux dans les cadavres en état de putréfaction plus ou moins avancée et il est d'une stabilité remarquable aux cycles de congélation-décongélation. Bien que le virus n'ait jamais, à notre connaissance, été mis en évidence dans les carcasses congelées, il est légitime de suspecter ce m o d e de contamination et deux cas au moins sont particulièrement suspects : - A u Mexique l'apparition de la V H D en décembre 1988 présente des relations chronologiques et topographiques troublantes avec le stockage de carcasses congelées importées de République populaire de Chine (9, 33). Cependant, les épidémiologistes de la Direction Générale de la Santé Animale au Mexique en sont réduits aux hypothèses (eaux de lavage ou rongeurs) quant aux possibilités de contacts entre les carcasses correctement entreposées et les premiers élevages touchés, situés à moins de 200 mètres du lieu de stockage (9). - Dans l'île de la Réunion, 380 à 400 tonnes de viande congelée d'origine chinoise sont importées chaque année. E n 1989, la V H D fait son apparition dans des circonstances très particulières rapportées par les responsables de la Coopérative des Producteurs de Lapins (V. Demergers, communication personnelle). Ces derniers estiment que les foyers sont apparus à la suite de l'élimination en pleine nature, d ' u n stock de viandes congelées. Cette élimination avait été motivée par la mise hors service des chambres à congélation après le passage, en janvier 1989, d ' u n cyclone d ' u n e rare violence et p a r l'absence sur l'île d ' u n service d'équarrissage. Le contact entre 277 les carcasses éliminées et les n o m b r e u x élevages fermiers est supposé avoir été réalisé par les chiens, particulièrement a b o n d a n t s dans l'île de la Réunion. L a réalité de la V H D dans ces deux exemples est incontestable. Mais l'origine, bien que vraisemblable, ne peut en être formellement confirmée dans la mesure où la recherche du virus dans les carcasses d'origine chinoise ne semble avoir été réalisée, directement ou indirectement, ni au Mexique ni à la Réunion. COMPARAISON ENTRE LES HÉPATITES D'ORIGINE VIRALE DES LÉPORIDÉS ET LES HÉPATITES VIRALES H U M A I N E S Il faut tout d ' a b o r d rappeler q u ' a u c u n e transmission à l ' h o m m e de la V H D ou de l ' E B H S n ' a jamais été relatée, m ê m e dans les populations exposées au contact avec les animaux, telles que : éleveurs, chasseurs, employés d'abattoirs ou chercheurs. Mais, indépendamment de leur étiologie virale, les hépatites nécrotiques infectieuses de Léporidés présentent avec les hépatites humaines un certain n o m b r e de convergences. Classification des hépatites virales humaines D a n s ce domaine en évolution très rapide, la classification des hépatites virales et de leurs agents étiologiques s'établit comme suit (7, 12, 25) : — hépatite hépatite - hépatite sa replication A : virus B : virus Delta : la l'antigène A R N de type Picornavirus ; A D N de type hépadnavirus ; particule delta est u n virus défectif à A R N nécessitant pour de surface du virus de l'hépatite B (HBsAg) (30). P a r exclusion de ces hépatites relativement bien connues, on distingue l'ensemble des hépatites non-A non-B et plus particulièrement (26, 28, 29) : — — hépatite C: attribuée à u n flavivirus (virus A R N ) ; hépatite E: attribuée à u n calicivirus (virus A R N ) . A u c u n de ces deux derniers virus n ' a été, j u s q u ' à présent, cultivé et seule l'hépatite B bénéficie d ' u n e protection vaccinale (le vaccin contre l'hépatite A étant actuellement en cours de développement). Aspects virologiques La diversité des virus (ARN-ADN) impliqués dans les hépatites virales humaines, dont certaines ont une expression clinique peu différenciée, n'est pas sans évoquer l'ambiguïté qui règne sur l'identité du ou des virus des hépatites des Léporidés, à savoir virus A D N de type parvovirus ou virus A R N de type calicivirus. Considérant que des travaux d'égale valeur aboutissent à des conclusions diamétralement opposées, il n'est pas invraisemblable qu'il existe n o n pas un mais deux ou plusieurs virus s'exprimant cliniquement par des hépatites nécrotiques peu ou pas différenciées. 