Le suicide - CULTURE

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Le suicide - CULTURE
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Enseignement de culture générale
Aspect : Ethique
Dossier n° 2.1
Le suicide
Contenu du dossier
I.
INTRODUCTION
2
II.
PLAN
3
III.
DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES
3
IV.
DONNEES JURIDIQUES
5
V.
MODELES D’EXPLICATION DU SUICIDE ET PREVENTION
8
VI.
QUELQUES THEORIES ETHIQUES SUR LE SUICIDE
12
VII.
REPRISE DES CAS
16
VIII.
LA PREVENTION DU SUICIDE
20
IX.
LEXIQUE
23
X.
BIBLIOGRAPHIE
24
XI.
ANNEXES
27
XII.
TABLE DES MATIERES
36
Dossier à l’usage de l’enseignant
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LE SUICIDE
I. INTRODUCTION
A juste titre, le suicide des jeunes inquiète les enseignant(e)s suisses. Beaucoup savent en
effet que le taux de suicide des jeunes dans notre pays est plus élevé que dans les pays voisins.
Mais en même temps, les enseignant(e) sont partagés entre plusieurs sentiments
contradictoires : En parler ne risque-t-il pas d’avoir pour effet paradoxal1 d’inciter certains
jeunes à se donner la mort ? L’enseignant(e) pourrait-il alors, indirectement mais réellement,
être tenu pour responsable sur le plan psychologique, moral, voir pénal ? Et d’ailleurs,
s’engager dans une politique active de prévention ne se heurte-t-il pas à des obstacles
insurmontables, tant sur le plan théorique – respecter la liberté des jeunes et le pluralisme
d’une société qui ne condamne nullement le suicide –, que pratique – l’enseignant(e) ne
sachant comment faire concrètement.
C’est à ces questions que ce dossier voudrait apporter quelques éléments de réponse, mais non
des solutions : le suicide des jeunes est une question complexe, à la fois dans ses causes et
dans la manière de relever le défi. Ce dossier ne ferme donc pas le débat, mais voudrait
contribuer au contraire à l’ouvrir.
Comme les autres dossiers du Projet Aujourd’hui l’éthique, ce dossier s’adresse aux
enseignant(e)s et non pas aux élèves. A la différence toutefois des autres dossiers, son but
premier n’est pas de fournir aux enseignant(e)s des éléments destinés à construire une leçon
pour la classe, mais de permettre aux enseignant(e)s à faire le point pour eux-mêmes.
Libre ensuite, le cas échéant, aux enseignant(e)s de voir comment aborder la question en
classe, en sachant leur approche reste limitée, non seulement parce qu’ils ne disposent pas de
toutes les compétences sur ce thème, mais parce que le suicide a de nombreuses résonances
émotionnelles que l’enseignant(e) peut ne pas maîtriser ; même si l’apport de l’enseignant(e)
est cognitif et rationnel, il ne sera pas nécessairement pris sur ce plan là. Pour cette raison,
l’enseignant(e) sera attentif à préserver l’espace de liberté des élèves, pour qu’ils aient la
liberté de ne pas entrer en matière sur le suicide si ils n’en n’ont pas fait la demande. Nous
conseillons donc que l’intervention aient lieu après préparation entre collègues, voire en
sollicitant l’aide d’un tiers.
Nous ne cachons pas notre option contre le suicide des jeunes. Bien entendu, comme pour les
autres dossiers, notre but est de respecter la liberté de penser des élèves. Dans le monde
pluraliste et pluriculturel qui est le nôtre, les points de vue sur la vie et la mort sont multiples.
Néanmoins, toute démocratie se fonde sur un consensus de base autour de quelques valeurs
fondamentales qu’elle vise précisément à protéger : respect de l’être humain, de sa vie, de sa
dignité, de son intégrité, de sa liberté. Il nous semble alors – et c’est une des hypothèses sousjacentes à ce dossier – que la prévention du suicide fait partie du respect dû à tout homme
comme humain. Ceci vaut particulièrement pour les jeunes, dont nous reconnaissons
1 Certaines études ont montré que le seul fait de parler du suicide pouvait avoir pour effet de le faire percevoir
comme une « solution » envisageable dans les situations de crise traversées par les jeunes. Cf. P. Bowen, M.
