systèmes d`information géographique

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systèmes d`information géographique
SYSTÈMES
D’INFORMATION
GÉOGRAPHIQUE
IMAGERIE SATELLITE : QUELLES SOURCES D’INFORMATION ?
APPLICATION AU ZONAGE PARCELLAIRE
Vincent LELANDAIS - GEOSYS
Depuis une trentaine d’années, le nombre de satellites d’observation de la terre n’a jamais été aussi important.
GEOSYS, société pionnière de l’utilisation de l’imagerie satellite et des systèmes d’information géographique pour
l’agriculture, aide les professionnels du secteur agricole à valoriser ces informations qui sont en mesure d’apporter une
vision globale nouvelle d’une zone de production. En dehors de l’information spatiale, l’image permet de déceler des
phénomènes invisibles à l’œil nu comme l’activité chlorophyllienne par exemple.
L’imagerie offre une vision neutre et actualisée à différentes échelles du territoire viticole. On peut ainsi s’intéresser à
toutes les problématiques de la gestion intra parcellaire au suivi climatique à l’échelle d’un grand territoire en fonction
du type de données satellitaires analysées et de la résolution des images.
Au niveau parcellaire, l’image est un excellent support pour la numérisation des contours parcellaires, garantissant à
la fois la simplicité d’utilisation et la précision des mesures surfaciques. Le niveau de précision des satellites en activité
permet de distinguer clairement les rangs de vigne. Ce type de donnée est utilisable pour des applications de
caractérisation de variabilité intra parcellaire. Il est notamment possible d’obtenir des indices de végétation mettant en
évidence l’hétérogénéité de l’activité photosynthétique d’un rang de vigne ou d’une parcelle. La mise en œuvre de ces
outils de zonage doit conduire à la définition de zone de gestion à l’intérieur de la parcelle sur lesquelles il devient
possible d’adapter localement la conduite de la culture afin d’améliorer la qualité globale de la production de la
parcelle.
Ces méthodes peuvent également être utilisées avant la vendange, afin de déterminer à partir de l’activité végétative,
les zones présentant une maturité homogène des baies afin de réaliser une vendange et une vinification différentielle
par niveau de maturité.
A l’échelle de l’exploitation, l’image est tout d’abord un outil pertinent et efficace de localisation des éléments du
paysage comme les parcelles mais aussi tout autre élément remarquable de leur environnement comme les routes, les
bois, les cours d’eau, le siège d’exploitation…. Ce type d’application apporte une meilleure connaissance du
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parcellaire et facilite la gestion des contraintes agro environnementales pour optimiser les performances de l’appareil
de production. Une analyse plus poussée de l’image peut permettre également de caractériser la variabilité inter
parcellaire et de faire des choix de conduite globale mieux raisonnés.
Les images acquises plusieurs fois dans l’année constituent une aide à la surveillance des cultures en apportant une
information actualisée de la zone de production.
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Au niveau du bassin de production, l’image permet de discriminer automatiquement les cultures, les zones urbaines
ou les forêts afin de mieux gérer l’occupation du sol pour favoriser un développement harmonieux des structures de
production en adéquation avec les contraintes réglementaires.
Au niveau national, des satellites équipés de capteur thermique, servent à constituer des systèmes d’alerte pour
prévenir les conséquences d’incidents climatiques comme le gel. A noter que cette technologie est quatre cent fois plus
précise qu’un maillage de station météo en terme de densité de mesure.
Contact :
Vincent LELANDAIS
Product Manager
GEOSYS - 20, impasse René Couzinet - Parc de la grande Plaine - BP 65815 31505 TOULOUSE Cedex 5
Tél. +33 (0)5 62 47 80 80 - Fax. +33 (0)5 62 47 80 70
[email protected] - http://www.geosys.com
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SYSTÈME D’INFORMATION GÉOGRAPHIQUE :
APPLICATION A LA REPRÉSENTATION RÉGIONALE D’UN RISQUE
ÉPIDÉMIQUE SUR LE VIGNOBLE
Christian DEBORD, ITV FRANCE
Résumé
Depuis plus d’un siècle, les maladies cryptogamiques imposent au viticulteur de protéger son vignoble contre le
mildiou, l’oïdium et le black-rot.
Les modèles de comportement des principales maladies permettent une évaluation des risques d’épidémie pour mieux
positionner les interventions dans une optique de développement durable.
L’ITV France Aquitaine, utilise depuis 1992 un logiciel de modélisation qui évalue les risques d’épidémie pour mieux
positionner les interventions.
La mise en place d’un SIG répond à l’exigence de capitaliser les données de dix années de modélisation pour établir
un outil d’aide à la décision dans un environnement distribué. Ainsi, une cartographie de la prévision des risques
d’épidémies sur le vignoble est à la disposition des viticulteurs sur le site de l’interprofession bordelaise (CIVB) depuis
2003. L’expérience cartographique est maintenant étendue aux vignobles Charentais et Midi-pyrénéens via une
interface web.
Mots clefs
modélisation, aide à la décision, maladies de la vigne, protection du vignoble, épidémiologie, géostatistique
Contexte du projet Modélisation des maladies de la vigne
A l’heure actuelle, un certain nombre d’éléments de la biologie des principales maladies cryptogamiques de la vigne
sont connus. L’enjeu de la recherche consiste à prévoir le développement épidémiologique des champignons pour
optimiser les interventions phytosanitaires. Le vigneron attend des acteurs de la protection du vignoble une information
à la fois claire et pertinente sur l’évolution observée des différentes maladies sur l’ensemble du vignoble ainsi que sur
l’évaluation du risque épidémiologique pour les jours à venir afin d’établir une stratégie de traitement.
En partenariat avec le CIVB (Conseil Interprofessionnel des Vins de Bordeaux), ITV France adapte ainsi, depuis 1992
sur le Bordelais, des outils d’aide à la décision de traitements élaborés par la société SESMA (Société d’Etude des
Systèmes et de Modélisation Avancée), pour analyser le développement des maladies en cours de campagne, et
contrôler en permanence au vignoble la pertinence de ces prévisions.
Figure 1 : le système climat-plante-parasite
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La modélisation consiste à étudier les interactions du système climat-plante-parasite :
le climat joue un rôle de stimulus pour le développement du parasite qui s’attaque à une plante plus ou moins réceptive
en fonction de son stade de croissance phénologique.
Ces informations synthétisées, sont transmises chaque semaine au CIVB qui les met en ligne en accès gratuit, sur son
site professionnel. Des prévisions météo, établies quotidiennement par grand secteur du vignoble pour les cinq jours
à venir, sont ainsi mises à disposition des viticulteurs.
Figure 2 : le bulletin d’avertissement sur le site du CIVB
Figure 3 : Choix d’une carte du bulletin d’avertissement
Figure 4 : interrogation de la prévision sur Saint-Emilion pour le black-rot en fonction de 3 scénarios climatiques
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Chaque lundi pendant la campagne viticole, une équipe technique intègre ces prévisions aux données enregistrées
par les stations météo du réseau DEMETER (DEveloppement METéorologique en Espace Rural). Des calculs
prévisionnels du risque de développement des maladies sont alors établis pour les 7 jours à venir.
Chaque modèle fait ainsi l’objet d’une exploitation en continu : en fonction de sa fiabilité, la simulation qu’il délivre
s’insère dans ce système d’information global (météorologie, situations parcellaires, dégâts réels, itinéraires
techniques) dont l’analyse est déclinée par le technicien pour le viticulteur.
L’ITV France Aquitaine en créant son SIG dispose d’un outil capable à terme, de générer quotidiennement à la fois
des cartes du risque de développement des maladies cryptogamiques sur le vignoble aquitain et des cartes
d’observation du développement de ces mêmes maladies afin d’estimer le crédit que l’on peut accorder aux modèles.
Ces éléments de validation sont accessibles aux partenaires désireux d’accéder à ces comparatifs.
Méthodologie
Le SIG est d’abord un Système d’Information organisé en réseau qui s’appuie sur des logiciels aux fonctions
spécifiques.
Le réseau modélisation : constitué par l’ITV de Bordeaux depuis 1992 en Gironde puis en Aquitaine. Il s’appuie sur :
- les modèles de prévision des risques conçus par la société SESMA.
- 50 parcelles témoin réparties sur le vignoble suivies hebdomadairement par des agents ITV ou partenaires.
- 38 stations météorologiques dont les relevés horaires alimentent les modèles par une ligne téléphonique.
Une base de données : développée sous Oracle, elle s’adapte aux protocoles d’observation mis en œuvre, intègre
l’observation du développement des maladies ainsi que toutes les données climatiques ou issues des calculs des
modèles.
Un moteur cartographique : interface entre la base de données et les modèles, le logiciel ArcView sert de moteur à
une production de masse de cartes par programmation. Celles ci sont calculées par interpolations de variables
d’indices issues des réseaux de stations ou de parcelles stockées en base de données.
Un module géostatistique : chaque maladie et chaque paramètre ayant un comportement propre, il est apparu
indispensable d’initier une étude géostatistique en relation avec la société Géovariances pour justifier les résultats
obtenus par interpolation. Une méthodologie a été dégagée pour une production intégrée dans la chaîne de traitement
ArcView avec le logiciel Isatis. Nous utilisons comme méthode d’interpolation, un krigeage simple avec des
variogrammes calculés sur les données historiques. La saison est divisée en 4 phases en fonction du stade de
développement de la vigne. A chaque phase et à chaque variable du modèle correspond une méthode d’interpolation
spécifique.
Des Interfaces clientes : les agents d’ITV France disposent d’une série d’outils développés sur le réseau informatique
local pour piloter les différents modules :
- une interface de saisie des données terrain dans la base de données
- une interface de gestion d’une vidéothèque montrant le développement dans le temps d’une épidémie
- une interface de visualisation de la base de données
- un tableau de bord intégrant les utilitaires batch d’alimentation de la base et de production cartographique.
- un site intranet qui permet de choisir et de visualiser ses cartes.
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Figure 5 : Choix d’une carte dans le visualiseur de cartes intranet
Des Interfaces de saisie nomade : Des GPS différentiels équipés d’outils de saisie vont permettre aux agents de
collecte d’entrer directement l’information lors des visites des parcelles témoins. Une spatialisation intra-parcellaire du
phénomène deviendrait possible. Ces outils seront opérationnels pour la campagne 2006.
Développements vers un système régional
L’animation d’un réseau de plus en plus vaste nécessite de s’orienter vers des outils internet.
Une information distribuée : ITV France Aquitaine met à disposition son infrastructure pour d’autres centres partenaires
de Charentes via un site Intranet. Basé sur les technologie ArcIMS et Php (pages internet dynamiques), il s’intègre dans
la gamme logicielle et permet de mutualiser des informations de vignobles voisins. Des actions similaires sont en cours
pour les unités de Midi-Pyrénées et Val de Loire.
Deviennent alors possibles :
• intégration des calculs des différents modèles dans une base de données commune
• saisie des observations terrains pour n’importe quel observateur ayant accès à internet
• restitution des informations sous forme de cartes pour n’importe quel partenaire ayant accès à internet.
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Figure 6 : site IMS dédié aux utilisateurs partenaires
Conclusion
La mise en SIG d’un système d’information complexe apporte une homogénéisation de la gestion des données et de
nouvelles perspectives dans les missions de l’ITV :
- recherche : la cartographie devient un nouvel outil de compréhension de l’épidémie
- suivi de l’épidémie : la spatialisation permet une description du phénomène en cours
- communication : synthèse d’information technique diffusée sur Internet.
Cette première application SIG au sein de l’ITV laisse entrevoir de nombreuses possibilités d’utilisation de ces outils
dans les problématiques de viticulture et plus particulièrement de viticulture de précision.
Remerciements
Le travail a pu être réalisé grâce à l’aide du CIVB (Conseil Interprofessionnel des Vins de Bordeaux) et de l’ONIVINS
(Office National Interprofessionnel des VINS).
Merci à tout le personnel ITV France (Bordeaux, Segonzac, Gaillac, Angers), aux partenaires (CA33, CA24, CA 64,
CA16, CA17, viticulteurs), et nombreux stagiaires...
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VITICULTURE DE PRÉCISION : LES SYSTÈMES DE MESURE EMBARQUÉS
Tisseyre Bruno,
Maître de conférence, Agro Montpellier.
UMR ITAP, Agro-Montpellier/Cemagref, MONTPELLIER
Introduction
L’introduction de systèmes de mesure embarqués dans les machines d’intervention au vignoble ne présente pas une
innovation récente. La plupart des machines actuellement commercialisées (tracteurs, pulvérisateurs, machine à
vendanger, etc.) sont munis de systèmes de mesure embarqués permettant de contrôler et de régler le bon
fonctionnement de la machine. Jusqu’à présent, ces systèmes de mesure se limitaient exclusivement au contrôle de la
machine et mettaient en œuvre des dispositifs de mesure simples (capteurs de niveau, de distance, de température, de
vitesse de rotation, de pression, de présence/absence, etc.). Ces systèmes de mesure que nous appellerons
«classiques» ne modifient en rien la fonction initiale de la machine qui est d’exécuter une opération en respectant de
la meilleure manière possible les consignes imposées par l’opérateur (le conducteur).
Ces dernières années ont vu apparaître de nouveaux systèmes de mesure et d’enregistrement embarqués qui ne sont
plus uniquement dédiés au contrôle du fonctionnement interne de la machine. Ces nouveaux systèmes permettent par
exemple :
• de mesurer des informations externes à la machine telles que des mesures sur le végétal qu’elle est en train
de traiter afin d’adapter au mieux l’action de la machine en modifiant les consignes données par l’opérateur.
Avec ces nouveaux systèmes, les machines ne sont plus aveugles et peuvent s’adapter à la variabilité des
conditions rencontrées,
• d’enregistrer et de localiser les opérations effectuées afin de rendre compte du bon déroulement des
opérations et/ou d’en garantir le bon déroulement, on parlera de fonction de traçabilité de la machine,
• de mesurer, d’enregistrer et de cartographier des paramètres externes à la machine comme par exemple le
rendement récolté ou d’autres paramètres, on parlera de cartographie de paramètres. Cette nouvelle
fonctionnalité est souvent associée exclusivement à la viticulture de précision.
L’objectif de cette présentation est de faire un rapide état de l’art sur ces trois nouvelles fonctionnalités permises grâce
à une nouvelle génération de systèmes de mesures et d’enregistrement embarqués. Une première partie sera dédiée
aux systèmes destinés à «percevoir» la variabilité du végétal pour rendre l’action de la machine plus précise. Une
deuxième partie sera dédiée aux systèmes consacrés exclusivement à la traçabilité. Enfin nous aborderons les systèmes
dédiés à la cartographie. Nous essaierons, pour chacune des parties, de présenter l’état de l’art au niveau mondial
tant au niveau des systèmes déjà commercialisés que des prototypes en cours de développement.
1 - Les systèmes embarqués pour une action précise des machines
Ces systèmes embarqués constituent une vraie révolution de la machine viticole. En effet, ces systèmes permettent à la
machine de «voir» le milieu sur lequel elle agit et d’adapter de manière «intelligente» son fonctionnement à la
variabilité rencontrée. Deux grandes évolutions récentes sont marquantes dans ce domaine :
• le système optique permettant de détecter la présence et l’absence de feuilles (vertes), il s’agit du système de
détection commercialisé par la société Avidor. Ce système de mesure est constitué d’un capteur optique
permettant de détecter l’absence ou la présence de végétation (après une étape d’étalonnage prenant en
compte la spécificité du site considéré - couleur du sol, condition de traitement, etc.). L’information commande
une électrovanne montée sur la buse du pulvérisateur permettant de n’effectuer la pulvérisation que lorsque la
végétation est présente au niveau de la buse. Un tel système trouve une application évidente pour les opérations
de désherbage, d’épamprage et de traitement sanitaire à des stades précoces (lorsque le couvert végétal est
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discontinu). Il permet d’effectuer le traitement sélectivement sur les cibles à traiter (avec les doses résultant du
réglage du pulvérisateur) et donc de limiter les pertes de produit dans le sol et l’atmosphère. Les résultats obtenus
par la chambre d’agriculture de l’Aude (1) et de l’Yonne (2) font état d’une économie de produit pouvant aller
jusqu’à 70 %.
• le système visio (3) développé et commercialisé par la société Pellenc S.A. pour la détection des poteaux (visio
1) et des parties pérennes de la vigne (visio 2). Le système de mesure est ici constitué d’une «barrière de
capteurs optiques» montée sur une pré-tailleuse mécanique. Le système permet la détection des objets se situant
devant la machine mais surtout, il permet une reconnaissance du type d’objets rencontrés (poteaux, sarments,
tronc, cordon). Cette reconnaissance est permise grâce à un montage astucieux des cellules optiques ainsi que
par un traitement de l’information renvoyée par la barrière optique. L’information est utilisée pour détecter la
présence de poteaux et commander l’ouverture du système de prétaille (visio 1), elle est aussi utilisée pour
asservir la position de la machine aux irrégularités de hauteur du cordon tout au long du rang (visio 2). Ce
système permet d’assurer une hauteur de pré-taille constante.
Ces deux exemples relativement récents constituent deux exemples significatifs de systèmes embarqués destinés à
détecter la variabilité rencontrée et à adapter le fonctionnement de la machine à cette variabilité.
Si l’on effectue une analogie avec les tendances observées en grande culture (N sensor), ce type de système de mesure
devrait encore se développer en proposant des solutions permettant d’adapter au mieux le fonctionnement de la
machine à la variabilité rencontrée. Dans ce domaine, les opérations d’épandage et de traitement phytosanitaire
devraient être les premières à en bénéficier.
2 - Les systèmes embarqués pour une traçabilité localisée,
Le capteur
La localisation systématique des informations, des machines, des opérateurs ne présente plus un problème en
agriculture et en viticulture. En effet, la localisation par GPS différentiel permet de localiser n’importe quelle
intervention ou observation au mètre près.
A l’heure actuelle, une limite importante de ce dispositif pour les professionnels reste le coût de l’abonnement à la
correction différentielle. L’utilisation des signaux GPS est gratuit mais l’abonnement à une société qui fournit des
corrections est indispensable si l’on souhaite une exactitude de positionnement de l’ordre du mètre (compatible avec
une localisation au pied de vigne). L’abonnement est à renouveler chaque année, il est d’un coût important
(1 500 euros/an) ce qui constitue une contrainte forte pour l’adoption d’un tel système par les professionnels.
Le système de correction gratuit EGNOS qui commence à être mis en place au niveau européen depuis 2005, devrait
permettre de Pallier ce problème en ne limitant les frais de localisation qu’à l’investissement du récepteur. Bien que
d’une exactitude moindre (2 à 3 m. près) ce système pourrait constituer une solution adaptée pour la majorité des
applications agricoles et viticoles.
L’information apportée
Outre les aspects relatifs à la localisation des informations seules que nous aborderons dans la section suivante,
l’enregistrement des déplacements des machines devrait constituer un outil de traçabilité et de gestion de chantier. En
effet, il permet :
• le calcul des temps de travaux effectifs, temps de manœuvre, temps de déplacement,
• d’identifier et de localiser des arrêts systématiques de chantier,
• de contrôler la qualité des opérations effectuées (rangs oubliés, double passage, etc.), et de garantir que
certaines opérations sont conformes par rapport à un éventuel contrat liant le producteur avec l’aval,
• etc.