278 Virus ADN Bien que les particules virales mises en évidence dans la V H D ou l ' E B H S ne puissent prêter à confusion avec le virus de l'hépatite B (hépadnavirus dont le polymorphisme est caractéristique : petites particules de 22 n m , grosses particules de Dane de 42 n m , et filaments de 100 n m ) , il est intéressant de rappeler que dans le groupe des hépadnavirus se retrouvent des virus p r o v o q u a n t des hépatites n o n seulement chez le caneton ( D H V : Duck Hepatitis Virus), mais également chez des espèces phylogénétiquement proches des Léporidés : la m a r m o t t e américaine (WBV : Wood Chuck Hepadnavirus) et l'écureuil (GSHV et T S H V : Ground and Tree Squirrel Hepadnavirus) ( 1 , 4, 20). Chez l ' h o m m e , de très nombreux jeunes sont infectés de façon inapparente par le virus de l'hépatite B et indépendamment du risque accru de cancer primitif du foie, l'activation ultérieure de ce virus B par une particule delta (virus défectif à A R N ) peut se traduire par une hépatite clinique aiguë ou suraiguë. Cependant, les premières recherches d'anticorps anti-B et anti-Delta entreprises en France sur des sérums de lapins convalescents de V H D ont donné des résultats négatifs (M. Menault et J. Pillot, communications personnelles). Virus ARN P a r m i les virus A R N responsables d ' u n e hépatite chez l ' h o m m e , le virus de l'hépatite A présente avec l'agent des hépatites des Léporidés quelques caractéristiques communes : - famille virale identique ou proche : certains auteurs chinois identifiant le VHDV comme u n Picornavirus (16) ; - résistance exceptionnelle dans le milieu extérieur et à la chaleur (30 min à 60°C ou 10 min à 80°C). Ces caractéristiques font considérer le virus de l'hépatite A comme l'un des plus résistants (31). A la différence du V H D V , le virus de l'hépatite A ne provoque q u ' u n e hépatite relativement bénigne. P a r m i les virus A R N responsables d'hépatites graves chez l ' h o m m e , le virus de l'hépatite E identifié récemment comme u n calicivirus (tout comme le V H D V ou l'EBHSV) est capable dans certaines populations à risques, de provoquer des hépatites suraiguës souvent mortelles. Cependant à la différence du V H D V , la conservation du virus E nécessite les plus grandes précautions ( - 80 °C) et sa fragilité au laboratoire pose une énigme aux épidémiologistes car elle devrait, logiquement, empêcher ou interdire sa diffusion au sein des populations humaines. Aspects cliniques et histologiques Le syndrome hémorragique observé chez les animaux, qui traduit u n défaut de synthèse de certains facteurs de coagulation d'origine hépatique, est caractéristique de certaines formes d'hépatites humaines appelées «hépatites fulminantes» (hépatites B et E). Ces hépatites, sous leur forme suraiguë, peuvent provoquer une mortalité élevée, notamment chez la femme enceinte dans certains pays du Sud-Est asiatique dans le cas de l'hépatite E (12, 25, 26, 28, 29). Il faut signaler également chez l'animal, comme chez l'humain atteint d ' u n e 279 hépatite E , la fréquence des phénomènes de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) attribués à l'intervention secondaire des endotoxines bactériennes après l'atteinte virale des hépatocytes (19, 28). Différents auteurs insistent sur la similitude des lésions observées au niveau des hépatocytes chez les Léporidés et chez l ' h o m m e atteint d ' u n e hépatite n o n - A non-B (19, 28). D a n s les deux cas, il s'agit d ' u n e nécrose avec accumulation de pigments biliaires et d'hémosidérine dans les hépatocytes et dans les cellules de Kupffer. Les hépatocytes sont hypertrophiés («ballonnés») et leur noyau présente de fines granulations ainsi q u ' u n e marginalisation de la chromatine. Aspects épidémiologiques P o u r les hépatites virales B, Delta et C, la voie parentérale, principalement posttransfusionnelle, est le m o d e de transmission privilégié tandis que p o u r les hépatites A et E, la voie digestive est prédominante (7, 12). P o u r ces deux hépatites, comme p o u r la V H D et l ' E B H S , la contamination se fait