Choquet, F. Ladame, G. Kjellberg, M. Perret-Catipovic, Youth Suicide Prevention Programs : Review of
Literature Published in English or French between 1990 And 1999, Geneva, HUG (Center for suicide research
and prevention), 2001.
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socialement que la liberté – politique, juridique, etc. – n’est pas entière. Dans cette mesure,
l’Etat, et l’école qui en dépend, doivent d’abord assurer la protection de l’intégrité des jeunes
avant de protéger leur liberté de disposer de leur corps, de leur vie et de leur mort.
II. PLAN
Nous nous proposons ici de faire un rapide état des lieux épidémiologique et juridique avant
d’exposer trois grandes interprétations du suicide. Nous rappellerons ensuite quelques
éléments éthiques du débat sur le suicide, avant de faire une synthèse sur la prévention du
suicide. Nous conclurons ce dossier par quelques éléments d’analyse de quelques cas.
Nous sommes conscients de faire des choix, qui pourraient ne pas être partagés par tous, selon
leurs options ou leurs approches disciplinaires. Nous espérons simplement ne pas avoir
dénaturé les argumentations de toutes celles et ceux qui ont contribué à ce dossier et dont
nous avons dû synthétiser les apports dans cette version de ce dossier2. Qu’ils se sachent
toutes et tous chaleureusement remerciés.
III. DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES
On dispose aujourd’hui de données épidémiologiques fiables qui permettent de dresser le
constat suivant :
1) La Suisse fait partie des pays les plus touchés par le suicide des jeunes (cf. Annexe 1). Ce
constat est stable depuis de nombreuses années, et nous ne disposons pas, aujourd’hui,
d’explications satisfaisantes pour le comprendre. De nombreuses hypothèses ont été
avancées (climat, religion, niveau socio-économique etc), mais toutes ont été réfutées.
Cette différence de la Suisse par rapport aux autres pays est bien plus grande encore à
regarder certaines statistiques. L’OMS mène une enquête régulière pour connaître le taux
de tentatives de suicide dans les pays européens3. Le taux de l’ordre du 0,3%, est
nettement inférieur à ceux connus en Suisse. Mais il ne faut pas se tromper : la différence
tient à la façon de récolter les données ; l’OMS ne tenant compte que des tentatives de
suicide répertoriées dans les centres de soins. Si l’on met en rapport les tentatives de
suicides répertoriées en Suisse dans les centres de soins par rapport à celles commises en
général, on doit admettre que l’essentiel des tentatives n’est pas répertorié dans les centres
de soins, et que les chiffres de l’OMS ne disent rien.
2) Le suicide concerne davantage les hommes que les femmes (annexe 2), ce qui vaut
d’ailleurs dans tous les pays, à l’exception de la Chine et de l’île Maurice (WHO, 1999).
3) Si le suicide des enfants de moins de 15 ans reste exceptionnel, nous constatons que dès
15 ans il devient préoccupant. En Suisse, tous les 3 jours un jeune entre 15 et 24 ans
décède par suicide.
4) Le même graphique montre que suicide ne concerne pas toutefois seulement les jeunes,
puisque les personnes âgées se suicident davantage que les jeunes.
2 Ont contribué à ce dossier, les personnes suivantes : François Dermange, Philippe Granget, Stefania Lemiere,
Hermine Mambi, Michel Maret, Meido Mefieuh, Carol Navarro, Maja Perret-Catipovic, Marinette Ummel.
3 Bille-Brahe U. et Schmidtke A. in Ladame F., Ottino J. et Pawlak C., (1995).
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Toutefois, la comparaison des chiffres de suicides des jeunes et des personnes âgées doit
tenir compte des autres causes de décès. On s’aperçoit alors que parmi les personnes
âgées, le suicide ne représente plus que 0,0..% des causes de décès (annexe 3), alors que
parmi les jeunes, le suicide est l’une des causes principales de mortalité. Le suicide est
ainsi la première cause de mortalité des jeunes en Suisse, après les décès dus aux
accidents de la circulation, les overdoses de drogues, les maladies telles que les cancers ou
le SIDA (Graphique 4).
Pour les plus jeunes (15-19 ans) ce sont les accidents de la circulation et le suicide qui se
partagent les deux premières places, l’ordre variant selon les années. Il convient en outre
de préciser qu’il s’agit de chiffres minimaux et que bon nombre de suicides non reconnus
comme tels avec certitude sont répertoriés dans les catégories “ accidents ”. Une
proportion non négligeable d’overdoses serait des overdoses calculées dans le but de se
donner la mort.