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Ces fonctions de «traçabilité» localisée des opérations est d’ores et déjà proposée commercialement par la société
Farmscan (4) pour la traçabilité des opérations de pulvérisation de produits phytosanitaires. Le système commercialisé
propose la localisation par GPS différentiel du pulvérisateur associé à l’enregistrement des paramètres de
fonctionnement de ce dernier (niveau de remplissage de la cuve, débit du pulvérisateur, etc.). Ce dispositif permet
donc de cartographier l’opération de pulvérisation au mètre près et de savoir si l’opération a été conforme aux doses
préconisées. Il permet également de localiser les sites où une pulvérisation non conforme par rapport aux objectifs
visés (rangs oubliés, rangs traités deux fois, problèmes de buses, etc.).
Un système similaire à l’état de prototype a été conçu par le Cemagref de Montpellier (De Rudnicki et al., 2005). Ce
système propose, en plus des paramètres de fonctionnement du pulvérisateur, d’enregistrer (et de localiser) les données
climatiques (humidité relative de l’air, vitesse du vent) à l’aide d’une petite station météorologique embarquée sur le
pulvérisateur.
3 - Les sytèmes embarqués pour la cartographie des paramètres
Le rendement
A l’heure actuelle, deux dispositifs (spécifiquement dédiés à la viticulture) co-existent pour mesurer le rendement en
ligne sur machine à vendanger. Tout deux sont basés sur une mesure massique de la vendange totale qui transite à
l’intérieur de la machine. Le premier principe présenté n’équipe que les machines à évacuation latérale (type chantier
australien), il est commercialisé depuis deux ans. Le deuxième principe est le seul capable d’équiper les machines
munies de trémies, il s’agit d’un prototype.
Le capteur massique pour machine à évacuation latérale (Farmscan)
Ce capteur est adapté aux chantiers de récolte de type «australien» où la machine à vendanger n’est pas équipée
d’organes de stockage de la vendange. La vendange est évacuée par un convoyeur vers une benne suiveuse et son
tracteur (Bramley, 2001). Le capteur proprement dit est constitué de 3 ou 4 (suivant les options) jauges de contraintes
situées sous la courroie du convoyeur. Il mesure la masse de récolte qui est évacuée par le convoyeur en «pesant» la
courroie de convoyage plus la récolte qu’il transporte. L’avantage de ce système est qu’il s’adapte à tout type de
machine (à la condition d’avoir un convoyeur externe). Son inconvénient majeur réside dans l’étalonnage systématique
par mesure de la courroie de convoyage à vide avant chaque parcelle. Ce capteur est déjà commercialisé par la
société Farmscan. En janvier 2005, 39 capteurs de rendement ont déjà été vendus essentiellement en Australie.
Le capteur massique pour machine avec trémie (Pellenc S.A.)
Le principe breveté développé par la société Pellenc S.A. pour mesurer le rendement consiste à effectuer une pesée
dynamique de la totalité de la récolte avant son arrivée dans les trémies. Le système utilise deux ensembles peseurs
(un pour chaque élévateur de la machine) constitués de balance à jauge de contrainte. Avant d’arriver dans la benne,
la vendange est immobilisée par un dispositif mécanique sur lequel s’effectue la pesée. Ce capteur présente l’avantage
d’être étalonné à vie en usine et de fournir une exactitude de la mesure de 2 % (Bourely, 1999). Il s’agit d’un prototype
qui n’est pas encore commercialisé.
La carte de rendement
Ces systèmes de mesure fournissent une information avec un pas d’acquisition de l’ordre de la seconde (plus de 2000
mesures/ha. pour des vitesses d’avancement de 3 km/h et une densité de plantation de 4 000 pieds/ha). La figure
1 montre une carte de rendement réalisée en 2001 avec un prototype de machine à vendanger (Pellenc S.A.) munie
d’un capteur de rendement massique et localisée par DGPS. Cette carte met en évidence la haute résolution intraparcellaire apportée par ce type de dispositif.
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Figure 1 : exemple de carte de rendement (1 ha., cépage Grenache) élaborée à partir d’un capteur de rendement
sur une machine à vendanger localisée par DGPS. (Source : Pellenc S.A./agro-montpellier, projet vi-tis)
Les capteurs de qualité embarqués sur machine à vendanger
A notre connaissance, seule la société Pellenc S.A. s’est intéressée à ce problème et a embarqué sur un prototype des
capteurs permettant de mesurer la qualité de la vendange. Le taux de sucre est évalué par réfractométrie, et l’acidité
est évaluée par le pH. Ces mesures sont réalisées sur le jus de raisin présent dans la vendange. Aucun dispositif n’est
commercialisé à ce jour.
Dans le domaine de la mesure de la qualité de la vendange, des progrès spectaculaires seront certainement à venir
avec le développement de techniques telle que la spectrométrie. Il s’agit d’une technique déjà utilisée en laboratoire
(environnement contrôlé) avec des enjeux techniques forts pour arriver à embarquer ce type de dispositif.
La mesure de paramètres morphologiques et d’expression végétative
Dans ce domaine, il est encore difficile de savoir quelle source d’information (télédétection ou capteurs embarqués)
sera la plus appropriée pour permettre une connaissance fine des caractéristiques de la végétation et de ses
variabilités.
Dans certaines régions du nouveau monde (Australie particulièrement), l’imagerie aérienne est d’ores et déjà utilisée
pour détecter les hétérogénéités parcellaires et orienter les contrôles de maturité, les inspections sanitaires, etc. Des
sociétés prestataires de service proposent déjà ce type d’information aux «wineries» et aux viticulteurs en Australie,
au Chili et en Californie. Les premières utilisations encadrées par des services techniques ou des instituts de recherche
(Profitt et al., 2004, Johnson et al., 2003, Lamb et al., 2001) font état de résultats intéressants pour des stades
particuliers (véraison) avec des modes de conduites simplifiés (rang partiellement recouverts par la canopée) et/ou un
enherbement maîtrisé. Les informations apportées ont même conduit certains domaines à mettre en pratique une
vendange sélective des parcelles en fonction des zones de qualité mises en évidence.
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Une autre voie consiste à utiliser un capteur embarqué (caméra ou autre système de mesure) sur une machine
d’intervention usuelle (opération en vert ou pré-tailleuse) localisée par DGPS afin d’effectuer des mesures en continu
sur la canopée ou sur les bois de taille : on parle dans ce cas de proxi-détection par opposition à la télédétection.
L’acquisition d’images et leur traitement permet d’effectuer des mesures non-destructives sur le végétal. L’utilisation de
ce type de système de mesure sur le couvert végétal (Tisseyre et al., 1999) permet d’extraire et de mesurer toutes sortes
de variables visuelles susceptibles d’être corrélées à l’expression végétative (surface de feuille, porosité de la canopée,
poids de taille en hiver, etc.) et à la surface foliaire exposée potentielle (Souchon et al., 2001). Un tel système (caméra
embarquée) sur machine (Praat et al., 2004) est déjà commercialisé en Nouvelle Zélande depuis Juillet 2005 pour
cartographier la surface foliaire exposée en viticulture (grapesense® - 5).
La mesure de paramètres relatifs au sol
La mesure systématique de paramètres relatifs au sol revêt un intérêt réel pour en appréhender la variabilité spatiale.
Il n’existe pas, pour le moment, de capteurs permettant de mesurer en ligne et de manière systématique des paramètres
usuels tels que l’humidité, le pH, la teneur en argile, etc. En viticulture de précision, tout comme en agriculture de
précision, les mesures disponibles intègrent de multiples variables. L’objectif des mesures n’est donc pas de porter un
diagnostic explicatif sur les différentes conditions rencontrées, mais plutôt de cartographier la variabilité observée en
vue de rationaliser les observations complémentaires et les échantillons à prélever pour effectuer des analyses
chimiques et physiques plus fines.
Il s’agit principalement de mesures géophysiques comme la résistivité ou la conductivité réalisée à l’aide de capteurs
embarqués sur machine (Douzals, 2000). En France, une société propose d’ores et déjà la réalisation de cette mesure
en viticulture avec des capteurs mesurant jusqu’à deux mètres de profondeur (Géocarta‚). L’information apportée est
globale, mais elle permet d’appréhender la variabilité des sols rencontrée au niveau d’une parcelle. D’autres systèmes
mesurant la conductivité électrique des sols (Véris) ou la conductivité apparente (EM38) des sols sont également
proposés. L’utilisation de capteurs embarqués pour la mesure de paramètres physiques des sols est un domaine qui
est en pleine évolution, Terra-spase (Californie) propose depuis peu de temps un service commercial basé sur
l’utilisation de capteurs plus complets embarqués sur quad permettant d’estimer et de cartographier des paramètres
comme la texture du sol, la profondeur du sol, la couleur du sol, etc.
Conclusion
Les systèmes de mesures embarqués sur machine sont en pleine mutation. Ils étaient jusqu’à présents dédiés au contrôle
du fonctionnement de la machine. Le rapide état de l’art effectué dans ce document montre que les fonctions des
systèmes de mesure embarqués évoluent rapidement pour couvrir de nouvelles fonctionnalités :
• la machine s’adapte aux hétérogénéités et à la variabilité rencontrées grâce à des capteurs extéroceptifs,
• la machine peut assurer une traçabilité localisée grâce à un enregistrement des paramètres de fonctionnement
de la machine et une localisation de cette dernière,
• la machine enregistre et permet et permettra la cartographie de paramètres quantitatifs ou de qualité de la vigne
grâce à des systèmes de mesure embarqués spécifiques.
Ces nouvelles sources d’information constituent une opportunité et un véritable enjeu pour la viticulture. Elles vont
systématiser l’acquisition massive de données, ce qui va multiplier les expérimentations, tant au niveau d’un domaine
que d’une région viticole. Elles vont multiplier les bases de données qui, si elles sont bien gérées vont enrichir le conseil
viticole et la recherche plus fondamentale sur la vigne. Au niveau des domaines, outre les aspects traçabilité et
expérimentations, ces outils constitueront des moyens permettant d’affiner la connaissance du milieu et la réponse de
la plante. Ces nouvelles sources d’information constituent donc de nouveaux enjeux pour la filière viti-vinicole, tant par
la diversité des itinéraires techniques qu’ils permettront de mettre en place que par la valorisation possible par le
conseil et la recherche.
Néanmoins, l’adoption de ces outils par le monde professionnel passe nécessairement par la mise en œuvre de
dispositifs ouverts, simples, robustes et accessibles tant en termes de niveau de compétence que de coût.
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Bibliographie
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Margaret River. 12th Australian Wine Industry Technical Conference.
Souchon N., Renaud C., Tisseyre B., 2001, Comparaison d’indicateurs d’entassement du feuillage sur vigne. actes
des 12 èmes journées du Groupe d’Etudes des systèmes de Conduite de la Vigne, Montpellier, 97-102.
Tisseyre B., Ardoin N.,Sevila F., 1999, Precision viticulture : precise location and vigour mapping aspects, 2 nd
European Conference on Precision Agriculture, Odense, Denmark, 319-330.
(1) : http://www.avidorhightech.com/fr/weedseeker/pdf/Resultats_tests_selectif.pdf,
(2) : http://www.avidorhightech.com/fr/weedseeker/pdf/testYonne.pdf,
(3) : http://www.pellenc.com/pretailleuse/pretailleuse_visio.htm,
(4) : http://www.farmscan.net/Products/Images/spraymap.pdf,
(5) : http://www.une.edu.au/Physics/Sensors/GrapeSense/Grapesense.htm
102
COLLECTE D’INFORMATIONS SUR LE TERRAIN :
VALORISATION DES RELEVÉS PAR LES SYSTÈMES NOMADES
Laurent BERNOS
Chambre d’Agriculture de la Gironde
Introduction
Depuis la campagne 2005, la Chambre d’Agriculture de la Gironde et ses structures décentralisées (Association de
Développement Agricole et Rural) ont mis en œuvre un outil informatique de saisie au champ couplé à une base de
données. L’article précise le cheminement ayant abouti à Gaïa Vigne & Vin en partant du constat du fonctionnement
des structures. Une étude précise des besoins a permis de dégager les objectifs. L’outil informatique est ensuite décrit
succinctement dans son fonctionnement au champ et dans l’appui qu’il apporte au conseiller dans la rédaction de
messages à destination des viticulteurs.
CONSTAT
La Chambre d’Agriculture de la Gironde et les structures décentralisées rattachées (9 ADAR gèrent du conseil viticole)
réalisent un suivi hebdomadaire d’avril à fin août de plus de 400 parcelles de références. Ces données collectées
servent à l’élaboration de Messages d’Informations Viticoles (MIV) destinés aux viticulteurs adhérents à ce service. Ces
prestations payantes ont débuté en 1994 pour les plus anciennes.
Les données collectées chaque semaine concernent le stade phénologique, les données des maladies (mildiou, oïdium,
black-rot, botrytis) et ravageurs (cicadelles vertes, ver de la grappe, cicadelle vectrice de la flavescence dorée) sur les
feuilles et les grappes. Des données complémentaires sont collectées comme la présence d’auxiliaires, (typhlodromes,
chrysopes) ou des données plus particulières dans une rubrique “remarques”.
Ces observations étaient notées sur papier à la parcelle avant d’être saisies à nouveau dans un tableau Excel ou Word.
A partir de 2003, l’utilisation de “Pocket PC” a permis un gain de temps du fait de la saisie au champ. Néanmoins,
un retraitement était nécessaire pour la concaténation des données des différentes parcelles puis la mise en forme
finale.
Au fil des années, une dérive dans notre manière de travailler est apparue. Chacun a fait évoluer des outils à l’origine
identiques. Les données collectées ne l’étaient plus dans le même ordre ou étaient différentes. De plus, sur 20 semaines
de comptages, l’ensemble des données représente plus de 176 000 items annuels : cette masse d’informations était
impossible à traiter aisément et sans l’aide d’un outil informatique.
Il est apparu que ce qui faisait la force de notre réseau (un grand nombre de situations, de parcelles) est aussi une
faiblesse dans la mesure où notre fonctionnement entraînait :
• des échanges de données entre structures décentralisées parfois difficiles
• des bilans annuels par zones aisés mais très difficiles au niveau départemental
• des retours très difficiles sur les années antérieures aussi bien au niveau de la parcelle qu’au niveau global.
Une étude a été réalisée par un stagiaire mettant en évidence ces problèmes et proposant des solutions basées sur
l’outil informatique.
ETUDE PRÉALABLE DU PROJET
Dans le cadre d’un projet de troisième année ENITAB/ENSA-M AgroTIC sur la période de septembre 2003 à avril
2004, les étudiants ont proposé une solution informatique illustrée par un démonstrateur ainsi qu’un chiffrage du
projet.
Une première étape a consisté en interne à harmoniser les données observées à la parcelle ainsi que le tableau de
rendu.
Un cahier des charges précis a ensuite été élaboré par le service informatique de la Chambre d’Agriculture de la
Gironde.
Un appel d’offres a été lancé et la solution proposée par la société Docmicro à Eysines (33) a été retenue. Le projet
a démarré courant septembre pour que le produit soit opérationnel pour la saison 2005.
105
Dans un premier temps en plus de la mise en place de la base de données, les modules “saisie des observations au
champ”, “élaboration du Message d’Informations Viticoles” et “aide à la rédaction du bilan de campagne” seront mis
en œuvre. Les échanges de données se font par l’Internet.
OBJECTIFS
Cet outil informatique devait respecter un cahier des charges :
-
saisie au champ des observations
stockage et sauvegarde des données collectées
aide à la synthèse des données par zones et départementales
aide à la rédaction des Messages d’Informations Viticoles
intégration de la notion de dispersion spatiale des 9 ADAR réparties sur l’ensemble du département de la
Gironde
- souplesse d’utilisation
- possibilité de rajouter des modules (SIG, traçabilité, base de données nationales des chambres d’Agriculture Bali-…)
- utilisation de matériels existants et de logiciels courants de préférence gratuits, liés à Internet.
Le logiciel doit permettre une consultation aisée aussi bien par des techniciens que par les viticulteurs. Il a été nommé
Gaïa Vigne & Vin.
GAÏA VIGNE & VIN
Dans cette présentation nous ne développerons que la base de données et le module de saisie au champ.
ARCHITECTURE DE GAÏA VIGNE & VIN
La base de données de type “MySql” est hébergée sur un serveur Internet “Apache” indépendant de la Chambre
d’Agriculture de la Gironde. Le langage utilisé pour générer les pages Internet est le “php”.
Le système est géré par un “administrateur” appartenant au service vigne & vin de la Chambre d’Agriculture de la
Gironde.
Le logiciel développé en langage C et une image de la base de données sont installés sur chaque micro-ordinateur et
chaque “Pocket PC” des ADAR.
Les viticulteurs réalisant leurs observations ont la possibilité de saisir par Internet les données sur Gaïa Vigne et Vin.
106
LA BASE DE DONNÉES
Elle contient l’ensemble des informations générales concernant la parcelle (cépage, porte-greffe, mode de conduite de
la vigne, commune, coordonnées XY…) et les données du viticulteur (nom, téléphone…).
Pour chaque parcelle, les données des comptages sont stockées. Elles sont accessibles aux conseillers viticoles, au
viticulteur propriétaire de la parcelle ainsi qu’aux viticulteurs appartenant au même réseau.
Un module de saisie via Internet permet d’intégrer les valeurs des analyses de maturité réalisées par les centres
œnologiques du groupe Chambre d’Agriculture de la Gironde
L’OUTIL DE SAISIE AU CHAMP
Matériels : il s’agit de “Pocket PC” courants que l’on trouve dans le commerce.
Coques de protection :
Les appareils retenus n’étant pas à proprement parlé conçus pour des enregistrements en conditions difficiles (chaleur,
poussière, pluie, chocs…) des coques de protection étanches ont été achetées. Elles permettent l’utilisation des stylets
à travers une membrane souple : l’appareil est donc toujours protégé.
Mémoire de sauvegarde :
Une extension de mémoire a été rajoutée à des fins de sauvegarde dans le cas d’un éventuel problème (batterie,
casse…).
LE LOGICIEL EMBARQUÉ :
Spécialement développé par Docmicro, il permet au technicien de partir avec l’ensemble des données de sa tournée.
Préparation de la tournée
Cette étape consiste pour le technicien à définir l’ensemble des parcelles qui seront observées sur une ou plusieurs
journées. Les parcelles sont sélectionnées sur le micro-ordinateur. Il est possible d’en définir l’ordre en fonction de
critères propres au technicien.
D’un simple clic, cette liste est ensuite synchronisée avec le “Pocket PC”.
107
Pour chaque parcelle de la liste, les données d’identification de la parcelle, les informations principales concernant le
viticulteur ainsi que les données observées lors des passages précédents sont disponibles sur le “Pocket PC”.
Observations à la parcelle
Arrivé sur site, le technicien sélectionne sa parcelle à partir de son planning.
Les caractéristiques de la parcelle s’affichent. Il a facilement accès à l’ensemble des comptages réalisés sur cette
parcelle. En cas de besoin ou de remarques importantes, il possède les informations pour contacter le viticulteur.
Il doit ensuite renseigner chaque onglet :
• données générales
• feuilles
• grappes.
