Panne au décollage

Transcription

Panne au décollage
AERO-CLUB DU CE AIRBUS-FRANCE TOULOUSE
CISOA-Commission Interne pour la Sécurité des Opérations Aériennes
08/2012
Conseil Sécurité du mois
Page 1/4
Rédacteurs : Bruno Guaus/Jacques Loury/Thierry Pereira
Panne au décollage : s’y préparer pour mieux la détecter
et maîtriser la situation !
La météo est clémente et vous avez le projet exaltant d’une escapade aérienne. Après avoir
préparé soigneusement votre vol et l’avion puis effectué les essais moteur, les actions et les
vérifications d’usage au point d’arrêt avant piste, vous êtes prêt à vous aligner et décoller !
Avant l’alignement, vous avez effectué un « briefing vol » relatif aux tâches que vous allez ou
pourriez devoir exécuter dans les minutes qui vont suivre !
Naturel pour l’oiseau, défi pour l’être humain et opération routinière pour le pilote d’avion, le
décollage est néanmoins une phase critique dans laquelle nul ne peut et ne doit s’engager « à
la légère » et qui requiert une vigilance accrue pour détecter toute anomalie pouvant survenir
dans son déroulement.
Ce conseil Sécurité approfondit les divers tenants et aboutissants de la panne au décollage,
objet de diverses procédures décrites dans les manuels de vol ou les check-lists.
Ce conseil Sécurité est développé dans trois documents distincts :
Le présent document (référencé 08/2012), contenant dans les pages 2 à 4 :
 la 1ère partie du conseil, sous-titrée « Panne au décollage : je m’y prépare », qui
présente brièvement le but et la nature d’un « briefing vol » ainsi que les items à énoncer
lors du « briefing Départ » et du « briefing Sécurité au décollage » ;
 la 2ème partie du conseil, sous-titrée « Avant l’envolée, j’interromps la course ! », qui
détaille les items relatifs à la phase d’accélération avant la rotation.
Le document référencé 08-2/2012 qui contient la 3ème partie du conseil, sous-titrée
« Après l’envolée, je gère l’urgence ! » et détaille les items relatifs à la phase de
montée.
L’annexe au document ci-dessus, référencée 08-3/2012 et sous-titrée « Quelques aires
d’atterrissage en cas de panne majeure après décollage de la piste 34 à LFCL »
Conseil Sécurité
08/2012
AERO-CLUB DU CE AIRBUS-FRANCE TOULOUSE - CISOA
Panne au décollage : s’y préparer pour mieux la détecter
et maîtriser la situation !
Page 2/4
1ère partie : « Panne au décollage : je m’y prépare »
A- But et nature d’un « briefing vol »
Le but d’un « briefing vol » est, en préalable à une phase de vol, de « préactiver vos
connaissances procédurales », c’est-à-dire de les rechercher en mémoire « long terme » pour
les remonter en mémoire « court terme » afin de pouvoir les mettre en œuvre sans délai !
Il ne s’agit pas d’exposer tout ce que vous savez exécuter mais simplement d’énoncer
brièvement et de façon concise les éléments variables qui dépendent de l’avion et de son
utilisation en situation normale et anormale (procédures décrites dans son Manuel de Vol), de la
nature et des conditions du vol projeté et des aérodromes et espaces fréquentés.
Autrement dit un « briefing vol » porte sur l’adaptation « des paramètres et des procédures »
aux conditions opérationnelles du moment (performances, réglementation, météo, aérologie,
environnement) et ainsi qu’aux anomalies pouvant survenir dans ces conditions.
Un « briefing vol » s’effectue en silence ou de préférence à haute-voix, comme si un copilote vous
écoutait ce que vous énoncez pour, le cas échéant, détecter et signaler les erreurs ou les omissions.
Au commencement d’un vol, les éléments à énoncer sont d’une part ceux relatifs aux
procédures normales de départ en vol – c’est le « briefing Départ », mais aussi et surtout ceux
relatifs aux procédures d’urgence et de secours applicables à cette phase – c’est
l’incontournable « briefing Sécurité au décollage »
Parfois ces deux briefings sont regroupés mais il vaut mieux les effectuer en deux lieux et moments distincts :
i.
le premier, au parking (briefing Départ), à l’issue de l’embarquement et de la préparation du poste et avant la
mise en route du moteur, en ayant en main la VAC de l’aérodrome, les données de départ (observées ou
enregistrées sur l’ATIS) et selon le cas le journal et la carte de navigation [réduction du risque de
perturbation par le bruit ambiant, le manque d’information et la pression temporelle]. ;
ii.
le second, au point d’arrêt avant piste (briefing Sécurité au décollage), à l’issue des essais, actions et
vérifications d’usage avant l’alignement [pilote mentalement prêt à réagir en cas d’anomalie].