5) Les tentatives de suicide sont infiniment plus nombreuses que les décès par suicide. On
estime généralement qu’il y a 10 tentatives de suicide pour un suicide, ce qui est
certainement sous-estimé pour certaines tranches d’âge, et surestimé pour d’autres.
Les taux annuels des tentatives de suicide culminent entre 15 et 19 ans pour les filles et
entre 20 et 24 ans pour les hommes4. S’il y a environ deux à trois fois plus d’hommes que
de femmes qui décèdent par suicide, pour les tentatives de suicide le rapport s’inverse : il
y a deux à trois fois plus de femmes que d’hommes qui font des tentatives de suicide, ou
du moins qui sont reconnues comme telles dans les centres de soins. Une enquête sur la
population générale en Suisse a mis en évidence que 4% des filles et 3% des garçons entre
15 et 20 ans disent avoir fait une tentative de suicide dans les 12 mois précédant
l’enquête5.
6) L’insertion dans une filière scolaire ou professionnelle est un facteur positif de prévention
C’est parmi les jeunes désinsérés de toute filière de formation scolaire ou professionnelle
que la situation est la plus préoccupante. Ce sont même 34% des filles et 17% des garçons
« drop out », entre 15 et 19 ans qui disent avoir fait une tentative de suicide dans l’année
en cours. La désinsertion de toute filière de formation scolaire ou professionnelle apparaît
également comme un des facteurs de risque importants d’un décès par suicide6. Ces
données sont cohérentes avec les données internationales7 et semblables à celles récoltées
en France par exemple8.
7) Les apprentis apparaissent sont cependant plus exposés au suicide que les collégiens
Par ailleurs, parmi les jeunes insérés dans une filière scolaire ou professionnelle, le risque
est variable selon le type de filières de formation. Les apprentis apparaissent sont plus
exposés au suicide que les collégiens : 5% des apprenties et 3% des apprentis disent avoir
fait une tentative de suicide dans l’année, contre 2% chez les collégiens filles et garçons.
4 M. Lejoyeux, E. Leon, F. Rouillon, (1994).
5 Narring et al. (1994).
6 Gould et al., (1996).
7 Hawton K. et Van Heeringen K., (2000).
8 Choquet M. et Ledoux S., (1994).
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IV. DONNEES JURIDIQUES
A partir de ce constat, que doivent faire les enseignant(e)s ? Doivent-ils chercher à agir par un
engagement dans la prévention, ou doivent-ils faire comme si cela ne les concernait pas ?
avant de chercher à débroussailler cette question, commençons par voir ce qui en est du droit,
ne serait-ce que pour lever la crainte de certain(e)s qu’ils risqueraient d’engager leur
responsabilité juridique au cas où indirectement un jeune attenterait à ses jours, suite à une
intervention en classe.
Du point de vue juridique, il faut pouvoir distinguer :
a) la responsabilité de celui qui porte atteinte à sa propre vie ;
En droit suisse, le suicide n’est pas réprimé. Même si pendant longtemps la tentative de
suicide a été punissable – étant vue comme un acte grave portant préjudice à la société –
tel n’est plus le cas aujourd’hui. On a plutôt tendance aujourd’hui à regarder le suicidaire
comme une victime et non comme un coupable.
b) la responsabilité de celui qui aide un tiers à porter atteinte à sa propre vie ;
En droit suisse, la complicité au suicide (art. 25 du Code Pénal) ou l’instigation (art. 24 du
Code Pénal) au suicide, deux actions « accessoires », ne sont pas punissables, puisque
l’acte principal – le suicide – ne constitue pas une infraction pénale9.
Ce n’est que dans des cas particuliers que la participation de tiers au suicide tombe sous le
coup de la responsabilité pénale10 : c’est lorsque le tiers décide la victime à se tuer (incitation
au suicide) ou lorsqu’il prête assistance à la victime avant le suicide ou lors de son exécution,
notamment par des conseils ou par sa collaboration (remise d’une arme, par ex.) (assistance
au suicide).