Pour une mise en œuvre plus aisée, chaque rubrique n’a pas obligation d’être renseignée. Une absence de chiffre
équivaut à une absence de maladie ou ravageur car le protocole de comptage élaboré en commun précise le canevas
des observations des maladies et ravageurs
Les données générales
Dans cet onglet sont renseignés les observations particulières liées à la parcelle, les conditions météorologiques lors
des observation ainsi que les stades phénologiques.
Pour plus de précision, le stade phénologique majoritaire est noté ainsi que le stade minimal et maximal de la parcelle,
ce qui renseigne sur l’étalement du développement de la végétation.
Les feuilles
Les observations réalisées sur les feuilles sont regroupées dans cet onglet.
Les comptages concernant les ravageurs et les observations des auxiliaires :
•
•
•
•
larves de cicadelles vertes,
larves de cicadelles vectrices de la flavescence dorée
le pourcentage de feuilles occupées par les araignées rouges
la présence de typhlodromes ou de chrysopes.
A propos des maladies cryptogamiques, des rubriques concernant le mildiou, l’oïdium, le black-rot et le botrytis sont
à renseigner.
108
Les grappes
Dans le même ordre d’idée que précédemment, cet onglet concentre les observations réalisées sur les grappes.
Pour les ravageurs les rubriques concernent les vers de la grappe (eudémis et/ou cochylis). Suivant les stades de
développement, les comptages prennent en compte les glomérules ou les perforations. Les comptages d’œufs n’ont pas
été retenus du fait de la difficulté de les observer précisément en situation. Dans ce cas, des prélèvements sont réalisés
pour des comptages en laboratoire.
De même que pour les feuilles, pour chaque maladie cryptogamique, les valeurs observées sont à compléter.
L’enregistrement des observations sur le Pocket PC
Il est réalisé soit en cours de comptage, soit à la fin. Il n’est possible que si certains champs obligatoires sont renseignés
comme le nombre d’organes (feuilles et grappes). Cette valeur permet ensuite au logiciel de calculer une valeur
ramenée à 100 dans le tableau final de rendu.
Lorsque l’enregistrement est validé après confirmation, il est possible de modifier à nouveau les données sur le “Pocket
PC”. En dernier recours, il existe toujours une possibilité de correction sur la base de données à partir du microordinateur.
A chaque enregistrement, le planning des comptages est complété ce qui évite tout oubli de parcelles.
L’enregistrement sur la base de données
De retour au bureau, une fois l’ensemble des observations réalisées, les données enregistrées sur le(s) PDA sont
synchronisées avec la base de données du micro-ordinateur. Une dernière manipulation transfère par Internet ces
données avec Gaïa Vigne & Vin sur le serveur.
A ce stade les données sont sauvegardées et accessibles non seulement par les techniciens de la zone considérée,
mais aussi par l’ensemble du réseau de conseillers viticoles et les viticulteurs adhérents.
VALORISATION DES DONNÉES COLLECTÉES
Le rendu sous forme de tableau
Lorsque toutes les observations et les synchronisations avec la base de données ont été faites, Gaïa Vigne & Vin nous
permet simplement et rapidement de réaliser le tableau de rendu qui sera envoyé aux viticulteurs avec les messages
d’informations viticoles de son secteur. Par sécurité et pour alléger le fichier, le format “pdf” a été retenu.
Aide à l’élaboration du MIV
Le module d’aide à l’élaboration du Message d’Informations Viticoles de Gaïa Vigne & Vin permet de choisir les
rubriques qui constitueront la trame.
109
Chaque rubrique est ensuite traitée séparément en intégrant les données spécifiques. Par exemple, pour la rubrique
“bilan météorologique”, le technicien choisit les sites dont il veut illustrer le message, la période d’étude et le type de
données qu’il désire (température moyenne, pluviométrie). Les données météo sont récupérées automatiquement à
partir du réseau De.Met.E.R aquitain et intégrées pour la réalisation du tableau.
Pour les rubriques liées à des observations, comme par exemple les cicadelles des grillures, les données sont
récupérées à partir du tableau de synthèse et une interface graphique assure une visualisation.
Lorsque toute les rubriques sont remplies, le Message d’Informations Viticoles est généré automatiquement sous format
pdf avec ou sans tableau des observations.
Il est alors prêt à l’envoi par messagerie électronique ou fax.
INTÉRÊT DE L’OUTIL
Cet outil informatique a été créé pour répondre dans un premier temps à une demande spécifique des conseillers
viticoles. La phase d’études qui a permis de cerner les besoins, nous a aussi obligé à définir une méthode de travail
commune qui laisse à chacun toute latitude dans la mise en œuvre du conseil.
Les points positifs
L’outil informatique proprement dit nous a apporté :
• un gain de temps que l’on peut chiffrer jusqu’à deux heures par semaine et par conseiller viticole uniquement
pour la partie saisie au champ et élaboration du Message d’Informations Viticoles
• une sécurité dans la sauvegarde et la pérennité des données,
• un traitement facilité des données (comparaison par zone, par période)
• des échanges possibles entre les différentes zones et des synthèses sur le département.
Ces remarques concernent aussi les valeurs des analyses de maturité.
110
Les points négatifs
Ils concernent essentiellement les Pocket PC.
En effet, ce matériel est fragile et n’est pas destiné à un usage intensif et professionnel. L’utilisation des coques de
protection a évité tout problème de casse de matériel.
L’autonomie est suffisante pour une journée de travail mais le vieillissement de la batterie peut nécessiter un
remplacement préventif pour limiter ce problème.
Enfin, la faible luminosité de l’écran s’avère handicapante en plein soleil.
Concernant la base de données, le fonctionnement est à ce jour bon et aucun problème majeur n’a été mis en
évidence.
Concernant l’élaboration des Message d’Informations Viticoles, le passage en format pdf à partir des pages html
perturbe parfois la mise en page ce qui nécessite quelques retouches.
EVOLUTIONS – AJOUT DE NOUVEAU MODULES
Cette base de données ayant été conçue pour être évolutive, différents modules vont y être intégrés.
Un module traçabilité permettant un suivi des pratiques. Il s’agit de la mise en ligne de la version papier d’un classeur
existant. La saisie se fera par le viticulteur par l’Internet.
Dans le cadre d’un partenariat avec l’ITV, les données collectées et stockées dans la base de données serviront
anonymement pour améliorer le programme de modélisation. En parallèle, des cartes seront élaborées à partir des
observations. Elles serviront à faciliter la synthèse et à illustrer les Message d’Informations Viticoles.
Pour faciliter la saisie au terrain , un module allégé sera disponible pour les viticulteurs possédant un “Pocket PC”. Le
transfert des données pour alimenter Gaïa Vigne & Vin se fera selon le même protocole que les conseillers viticoles.
Conclusion
Dans ce projet, l’étude initiale qui a permis de dégager les priorités, a rendu obligatoire une réflexion sur la manière
de travailler des conseillers viticoles. La nécessaire harmonisation était un préalable à ce projet.
La première année de fonctionnement a mis en évidence l’intérêt de ce type d’outil informatique notamment en ce qui
concerne le gain de temps de saisie des observations pour l’élaboration du tableau final. La pérennité des données
collectées et la possibilité de s’y référer facilement est un point particulièrement intéressant pour notre activité qui se
nourrit de l’expérience.
Le développement de la puissance des outils informatiques et en particulier des outils nomades tels que les “Pocket PC”
a rendu possible et viable ce projet.
Aujourd’hui des développements faisant appel aux Systèmes d’Information Géographique au travers de collaboration
avec notamment l’ITV va permettre d’améliorer la qualité du service rendu aux viticulteurs.
Laurent BERNOS
Service Vigne & Vin
Chambre d’Agriculture de la Gironde
Remerciements :
service informatique de la Chambre d’Agriculture de la Gironde, étudiants de la troisième année AgroTIC ENSAM/ENITAB 2003-2004
111
SYSTÈME D’INFORMATION GÉOGRAPHIQUE
Le point sur les applications
et programmes en grandes cultures
Denis BOISGONTIER - ARVALIS
Les Systèmes d’Information Géographique dans le monde agricole
L’utilisation d’un Système d’Information Géographique (SIG) permet d’améliorer la compréhension d’un phénomène
quantifié en précisant sa localisation (géoréférencement) ainsi que ses limites spatiales. Les enjeux du SIG dans le
monde de l’agriculture concernent essentiellement l’économie, l’environnement, ainsi que la qualité et vont dépendre
de ses acteurs :
• les agriculteurs : gestion de l’exploitation (plan d’épandage, organisation des chantiers,…), prise en compte
de la variabilité intraparcellaire (modulation intraparcellaire), traçabilité des produits, …
• les organismes économiques : gestion des collectes, logistique et géomarketing, traçabilité des produits, …
• les organismes de conseil : amélioration des tours de plaine pour les techniciens, mise en place de nouveaux
produits et services incluant la dimension spatiale (agriculture de précision »), …
• les administrations : protection de l’environnement, suivi des réglementations, contrôles, gestion des aides,
réalisation de bilans et de mesures d’impact sur des territoires, …
• la recherche : amélioration de la compréhension des phénomènes agro-pédoclimatiques grâce à la prise en
compte de la dimension spatiale, …
LES SIG AUJOURD’HUI
En France, depuis une quinzaine d’années, les acteurs du monde agricole, les administrations, les organismes et plus
récemment les agriculteurs se sont progressivement équipés d’outils de type Système d’Information Géographique. Les
premiers organismes agricoles à faire l’acquisition d’un SIG sont des DDA pilotes (Lozère, Bouches du Rhône,..) en
1990-1991. Au départ, les SIG sont surtout utilisés dans le cadre d’études environnementales. Aujourd’hui, la quasitotalité des administrations et organismes agricoles possède un SIG, généraliste ou adapté à ses besoins et missions
spécifiques.
Du côté des agriculteurs français, c’est le développement de la pratique de l’agriculture de précision au milieu des
années 90 qui a amené les premières utilisations d’un SIG ou plutôt, à l’époque, d’outils permettant de visualiser les
cartes de rendement. La réglementation européenne relative à la politique agricole commune prévoyait qu’au 1er
janvier 2005, chaque état membre de l’union ait mis en oeuvre un dispositif d’identification graphique des parcelles
agricoles. Aujourd’hui, après trois ans de “basculement progressif” le registre parcellaire graphique est mis en place
dans tous les départements français. Avec les déclarations “PAC graphique”, la grande majorité des agriculteurs ont
découvert les Systèmes d’Information Géographique. Longtemps réservés à quelques experts ou décideurs, ils sont
aujourd’hui accessibles aux agriculteurs. Le domaine agricole fait aujourd’hui office de précurseur dans ce domaine.
Toute la gamme des solutions SIG : SIG professionnels (ArcInfo, …), bureautiques (ArcView, MapInfo, …), métier
(Agrimap, GPAgri, …), accessibles via Internet (Visioplaine, EAC, …) et solutions mobiles (Agri-Pocket, …) se retrouve
au sein des administrations et organismes agricoles. Les solutions présentes chez l’agriculteur sont essentiellement des
SIG métier, accessibles ou non via Internet et des solutions mobiles permettant le travail au champ.
Les données restent certainement la composante la plus importante des SIG car sans donnée, l’outil ne servirait à rien.
Les différentes données rencontrées dans le domaine de l’agriculture sont des données raster : (images satellites,
orthophotos,…) et vecteur (parcellaire, points de prélèvement,….). Ce sont des données de référence (données IGN,
données caractérisant le sol,…) ou fréquentielles, des données à différentes échelles : de l’intraparcellaire au territoire
(Petite Région Agricole, département, aire de collecte, ..) mais aussi, des données pouvant être analysées à différentes
échelles.
113
La culture SIG existe aujourd’hui dans le monde agricole en France. Pour qu’elle progresse au bénéfice de tous les
acteurs impliqués, il reste des efforts et des avancées à faire, notamment en terme de :
• standardisation et d’uniformisation et des données,
• mutualisation des données dont beaucoup peuvent être partagées (données de référence, images satellites,
cartes des sols, …) entre les différentes filières agricoles et entre les différents acteurs d’une même filière,
• prise en compte de la dimension temporelle des données,
• d’accès aux données en terme de coûts notamment pour les agriculteurs,
• d’interopérabilité entre les systèmes d’information,
• d’exploitation des avancées technologiques en terme de développement des réseaux sans fil et de solutions
mobiles.
LES APPLICATIONS SIG DE DEMAIN
L’avenir des SIG est tourné vers ses utilisations via Internet en liaison filaire classique ou en version nomade
(télécommunication sans fil). Il s’agit de répondre à un double besoin :
- partager, échanger et valoriser les données. En effet, l’acquisition de données étant coûteuse il est
particulièrement utile, pour des raisons économiques, d’échanger ces données et de les valoriser entre un plus
grand nombre possible d’utilisateurs,
- disposer des informations au moment de prendre les décisions et là où elles sont prises.
Partage et la valorisation des informations géographiques
Compte tenu du coût des données de référence et de l’intérêt de valoriser les informations collectées par les différents
acteurs des filières agricoles, le partage des systèmes d’information à dimension géographique est certainement une
voie incontournable pour le futur des SIG. Pour aller dans ce sens, les solutions technologiques sont aujourd’hui moins
un frein que les décisions politiques des différentes structures agricoles. Cependant, la mise en place des déclarations
graphiques PAC avec la création d’une base de données à l’échelle du territoire français suscite des initiatives dans
ce sens (APCA, …).
Les systèmes d’information cartographiques sur Internet
Essentiellement utilisés il y a quelques années pour faire de la cartographie, les SIG prennent aujourd’hui une
dimension réglementaire. En effet, il est de plus en plus demandé à l’agriculteur de rentrer dans des démarches
d’enregistrement de ses pratiques et ceci à des fins environnementales ou de traçabilité. Cependant, face à ces
«obligations» d’enregistrer pour prouver, l’agriculteur veut aller plus loin en matière d’interactivité avec la
cartographie. Il souhaite en particulier l’utiliser pour la gestion technico-économique de son exploitation. Différentes
solutions commencent à lui être proposées au travers de logiciel de bureau ou de services accessibles via Internet.
L’application Google Earth lancée mi 2005 par la société Google laisse facilement imaginer les applications que la
cartographie sur Internet va permettre dans les prochaines années. Le service Visioplaine développé par la société
GEOSYS et la S2B donne dès aujourd’hui un avant goût des applications accessibles via Internet sans que l’utilisateur
ne dispose d’un logiciel spécifique (http://www.visioplaine.com/). Via des images satellites prises à des dates clés
par rapport au développement des cultures, les services offerts par ce site Internet permettent aux agriculteurs de
réaliser un véritable Tour de Plaine par satellite depuis leur ordinateur.
La prochaine étape sera de pouvoir accéder aux informations géographiques directement depuis la parcelle. Le
développement futur de technologie comme le Wimax le permettront d’ici à deux ans.
Le positionnement géographique
Sans le positionnement géographique les SIG ne seraient rien. Aujourd’hui, l’information sur le positionnement est
calculée via des informations provenant de satellites et en particulier celui développé par les Etats-Unis : le GPS
(Global Positioning System).
114
Les applications aujourd’hui
Dans le domaine agricole et avec une précision courante de l’ordre d’une dizaine de mètres dans les années 90, le
GPS a d’abord été utilisé pour le positionnement des observations sur les cultures ou des analyses de terre : agriculture
de précision. L’amélioration de sa précision (de l’ordre du mètre) a ensuite permis son utilisation pour le contour des
parcelles (déclaration en PAC en Europe). Combinée à des améliorations technologiques, la diminution du prix des
récepteurs GPS permet d’obtenir aujourd’hui une précision centimétrique pour un usage agricole (guidage
automatique des engins agricoles).
L’utilisation des informations fournies par les systèmes de positionnement par satellite est large :
• arpentage des parcelles : déclaration PAC, mesure des surfaces en jachère, plan du parcellaire de
l’exploitation, …,
• «traçabilité» géographique des informations liées aux parcelles : géopositionnement des prélèvements de sol,
des observations, localisation des produits qui “sortent” (la récolte) ou qui rentrent de la parcelle (semences,
produits de protection des cultures, …),
• cartographie parcellaire : associé à une information issue d’un capteur embarqué sur engin agricole
(rendement, résistivité du sol, …) le positionnement géographique délivré par le GPS permet de réaliser des
cartographies très précises de différents paramètres sur la plante (rendement, besoin en azote, …) ou sur le sol
(résistivité électrique du sol, …),
• guidage des engins agricoles dans les parcelles : aide au guidage à l’aide d’un système visuel (diodes, écran,
…) donnant la position du tracteur par rapport à une trace prédéterminée ou autoguidage de l’engin via un
système agissant sur la direction de l’engin agricole (tracteur, moissonneuse batteuse),
• gestion des flottes de matériel :
- gérer à distance et en temps réel une flotte de matériels agricoles pour le suivi et l’organisation des chantiers
de travail,
- collecter à distance et en “temps réel” de l’information pour une meilleure gestion de l’entretien des matériels
et la prévention des pannes.
Aux Etats-Unis l’utilisation du GPS se développe depuis plus de 10 ans de manière régulière. Dans les régions de
grandes cultures, l’usage du GPS (direct ou via un prestataire de service) concerne près d’un tiers des exploitations
agricoles, voir tableau 1 : enquête réalisée en 2003, auprès de 2 500 agriculteurs de l’Ohio (1 000 réponses
exploitables).
Tableau 1 : pratiques agricoles nécessitant l’usage du GPS (Source Ohio State University)
115
Les programmes de recherche en cours
Pour le monde agricole, la plupart des applications ont déjà été imaginées.
D’une manière plus générale, les évolutions pour les années en cours vont provenir de l’amélioration des services
rendus en terme de qualité et de coût. Aujourd’hui, même si l’accès au signal GPS de bases est gratuit, il est nécessaire
de prendre un abonnement pour disposer du signal de correction différentiel et ainsi approcher une précision de
l’ordre du mètre compatible avec toutes les applications agricoles du GPS à l’exclusion de l’aide au guidage et du
guidage automatique. D’ici à 2008, l’Europe sera dotée de son propre système de positionnement par satellites :
Galileo. Pour le domaine agricole, les conséquences seront double : diminution du coût pour des performances
légèrement améliorées par rapport à ce qu’il est possible d’obtenir aujourd’hui avec le GPS américain. Les
améliorations des performances techniques concernent :
• la certification de la position fournie,
• la précision légèrement supérieure en raison de la structure de la constellation de satellites et des systèmes
terrestres de contrôle et de gestion prévus,
• la fiabilité de l’information fournie dans la mesure où elle comprend un «message d’intégrité» informant
immédiatement l’utilisateur des erreurs qui apparaissent,
• la qualité de la réception qui sera améliorée (zones proches des bâtiments ou de bois).
Un accord d’interopérabilité entre les deux systèmes GPS et Galileo a été conclu entre les Etats-Unis et l’Europe. Il aura
pour conséquence :
• de fournir aux utilisateurs dans le monde entier des services améliorés en termes de précision et en termes de
sécurité en cas de défaillance de l’un des deux systèmes,
• de permettre à tous les utilisateurs de recevoir les signaux GPS et Galileo sur un seul et même récepteur.