B- items à énoncer lors du « briefing Départ » et du « briefing Sécurité au décollage »
Un « briefing Départ » porte sur les éléments suivants :
1. le type et la destination du vol, l’autonomie au départ ;
2. la piste en service, les voies de circulation et le point d’arrêt avant piste à utiliser ;
3. les paramètres de pilotage (types de décollage et de montée initiale et vitesses, configurations, etc) ;
4. les limitations dues au vent, à la piste, aux obstacles, à l’environnement (procédure anti bruit, survols à
éviter) et à l’espace aérien ;
5. l’itinéraire pour rejoindre le point de sortie, l’altitude et la route prévues s’il s’agit d’un vol effectué hors de la
circulation d’aérodrome ou l’altitude à respecter s’il s’agit de tours de piste ;
6. le traitement d’une panne radio en vol.
Au retour d’un vol, avant de débuter votre descente et d’intégrer la circulation de l’aérodrome de destination vous
effectuez un « briefing Arrivée » similaire au « briefing Départ ».
Durant votre « briefing Sécurité au décollage » vous devez inlassablement répéter :
1. Si anomalie quelconque pendant l’accélération jusqu’à « Vr », arrêt du décollage :
o gaz réduits, freinage adapté et dégagement si possible
o si impossibilité de s’arrêter sur la piste ou si risque de sortie de piste en latéral :
circuits carburant et électriques coupés ;
2. Si alarme ou panne mineure après décollage, tour de piste adapté :
o 1er virage à main - - - - - pour revenir [et atterrir en piste - -] ;
3. Si panne majeure après décollage :
o assiette de descente, évolution à « Vii » droit devant ou en écart pour éviter les
obstacles, vers une zone propice pour atterrir en inclinant à 30° maximum ;
o [pas de demi-tour si hauteur inférieure à 800 pieds minimum et au-delà de - - -] ;
o si possible, avant le toucher des roues : circuits carburant et électrique coupés,
verrière (ou porte) déverrouillée ;
o dès que l’avion est arrêté, balise de détresse déclenchée et évacuation.
Conseil Sécurité
08/2012
AERO-CLUB DU CE AIRBUS-FRANCE TOULOUSE - CISOA
Panne au décollage : s’y préparer pour mieux la détecter
et maîtriser la situation !
Page 3/4
2ème partie : Avant l’envolée, j’interromps la course !
1-Si anomalie quelconque pendant l’accélération jusqu’à « Vr »,…
La « Vr » annoncée [en km/h ou nœuds] est la Vitesse pour la rotation d’assiette (100 km/h
sur DR400-120 lors d’un décollage « normal »).
C’est la vitesse indiquée à laquelle, en tirant
progressivement le manche à cabrer, l’avion
quittera le sol « en sécurité » et pourra
accélérer jusqu’à la vitesse de montée
initiale.
La Vr sera atteinte plus ou moins rapidement
en fonction de divers éléments (cf. Conseil
Sécurité 04-2011 « Les performances se
dégradent avec les beaux jours »).
Pendant l’accélération, avec tous vos sens en éveil et en regardant au dehors loin devant vous
le plus fréquemment possible pour surveiller votre tenue d’axe, vous vérifiez :
1. que « la puissance requise pour décoller » s’est bien établie (il convient donc d’avoir en
mémoire le RPM minimum) ;
2. qu’il n’y a pas d’alarmes, notamment de pression d’huile et de pression d’essence ;
3. que l’aiguille de l’anémomètre devient active puis indique une vitesse qui augmente.
Vous comprenez aisément que plus vous atteindrez Vr rapidement moins vous disposerez de
temps pour capter cet ensemble d’informations, vérifier leur état et prendre la bonne décision !
D’où la nécessité d’un « briefing» pour les identifier et pendant la course au décollage de cibler
vos vérifications sur trois items : la puissance, les alarmes et la vitesse.