Art. 115. Celui qui, poussé par un mobile égoïste, aura incité une personne au suicide, ou lui
aura prêté assistance en vue du suicide, sera, si le suicide a été consommé ou tenté, puni de la
réclusion pour cinq ans au plus ou de l’emprisonnement.11
Faisons à propos de cet article plusieurs remarques :
La participation au suicide d’autrui est exclusivement réglée par l’article 115 CP12. Tout
suicide qui ne tombe pas sous le coup de cet article n’est pas punissable. Mais encore fautil qu’il y ait bien suicide, c’est-à-dire que l’acte qui met fin à la vie ait été consommé ou
tenté13 par la victime elle-même.
9 Pedrazzini A. L’euthanasie de l’avortement eugénique à la prolongation artificielle de la vie. Thèse de
doctorat, Faculté de droit de l’Université de Lausanne. Imprimerie Pedrazzini. Locarno, 1982, p. 113.
10 Pedrazzini A., Ibid., (1982), p.119ss. Cf. Hurtado Pozo J., Droit pénal, Partie spéciale I., Zurich, Schulthess
Polygraphischer Verlag, 1997, p. 53.
11 Chancellerie Fédérale, Code pénal suisse, Berne 1992, p.46.
12 Cassani, Ursula, « Assistance au suicide. Le point de vue de la pénaliste », Médecine et Hygiène 1997; no. 55,
p. 616.
13 Hurtado Pozo J., Ibid., (1997), p. 56.
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Si l’assistance fournie par autrui « consiste à agir sur le corps » de la victime « dans le but
de provoquer ainsi sa mort, il y a homicide14» et non pas suicide et ce sont alors les art.
111ss ou 114 CP qui s’appliquent15.
De même celui qui inciterait ou assisterait une personne incapable de discernement ou un
enfant au suicide16 ne participe pas à un suicide mais « commet un homicide
intentionnel ».
L’article 115 ne vise pas d’auteurs particuliers de l’infraction, tels que les médecins ou les
enseignant(e)s par exemple, mais tout un chacun puisqu’il commence par la formulation
« Celui qui
».
Pour tomber sous le coup de cet article, plusieurs conditions doivent être réunies :
 Avoir agi intentionnellement et par mobile égoïste (c’est-à-dire par un mobile non
altruiste procurant un avantage patrimonial ou psychique à soi-même)17.
 Avoir voulu « la mort d’une personne déterminée ». Ainsi, « l’écrivain faisant une
apologie du suicide, ne pourrait pas tomber sous le coup de l’art. 115 CPS même si la
preuve est faite que X a été décidé à se donner la mort par la lecture de son ouvrage
[ ]. L’intention de l’écrivain n’était certainement pas celle de pousser X au suicide et
un élément constitutif du crime réprimé par l’art 115 CP fait défaut » 18.
 Avoir connu « le dessein suicidaire de la victime ». « On ne saurait punir pour
assistance au suicide une personne qui aurait procuré à autrui la corde avec laquelle ce
dernier se pendra si elle était tout à fait inconsciente de l’usage qu’il avait l’intention
d’en faire » 19.
La responsabilité spécifique des enseignant(e)s face aux projets de suicide :
 Y a t-il un devoir d’empêcher une personne de se suicider20 ?
Pour les personnes majeures – âgées de 18 ans révolus selon l’art. 14 Code civil suisse
– et capables de discernement, la réponse est clairement négative21.
Pour les personnes mineures ou sous tutelle capables de discernement de se suicider, la
question « n’est pas résolue de manière certaine » par la doctrine et la jurisprudence.22
Selon Hurtado Pozo, « le devoir de sauver celui qui veut se suicider n’est admissible
que si ce dernier agit en état d’incapacité et si l’auteur à l’obligation de garant23 ».
14 Cassani U., Ibid., (1997), p. 616.
15 Pedrazzini A., Ibid., (1982), p. 129; Cassani U., Ibid., (1997), p. 616.
16 Hurtado Pozo J., Ibid., (1997), p. 55.
17 Hurtado Pozo J., Ibid., (1997), p. 55-56.
18 Pedrazzini A., Ibid., 1982, p. 125-126.
19 Pedrazzini A., Ibid., (1982), p. 125-126.
20 Cassani U., Ibid., 616 et 1997. Cf. Cassani U., « Le droit pénal face à l’assistance au décès », in Bertrand D.
et al., Médecin et droit médical, Editions Médecine et Hygiène, 1998, p. 87.