L’information
Les sources d’information aujourd’hui
Face à de forts enjeux économiques et environnementaux, l’agriculteur doit adapter ses pratiques en mettant en œuvre
des outils d’aide à la décision de plus en plus performants lui permettant de :
• économiser l’eau utilisée pour l’irrigation,
• limiter l’épandage de produits de protection des cultures et de fertilisants au strict nécessaire,
• organiser au mieux les chantiers agricoles.
Basés sur des modèles agronomiques plus ou moins complexes, les outils d’aide à la décision sont aujourd’hui
alimentés par des données géoréférencées. Issues de capteurs embarqués sur des engins agricoles, sur drone ou
satellites, elles viennent compléter les informations acquises classiquement par prélèvement de sol ou observation de
plante. Des algorithmes souvent complexes permettent de traiter ces données pour leur donner une dimension
agronomiques facilement interprétables par l’agriculteur (ou son conseiller) pour la prise de décision.
Trois technologies sont principalement mises en oeuvre pour fournir à l’agriculteur des informations exhaustives sur
l’ensemble de la parcelle :
• capteur de rendement associé à un système de positionnement par satellite (GPS) ,
• télédétection qui permet selon le type d’image d’obtenir des informations pour :
- le zonage à l’échelle intraparcellaire (voir article de Imagerie satellitaire : quelles sources d’information ?
Application au zonage parcellaire),
- le pilotage annuel des cultures. Dans ce cas ce sont des images prises pendant la culture en cours qui sont
utilisées. Différents services sont aujourd’hui proposés en France par la société GEOSYS (Visioplaine),
ARVALIS – Institut du végétal (Farmstar) et la société Quantix (CropVision),
• mesure de la résistivité électrique du sol. Liée à des paramètres géophysiques du sol elle permet de
cartographier des zones dont le comportement peut être considéré comme homogène en terme de texture et de
profondeur.
116
Les cartographies générées à partir de ces technologies servent essentiellement à réaliser des zonages à l’échelle
intraparcellaire. Chaque zone ainsi créée devient l’entité de raisonnement agronomique. Il est ainsi possible de
découper une parcelle en 3 à 5 sous parcelles ayant un «comportement homogène». Le tableau 2 donne les avantages
et les inconvénients de ces différentes cartographies. Aucune de ces méthodes n’est «idéale». Outre le coût, la
meilleure solution consiste à combiner les différentes sources d’information en leur donnant éventuellement un poids
spécifique selon le paramètre agronomique que l’on cherche à caractériser. Des travaux sont menés par différents
organismes de recherche pour mettre au point un indicateur global de variabilité intraparcellaire.
Tableau 2 : avantages et inconvénients des différentes méthodes de zonage intraparcellaire
D’autres capteurs sont utilisés pour le pilotage des cultures à l’échelle intraparcellaire et en particulier le N-Sensor. Via
une mesure de réflectance réalisée par un capteur embarqué sur le toit du tracteur, il permet d’ajuster en temps réel
la dose d’azote à appliquer (utilisation essentiellement pour les céréales).
Les programmes de recherche en cours
Développer des technologie «SMART»
De nombreuses équipes universitaires sont impliquées dans le développement des technologies de demain. Il ressort
d’une mission réalisée en 2004 auprès de chercheurs d’université américaines les plus en pointe que les tendances
retenues sont de :
• réduire les coûts d’acquisition des informations collectées sur les parcelles,
• accroître la précision du conseil donné à partir des mesures effectuées par les capteurs en jouant à trois
niveaux :
- augmenter la qualité intrinsèque de la mesure en essayant de mesurer directement le paramètre et non pas
un paramètre corrélé,
- améliorer la représentativité de la mesure : prise d’information au plus près de la source et prise en compte
de la variabilité spatiale,
- réduire le délai entre la prise de l’information et son utilisation comme conseil par l’agriculteur,
• développer les outils d’aide à la décision sur Internet utilisant des bases de données et de l’information
géographique.
117
Ces tendances sont présentées de la manière suivante à l’Ohio State University : développer des produits et services
SMART (intelligent) c’est-à-dire :
S
Scientific
M
Marketable
A
Affordable (accessible au niveau financier)
R
Reliable (fiable)
T
Time-saving (économiser du temps)
Pour atteindre ces objectifs, différentes voies sont envisagées comme l’utilisation de drone, de robot ou de capteurs
fixes à bas coût fonctionnant en réseau.
Le drone
L’usage de drone (ou de l’avion léger) pour la prise d’information sur les parcelles permet :
• de prendre l’information au bon stade agronomique indépendamment des contraintes de résolution temporel
des satellites et de couverture nuageuse,
• de réduire au minimum la chaîne de traitement des images par rapport à un système satellitaire tributaire de
différents intermédiaires pour que l’information arrive à l’agriculteur sous forme de conseil agronomique.
Les travaux de recherche concernent aussi bien le développement du drone (hélicoptère, avion planeur, ballon) que
ses applications c’est-à-dire le choix du capteur à embarquer et le traitement des images.
En France, une jeune société l’Avion Jaune a d’ores et déjà mis au point un drone pouvant voler en vol automatique
pour des usages agricoles.
Le robot
L’utilisation de robot dans le monde agricole n’est pas forcément en contradiction avec la recherche de la réduction
des coûts puisqu’il est imaginé de développer des robots à coûts réduits. Par exemple, l’université de l’Illinois poursuit
deux voies :
- la plateforme high-tech embarquant un grand nombre de capteurs et pouvant circuler entre deux rangs de maïs. Le
projet est bien avancé et le robot devrait faire ses premiers tours de roues dans les champs prochainement,
- le petit robot à bas coût embarquant un seul type de capteur. Son concepteur (Tony Grift, chercheur à l’Université de
l’Illinois) pense qu’il pourrait être mieux adaptée qu’un robot très perfectionné pour acquérir de l’information sur une
parcelle agricole. En effet, plusieurs robots pourront travailler sur la même parcelle (concept de robot « fourmi ») et
ainsi s’échanger les données acquises.
Les capteurs fixes à bas coût en réseau
Selon une technologie développée au Japon, l’université de l’Ohio explore les applications possibles de capteurs
travaillant en réseau. L’idée qui prévaut pour ce type de développement est que l’utilisation de capteurs judicieusement
positionnés à des points fixes et fournissant de l’information en continu est plus pertinente que l’information fournie par
un capteur qui capte de l’information à seulement quelques périodes de l’année comme cela est le cas pour les
capteurs embarqués sur engins agricoles, drones, avions ou satellites.
Afin de collecter l’information en temps réel, et ainsi améliorer le délai de réaction entre l’événement et la prise de
décision, ces capteurs fixes sont mis en réseau via un système de télécommunication sans fil de type WiMax ou WiFi.
Les capteurs permettent de mesurer des paramètres utiles comme l’humidité du sol, l’humectation de la plante, ou le
rayonnement.
Ces capteurs peuvent être produits à bas coût permettant ainsi de couvrir efficacement une vaste zone.
118
COMBINER LES TECHNOLOGIES
Le système d’information sur le sol mis au point par la société Soil & Topography Information (S.T.I.) branche agricole
de la société Earth Information Technologies et en partenariat avec la société John Deere permet de réaliser une
cartographie en 3 D de la parcelle. Elle se réalise trois étapes :
• cartographie de la résistivité électrique du sol (méthode électromagnétique ou électrique) et topographie précise
en utilisant un système GPS RTK (Real Time Kinematic),
• en se basant sur la cartographie de la résistivité électrique et la topographie, mais aussi sur l’expertise des sols
du technicien, réalisation de sondages localisés à l’aide d’une sonde mesurant différents paramètres jusqu’à
1,5 m de profondeur :
- la friction et la force de pénétration de la sonde. Pour un type de sol donné, le rapport des deux permet de
déduire la texture du sol,
- l’humidité, la couleur, image in situ,
- d’autres capteurs sont prévus sur cette sonde : mesure de paramètres chimiques (pH, …), vidéo pour
analyser avec précision les changements de nature de sol, …
• réalisation des cartographies à partir des paramètres mesurés et restitution de l’information au client via un site
Internet. Différentes cartes sont fournies au client 3 jours après les mesures sur un site Internet. : diagnostic de
compactage, carte de la Réserve Utile,….
Améliorer la qualité des données météorologiques
Pour l’agriculture, l’information météorologique, qu’il s’agisse du passé ou de l’avenir, est essentielle. La préconisation
délivrée à l’agriculteur est d’autant plus pertinente que la donnée météorologique utilisée par le modèle agronomique
est représentative de ce qui se passe sur la parcelle agricole.
Aujourd’hui, on constate une forte inadéquation de précision entre les informations accessibles pour le sol ou la plante
et celles fournies par les offices météorologiques pour les paramètres climatiques. Les premières sont disponibles à
l’échelle de la parcelle (voire intraparcellaire) et les secondes à l’échelle de la petite région agricole (voir tableau 3).
En France, la densité des stations météorologiques est de une tous les 15 à 20 km. Avec un tel maillage, un paramètre
pose un problème important : la pluviométrie. En effet, la variabilité spatiale de la pluie est extrême. Pour que la
mesure d’un pluviomètre soit représentative d’une parcelle agricole, il doit en être distant de moins de 500 m. Ce cap
de précision limite donc la portée des avancées actuelles en matière d’outil d’aide à la prise de décision.
Tableau 3 : échelle de disponibilité des informations utilisées pour les outils d’aide à la décision
Une technologie développée par des chercheurs du CNRS et en cours de commercialisation par la société Novimet,
permet d’obtenir une information sur la pluie à une échelle proche de la parcelle agricole et cela sur un rayon de 60
km. Le radar météorologique Hydrix et son algorithme de traitement des données ainsi mis au point fournissent des
informations précises et spatialisées sur la pluie. Ils permettent :
- la mesure détaillée à distance de différents paramètres liés aux précipitations : taux de pluie, cumul de pluie,
taille des gouttes, énergie cinétique des gouttes, …
- l’exploration volumique : en horizontal pour décrire la répartition spatiale de la pluie, en vertical pour décrire
l’épaisseur de pluie sur le point de tomber,
119
- une couverture spatiale complète avec réalisation de cartes : selon un maillage de 1 x 1 km2. Dans la mesure
où la pluie et les paramètres agroclimatiques qui en découlent ne sont pas interpolables, un radar est équivalent
à 11 000 pluviomètres,
- la possibilité de réaliser une «prévision immédiate» à 2 à 4 heures : connaître de manière précise où la pluie va
tomber lors de l’arrivée d’une cellule pluvieuse.
Photo 1 : des robots fourni pour explorer les parcelles agricole (source Tony
Grift, chercheur à l’Université de l’Illinois)
Photo 2 : radar météorologique Hydrix pour fournir
des données pluviométriques au km2 soit 100 ha
(source Novimet)
120
MALADIES
ÉMERGENTES ET
MOLÉCULES
INDÉSIRABLES
IDENTIFICATION ET ÉPIDÉMIOLOGIE DES CHAMPIGNONS
PRODUCTEURS D’OTA DANS LES VIGNOBLES FRANÇAIS
Ahmed LEBRIHI,
Laboratoire de Génie Chimique, ENSAT,
CASTANET-TOLOSAN
Après les céréales, le vin est considéré comme la deuxième source principale de l’ochratoxine A (OTA) en Europe.
Ayant des propriétés cancérogène, tératogène, immunosuppressive et probablement neuro et génotoxiques, l’OTA a
été également reliée à plusieurs maladies humaines. Sa présence dans le sang de plusieurs individus sains ou malades
à travers le monde montre la grande exposition des humains à cette molécule. La présence de l’OTA dans la filière
viticole constitue un sérieux problème à la fois économique et sanitaire surtout en Europe et en France.
Jusqu’ici, des valeurs maximales d’OTA ont été établies pour des céréales et les raisins secs dans l’union européenne
[1]. Les niveaux maximum d’OTA pour les vins, jus de raisin et d’autres boissons contenant des ingrédients dérivant
du jus de raisin ont été récemment approuvés par le Comité «Chaîne alimentaire et la santé des animaux» [2].
Aspergillus ochraceus et Penicillium verrucosum producteurs d’OTA dans les céréales représentent peu d’intérêt dans
le cas des raisins. La production de l’OTA dans le raisin est associée uniquement aux Aspergillus noirs (groupe Nigri)
[3.4.5]. Ce groupe contient plusieurs espèces qui sont : A. carbonarius, A. japonicus, A. acculiatus, A. helicothrix,
A. ellipticus and A. heteromorphus, A. niger, A. tubingensis…..
.
La taxonomie des Aspergillus noirs (section Nigri) n’est pas claire et beaucoup de tentatives ont été faites afin de
trouver des critères précis pour l’identification des espèces [6]. Jusqu’à ces derniers temps elle a été basée uniquement
sur les aspects morphologiques, comme la forme, la couleur et la taille des conidies.
En se basant sur les critères morphologiques on distingue deux groupes : les unisériés et les bisériés. Les unisériés
contiennent uniquement deux espèces (A. japonicus et A. acculiatus), alors que le groupes des bisériés continent
l’espèce A. helicothrix, A. ellipticus and A. heteromorphus, A. niger, A. tubingensis, A. carbonarius et un agrégat
d’espèces regroupé sous le nom d’ A. niger agrégat. Dans cet agrégat deux espèces sont inséparables. Il s’agit d’A.
niger et d’A. tubingensis [3,4]. Si A. carbonarius reste très facilement identifiable en se basant sur les critères
morphologiques, la distinction entre les différentes espèces appartenant à A. niger agrégat ne peut être réalisée d’une
façon efficace qu’en utilisant les techniques de biologie moléculaires disponibles (RFLP, RAPD, PCR suivie par
séquençage….) [7,8]. Parmi toutes ces espèces seulement deux espèces semblent capables de produire l’OTA ; il
s’agit d’A. carbonarius et A. niger. Cependant A. carbonarius présente des capacités de production beaucoup plus
élevées qu’A. niger.
Dans le but de comprendre l’évolution des champignons toxinogènes au cours de la maturité du raisin, une dizaine
de vignobles, localisés dans 4 régions vitivinicoles françaises (en Poitou-Charente, en Languedoc-Roussillon, en
Provence-Alpes-Côte-d’Azur et en Alsace). Huit cépages ont été retenus, l’Ugni Blanc, le Riesling et le Muscat
d’Alexandrie qui sont des cépages blancs, le Cinsault, la Syrah, le Cabernet-Sauvigon, le Carignan et le Grenache
(Fig 1). Afin de tenir compte des conditions climatiques, les échantillons de raisin ont été collectés sur 3 campagnes
successives dans les 10 vignobles et à trois stades de maturité du raisin (un mois après la nouaison, à la véraison et
lors des vendanges). Durant ces études seuls les genres Penicillium et Aspergillus sont isolés.
125
Fig. 1 : Localisation des vignobles étudiés.
Ainsi au cours de ces trois campagnes, un total de 2 467 isolats a été récupéré à partir des dix vignobles. Cette
population se répartit comme suit : 721 isolats récupérés en 2001, 711 isolats en 2002 et 1035 isolats en 2003.
Indépendamment des années le genre Penicillium est toujours minoritaire (environ 20 %) comparé au genre Aspergillus
(80 %). Parmi les Penicillium isolés on rencontre entre autres les espèces suivantes P. expansum, P. spinulosum, P.
glabrum, P. crustosum, P. brevicompactum, P. oxalicum, P. citrinum, P. glandicola et P. adametzoïdes.
La majeure partie de ces champignons est isolée au cours de la véraison. En effet, quelle que soit l’année étudiée, le
développement fongique suit la même évolution. Très faiblement présents 1 mois après la nouaison, ils apparaissent
lors de la véraison et se développent fortement à partir de ce stade (Fig.2).
Fig. 2 : Evolution du nombre d’isolats au cours de la maturité du raisin.
126
Parmi les isolats d’Aspergillus, 99 % appartiennent à la section Nigri constituée par les bisériés (A. carbonarius, A.
niger agrégats) et les unisériés (A. japonicus et A. acculiatus). Le 1 % restant se compose d’isolats identifiés à A. flavus,
A. parasiticus et A. fumigatus. Dans tous les cas de figures les unisériés sont toujours minoritaires (2 à 16 %) par
rapport à A. carbonarius et A. niger agrégats. Le pourcentage d’A. carbonarius chute continuellement en passant de
48 % en 2001 à 26 % en 2003. Le pourcentage d’A. niger agrégat augmente à mesure que celui d’A. carbonarius
chute. Il passe de 36 % en 2001 à 72 % en 2003 (Fig.3).
Fig. 3 : Répartition des Aspergillus du groupe Nigri totaux (A) et ochratoxinogènes (B)
dans la région Languedoc-Roussillon.
Sur 1 974 isolats d’Aspergillus de la section Nigri, 745 sont ochratoxinogènes. Ceci représente environ 40 %. Quelle
que soit l’année étudiée aucun champignon ochratoxinogène n’est isolé à la nouaison. A la véraison, peu de
champignons ochratoxinogènes sont isolés et c’est en majorité l’espèce A. carbonarius. La plus importante
contamination fongique est remarquée à la vendange, stade auquel 66 % des champignons totaux et 90 % des
ochratoxinogènes sont isolés. A ce stade, l’espèce A. carbonarius était présente à 98 % en 2001 et 2002 et seulement
à 48 % en 2003 parmi les champignons ochratoxinogènes. Durant cette année (2003), 50 % de la population
ochratoxinogène est représenté par A. niger agrégats.
Lorsqu’on regarde la répartition des Aspergillus du groupe Nigri et particulièrement celle ochratoxinogène dans
différentes régions viticoles françaises on voit qu’au niveau du vignoble situé en Alsace ou de celui en PoitouCharentes, les champignons ochratoxinogènes sont quasiment absents (Fig. 4). Seulement 3 isolats ayant un pouvoir
ochratoxinogène ont été isolés durant les trois campagnes. L’OTA n’est pas détectée dans les grappes de raisin issues
de ces régions.
Fig. 4 : Distribution des Aspergillus totaux et ochratoxinogènes selon les régions étudiées. (PC : Poitou Charente ;
LR : Languedoc-Roussillon ; Als : Alsace)
127
Les vignobles étudiés dans la région PACA semblent très peu affectés par la présence de l’OTA. Pour la variété CN
du département PACA, aucun champignon ochratoxinogène n’a été isolé en 2001, seulement 3 A. carbonarius en
2002 et 13 A. niger agrégats en 2003. Le contenu en OTA de cette variété était de 0.18 ppb en 2002 et de 0.11
ppb en 2003.
Par contre la région Languedoc-Roussillon semble être la plus touchée par le problème de l’OTA et des champignons
toxinogènes. La population ochratoxinogène au niveau de ces cépages est à majorité d’ A. carbonarius, présent à
environ 98 % en 2001 et 2002 et à 52 % en 2003. Au cours de cette année 48 % de la population ochratoxinogène
était constitué par A. niger agrégats. Les concentrations les plus importantes en OTA étaient détectées dans les variétés
Carignan en 2001 (0,38 ppb), Syrah en 2002 (2,78 ppb) et Sauvignon en 2003 (0,46 ppb). Ces teneurs étaient les
plus fortes comparées à celles des autres cépages des autres régions.