par l'ingestion d'eau ou d'aliments souillés ; le virus se développe au niveau des hépatocytes, il est véhiculé par la bile au niveau de l'intestin et excrété en grande quantité dans les fèces. Dans le cas des hépatites virales humaines transmises par voie fécale-orale, le m o d e de vie et surtout le niveau d'hygiène conditionnent la fréquence de l'infection. Dans la plupart des pays en voie de développement les individus contractent l'hépatite A au cours des dix premières années de leur vie alors que dans de n o m b r e u x pays européens, 80 à 90 % des personnes âgées de 40 à 50 ans sont immunisées (32). Rappelons que dans les hépatites d'origine virale chez les Léporidés et tout au moins chez les lapins domestiques, le m o d e d'alimentation a également une influence décisive sur la fréquence de la maladie : les fourrages et la verdure utilisés exclusivement par les petits élevages familiaux constituent chez ces derniers le principal véhicule de l'infection (21 ; J . P . Filleul, communication personnelle). M ê m e si les connaissances sont encore fragmentaires dans le cas des hépatites humaines n o n - A n o n - B , la longue durée de l'excrétion virale et la fréquence des porteurs asymptomatiques sont des faits établis au moins pour le virus B. Vraisemblable chez les animaux, ce portage asymptomatique expliquerait la persistance de l'infection chez le lapin dans certains pays de l'Europe centrale depuis 1975 et chez le lièvre en Suède depuis 1980. J u s q u ' à présent, l'agent de l'hépatite E n ' a pu être cultivé et la multiplication du virus est obtenue par inoculation de matériel virulent à différentes espèces de primates (Rhesus ou Cynomolgus). Très récemment, une tentative réussie de reproduction expérimentale sur porcelets avec hépatite clinique, augmentation des A L A T et observation de particules virales dans les fèces des sujets inoculés, pose le problème éminemment important du rôle éventuel que pourrait jouer l'animal et plus particulièrement le porc dans la dissémination du virus (2). 280 CONCLUSIONS Il existe entre les hépatites d'origine virale chez les Léporidés et certaines hépatites virales humaines des convergences certaines sur les plans a n a t o m o p a t h o l o g i q u e , clinique et épidémiologique. Ces ressemblances nous autorisent à émettre pour les hépatites des Léporidés u n certain nombre d'hypothèses concernant n o t a m m e n t la possibilité : - d'une pluralité des virus responsables ; d ' u n portage chronique e t / o u asymptomatique ; d'une activation du portage asymptomatique p a r u n virus défectif ; d ' u n rôle des endotoxines dans la pathogénie, etc. En attendant de pouvoir valider ou rejeter ces hypothèses, de n o m b r e u x travaux sont encore nécessaires. Si le problème de la survie des élevages cunicoles est d'ores et déjà résolu par une première génération de vaccins à virus inactivés, celui du contrôle de la maladie dans les populations sauvages reste entier ; à cet enjeu écologique et économique s'ajoute l'intérêt présenté par de nouvelles maladies animales très proches de certaines affections humaines. Même si les Léporidés ne constituent pas u n modèle expérimental parfait, ils reproduisent des hépatites présentant suffisamment de points communs avec certaines hépatites virales humaines pour justifier le développement d'une concertation avec les milieux médicaux spécialisés. * * * BIBLIOGRAPHIE 1. ANDREWES C. (1989). - Hepadnaviridae viruses of vertebrates. In Viruses of vertebrates. 5 éd., Baillère Tindall & Cassell, Londres, 283-291. e 2. BALAYAN M.S., USMANOV R . K . , ZAMYATINA N . A . , DJUMELIEVA D.I. & KARAS F.R. (1990). - Experimental hepatitis E infection in domestic pigs. J. med. Virol., 3 2 , 52-59. 3. CANCELLOTTI F.M., VILLERI C., RENZI M. & MONFREDINI R. (1988). - Le insidie della malattia X del coniglio. Riv. Coniglicoltura, 2 5 (9), 41-46. 4. CHOMEL B., PICHOUD C., JACQUET C , COVA L., HANTZ O . , TREPO C. & JOUBERT L. (1989). - Infection expérimentale des jeunes marmottes alpines par le virus de l'hépatite de la marmotte nord-américaine. 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