21 Cassani U., Ibid., 1998, p. 88.
22 Cassani U., Ibid., 1998, p. 88.
23 Hurtado Pozo J., Ibid., (1997), p. 54. Cassani U. (1997) p. 616-617.
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Cette situation est bien celle des enseignant(e)s qui ont fonction de garants 24. Les
enseignant(e)s ont alors un devoir d’empêcher les élèves de se suicider, sous peine de
commettre un homicide par abstention.
 Y a t-il un devoir de confidentialité vis-à-vis du jeune qui parle clairement d'un projet
de suicide ?
Les enseignant(e)s exerçant leur activité dans le secteur public sont tenus au secret de
fonction25. Le secret peut toutefois être levé en cas de nécessité26 ou de danger
imminent et concret ; dans ce cas, la levée du secret de fonction doit être faite par
l’autorité supérieure27.
Dans le secteur privé les enseignant(e)s sont soumis à l’art. 35 de la Loi sur la
Protection des Données28. Ce devoir de confidentialité n’est pas absolu. Dans ce cas,
l’état de nécessité29 constitue également une exception, de même que le consentement
de la victime, un intérêt prépondérant privé ou public, ou la loi30.
 Y a t-il une responsabilités des enseignant(e)s lorsqu'ils sont confrontés à des jeunes "à
risque" ou qui parlent clairement d'un projet de suicide ?
a) L’enseignant qui aborde la question du suicide dans une leçon ne pourrait être tenu
pénalement pour responsable si un jeune se suicidait suite à cette leçon, puisqu’en
principe, il ne connaissait pas l’intention suicidaire de la victime. Les conditions
de l’art. 115 ne sont pas remplies.
Cependant, les règles en usage dans la profession quant au traitement d’un sujet si
sensible doivent être respectées. Si cela n’est pas le cas, des sanctions
administratives à l’encontre de l’enseignant pourraient être envisagées.
b) Lorsqu’un(e) élève est « à risque de suicide » ou énonce des idées suicidaires, les
cas de figure suivants peuvent se présenter :
Si l’élève est mineur(e) : dans ce cas et même s’il n’y a pas de doctrine ou de
jurisprudence claire, il nous semble que l’enseignant(e) devrait prendre les
mesures nécessaires et proportionnellement adéquates pour empêcher
l’étudiant de se suicider.
Si l’enseignant juge utile de recourir à des tiers pour cela, il tentera d’abord
d’obtenir le consentement de l’élève et s’il ne peut être obtenu, il passera outre
son devoir de confidentialité pour avertir une instance ou une personne qui
pourra se charger de dissuader l’étudiant de se suicider, soit directement31 si le
danger est imminent, soit, après s’être fait délié par l’autorité supérieure pour le
24 Moreillon L. « Quelques réflexions sur la violation du devoir d’assistance ou d’éducation », Revue pénale
suiss, no.4 , 1998, p.435.
25 Art. 320 du Code Pénal.
26 Prévu par l’art. 34 du Code Pénal .
27 Art. 320 ch.2 du Code Pénal.
28 Dumoulin J.-F., « La confidentialité et la maltraitance », Plaidoyer, 1999 no.3, p.53.
29 Prévu par l’article 34 du Code Pénal.
30 Faits justificatifs prévus à l’art. 13 al. 1 de la Protection des Données.
31 En vertu de l’art34 du Code Pénal.
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fonctionnaire (ou en invoquant l’intérêt prépondérant de l’étudiant pour
l’enseignant du secteur privé), si le danger n’est pas imminent.
Si l’élève est majeur(e) et capable de discernement : l’enseignant(e) n’a pas
de devoir légal d’empêcher l’étudiant de se suicider.
Si l’élève est incapable de discernement : l’enseignant(e) doit l’empêcher
de se suicider, soit lui-même, soit en en passant outre son devoir de
confidentialité et en avertissant une instance ou une personne qui pourra se
charger de dissuader l’étudiant de se suicider, soit directement si le danger
est imminent, soit après s’être fait délié par l’autorité supérieure pour le
fonctionnaire (ou en invoquant l’intérêt prépondérant de l’étudiant pour
l’enseignant du secteur privé), si le danger n’est pas imminent.
Lorsque l’étudiant est incapable de discernement en raison d’un état mental
anormal, l’enseignant suivra les procédures, les indications définies dans
chaque Canton (structures spécifiques d’évaluation, d’aiguillage et de
suivi)
V. MODELES D’EXPLICATION DU SUICIDE ET
PREVENTION
Ces données épidémiologiques et juridiques étant clarifiées, regardons comment le suicide est
compris par les différentes disciplines.