On note ainsi que quelle que soit l’année, les régions de l’Alsace et de la Charente n’étaient pas du tout contaminées
à l’OTA, alors que les raisins de la région méditerranéenne présentent le maximum de colonisation fongique et de
mycotoxines. Si on compare les données météorologiques moyennes sur les 3 années représentant le macro-climat au
sein de la région la plus sensible (Languedoc-Roussillon), on constate que la quantité d’OTA et le pourcentage des
champignons toxinogènes augmente avec la quantité de pluie tombée lors des dernières semaines de la maturité du
raisin.
Conclusion
A l’issue de cette étude, la nature de l’agent causal impliqué dans la contamination à l’OTA des vignobles français a
été déterminée. Il s’agit principalement de l’espèce Aspergillus carbonarius suivi d’A. niger agrégats. L’occurrence de
l’agent causal sur les baies, l’expression de son potentiel à produire l’OTA, son incidence et son potentiel
ochratoxinogène sont des éléments déterminants dans l’importance de la contamination à l’OTA des raisins. Ces
propriétés de l’agent causal sont à la fois déterminées par des facteurs intrinsèques liés à l’espèce fongique et à des
facteurs extrinsèques liés à l’environnement et particulièrement la température et l’humidité deux semaines avant et au
cours des vendanges.
[1] Anonymous, Commission regulation (EC) No. 472/2002 of 12 March 2002 amending regulation (EC) No.
466/2002 setting maximum levels for certain contaminants in foodstuffs, Off. J. Eur. Comm. L75 (2002) 18–20.
[2] Anonymous, European Commission press releases. EU rules on ochratoxin A extended to coffee, wine and grape
juice. Reference: IP/04/1215. Date: 13/10/2004.
[3] P. Battilani, A. Pietri, T. Bertuzzi, L. Languasco, P. Giorni, Z. Koza-kiewicz, Occurrence of ochratoxin A-producing
fungi in grapes grown in Italy, J. Food Prot. 66 (2003) 633–636.
[4] M. Bau, M.R. Bragulat, L.A. Abarca, S. Mínguez, F.J. Cabañes, Ochratoxigenic species from Spanish wine grapes,
Int. J. Food Mi-crobiol., in press.
[13] F.J. Cabañes, A. Venancio, G. Mulè, G. Castellá, R. Serra, G. Per-rone, Z. Kozakiewicz, DNA characterization
of a new species in the Aspergillus section Nigri, in: Proc. of Academy Colloquium Fungal Phylogenomics, Amsterdam,
The Netherlands, 2004.
[5] C.A. Da Rocha Rosa, V. Palacios, M. Combina, M.E. Fraga, A. De Oliveira Rekson, C.E. Magnoli, A.M. Dalcero,
Potential ochratoxin A producers from wine grapes in Argentina and Brazil, Food Addit. Contam. 19 (2002)
408–414.
[6] M.L. Abarca, F. Accensi, J. Cano, F.J. Cabañes, Taxonomy and signifi-cance of black aspergilli, Antonie van
Leeuwenhoek 86 (2004) 33–49.
[7] F. Accensi, J. Cano, L. Figuera, M.L. Abarca, F.J. Cabañes, New PCR method to differentiate species in the
Aspergillus niger aggre-gate, FEMS Microbiol. Lett. 180 (1999) 191–196.
[8] F. Accensi, M.L. Abarca, J. Cano, L. Figuera, F.J. Cabañes, Distribu-tion of ochratoxin A-producing strains in the
Aspergillus niger aggre-gate, Antonie van Leeuwenhoek 79 (2001) 365–370.
128
DÉVIATIONS FONGIQUES ET TERREUSES DES RAISINS ET DES VINS :
LES MICROORGANISMES IMPLIQUÉS
Ph. Darriet*, S. La Guerche*, L de Senneville **, B. Dauphin*,
S.Chamont**,P. Sauris**, D. Blancard**
*Faculté d’œnologie, UMR Œnologie-Ampélologie, Université Victor Segalen Bordeaux 2, TALENCE
**INRA, UMR Santé Végétale, VILLENAVE D’ORNON
La présence dans les vins de défauts à caractère fongique ou terreux est depuis longtemps rapportée dans les ouvrages
d’oenologie (Semichon, 1905 ; Ribéreau-Gayon et Peynaud, 1964). Ces déviations sont parfois dues à une
contamination par des matériaux pollués lors de leur contact avec les moûts ou les vins [produits de traitement,
atmosphère de chais pollués, contenants (cuves souterraines, barriques) défectueux, bouchons de liège moisis]
impliquant en particulier des composés à odeur de moisi tels les 2,4,6-trichloroanisole et 2,3,4,6-tétrachloroanisole
(Tanner et al., 1981 ; Chatonnet et al., 1994). Plus fréquemment, leur origine résulte de vendanges altérées par la
pourriture grise due à Botrytis cinerea, souvent associé à d’autres formes de pourritures, plus ou moins visibles, car
situées à l’intérieur des grappes. Les précipitations abondantes dans les jours précédant la récolte, la présence de
brouillards matinaux persistants et les blessures des raisins dues à la grêle ou à des insectes constituent des facteurs
favorables à la présence de ces déviations.
Ces dernières années, un développement important de ces problèmes a été noté dans diverses régions viticoles,
entraînant la présence dans les raisins et les vins de défauts perçus parfois à un tel niveau d’intensité que leur qualité
pouvait se trouver profondément altérée (Darriet et al. 2000). L’importance des préjudices causés par ces déviations
sur la qualité des vins de nombreux cépages (Cabernet Sauvignon, Sémillon, Gamay, Chenin, Pinot noir) a motivé des
travaux approfondis visant, d’une part, à caractériser la nature des défauts associés à ces odeurs fongiques ou
terreuses et, d’autre part, à préciser leur origine biologique et les conditions de leur expression au vignoble. Cette
publication rapporte les principaux résultats des travaux menés sur ce sujet.
Quels composés impliqués dans les déviations notées dans les vins ?
La nature des déviations observées dans les raisins et les vins se situe sur une palette aromatique assez large depuis
des nuances de champignon frais vers des notes d’humus, de lierre ou le plus fréquemment des notes de terre humide,
de betterave nettement perçues. Parfois la perception olfactive est très nette ; d’autres fois, les défauts sont
préférentiellement détectés par voie rétro-nasale. La présence de ces composés est variable selon la nature du cépage,
le stade de développement et le type de pourriture des baies.
Les travaux menés à la Faculté d’Oenologie depuis plusieurs années ont conduit à la mise en évidence par
chromatographie en phase gazeuse, couplée à l’olfactométrie et à la spectrométrie de masse, de plusieurs composés
odoriférants associés à ces déviations (Tableau 1). Il convient de distinguer parmi ces constituants ceux qui présents
dans les raisins sont dégradés au cours du processus fermentaire ou sont présents à des concentrations trop faibles,
en regard de leur seuil de perception olfactive et ne contribuent que pas ou peu aux déviations des vins, des composés,
non dégradés au cours du processus fermentaire, et dont les niveaux de concentrations sont suffisamment élevés en
regard de leur seuil de perception olfactive pour contribuer aux déviations des vins.
131
Tableau 1 : Principaux composés volatils à odeur fongique et moisie terreuse fréquemment mis en évidence dans
des moûts et des vins issus de vendanges altérées par la pourriture
Odeur
Champignon
Terreux
Composés
eau
solution
modèle
vin
rouge
Teneurs
retrouvées dans
des moûts µg/l)
Contribution au
caractère défectueux
des vins
CS - M - S
0.003
0.03
0.07
0 - 0,01
oui parfois
1-octen-3-ol
CS - M
G-S
2
20
40
0 - 20
oui
2-octen-1-ol
S
20
-
-
0 - 0,01
limitée
2-heptanol
S
70
-
-
0 - 0,06
limitée
CS - M - PN
0.012
0.04
0.055
0 - 0,07
oui, limitée
dans le temps
fenchol
S
50
-
-
0 - 0,01
oui, parfois
fenchone
S
500
-
-
0 - 0,025
limitée
géosmine
CS - M - G
PN - C - S
0.01
0.04
0.05
0-1
oui
1-octen-3-one
2-methylisoborneol
Cépageb
Seuil olfactif (µg/l)c
a Ne sont pas évoquées dans ce tableau les zones odorantes associées aux défauts terreux des vins de Pinot noir
b CS : Cabernet Sauvignon, M : Merlot, S : Sémillon, G : Gamay, PN : Pinot noir, C : Chenin
c Références : (La Guerche, 2004)
La (-)géosmine, un composé rappelant la terre humide et la betterave, est le principal responsable de déviations
terreuses dans les vins. Ce composé terpénique très odorant, mis en évidence ponctuellement dans des vins au cours
des années 1990 affecte l’arôme de nombreux cépages (Tableau 1). Il est présent dans les raisins touchés par la
pourriture à des niveaux de concentration parfois très supérieurs au seuil de perception olfactive (Tableau 1) et une
faible proportion de vendange atteinte, soit quelques %, peut être suffisante pour polluer l’ensemble d’une récolte
(Tableau 2).
Tableau 2 : Concentrations en géosmine retrouvées dans des grappes pourries
Cépage
(La Guerche : 2004)
Origine
Année
Gamay
Gamay
Gamay
Cabernet Sauvignon
Beaujolais
Beaujolais
Beaujolais
Médoc
2004
2004
2004
2004
Concentration
2 µg/grappe
2 µg/grappe
0.7 µg/grappe
0,5 µg/grappe
La fermentation alcoolique dégrade assez peu ce composé (< 20 % dégradation) lequel est assez stable dans les
conditions d’acidité du vin. Par contre, la cinétique de sa dégradation est liée à la température (La Guerche et al.
2005b). Par ailleurs, dans des registres de terre camphrée et d’humus, d’autres composés peuvent être impliqués dans
des déviations persistantes des vins. L’étude de leur caractérisation moléculaire et sensorielle est en cours.
132
Les microorganismes du raisin et les déviations terreuses
Les microorganismes présentent une large capacité de production de métabolites secondaires, en particulier de
composés volatils odoriférants dans une gamme de concentration inférieure au µg/L. De nombreuses espèces
bactériennes et fongiques sont connues comme source de déviations organoleptiques de nombreux fruits, céréales
(Mottram ; 1998). Sur le raisin, les travaux publiés font surtout état de déviations associées à des champignons
filamenteux (Ribéreau Gayon et al ; 2004).
Les travaux que nous avons menés ces dernières années pour identifier la nature de microorganismes impliqués dans
des déviations organoleptiques des raisins et des vins nous ont permis de mettre en évidence les potentialités de
production par plusieurs genres fongiques des composés volatils identifiés précédemment avec des odeurs de
champignon ou de terre humide. A titre d’exemple, plusieurs genres fongiques, isolés à partir de pourritures des
raisins, sont producteurs du 2-méthylisobornéol : certaines souches de Botrytis cinerea (Harris et al., 1986 ; La
Guerche 2004) et plusieurs souches appartenant à des espèces de Penicillium sp., Rhizopus sp., Coniothyrium sp. (La
Guerche, 2004; La Guerche et al., 2005).
L’activité principale concerne l’étude de l’origine de la (-)géosmine principal composé impliqué dans les déviations des
raisins et des vins.
1ère Etape :
Représentativité d’espèces microbiennes sur les raisins et étude de leurs potentialités de production de la géosmine
La géosmine, est une molécule largement étudiée depuis son identification en 1968 par Gerber. Elle est un polluant
de l’eau, particulièrement en Asie, associée à la contamination par des bactéries filamenteuses telluriques du genre
Streptomyces sp. (ordre des Actinomycètes). Depuis une vingtaine d’années, plusieurs travaux ont démontré que la
présence de géosmine dans certains fruits ou aliments pouvait aussi être liée à la présence de diverses espèces du
genre Penicillium sp (Mattheis et al., 1992 ; références dans La Guerche et al., 2005).
Les travaux menés par notre équipe, depuis 1999, en collaboration avec l’INRA, nous ont conduit à analyser la
microflore de raisins blancs et noirs (sémillon, cabernet sauvignon, gamay, pinot noir) contenant de la géosmine, et
récoltés dans diverses régions viticoles (Bordelais, Beaujolais, Bourgogne, Val de Loire) sur des parcelles concernées
par ce problème (Tableau 3). Les microorganismes isolés ont été caractérisés par des techniques conventionnelles de
microbiologie puis de biologie moléculaire en même temps que leurs potentialités de production de la géosmine
étaient évaluées (La Guerche et al., 2003).
Sur les grappes contenant de la géosmine, Botrytis cinerea, parfois visible seulement à l’intérieur de la grappe, est
toujours présent (Tableau 3). Ce microorganisme produit de nombreux composés volatils, certains présentant une
odeur terreuse (cf précédemment) mais la géosmine, n’est pas répertoriée comme métabolite de ce champignon et
nous ne l’avons pas détectée dans les jus inoculés avec de multiples souches.
La présence d’Actinomycètes sur les raisins est connue depuis des travaux anciens (Fleet et al.; 1984). Plusieurs
espèces de Streptomyces sp. (dont 3 majoritaires : S. coelicolor, S. griseus et S. flavogriseus) toutes capables de
produire la géosmine sur milieu modèle de laboratoire, ont été isolées ponctuellement dans le Bordelais et en
Beaujolais, plus systématiquement en Val de Loire (Tableau 3). Ces bactéries produisent la géosmine au laboratoire
sur milieu modèle (pH 7) de manière constitutive, ce qui signifie une production systématique du composé pendant la
phase de développement des bactéries. Cependant, les bactéries Streptomyces sp. ne peuvent se développer sur le
substrat acide que constitue la baie, le jus de raisin ou la rafle (pH 3-4). L’hypothèse qu’elles puissent être impliquées
dans la genèse de la géosmine ou sur des raisins à maturité peut donc être écartée (La Guerche, 2004).
133
Tableau 3 : Principaux microorganismes retrouvés sur des grappes pourries contenant de la géosmine et prélevées
dans 4 régions viticoles françaises
MICROORGANISES
Années d’étude
BORDELAIS
M11
M2
S1
1999 1999 1999
-2004 -2004 -2002
S2
1999
-2001
BEAUJOLAIS
BOURGOGNE
VAL DE LOIRE
BJ 1
BJ 2
BG 1
VL 1 VL 2 VL 3 VL 4
2002 2002 2004
2002
2002 2002 2002 2004
Botrytis cinerea
+++
+++
+++
+++
+++
+++
+++
+++
+++
+++
+++
+++
P. expansum
+++
+++
+++
++
+++
+++
+
+++
+++
+++
+++
+
P. thomii
-
+
-
-
-
+
+
-
+
+
-
-
P. purpurogenum
-
+
-
-
-
-
++
-
+
-
-
+
P. glabrum
-
-
+
-
-
-
+
++
-
-
++
-
P. brevicompactum
+
-
-
-
+
-
-
+
+
+
-
-
P. carneum sect roqueforti
+
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
++
+++
++
++
+++
+++
+++
+++
+++
+++
+++
+++
S. coelicolor ou S. lividans
-
+
-
+
+
-
+
-
-
+
+
+
Streptomyces griseus
-
-
-
-
-
-
-
-
+
+
+
+
Streptomyces flavogriseus
-
+
-
+
+
+
-
-
+
+
+
+
Autres Streptomyces spp.
-
-
-
-
-
-
-
-
+
-
+
+
Total Streptomyces spp.
-
+
-
+
+
+
+
-
++
++
++
++
Total Penicillium spp.
1
M1 et M2 : sites du Médoc, Cabernet Sauvignon ; S1 et S2 : sites du Sauternais, Sémillon ; BJ1 et BJ2 : sites du Beaujolais, Gamay ; BG1 : site de Bourgogne,
Pinot noir ; VL1 àVL4 : sites du Val de Loire, Gamay en 2002 et Chenin en 2004
2
- : microorganisme non isolé ; + : peu d’isolats (<5) ; ++ : quelques isolats (5-10) ; +++ : grand nombre d’isolats (>10)
D’autres champignons appartenant à divers genres tels Cladosporium sp., Aureobasidium sp., Trichotecium sp.. sont
parfois isolés. Mais la caractéristique principale des grappes contenant de la géosmine, concerne la présence du
genre Penicillium représenté dans diverses espèces (P. thomii, P. purpurogenum, P. frequentans, P. stoloniferum, P.
funiculosum, P. carneum section roquefort, P. expansum…). Parmi ces espèces, un nombre limité d’entre elles
produisent la géosmine sur des milieux de laboratoire, à des niveaux de concentration nettement supérieurs au seuil
de perception olfactive(> 100 ng/L). Il s’agit de Penicillium expansum, caractérisé par des outils de biologie
moléculaire (La Guerche et al ; 2004b) et largement connu comme producteur de géosmine sur pomme (Mattheis et
al., 1992), et de 2 autres espèces de Penicillium dont P. carneum section roqueforti (Tableau X). Au cours des 6
années d’étude, aucune espèce n’a été majoritairement isolée sur des grappes contenant de la géosmine, prélevées
dans les sites étudiés, comme c’est le cas pour P. expansum (Tableau 3). Une étude récente menée sur des raisins sains
confirme l’abondance de P.expansum avec d’autres espèces de Penicillium sp. (Drouillard et al., 2005).
2ème Etape :
L’étude du métabolisme de production de la géosmine par Penicillium
Les potentialités de production de métabolites secondaires varient considérablement selon les conditions de
développement des champignons. Du milieu de laboratoire au jus de raisin ou à la baie, la physiologie du
champignon peut se trouver modifiée. Ainsi, paradoxalement, dans des conditions environnementales proches de
celles d’une grappe de raisin, l’ensemble des isolats de P. expansum qui produisent la géosmine sur des milieux
modèle ne la synthétisent pas à des niveaux détectables sur des moûts ou raisins sains de composition normale,
contrairement à P. carneum var. roqueforti. Le métabolisme de production de géosmine par P. expansum a donc été
étudié à travers des approches métabolique et biologique.
134
La voie de la biosynthèse de la géosmine est rattachée à celle des terpénoïdes mais jusqu’à une époque très récente,
les étapes clés de cette synthèse sont mal connues en particulier chez les champignons.
L’étude métabolique s’est intéressée à l’influence de la composition du jus de raisin sur la synthèse de la géosmine par
Penicillium expansum. Un résultat important concerne le fait qu’un mélange d’acides aminés, tel que celui d’un raisin
sain à maturité (>100 mg/L) entraîne une répression de la synthèse de la géosmine par Penicillium expansum.
L’expérience montre qu’après soustraction des acides aminés du jus de raisin, P. expansum peut produire de la
géosmine. Inversement, le niveau de concentration en ion ammonium dans la baie favorise cette production. D’autre
part, divers acides gras insaturés, par exemple l’acide linoléique, présent dans la pruine du raisin, permet à P.
expansum le déclenchement de la synthèse de géosmine.