Le résultat de la vérification sur chaque item fera l’objet des annonces techniques ci-après :
1. 2200 RPM minimum (exemple de la puissance décollage sur DR400-120) ;
2. pas d’alarmes ;
3. la vitesse augmente ;
(et en synthèse) je poursuis le décollage.
… arrêt du décollage : …
L’arrêt du décollage doit être décidé dès lors qu’un seul de ces trois résultats n’est pas
conforme ou que vous avez éprouvé le moindre doute, ressenti ou entendu quelque chose
d’inhabituel ou d’anormal : par exemple, forte dissymétrie, dureté aux commandes,
anémomètre bloqué, odeur inhabituelle (d’essence, de fumée), vibration, claquement (pneu qui
éclate, collision avec un oiseau), craquement, verrière ou porte qui s’est déverrouillée, panique
d’un passager, etc.
Une fois l’anomalie détectée, ce n’est certainement pas le moment de s’engager dans une
quelconque analyse pour en supprimer la cause et le cas échéant changer de décision !
La course au décollage doit également être interrompue si la trajectoire de l’avion commence à
diverger fortement de l’axe de la piste, notamment en cas de vent de travers, cette divergence
pouvant mener rapidement à une sortie de piste si l’arrêt du décollage intervient trop
tardivement.
Conseil Sécurité
08/2012
AERO-CLUB DU CE AIRBUS-FRANCE TOULOUSE - CISOA
Panne au décollage : s’y préparer pour mieux la détecter
et maîtriser la situation !
Page 4/4
o gaz réduits, freinage adapté …
Dès que vous avez pris la décision, supprimez immédiatement la puissance appliquée (manette
des gaz sur « réduit »), puis dès que possible et en veillant à bien tenir l’axe, freinez de manière
adaptée en tenant compte de la longueur restante avant l’extrémité de la piste, de l’état de sa
surface et de son éventuelle contamination.
Ne pas surestimer l’efficacité du freinage car elle peut être altérée selon l’état de surface de la
piste, la température et le degré d’usure des pneus et des plaquettes de freins. Elle peut varier
d’un avion à un autre.
Point d’attention :
ne jamais reprendre le décollage après avoir débuté une interruption ;
envisager un nouveau décollage uniquement après avoir analysé
dans le calme ce qui s’est passé.
… et dégagement si possible ;
Le dégagement n’est pas impératif, notamment s’il nécessite un 180° ou un roulage très long
(piste avec peu de bretelles d’accès), si éclatement de pneu, incendie, etc.
Lorsque l’avion est « sous contrôle » et selon son état technique, vous n’oublierez pas de
prévenir si vous pensez avoir perdu quelques morceaux !
o si impossibilité de s’arrêter sur la piste ou si risque de sortie de piste en latéral :
circuits carburant et électrique coupés ;
Si ce jour-là la longueur restante avant l’extrémité de la piste vous paraît insuffisante ou si vous
risquer de sortir de la piste latéralement, la fermeture de l’arrivée d’essence (mixture et robinet)
et la coupure de l’allumage et de la batterie limiteront le risque de déclencher un incendie au
dans le cas où l’avion est endommagé.
Le manuel de vol des avions légers ne mentionne pas la « distance accélération/arrêt » (accelerate and
stop distance - ASD) mais la somme des distances de roulement au décollage et à l’atterrissage permet
de bien l’évaluer. À titre d’exemple, un DR400-120 en conditions ISA, à la masse max et sur piste revêtue
sèche, roule sur une distance de 235 m au décollage et 200 m à l’atterrissage.
Il faudrait donc 435 m pour arrêter la course, sachant que ceci s’entend pour un avion entièrement neuf
(cellule, moteur, hélice, freins) et avec un pilote d’essai aux commandes.
La piste de LFCL offre donc une marge suffisante pour « décélérer » (ASDA = 950 m aux 2 QFU) d’autant
plus si la course a commencé au tout début de la piste (cf. Conseils Sécurité 02/2012 « Qu’elle soit
blanche ou jaune, la ligne, on s’assoit dessus ! » et 03/2012 « La piste qui parle »)
En résumé :
être « en état d’alerte permanente » vis-à-vis de ce qui pourrait survenir ;
ne pas hésiter à interrompre le décollage au moindre doute : mieux vaut revenir au point
d’arrêt après une fausse alerte que décoller sans être sûr que tout est nominal !

Documents pareils