1. Définitions
Il n’existe pas de définition unanimement reconnue du suicide.
Le terme suicide, d’origine anglaise, aurait été utilisé pour la première fois par Sir Thomas
Brown dans son ouvrage Religio medici écrit vers 1636. Il est formé du latin sui (soi), et
caedes (meurtre). Selon cette étymologie, le terme désigne l’« action de se donner soi-même
la mort »32. Le terme serait apparu en français vers 1735.
A partir de là, les définitions sont extrêmement variables. Certains, comme le sociologue
Emile Durkheim, lient le suicide à son résultat (un genre de mort particulier) :
On appelle suicide tout cas de mort qui résulte directement ou indirectement d’un acte positif ou
négatif, accompli par la victime elle-même et qu’elle savait devoir produire ce résultat.33
La plupart des auteurs cependant mettent l’accent sur l’acte, ce qui lie le suicide à son
intention volontaire, mais tout en défendant des thèses opposées.
Pour les uns, c’est l’acte de se donner la mort de manière volontaire et intentionnelle.
Peu importe alors que dans le suicide, la mort doive advenir ou qu’elle soit l’effet
indirect d’un autre choix. Celui qui fait un geste de bravoure, pour lequel il risque sa
vie, se suicide.
Pour d’autres, il n’y a suicide que si dans l’acte voulu, la mort se présente comme
certaine, qu’elle soit recherchée comme moyen ou comme fin. Peu importe alors la
motivation du suicidé à mourir et le sens qu’il peut donner à sa mort. De ce point de
32 Le Petit Larousse Illustré
33 Le suicide, Paris, 1897, p. 5.
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vue, les terroristes qui ont dirigé les avions sur les tours du World Trade Center se
sont bien suicidés, puisque leur mort était certaine et délibérée.
Pour d’autres encore, pour qu’il y ait suicide, il faut que la mort soit non seulement
certaine, mais qu’elle soit le but premier pour lequel l’individu met fin à ses jours. Se
suicide celui qui cherche la mort pour elle-même.
D’autres encore refusent le terme de suicide pour une grande partie des actes jugés
tels, car ils contestent la transparence de la volonté ou de l’intention ; celui qui est
dépressif ou malade ne se suicidant pas.
Retenons ici en première approche que le terme de suicide est connoté péjorativement et que
la plupart des auteurs répugnent à considérer comme un suicide l’acte qui cherche à avantager
autrui ou servir une cause ou un principe, comme c’est le cas du martyre34.
Retenons aussi que la distinction entre les cas positifs et négatifs de la mort auto-infligée
relève plus d’appréciations morales que de différences conceptuelles.
Par exemple, il semble que les appréciations sociales des Suisses aujourd’hui soit partagée
entre deux opinions contradictoires : désapprouvant largement le suicide d’adolescents, elle se
montre compréhensive vis-à-vis du suicide des personnes âgées, au contraire de plusieurs
pays voisins. Or on doit se demander ici, si l’âge est une donnée significative ou si la question
ne doit pas se poser de la même manière dans les deux cas. Plus généralement, nous devons
nous demander quel rôle une personne peut jouer dans sa propre mort et si ce rôle peut être
actif ?
Pour essayer d’y voir plus clair, on doit essayer de comprendre pourquoi une personne attente
à ses jours. Le droit, nous l’avons dit, raisonne ici de manière simple : le critère est de savoir
si la personne est majeure et capable de discernement. Or cette interprétation qui dirait que
dans ces conditions toute personne tentant de se suicider le ferait librement et seulement en
référence à elle-même est loin de faire consensus. Trois autres grandes modèles scientifiques
d’interprétation prévalent aujourd’hui : le modèle « médical », le modèle de type « appel au
secours » et le modèle « sociogénique »35.
2. Le modèle médical du suicide
Contrairement au droit, le modèle médical estime que le suicide de l’adolescent(e) n’est pas
l’expression d’un libre choix. L’enjeu alors est moins de faire une distinction nette selon l’âge
de la majorité ou la capacité de discernement, que de voir dans la volonté de suicide un nonchoix momentané, qui rend inopérants les mécanismes de défense habituellement à l’œuvre.