Importance du complexe B. cinerea - P. expansum
La présence systématique de B. cinerea sur les baies de raisin contenant de la géosmine a conduit à envisager
l’implication de ce champignon dans l’induction de la synthèse de géosmine par P. expansum. D’ailleurs, l’analyse par
microscopique électronique de baies polluées par la géosmine illustre l’imbrication des mycelia des 2 espèces
fongiques (La Guerche et al. ; 2005b). Nous avons pu démontrer sur jus et broyat de raisins de Cabernet Sauvignon
et Gamay, que le développement préliminaire de B. cinerea permet une modification de la composition du jus de raisin
favorable à la synthèse de géosmine par P. expansum. L’aptitude de B. cinerea à dégrader les acides aminés du raisin,
inhibiteurs de cette genèse, contribue, au moins partiellement avec la synthèse de mannitol, à rendre possible la
synthèse de géosmine par P. expansum. L’ensemble des résultats acquis permet de proposer le mécanisme suivant
concernant la genèse de la géosmine au vignoble. Au cours de son développement localisé sur la baie, B. cinerea en
modifie la composition et place le contaminant secondaire, P. expansum, dans une situation physiologique favorable
à la production de géosmine.
Paramètres influençant la production de géosmine par P. expansum ; rôle du métabolisme de B. cinerea
Par ailleurs, toutes les souches de Botrytis cinerea n’ont pas la même aptitude à favoriser la production de géosmine
par Penicillium expansum. Les travaux menés en 2004 dans le vignoble du Beaujolais ont permis d’établir la
production de géosmine par Penicillium expansum sur des jus de raisins pré-cultivés par plus 22 % des souches de
Botrytis cinerea isolées en cœur de grappe. Ainsi, Dans ces conditions, les niveaux de production de géosmine par
Penicillium expansum peuvent atteindre des valeurs très supérieures au seuil de perception olfactive (jusqu’à 500
ng/L).
135
Conclusion
Les travaux menés au cours de ces dernières années ont mis en évidence les potentialités de production de composés
très odorants par des microorganismes associés à des pourritures des raisins. Ainsi, à travers le problème de la
géosmine, l’accent est porté, dans les vignobles de climat tempéré, sur l’émergence de pourritures complexes
impliquant Botrytis cinerea avec des espèces fongiques considérées jusqu’à ces dernières années comme marginales
(le genre Penicillium, en particulier l’espèce Penicillium expansum). Une vigilance accrue s’impose donc sur le suivi de
l’état sanitaire des vendanges en fin de maturation. Les travaux de recherche se poursuivent en approfondissant les
aspects biochimiques, métaboliques et écologiques impliquant les microorganismes parasites des raisins, pour affiner
les moyens de lutte au vignoble.
BIBLIOGRAPHIE
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Ce travail est réalisé à la Faculté d’Oenologie de Bordeaux, en collaboration avec l’UMR Santé Végétale de l’INRA
de Bordeaux, grâce au soutien financier, de l’ONIVINS. du Conseil Interprofessionnel des Vins de Bordeaux (CIVB),
de la société Bayer CropScience France, du Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne (BIVB)
136
MALADIES ÉMERGENTES ET MOLÉCULES INDÉSIRABLES
Béatrice VINCENT
ITV France – Unité de Beaune
La présence d’arômes à caractère moisi-terreux dans les vins est un problème connu de longue date. Cependant, de
ponctuel et rare, ce défaut est passé en quelques années à omniprésents dans la plupart des vignobles français mais
aussi étrangers (Espagne, Italie…). Les goûts moisi-terreux (GMT) constituent désormais un problème agronomique et
économique majeur sur lequel travail un groupe national d’étude animé par ITV France et piloté par l’ONIVINS.
Les travaux conduits par la faculté d’œnologie de Bordeaux ont mis en évidence la molécule généralement responsable
de ce défaut : la (-) Géosmine ; ainsi qu’un ensemble de moisissures, agissant en interaction, responsables de la
production de géosmine.
GEOSMINE : INFLUENCE SUR LA QUALITE DE VINS DE DIFFERENTS CEPAGES ET
REPARTITION DANS LE VIGNOBLE FRANÇAIS.
Des tests ont été réalisés par ITV France afin de mieux caractériser la présence de géosmine dans des vins issus de 9
cépages français. Dans un premier temps, les seuils de perceptions olfactive et gustative de la géosmine dans ces 9
vins (préalablement sans défaut) ont été déterminés grâce à des ajouts dosés de géosmine.
Tous les vins ne présentent pas la même sensibilité à ce défaut. Les seuils de perceptions varient entre 30 et 50 ng/L
de (-) Géosmine en fonction des cépages. La figure 1 présente une classification des cépages les plus sensibles (seuils
de perceptions les plus faibles : Merlot, Chenin, Riesling) aux moins sensibles (seuils de perceptions les plus élevés :
Pinot noir, Sauvignon, Cabernet franc).
Figure 1 : Seuils de perceptions olfactive et gustative de la (-) Géosmine en fonction des cépages.
(Valeurs centrées réduites en ng/L).
139
Dans les vins, la géosmine peut être décrite par deux attributs majeurs : Moisi et/ou Terreux. Pour la majorité des
cépages testés, les 2 attributs sont cités avec des fréquences similaires. Cependant, pour certains vins, les caractères
terreux et moisi sont nettement distingués comme par exemple pour le Pinot noir à qui la géosmine confère
essentiellement un caractère “moisi” (Figure 2A) et le Sauvignon où la géosmine s’exprime majoritairement par le
caractère “terreux” (Figure 2B).
Figure 2 : Variations spécifiques des descripteurs d’arômes de la (-) Géosmine (fréquences de citation en %) :
A : Vin de Pinot noir.
B : Vin de Sauvignon.
La géosmine est retrouvée dans quasiment tous les vins touchés par les GMT dans les régions de Bordeaux, du
Beaujolais et du Val de Loire. Cependant, dans certaines régions, notamment en Bourgogne, la géosmine ne permet
pas toujours d’expliquer la présence de caractère moisi-terreux dans les vins. En effet, en 2002, les dosages ne
révèlent sa présence que dans 1 vin sur 10 marqués par le défaut ; cette proportion aurait tendance à augmenter pour
les millésimes plus récents, notamment en 2004.
En fonction des régions, la problématique semble donc différente. Dans le cadre du groupe national d’étude, la faculté
d’œnologie de Bordeaux travaille depuis 2002 à l’identification des autres molécules à caractère moisi-terreux
pouvant être responsables de déviations de type GMT, observées dans certains vins où la géosmine n’est pas présente.
ORIGINE DE LA GEOSMINE DANS DIFFERENTS VIGNOBLES FRANÇAIS
Il est avéré que la géosmine est produite sur les baies de raisin en fin de maturité par des microorganismes de
l’environnement viticole.
Les microorganismes producteurs de géosmine sont nombreux et variés dans l’environnement. Dans les sols viticoles,
il existe d’importantes populations de bactéries filamenteuses très fortement productrices de géosmine. Cependant, ces
bactéries ne sont que très faiblement présentes sur les baies de raisin.
140
En revanche, sur les baies, il existe une importante population de moisissures plus ou moins productrices de géosmine.
Les travaux de la faculté d’œnologie de Bordeaux ont d’ores et déjà montré que la production de géosmine en
Bordelais est liée à la présence sur les baies de 2 espèces fongiques : Botrytis et Penicillium expansum.
La première assurerait un rôle de préparation du milieu afin que la seconde puisse ensuite produire la géosmine.
Depuis 2003, Penicillium expansum est donc la moisissure la plus recherchée lors des expérimentations menées par
ITV France dans différents vignobles français. En 2004 -millésime fortement touché par les GMT- , les résultats obtenus
suite à cette recherche sont présentés dans les figures 3A à 3D.
Figure 3 : Recherche des espèces fongiques des raisins de 4 régions viticoles françaises en 2004 :
A : Bordeaux. B : Alsace. C : Beaujolais. D : Bourgogne
Il apparaît que l’espèce Penicillium expansum est une espèce fongique très répandue en Bordelais ainsi qu’en Alsace
en 2004. En revanche, cette espèce est très peu présente en Beaujolais et jamais retrouvée en Bourgogne. Par contre,
dans ces régions il semblerait qu’il y ait une prédominance de l’espèce Penicillium purpurescens, espèce également
identifiée en Bordelais et en Alsace.
Le modèle de production de la géosmine par P. expansum en présence de Botrytis ne peut donc pas être strictement
appliqué dans toutes les régions viticoles françaises.
Etude de la capacité de P. purpurescens à produire de la géosmine sur le même modèle que P. expansum :
Les travaux d’ITV France ont cherché à élargir le modèle déterminé pour P. expansum à l’espèce P. purpurescens. Les
essais sont conduits en milieu de synthèse (Photo 1 : milieu CYA) et en milieu naturel (Photo 2 : baies de raisin
désinfectées).
141
PHOTO 2 :
Milieu naturel
Baies de raisin
désinfectées
PHOTO 1 :
Milieu de synthèse CYA
Chacun des 2 milieux est contaminé grâce à des suspensions de spores de Botrytis et de Penicillium expansum ou
purpurescens. Les spores sont introduites soit simultanément dans les milieux, soit avec un décalage de 3 jours entre
l’introduction de spores de Botrytis puis de celles des Penicillium expansum ou purpurescens.
Les résultats présentés dans le tableau 1 montrent que le modèle de production de géosmine par P. expansum, avec
une préparation préalable du milieu par Botrytis, peut être valable avec d’autres espèces de Penicillium, comme P.
Purpurescens.
Tableau 1 : Résultats aromatiques et analytiques des différentes modalités de contamination
Contaminations
simultanées des milieux
avec les 2 moisissures
Contaminations
séquentielles des
milieux avec Botrytis
puis avec un des
2 Penicillium.
Géosmine en milieu
de synthèse CYA
(ng/L)
Odeur terreuse sur
baies de raisin
Botrytis ET P. expansum
<LDD*
-
Botrytis ET P. purpurescens
<LDD*
-
Botrytis PUIS P. expansum
11
+++
Botrytis PUIS P. purpurescens
40
+++
* LDD : Limite de détection de la méthode = 5ng/L
Si les résultats confirment donc la possibilité pour d’autres espèce de Penicillium de produire de la géosmine à partir
d’un milieu préalablement préparé par Botrytis, les observations des baies contaminées soulèvent tout de même
quelques interrogations quant à la cohabitation des 2 moisissures sur les baies.
PHOTO 3 :
Développement
majoritaire de
Penicillium lors
de
contaminations
simultanées.
142
PHOTO 4 :
Développement
majoritaire de
Botrytis lors de
contamination
séquentielles.
Il semblerait effectivement que lorsque les 2 moisissures sont inoculées simultanément (Photo 3), Penicillium
purpurescens se développe préférentiellement à Botrytis. En revanche, l’inoculation séquentielle avec 3 jours de
décalage laisse largement le temps à Botrytis de se développer (Photo 4), en limitant le développement de Penicillium
à une faible zone pourtant capable de produire la géosmine.
Etude de la capacité de différentes moisissures à produire de la géosmine
de façon autonome :
Les résultats précédents ont montré qu’il existe une corrélation entre la géosmine produite en milieu de synthèse et les
odeurs terreuses perçues directement sur baies de raisin. Les travaux suivants ont donc exclusivement été réalisés en
milieu de synthèse liquide. Le milieu est inoculé avec des souches purifiées des 3 genres fongiques les plus répandus
sur raisin :
-
Cladosporium (3 souches),
Botrytis (8 souches),
Penicillium expansum (5 souches)
Penicillium purpurescens (8 souches),
Penicillium purpurogenum (3 souches),
Penicillium brevicompactum (3 souches),
Penicillium thomii (1 souche),
Penicillium janczewski (1 souche),
Penicillium non identifié (2 souches 3B et 3S)
Figure 4 : Proportion de moisissures productrices de géosmine parmi les 3 genres testés :
A : Cladosporium B : Botrytis C : Penicillium
Aucune souche de Cladosporium n’est productrice de géosmine (Figure 4A) .
143
Par contre, environ 25 % des souches de Penicillium (Figure 4C) parmi lesquelles 2 souche sur 5 de P. expansum, P.
thomii, P. janczewski et les 2 souches de Penicillium non identifiées. Les 2 souches de P. expansum productrices dans
ces conditions sont différentes de la souche de P. expansum productrice de géosmine en présence de Botrytis testée
dans l’essai précédent. Aucune souches de P. purpurescens n’a produit de géosmine sans Botrytis.
Les résultats les plus surprenants sont obtenus avec Botrytis dont 50 % des souches testées ont produit de la géosmine
(Figure 4B) dans les conditions de l’expérimentation.
Ainsi, plusieurs espèces fongiques pourraient produire des GMT sans préparation préalable du milieu par Botrytis avec
des quantités de géosmine produites variant de quelques dizaines de ng/L à plusieurs centaines (Figure 5).
Figure 5 : Quantités maximales de géosmine produites par les différentes souches de moisissures,
en milieu de synthèse.
Il convient maintenant de vérifier la capacité de ces souches à produire la géosmine sur baies de raisin et en présence
d’une flore complexe.
CONCLUSION ET PERSPECTIVES D’ETUDES
Les derniers résultats obtenus par ITV France montrent que la problématique des GMT est complexe. Elle semble
variable en fonction des régions et sans doute des cépages et selon les espèces fongiques présentes sur les baies.
Deux schémas épidémiologiques peuvent désormais être envisagés :
- production de géosmine par des Penicillium inféodés à une préparation préalable des baies de raisin par Botrytis ;
- production de géosmine par des moisissures de différentes espèces et différents genres, de façon autonome.
Ces deux hypothèses pourraient apporter une voie de réponse aux observations de terrain des professionnels selon
lesquels, dans certains cas, des GMT ont été détectés sur des vendanges très faiblement colonisées par Botrytis.
Les travaux se poursuivent pour valider ces deux modèles et tenter d’établir une liste des espèces à risque ainsi que
de déterminer les moyens de limiter leur développement au vignoble.
144
PRÉVENTION DE L’OCHRATOXINE A ET DES GOÛTS MOISIS
TERREUX AU VIGNOBLE
Bernard MOLOT
ITV France
Préambule : la présence de plus de 2µg/L d’ochratoxine A (OTA) ou de goûts moisis terreux dus à 20 ou 60ng/L
et plus de géosmine (selon la sensibilité du dégustateur) aboutit pour le producteur aux mêmes conséquences
financières….
Si l’on ajoute à ce constat qu’il n’existe pas ou du moins très peu de méthodes œnologiques susceptibles de corriger
efficacement ces problèmes, la mise en place d’une protection intégrée du vignoble est incontournable pour limiter au
maximum la présence de ces molécules dans la vendange.
La lutte doit ainsi être envisagée sur tous les points clés du cycle des champignons générant OTA ou GMT.
Limiter les facteurs favorisant ochratoxine ou géosmine
Dégâts de tordeuses :
Dans le cas de l’OTA, Aspergillus carbonarius est incapable de contaminer une baie intacte et ce sont donc les
perforations dues aux vers de la grappe des deuxième et surtout troisième générations d’Eudémis qui constituent de
très loin le facteur le plus dommageable (8), les chenilles pouvant en outre disséminer les spores du champignon (7).
La stratégie insecticide sera donc impérativement préventive afin de minimiser le nombre de larves et donc de
morsures. Dans ce contexte l’utilisation de produits à effet ovicide est à privilégier et le choix des produits s’orientera
logiquement vers des régulateurs de croissance d’insectes (RCI type fénoxycarbe, flufénoxuron, lufénuron) ou vers les
oxadiazines (indoxacarbe). Ces produits, présentant généralement une durée d’action supérieure à celles des
neurotoxiques «classiques» (pyréthrinoïdes ou organo-phosphorés), sont par ailleurs mieux adaptés à la troisième
génération qui traîne fréquemment en longueur.
Dans le cas de la géosmine, les interrogations pouvant subsister quant aux interactions Penicillium/Botrytis ne sont
guère gênantes dans la pratique puisque ces deux champignons pénètrent préférentiellement par des blessures,
B. cinerea étant toutefois capable –de par son équipement enzymatique- de lyser la pellicule d’une baie saine. Les
tordeuses de la grappe restent donc à nouveau l’un des facteurs clé de l’installation de ces champignons et la lutte
insecticide préventive est là encore souhaitable à défaut d’être essentielle (3). Une autre différence notable avec le cas
de l’OTA est que la tordeuse majoritairement concernée est la Cochylis et non plus l’Eudémis, une population mixte
pouvant être toutefois également présente.
Face au risque OTA, une maîtrise parfaite des populations de tordeuses par des stratégies de type ovicide est un
préalable strictement incontournable. Dans le cas des GMT, la maîtrise des vers de la grappe reste bien sûr
indispensable mais ne garantit malheureusement pas l’absence de Botrytis….
Autres causes de blessures :
Si les tordeuses restent la principale cause de blessures aux baies, certains facteurs agronomiques bien connus peuvent
également en générer. C’est notamment le cas de fortes pluies qui, si elles surviennent après un stress hydrique
marqué, vont générer des éclatements ou des micro-fissures très favorables à l’installation de Aspergillus, Penicillium
ou Botrytis.
Le mode d’entretien du sol doit donc dans la mesure du possible réguler la disponibilité en eau et éviter un stress
hydrique trop important.
Dans ce même ordre d’idées et même si la causalité n’a pas été à ce jour démontrée, il est certain que les baies
attaquées par l’oïdium -et dont la pellicule est subérisée- sont prédisposées à de tels éclatements. D’autres facteurs tels
que grêle, oiseaux ou guêpes peuvent évidemment générer des blessures mais restent malheureusement non
maîtrisables…
147
Fragilisations de la pellicule :
En l’absence de blessures une simple altération de la pellicule peut fortement favoriser l’installation des pathogènes.
Aspergillus est ainsi très souvent observé à proximité immédiate des foyers de pourriture acide, tout comme Penicillium
et Botrytis.
Dans le cas particulier de A. carbonarius les baies flétries ou grillées par un ensoleillement excessif constituent
visiblement un excellent support pour ce parasite et il est également probable que le dessèchement physiologique de
la rafle soit lui aussi un facteur aggravant.
La simple surmaturité sensibilise également fortement les baies à ces trois parasites.
Micro-climat de la zone fructifère :
Penicillium et Botrytis étant favorisés par l’humidité et l’humectation, les mesures prophylactiques classiques, telles
qu’effeuillage, rognage et palissage bien conduit sont des éléments essentiels d’une prophylaxie efficace (2), à
condition cependant que l’effeuillage, s’il est réalisé mécaniquement, ne génère pas de blessures sur les grappes ou
ne les couvre pas de débris végétaux broyés, ce qui peut malheureusement être le cas et aboutir à un effet inverse de
celui recherché…
A. carbonarius étant thermophile et xérophile présente en théorie des exigences climatiques très différentes, mais
comme il est fréquemment associé à la présence de fumagines, les préconisations précédentes restent d’actualité car
un bon éclairement et une bonne aération des grappes ont largement prouvé leur efficacité vis à vis des fumagines.
Ces dernières étant fortement favorisées par la présence de miellat, il faudra en outre éviter toute prolifération des
insectes habituellement producteurs tels que cochenilles ou cicadelle pruineuse (Metcalfa pruinosa).
Face à un risque Aspergillus il faudra toutefois éviter un effeuillage intervenant sur des baies au stade petit pois et
respecter le stade classique de fin floraison afin d’éviter la présence de grains échaudés .
Un deuxième effeuillage à la véraison devrait théoriquement, tant pour l’OTA que les GMT, concourir efficacement à
une bonne aération des grappes et faciliter la pénétration des traitements insecticides et/ou fongicides.