Le trait commun des approches variées qu’on peut ranger dans ce modèle est de considérer
toute forme de suicide comme non volontaire et non délibérative – même lorsqu’elle apparaît
telle aux yeux des tiers – ; toute forme de suicide résulte de facteurs sur lesquels l’individu n’a
pas prise. Submergé par la souffrance, la personne n’est plus maître de ses choix.
Significative de cette approche est, par exemple, l’affirmation du psychiatre Y. Pelissier, à
propos du suicide en général, mais qui vaut a fortiori pour le suicide des adolescent(e)s :
34 Certains auteurs parlent alors de sacrifice plutôt que de suicide, ou encore de suicide indirect. Nous
n’utilisons pas ici cette terminologie qui peut entretenir la confusion.
35 Margaret Battin, article « suicide », Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale, M. Canto-Sperber (éd.),
Paris, Puf, 1997, p. 1484-1485. Dans le développement éthique qui suit, nous nous inspirons largement de cet
article.
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Le désir de la mort, pour ce qui me concerne, je ne l’ai jamais vu pur. Même chez le mélancolique dont
on pourrait dire qu’il est programmé pour mourir si l’on n’intervient pas pour le soigner. Que signifie ce
désir qui peut être annulé par des soins parfois très courts, de l’ordre de quelques heures ou de quelques
jours ?36
Une version dure de ce modèle prétend alors que celui qui se suicide souffre d’une maladie. Si
le suicide n’est pas en lui-même une maladie, il en est la résultante. Cette maladie peut être la
dépression, la maladie mentale ou l’altération des états neurobiochimiques.
Une version plus souple de ce modèle défend la même thèse de manière plus complexe et
moins déterministe. Certaines circonstances particulières expliquent que la personne, dans un
moment particulier, attente à ses jours. Mais cela ne signifie pas toutefois, à l’inverse, que les
circonstances expliquent tout et qu’il y ait une sorte de déterminisme au suicide.
Tout en reconnaissant la présence de troubles psychiques divers37 – trouble de l’humeur,
abus/dépendance de substances, troubles de la personnalité – chez la plupart des personnes38
qui font une tentative de suicide, on n’en fait pas alors une cause déterminante du geste de se
donner la mort. Il s’agit tout au plus d’une dimension de risque. Le jeune qui souffrirait de
trouble de l’humeur a un risque de faire une tentative de suicide 4,6 à 28 fois39 plus grand
qu’un autre jeune, mais tous les jeunes qui souffrent de dépression ne se suicident pas.
Le but de l’analyse est alors de repérer et d’inventorier les facteurs de risque. A la suite de
Moscicki (1995), on peut classer ces facteurs de risque en deux types : facteurs distaux qui
fragilisent les assises narcissiques du sujet et facteurs proximaux qui agissent comme
déclencheurs de l’acte40 : par exemple, la dépression, un échec, une séparation, etc. (cf.
Annexe 5 - Facteurs de risques proximaux et distaux).
Les facteurs de risque distaux rendent compte d’une fragilité particulière du sujet et le rend
vulnérable aux facteurs de risque proximaux. Ces facteurs peuvent être de nature génétique ou
biologique, mais il peut aussi s’agir d’expériences négatives de l’enfance, etc. Plusieurs
auteurs ont souligné les traits spécifiques des facteurs de risques distaux propres au suicide
des adolescent(e)s. La puberté induit des remaniements profonds dans le psychisme qui
bouleverse les assises narcissiques du sujet41. Par exemple, deux psychanalystes anglais, M. et
E. Laufer (1984) ont lu les gestes auto-agressifs tels que le suicide, comme des règlements de
compte contre un corps devenu sexué, perçu comme cause de tous les problèmes. D’autres
auteurs, comme F. Ladame et J. Ottino (1993), ont relevé la dimension paradoxale d’un geste
qui veut détruire le corps sexué du jeune adulte pour retrouver le corps idéalisé de l’enfant.
D’autres encore ont attiré l’attention sur le paradoxe de vouloir se retrouver soi-même en se
détruisant, ou sur le désir ressenti au moment de l’acte suicidaire de fusionner avec un proche
par le geste même de se donner la mort.
36 Cité dans "Restaurer la cohérence", in E. Hirsch, Médecine et éthique, p. 152.
37 Par « trouble psychique » il faut entendre perturbation du fonctionnement psychique, présence de symptômes
caractéristiques de certaines affections. Certains troubles psychiques sont très répandus, d’autres fort discrets,
d’autres encore flamboyants. A ne pas confondre avec folie ou maladie mentale !