Pour ces mêmes raisons une bonne maîtrise de la vigueur (fertilisation, enherbement ) est indispensable.
Entassement et compacité des grappes :
L’entassement des grappes suite à une taille mal gérée favorise les trois champignons, ainsi que les dégâts de
tordeuses, autant par le micro-climat ainsi généré que par la difficulté à y appliquer les bouillies
insecticides/fongicides. Comme dans le cas des pourritures grise ou acide une répartition optimale des grappes dur
le bras par un bon emplacement des coursons contribuera efficacement à une prévention des dégâts.
La compacité des grappes est un facteur également très favorable puisque favorisant les éclatements ou les
arrachements de baies lors de la fermeture, maintenant un micro-climat favorable aux champignons, aux tordeuses et
à la pourriture acide au cœur des grappes. A. carbonarius s’installe d’ailleurs préférentiellement à ce niveau, ce qui
explique notamment la difficulté à le détecter visuellement.
Prophylaxie : conclusions
Les méthodes prophylactiques aptes à diminuer les risques d’une présence d’OTA ou de GMT sont schématiquement
les mêmes que celles habituellement conseillées vis à vis de la pourriture grise ou de la pourriture acide avec
notamment la parfaite maîtrise des vers de la grappe, auxquelles s’ajoutent cependant celles visant à éviter la
prolifération de fumagines.
Lutte chimique contre les pathogènes générant OTA et GMT :
La protection phytosanitaire visant directement Aspergillus, Penicillium et Botrytis ne doit être qu’un complément aux
mesures prophylactiques précédemment abordées, sans lesquelles elle sera irrémédiablement vouée à l’échec. Par
ailleurs le dispositif actuel d’autorisation de mise en marché (AMM) des spécialités phytosanitaires ne comportant pas
148
d’usages Aspergillus ou Penicillium il n’existe donc pas de produits homologués contre ces parasites, toute utilisation
à leur encontre étant ainsi interdite…
La prise en compte des effets non intentionnels des produits phytosanitaires constituant l’une des bases de la protection
intégrée, les stratégies présentées ci-dessous sont donc à considérer -d’un point de vue légal s’entend- comme des
stratégies de lutte visant d’autres parasites et permettant de réduire significativement la présence d’OTA ou de GMT.
Protection anti-mildiou et anti-oïdium :
Concernant A. carbonarius quelques essais ont permis de mettre en évidence l’intérêt, non systématiquement constaté,
que peuvent présenter deux à trois applications de type fosétyl-Al + contact, intervenant entre nouaison et fin fermeture
des grappes (7). Cette pratique est à réserver aux parcelles très poussantes dans lesquelles ce type de fongicide sera
mieux valorisé, son utilisation intervenant normalement plus précocement en saison.
Les couvertures cupriques pratiquées à l’arrêt de croissance sont également à privilégier pour leur effet reconnu vis à
vis de la pourriture acide.
Des essais in vitro ont mis en évidence l’efficacité d’autres familles chimiques notamment certains QoI, mais d’une part
leur comportement au vignoble reste à confirmer et d’autre part leur utilisation tard en saison est connue comme étant
favorable à la sélection de souches de mildiou résistantes.
Vis à vis de Botrytis, certains QoI (azoxystrobine, krésoxim méthyl) ou IBS (difénoconazole) présentent un effet freinant
potentiellement intéressant, modulé toutefois par les restrictions d’emploi suite au risque de sélection de souches
résistantes. Le cuivre peut également contribuer à réduire les attaques de B. cinerea mais son niveau d’efficacité reste
controversé et semble lié à des applications renouvelées ce qui est assez rarement le cas.
Concernant Penicillium les références sont inexistantes.
Protection anti-botrytis :
Les traitements C (début véraison) et D (3 semaines avant vendanges) de la méthode standard ITV couvrant la période
d’installation de Aspergillus et Penicillium, des essais in vitro (1) (6) ont été conduits pour définir les molécules
potentiellement intéressantes, leur efficacité pratique ayant été par la suite étudiée au vignoble (7).
L’utilisation de cyprodinil/fludioxonil, de fluazinam ou de pyriméthanil pour le contrôle de la pourriture grise entraîne
ainsi une réduction sensible (plus de 50 %) des teneurs en OTA. Le mépanipyrim et le boscalid semblent également
prometteurs mais demandent quelques essais de confirmation. Ces résultats sont obtenus avec des traitements C ou D
selon les essais ainsi que les années et il reste actuellement impossible de prévoir laquelle de ces deux interventions
sera la plus judicieuse pour une année donnée.
L’association cyprodinil/fludioxonil et le fluazinam, également retenus dans les tests in vitro (1) contre Penicillium,
limitent également son installation au vignoble (3) mais la teneur en géosmine des moûts bien que nettement réduite
peut cependant rester supérieure au seuil de perception, suite à la simple présence de quelques pour cent de grappes
porteuses de Penicillium.
Lutte biologique :
Des tests d’antagonisme concernant une douzaine de souches de Trichoderma (harzianum et atroviride) et réalisés en
2004 vis à vis de A. carbonarius ont montré l’intérêt in vitro d’une souche de T. atroviride. Un premier essai au
vignoble avec cette souche a montré en 2004 une nette réduction des teneurs en OTA des moûts, à confirmer en 2005.
Lutte chimique ou biologique : conclusions et … réserves.
Les essais disponibles démontrent une possible réduction des problématiques OTA et GMT via une lutte chimique visant
B. cinerea.. L’efficacité est toutefois étroitement liée à l’existence d’une prophylaxie poussée.
Enfin les stratégies fongicides -mais également insecticides- dépendent directement du respect des nombreuses règles
régissant une pulvérisation de qualité….
149
Conclusions
La mise en œuvre des méthodes prophylactiques habituellement préconisées contre la pourriture grise ou la pourriture
acide est indispensable face à un risque d’OTA ou de GMT.
Elles doivent favoriser autant que faire se peut aération et éclairement de la zone fructifère et devront obligatoirement être
complétées -notamment dans le cas de l’OTA- par une maîtrise optimale des populations de vers de la grappe, de
préférence avec des traitements de type ovicide.
La lutte chimique directe contre Botrytis cinerea est également envisageable mais exclusivement en complément des
mesures précédentes. A cette importante réserve près l’utilisation de matières actives telles que cyprodinil/fludioxonil,
pyriméthanil, fluazinam et probablement mépanipyrim et boscalid (à confirmer) peut significativement réduire l’installation
des parasites, mais certaines d’entre-elles ont toutefois un délai d’emploi avant récolte incompatible avec un tel usage.
L’ensemble de ces mesures peut entraîner des réductions de plus de 80 % des teneurs en OTA ce qui suffit dans la très
grande majorité des cas à l’obtention de moûts et de vins ne dépassant pas la norme des 2µg/L.
Il n’en est malheureusement pas de même en ce qui concerne les GMT, une très faible présence de Penicillium pouvant
suffire à déprécier la récolte, le test prédictif (4)(5) étant dans ce dernier cas une précaution indispensable.
Face à une présence visuelle de l’un ou l’autre de ces champignons le tri manuel restera la dernière parade possible
avant encuvage.
Bibliographie
(1) ALBERT J-P., DROUILLARD J-B., MARTINS-GUEUNIER Monique., BAC Valérie., 2004. Botrytis sp. et moisissures de
fin de cycle, étude de l’activité in vitro de fongicides. PHYTOMA LDV, 577,6-8.
(2) CARSOULLE J., LEMPEREUR Valérie., VINCENT Béatrice.,2005. Altération des grappes à la récolte et goût terreux.
La Tassée Beaujolaise, 139, 12-20.
(3) DROUILLARD J.-B. et al, 2005. Goûts moisi-terreux dans les vins : premiers résultats pratiques d’un partenariat
filière. Rev. Fra. Œnologie, 214, 18-23.
(4) LEMPEREUR Valérie., LE ROUX C., CARSOULLE J., BERGER J.-L., 2005. Goûts terreux : observations au vignoble
et mise au point d’un test prédictif. Rev. Fra. Œnologie, 214, 7-11.
(5) Le ROUX Caroline, CARSOULLE Joël, ENGEL Delphine, LEMPEREUR Valérie, 2005. Odeurs terreuses : prévoir
grâce au test prédictif simplifié. La Tassée beaujolaise, 140, 9-16.
(6) LEROUX P., GREDT M., GUERIN Laurence., BEGUIN Joelle., LEBRIHI A., 2002. Fongicides utilisés en viticulture et
mycotoxines. Phytoma LDV, 553,28-31.
(7) MOLOT B., SOLANET Dominique., COARER M., 2003. Etude au vignoble de fongicides actifs contre Aspergillus
carbonarius. Incidences sur sa présence aux vendanges. Les Entretiens viti-vinicoles Rhône-Méditerranée, 2003.
(8) SAGE Lucie. et al, 2002.Fungal flora and ochratoxin A production in grape and musts from France. J. Agric. Food
chemistry, 50, 1306-1311.
Maîtrise des Aspergillus au vignoble, comment limiter les contaminations ? 2004. Plaquette du groupe de travail
Onivins.
Caractères moisi-terreux des vins : origine et prévention. 2005. Note de synthèse du groupe de travail Onivins.
150
GESTION DU RISQUE OTA EN ŒNOLOGIE
Caroline PRÊTE
Animatrice du groupe national OTA, coordonné par ITV France et financé par l’ONIVINS.
Depuis les vendanges 2005, une nouvelle réglementation s’applique et limite les teneurs des vins en Ochratoxine A
(OTA) à 2 µg/L (Règlement 123/2005/CE). Après avoir réalisé un inventaire des techniques permettant de maîtriser
ce risque OTA au vignoble, dressons un rapide tour d’horizon des possibilités en œnologie. Les solutions présentées
ci-après sont issues des recherches en cours au sein d’ITV France. Certaines pistes doivent encore être confirmées.
Pour maîtriser le risque OTA en œnologie, nous pouvons agir sur différents facteurs, notamment, le choix des levures,
la technique de vinification et les enzymes utilisées.
Choix des levures en œnologie
Un premier essai, réalisé conjointement par ITV France Nîmes (Dominique Solanet, Philippe Cottereau), l’IFBM1, l’UMR
Xénobiotiques 10892 a permis de montrer que l’OTA est partiellement éliminée lors de la fermentation alcoolique d’un
moût artificiellement enrichi en OTA. L’équipe s’est intéressée au devenir des métabolites formés au cours de la
fermentation alcoolique.
Ces essais ont été menés sur une matrice liquide (jus de raisin commercial), supplémentée en OTA à la dose de 4 µg.L -1.
L’effet de macération n’est donc pas pris en compte ici. Seules les teneurs en OTA durant la fermentation alcoolique
du jus de raisin sont mesurées. On constate une chute d’environ 35 % de la concentration en OTA au cours de la
fermentation alcoolique du jus de raisin. (Fig 1)
Figure 1 : évolution de la concentration en OTA au cours de la fermentation d’un jus de raisin (source ITV FRANCE)
Afin de rechercher dans quelles mesures l’OTA disparue peut correspondre à des métabolites et le cas échéant, à en
déterminer la nature, la molécule d’OTA a été marquée au tritium. En fin de fermentation alcoolique, la solution est
filtrée et l’on détermine la radioactivité présente dans le filtrat et celle retenue sur le filtre. Les proportions relatives de
la radioactivité retrouvée dans le filtrat et sur le filtre sont en moyenne respectivement de 65 % et 35 % et l’analyse
radio-HPLC a permis de montrer que la totalité de la radioactivité était sous forme d’OTA inchangée. Il en résulte que
la fermentation ne se traduit en aucune manière par une métabolisation de l’OTA. On suppose que la molécule d’OTA
serait adsorbée par la paroi des levures.
1 Institut Français des Boissons, de la brasserie Malterie
2 Unité Mixte de Recherche sur les Xénobiotiques (Toulouse)
153
La capacité d’adsorption des levures ainsi démontrée nous avons cherché à comparer cinq souches de levures par
rapport à leur capacité d’adsoprtion de l’OTA. (figure 2).
Figure 2 Comparaison de levures en fermentation sur moûts blanc et rouge (ITV France et OenoFrance 2005)
Ces essais réalisés en partenariat, avec ŒnoFrance (Françoise Roure) et ITV France Nîmes (Philippe Cottereau,
Dominique Solanet), ont montré que parmi 5 souches de levure, deux (la levuline Ribera (L4) et la levuline CHP (L5))
permettent d’obtenir des pertes importantes d’OTA (jusqu’à 57 % dans notre essai). Ces pertes sont supérieures pour
les moûts rouges que pour les blancs.
L’ICV a réalisé des essais similaires et a démontré des efficacités de plus de 30 % avec certaines levures.
Cependant, ces essais réalisés en petits volumes doivent être vérifiés en conditions normales de vinification et en
grands volumes.
Outre la capacité d’adsorption des levures, il est possible d’intervenir sur l’itinéraire de vinification pour bien gérer le
risque OTA.
Adapter son itinéraire de vinification au risque OTA.
Pour déterminer le meilleur itinéraire de vinification, ITV France Nîmes a comparé les schémas de vinification suivants
(figure 3 et 4).
Figure 3 : En 2003, (Source ITV France)
Vendange de Mourvèdre, Lot naturellement contaminé
Vinification
traditionnelle
Macération préfermentaire
à chaud (MPC)
Réception des baies
Réception des baies
Réception des baies
Sulfitage puis repos pendans 12h
Sultitage puis repos pendant 12h
Sultitage puis repos pendant 12h
Levurage
Macération à froid, 12h à 12°C
Macération à froid, 6h à 60°C
Pressurage, puis levurage
Pressurage et levurage
Fermentation en phase liquide
Fermentation en phase liquide
Macérage pendant 6 jours
Assemblage des jus de goutte et
de presse
154
Vinification de type
rosé
Figure 4 : En 2004, (Source ITV France)
Vendange de Mourvèdre, Lot naturellement contaminé (1,1µg/L)
Vinification
traditionnelle
Macération préfermentaire
à chaud courte
Macération préfermentaire
à chaud longue
Réception des baies
Réception des baies
Réception des baies
Sulfitage puis repos pendans 12h
Sultitage puis repos pendant 12h
Sultitage puis repos pendant 12h
Levurage
Macération à chaud, 1h à 60°C
Macération à chaud, 6h à 60°C
Pressurage, puis levurage
Pressurage et levurage
Fermentation en phase liquide
Fermentation en phase liquide
Macérage pendant 6 jours
Assemblage des jus de goutte et
de presse
Les résultats suivants (figures 5 et 6) ont été obtenus et permettent de conclure que la contamination en OTA des vins
varie en fonction de la technique de vinification utilisée.
Figure 5 : Comparaison des itinéraires de vinification - résultats 2003 (Source ITV France)
Figure 6 : Comparaison des itinéraires de vinification - résultats 2004 (Source ITV France)
155
D’après les essais réalisés sur le millésime 2003, on constate que la concentration en OTA varie en fonction de la
technique de vinification utilisée. Il existe en effet une différence entre une vinification de type rouge et une vinification
en phase liquide. Cette différence n’est pas retrouvée dans les essais 2004.
Il n’y a pas, dans l’essai 2004, d’extraction supérieure d’OTA en vinification avec le marc (traditionnelle) par rapport
à une vinification en phase liquide. La durée de la macération longue à chaud n’a pas extrait davantage d’OTA.
De nouveaux essais seront nécessaires pour conclure définitivement. Une vinification en rosé sur une vendange à haut
risque d’OTA permet toujours d’obtenir un vin moins contaminé.
Essais avec des enzymes pour diminuer les teneurs en OTA
Cet essai, réalisé par l’unité ITV France de Tours (Laurence Guérin) visait à tester l’efficacité d’enzymes et/ou
préparations enzymatiques, spécifiques ou non, pour dégrader l’OTA contenue dans les moûts et/ou dans les vins.
Deux enzymes lipolytiques (E1 et E2) et deux enzymes protéolytiques (E3 et E4) ont été testées sur des moûts rouges
naturellement contaminées en OTA. Les enzymes ont été testées à la dose de 50mg/L et de 10g/L. Les enzymes sont
restées en contact avec le moût pendant des durées comprises entre 3 et 7 jours, avec des températures de 15 à 35°C.
Les préparations enzymatiques testées ne sont pas aujourd’hui utilisées dans la filière viti-vinicole, compte tenu tout
d’abord de leur spécificité (protéolytique et lipolytique) et de leur purification, qui occasionnent un prix élevé. Elles
sont employées actuellement dans l’industrie agroalimentaire et des essais préliminaires sur la dégradation de l’OTA
ont déjà été effectués en milieu modèle
Les conditions optimales d’utilisation des enzymes sont les suivantes :
• E1 : Température optimale = 45°C (70 à 90% d’activité entre 20 et 30°C)
pH optimal = 6,5 (70 à 90% d’activité entre pH 3 et 4) ; pH stabilité = 2 à 9
• E2 : Température optimale = 40C (70 à 90% d’activité entre 20 et 30°C)
pH optimal = 6,5 ; pH stabilité = 2 à 10
• E3 : Température optimale = 5°C (40 % d’activité à 30°C)
pH optimal = 3 (70 à 90% d’activité entre pH 3 et 4) ; pH stabilité = 3 à 5
• E4 : Température optimale = 55°C (70 à 90% d’activité entre 20 et 30°C)
pH optimal = 2,5 à 3 ; pH stabilité = 2,3 à 6
Afin d’optimiser les conditions d’utilisation des enzymes, elles ont été testées sur moût et sur vin, selon le protocole
suivant. (Figure 7)
Figure 7 : Modalités testées dans l’essai enzymes (Source ITV France 2005)
Jus de raisin, Lot naturellement contaminé en OTA
Dosage OTA + analyses physico-chimiques
Essai sur moût
• Ajout d’enzymes à 10 g/L
• E1 et E2 enzymes lipolytiques
• E3 et E4 enzymes protéolytiques
156
Essai sur vin (après FA)
• Ajout d’enzymes à 10 g/L
• E1 et E2 enzymes lipolytiques
• E3 et E4 enzymes protéolytiques
• Conservation des moûts à
25°C
• Conservation des moûts à
35°C
• Après 12 jours d’action,
analyses physico-chimiques et
dosages de l’OTA
• Après 3 jours d’action,
analyses physico-chimiques et
dosages de l’OTA
Seuls ont été dosés les essais avec l’ajout d’enzymes à 10g/L, réalisés sur jus de raisins (25°C) et sur vins (à 35°C).
Ces conditions sont les plus favorables pour l’expression des activités enzymatiques prépondérantes dans la
préparation. Les résultats sont présentés dans la figure 8.
Figure 8 : Analyses d’OTA (source ITV France)
Enzymes
Jus de raisin (25°C)
% de dégradation / témoin
Vins 35°C
% de dégradation / témoin
Témoin
6,5 µg/L
-
2,1 µg/L
-
E1 (10g/L)
2,4 µg/L
61,5%
1,4 µg/L
33%
E2 (10g/L)
6,0 µg/L
7,5%
1,6 µg/L
24%
E3 (10g/L)
4,0 µg/L
38,5%
1,7 µg/L
19%
E4 (10g/L)
4, 3 µg/L
38,5%
1,9 µg/L
9,5%
Le pourcentage de dégradation le plus important sur jus et sur vins est obtenu avec l’enzyme E1. Sur jus, les enzymes
E3 et E4 présentent un pourcentage de dégradation de 39 % mais sur vin ce sont les moins performantes (19 et 10
% pour les enzymes E3 et E4, respectivement). Ces derniers résultats sont difficilement explicables compte tenu du fait
que les températures optimales de chaque préparation sont supérieures à 35°C et auraient dû donc montrer une
efficacité au moins équivalente aux enzymes E1 et E2 sur vins à 35°C. Cependant, nous ne connaissons pas leur
sensibilité à l’alcool.
Les résultats acquis avec l’enzyme E1 sont encourageants et devront être confirmés sur moût rouge en phase
fermentaire. Si la dégradation de l’OTA est due à des activités secondaires, de type estérasique, il conviendrait
également d’envisager de tester d’autres préparations, contenant majoritairement ce type d’activités et/ou d’autres
préparations issues de la filière viti-vinicole.
Peu de solutions sont aujourd’hui disponibles en œnologie, mise à part l’action des levures et leur capacité
d’adsorption de l’OTA. Des essais réalisés avec des charbons œnologiques ont montré de bonnes efficacités de
décontamination (pouvant aller jusqu’à 70 %) mais sont encore à l’étude, notamment sur les vins rouges. Les enzymes
constituent également une bonne piste de décontamination des vins contenant de l’OTA. De nouvelles molécules sont
également testées et présentent pour l’instant des résultats prometteurs.
157
GESTION ŒNOLOGIQUE DES GOÛTS MOISIS TERREUX
Valérie LEMPEREUR, ITV France,
VILLEFRANCHE-SUR-SAÔNE
Les parties 1 et 2 ont été réalisées conjointement avec Caroline LE ROUX et Joël CARSOULLE,
Chambre d’agriculture du Rhône, Comité de Développement du Beaujolais, VILLEFRANCHE-SUR-SAÔNE
INTRODUCTION
La problématique des goûts terreux trouve sa source au vignoble et a des conséquences en œnologie sur la qualité
organoleptique des vins. Ce goût terreux est persistant dans les vins contrairement à d’autres mauvais goûts dont la
cause est également liée à l’état sanitaire du raisin (champignon, sous-bois, pourri et phéniqué).
Pour apporter des réponses précises à ce problème, des observations complémentaires au vignoble ont été proposées
et effectuées afin de mieux connaître les relations entre les symptômes observés sur raisin et les mauvais goûts perçus
sur moût ou vin. Un test prédictif, dont l’objectif est de diagnostiquer un risque de défaut terreux avant vendange à la
vigne, a été élaboré.
Bien entendu, tout doit être mis en œuvre en amont pour éviter que ce défaut apparaisse. La lutte préventive passe
par la lutte prophylactique et la lutte chimique à la vigne. Pour limiter l’apparition du défaut terreux dans les moûts,
une dernière solution avant l’étape de la vinification a été testée : l’influence du tri à la récolte.
Enfin, compte tenu du seuil de perception extrêmement bas de cette molécule, il n’est pas satisfaisant de se contenter
de diminuer le défaut, il faut pouvoir l’éliminer. Pour cela, des traitements curatifs ont été testés.
TEST PREDICTIF
Un test prédictif a été mis au point conjointement entre la Chambre d’Agriculture du Rhône, le Comité de
Développement du Beaujolais (CDB), ITV France et la SICAREX Beaujolais1. Ce test prédictif a rapidement été mis en
place au début des vendanges 2004 afin de répondre à des objectifs précis :
• relation entre les observations visuelles et la perception de mauvaises odeurs sur grappes,
• relation entre les observations visuelles, l’olfaction des grappes et les teneurs en géosmine sur moûts,
• relation entre les teneurs en géosmine sur moûts et celles sur vins finis.
PROTOCOLE DU TEST PREDICTIF
Le protocole du test prédictif comporte quatre étapes :
Etape 1 - Prélèvement de 100 grappes
Le principe est de prélever, à quelques jours de la récolte, 100 grappes en continu au sein d’une partie homogène de
la parcelle. Aucun tri n’est réalisé. Chaque grappe est déposée dans une caisse puis est observée, découpée et sentie.
Le nombre moyen de grappes par cep est déterminé. Les lots de 100 grappes sont ensuite pesés afin de déterminer
le rendement théorique par hectare.
Etape 2 - Observation visuelle des grappes
Les grappes sont observées une à une. Une grille a été conçue spécialement pour le test prédictif (cf. figure 1).
L’intensité de chaque symptôme est notée pour chaque grappe observée. Une colonne correspond à une grappe. On
distingue les intensités suivantes : botrytis gras, botrytis sec, pourriture pédonculaire, pourriture acide, mildiou, oïdium
et black rot. L’intensité moyenne de chaque maladie est ensuite calculée ainsi que la fréquence. L’attaque globale de
Botrytis cinerea, nommée “botrytis global”, est appréciée par une note qui somme les intensités de botrytis gras, de
botrytis sec et de pourriture pédonculaire.
1 Lempereur V., Le Roux C., Carsoulle J., Berger J-L., 2005. “Goûts terreux : observations au vignoble et mise au point d’un test prédictif.
“ Revue française d’œnologie, n°214.
159
Figure 1 - Grille de notation du test prédictif
G = botrytis gras, S = botrytis sec, A = pourriture acide, PD = pourriture pédonculaire, M = moisissures, C = couleur
moisissures, O = odeur terreuse, A = autres symptômes (mildiou, oïdium et black rot).
Etape 3 - Olfaction des grappes
Pour compléter les informations collectées, chaque grappe (saine ou non) est sentie puis découpée en portion puis de
nouveau sentie (Cf. photo 1). Chaque odeur terreuse perçue est notée. La fréquence de grappes à odeur terreuse est
ainsi obtenue.
Photo 1 - Etape 3 du test prédictif :
olfaction des grappes et détection
des grappes à odeurs terreuses.
Source : ITVFrance - CDB
Etape 4 - Foulage et dégustation
Après ces travaux d’observation et d’olfaction, le lot de 100 grappes est foulé à l’aide d’un petit fouloir manuel. Le
“jus” est systématiquement dégusté (notation de l’intensité du terreux sur 5) et analysé (dosage de la géosmine).
160
RÉSULTATS DES TESTS PRÉDICTIFS
Ce travail précis d’observations a permis de mettre en évidence un certain nombre d’éléments essentiels.
Différentes couleurs de moisissures sont observées sur les grappes : vertes, orangées ou blanches (Cf. photo 2).
Photo 2 - Les observations des grappes
de cette parcelle montraient une
présence importante de moisissures de
différentes couleurs.
Source : SICAREX-CDB.
Différentes odeurs sont perçues : odeur de pourri sur les foyers de botrytis, odeur terreuse sur certains foyers de botrytis
présentant ou non des moisissures. L’odeur terreuse est très intense et domine l’odeur de pourri. Même les foyers de
pourriture grasse de faible intensité peuvent sentir le terreux. Aucune odeur n’est sentie sur les grappes non pourries.
Une relation linéaire est observée entre le pourcentage de grappes à odeur terreuse et la teneur en géosmine des jus
issus du foulage des grappes (cf. figure 2). Sur la base des résultats des 38 tests prédictifs réalisés, il suffit d’1 % de
grappe terreuse pour entraîner la perception de géosmine sur moût.
Figure 2 - Relation entre olfaction des grappes et teneur en géosmine des “jus” de 100 grappes,
sur un total de 38 tests prédictifs.
La note de dégustation de ces jus issus des grappes foulées est corrélée à leur teneur en géosmine. La dégustation
permet de mettre rapidement en évidence les déviations organoleptiques de type terreux et moisi. Il est important de
bien distinguer le défaut pourri du défaut de type terreux. En présence de géosmine, le mauvais goût arrive en rétro
olfaction et persiste longtemps en bouche.
161
Ce test prédictif peut être employé dans le cadre de l’expérimentation. Il a pour avantage de donner rapidement et
simplement une information chiffrée sur le risque terreux des raisins sans nécessairement les vinifier. Pour le viticulteur,
il convient de simplifier ce test, en restreignant les observations à l’intensité de pourri gras, l’olfaction des grappes et
à la dégustation des “jus”. L’objectif est, en cas de risque, de pouvoir agir au moment de la récolte par un tri adapté
des raisins.
EXPRESSION DU B. CINEREA ET GÉOSMINE
Le test prédictif montre que d’une parcelle à l’autre, l’expression de géosmine n’est pas nécessairement liée à une
expression importante de B. cinerea.
Figure 3 - Test prédictif 2004 : exemples de résultats sur 12 parcelles.
Les résultats sont classés par intensité de Botrytis.
<LDQ = Inférieure à la limite de quantification (<10 ng/L), <LDD = Inférieure à la limite de détection (<5 ng/L)
Il n’existe pas de règle pour expliquer les niveaux de concentration en géosmine : des parcelles pourries sont
susceptibles de ne pas avoir de géosmine, à l’inverse des parcelles peu pourries sont susceptibles d’avoir de la
géosmine. En revanche, des parcelles plus ou moins pourries avec une très faible présence de grappes à odeur
terreuse (à partir d’1 %) donnent systématiquement des moûts avec de la géosmine.
INFLUENCE DU TRI
Une expérimentation spécifique B. cinerea avec présence de grappes terreuses a été mise en place afin de vinifier des
lots de vendange selon l’importance d’attaque du champignon. Le facteur intensité globale de B. cinerea a été étudié
sur une parcelle sélectionnée pour la présence précoce de grappes à odeur terreuse, détectée 20 jours avant la
récolte.
Après réalisation du test prédictif le jour de la récolte, 5 lots de 40 kg de vendange ont été constitués par tri visuel
basé sur l’intensité de botrytis : 0, 5, 9, 25 et 43 % d’intensité.
Chaque lot a ensuite été vinifié en minicuve.
Sur cette parcelle, avec une fréquence de 14 % de grappes à odeur terreuse, la relation entre l’expression de botrytis
global et la teneur en géosmine des vins est clairement montrée (Cf figure 4). Seule la modalité avec absence de B.
cinerea entraîne une absence de géosmine et une note de qualité d’ensemble, à la dégustation, significativement
supérieure aux autres modalités.
162
Figure 4 - Relation entre différentes intensités de tri sur une parcelle avec des grappes
à odeur terreuse, la teneur en géosmine des vins et la note de dégustation.
Néanmoins, il ne faut pas généraliser ces résultats à l’ensemble des parcelles car cette démonstration a bien été
réalisée sur une parcelle où des grappes à odeur terreuse ont été détectées précocement.
EVOLUTION DE LA GÉOSMINE AU COURS DE LA VINIFICATION
Entre l’encuvage et le décuvage, la teneur en géosmine du vin augmente significativement, par le phénomène de
diffusion au cours de la macération (Cf. figure 5). Le goût terreux est contenu dans la pellicule. En moyenne, la teneur
en géosmine a été multipliée par 2.2 entre l’encuvage et la fin FA.
Figure 5 - Teneur en géosmine sur jus d’encuvage et sur vin fin FA pour 30 minicuves, millésime 2004
(ITVFrance-SICAREX Beaujolais 2005)
Différentes méthodes de vinification ont été testées en minicuverie sur une vendange à odeur terreuse très marquée :
vinification en grappes entières, vinification avec foulage, macération préfermentaire à chaud (MPC), MPC avec
pressurage avant levurage. Aucune de ces méthodes n’a permis d’éviter l’apparition du défaut sur vin. Une teneur
moindre en géosmine est constatée dans la vinification où la durée de macération est réduite, mais le défaut est
toujours perceptible.
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Après pressurage, la teneur en géosmine des vins ne peut pas augmenter. Elle peut rester stable ou diminuer. Des
mesures de géosmine ont été réalisées sur un an dans des vins conservés en bouteilles. L’évolution de la géosmine en
bouteille est très faible aux températures de stockage classiques. La dégradation des arômes semble plus rapide que
celle de la géosmine.
DÉTECTION DES GOÛTS TERREUX PAR LA DÉGUSTATION
La perception de la géosmine n’est pas aisée et ceci pour plusieurs raisons :
• une partie des individus n’est pas sensible à la géosmine. Il est important que chaque vinificateur puisse
connaître sa sensibilité à la géosmine. Les personnes non sensibles devront faire appel aux compétences d’une
tierce personne pour les aider à identifier des cuvées à problèmes en cours de vinification et pour la réalisation
d’assemblage.
• la perception du défaut est fugace au nez et très persistant en bouche. Au cours d’une dégustation, les cuvées
à défaut devront donc toujours être dégustées en dernier, ou bien à part, afin d’éviter les erreurs d’appréciation.
• le type de vin peut perturber la dégustation. Le défaut sera plus difficilement décelable dans les vins très
structurés ou très aromatiques. Il peut également être masqué par un autre défaut (réduction, …). Le vinificateur
devra donc déguster les cuvées bien avant le décuvage, de façon régulière et dès l’encuvage.
Quand peut-on déceler les goûts terreux ?
- la veille des vendanges, en sentant les grappes et en dégustant le jus de raisins foulés,
- dès la fin de l’encuvage, sur le jus d’encuvage avant sulfitage, ou bien au moment du levurage,
- pendant la macération et au moment du pressurage, sur le jus de presse.
Il est important d’être bien formé à la perception des goûts terreux, afin de ne pas confondre ce défaut avec les goûts
de pourri ou phéniqué liés à la pourriture grise.
En cas de détection de goûts terreux au cours de la vinification, la cuvée douteuse doit être mise de côté. L’assemblage
n’est pas une solution, car le seuil de perception de la géosmine est très bas.
TRAITEMENTS CURATIFS DES GOÛTS TERREUX
Une demande d’expérimentation nationale de traitement curatif a été accordée à ITVFrance par la DGCCRF pour les
campagnes 2002-2003 et 2004-2005. Deux produits ont été autorisés à titre expérimental : le lait entier et l’huile de
pépins de raisins. La mise en œuvre de ce traitement doit être suivi et encadré par un œnologue d’un laboratoire,
dans le cadre d’une convention signée avec ITVFrance. Ces traitements sont délicats à réaliser et nécessitent des
conseils personnalisés de l’œnologue.
Les premiers résultats montrent l’efficacité de ces traitements sur la diminution et la disparition des goûts terreux des
vins. Le principe est l’adsorption du défaut par les corps gras. Quelle que soit la teneur initiale en géosmine du vin
(les cuvées les plus fortement marquées contenaient environ 200 ng/L), la teneur en géosmine après traitement est
inférieure ou égale à 40 ng/L. Le traitement à l’huile de pépins de raisins permet une réduction de la teneur en
géosmine des vins de - 73 %, contre - 48 % avec le lait entier.
Les vins présentant un important défaut terreux sont préférentiellement traités à l’huile de pépins de raisins, afin d’éviter
une perte de couleur trop importante avec l’emploi d’une dose élevée de lait, ce qui explique les différences des
teneurs moyennes en géosmine avant traitement dans la figure 6.
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Figure 6 - Résultats des traitements curatifs des goûts terreux sur vin rouge (ITVFrance 2005).
Une émulsion huile-vin est incorporée au vin à traiter au cours d’un soutirage, à l’aide d’une pompe doseuse.
La mise en œuvre de l’huile de pépins de raisins nécessite des précautions :
• utiliser une huile fraîchement raffinée, sans odeur particulière et conservée en récipients pleins.
• protéger l’huile contre le rancissement en évitant tout contact avec l’air, durant toutes les étapes du traitement.
• adapter la dose d’huile de pépins de raisins en fonction de l’intensité du défaut (dose de 0.1 à 0.3 L/hL).
• maintenir l’émulsion en agitation (pour que l’émulsion soit homogène), et l’incorporer de façon régulière.
Soutirer le vin 2 à 4 h après traitement, puis le filtrer pour éliminer totalement l’huile de pépins de raisins.
Les essais de traitements curatifs réalisés dans le cadre de cette expérimentation montrent une amélioration de la
qualité du vin, avec disparition de l’odeur et du goût terreux. Des goûts de rance sont constatés lorsque les précautions
de mise en œuvre de l’huile de pépins de raisins ne sont pas respectées.
CONCLUSION
La problématique des goûts terreux étant complexe, il était nécessaire d’avoir une approche pratique, simple et rapide,
afin de pouvoir prédire pour chaque parcelle le risque d’apparition de ces mauvais goûts sur vin, et trouver une
solution pour limiter et réduire ces goûts terreux.
Un test prédictif a été créé, destiné à être mis en œuvre 2-3 jours avant la récolte d’une parcelle. L’objectif est de tenter
de comprendre les causes des goûts terreux par une meilleure connaissance des caractéristiques du raisin. Dans
l’expérimentation viticole, ce test prédictif est novateur sur trois points : la notation de la présence visuelle de
moisissures sur grappes, l’olfaction de grappes avec recherche d’odeur terreuse et la dégustation des “jus” extraits par
foulage.
Les résultats obtenus sur plus de 50 tests prédictifs réalisés pendant les vendanges 2004 montrent que :
• les grappes saines ne contiennent pas de géosmine,
• la présence de B. cinerea et d’odeur terreuse est observée sur les grappes contenant de la géosmine. Il suffit
d’une fréquence d’1 % de grappes à odeur terreuse pour que le raisin soit jugé “à risque”,
• il n’existe pas de relation proportionnelle entre l’intensité de B. cinerea et la teneur en géosmine sur raisin ou
sur vin,
• différentes couleurs de moisissures sont présentes sur les grappes en association avec de la pourriture grasse,
• la perception des goûts terreux par la dégustation des “jus” issus du foulage des 100 grappes est bien corrélée
à leurs teneurs en géosmine,
• la prédiction du risque terreux est plus précise à partir des “jus” issus du foulage des 100 grappes plutôt qu’à
partir du moût d’encuvage, dans le cas d’un encuvage en grappes entières.
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Pour limiter les risques d’apparition des goûts terreux, il est nécessaire de lutter contre B. cinerea. La lutte chimique ne
suffit pas à elle seule. Les mesures prophylactiques contre la pourriture sont prioritaires et doivent être mise en œuvre
et adaptées à chaque parcelle.
Il a été montré que sur une parcelle présentant des grappes à odeur terreuse, le tri visuel basé sur la pourriture grise
permet de limiter les teneurs en géosmine sur vin. Sur cette parcelle, seule la cuvée contenant 0 % de pourriture grise
était indemne de goûts terreux.
L’importance de la dégustation est clairement démontrée de la veille de vendange, aux différentes étapes de la
vinification, jusqu’à l’assemblage. Le risque de présence de goûts terreux peut être estimé de façon rapide et fiable
par la dégustation, à condition que le dégustateur soit sensible et sensibilisé à ce défaut.
Enfin, le fait que le défaut se diffuse dans le moût et le vin au cours de la macération limite les possibilités de lutte
curative pendant cette phase. Lorsque le vin est jugé terreux, l’élimination de ce défaut par un traitement curatif à base
d’huile de pépins de raisins semble la solution la plus efficace, sous réserve de respecter les précautions de mise en
œuvre. La lutte préventive à la vigne reste bien évidemment la meilleure solution.
Remerciements
Ces travaux ont pu être réalisés grâce au concours financiers de l’ONIVINS dans le cadre du groupe de travail
national sur les goûts moisis terreux, et d’INTER Beaujolais.
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