38 Y. Prigent avance qu’un pourcentage de 20 à 40% du total des suicides est lié à des troubles psychiques (La
souffrance suicidaire, p. 29). D’autres auteurs pensent que c’est beaucoup plus et l’estiment à plus de 80% des
tentatives de suicide des jeunes (Marttunen et al., 1993).
39 Beautrais, (2000).
40 Jeanmet et Birot , (1994).
41 Perret-Catipovic, M. et Ladame, F., (1997).
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Même si les programmes de prévention ne peuvent avoir prise que sur les facteurs
« proximaux », ils doivent tenir compte des seconds pour identifier les populations auxquelles
ils s’adressent
Le lien entre un facteur de risque et un geste suicidaire est mesuré par l’ « Odds Ratio » (OR).
Celui-ci indique, pour un facteur donné, le facteur multiplicateur du risque de suicide par
rapport à une personne standard. Par exemple, un jeune coupé de toute filière de formation
scolaire ou professionnelle présente un risque 5 fois plus grand qu’un autre jeune.
Le tableau en Annexe 6 – Exemples d’odds ratio - indique les principaux facteurs associés au
suicide tenté ou fatal. Le danger d’un passage à l’acte suicidaire s’accroît encore
considérablement lorsque plusieurs facteurs se combinent. On notera qu’une tentative de
suicide augmente énormément le risque de récidive et de décès.
3. Le modèle de « l’appel au secours »
Cette théorie, élaborée aux Etats-Unis par Edwin Shneidman et Norman Farbrow dans les
années 1950, interprète le suicide comme une stratégie de communication. Le suicide est
d’abord une tentative, qui, si elle peut être fatale, ne l’est pas intentionnellement. La tentative
de suicide, réussie ou ratée, n’est repliée sur le soi qu’en apparence ; en réalité, elle s’adresse
aux autres pour leur demander de l’affection, de l’attention, ou pour que quelque chose
change dans l’environnement de l’adolescent(e). Cette volonté de changer est alors à la fois si
radicale et si désespérée que l’adolescent ne peut l’exprimer que par le geste de mettre sa vie
en jeu. Souvent, ce geste traduit une question : « Ma vie a-t-elle encore un sens ? Ai-je encore
du prix à vos yeux ? Ne suis-je qu’une charge pour la société ? Quelle estime avez-vous
encore pour moi ? »
Certains voient alors le suicide comme un chantage ou une manipulation de l’entourage pour
mobiliser la famille, les enseignants, l’entourage ou les ressources médicales, en vue de
modifier les circonstances de la vie de la personnes (type « carrière suicidaire »).
D’autres voient le suicide comme un « appel au secours » à l’entourage qui doit être pris au
sérieux en tant qu’ultime acte de parole pour rappeler celui-ci à sa responsabilité vis-à-vis de
la victime (type « stratégique »).
4. Le modèle sociogénique
Une troisième approche doit être mentionnée ici par son importance historique au cours du
19ème et du 20ème siècle : il s’agit de l’approche inaugurée par E. Durkheim42 dans son étude
du suicide (1897). Ce modèle voit le suicide moins comme un choix, une stratégie personnelle
ou l’effet d’une fragilité subjective, que comme le produit de forces sociales qui varient selon
le type d’organisation sociale dans lequel vit le sujet.
Chaque groupe social a pour le suicide un penchant collectif propre qui conditionne les
penchants individuels. Dans les sociétés très intégrées et structurées fortement par des normes
sociales contraignantes, les individus ne se suicident que lorsque les injonctions sociales le
réclament : par exemple, la pratique hindoue de l’immolation volontaire des veuves. Dans les
sociétés qui, comme la nôtre, sont très peu intégrées, le suicide est presque entièrement auto
référentiel.
Durkheim prétend alors que les sociétés plus « primitives » sont aussi plus permissives vis-àvis du suicide que les sociétés médiévales ou modernes. Ceci pour une simple raison : leur
42 Michel Maret, Stefania Lemiere.
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vision du monde est assez partagée et simple, pour ne pas se laisser ébranler par le suicide de
quelques individus, auxquels elles n’accordent de toute façon qu’une place toute relative. Il en
est tout autrement parmi les sociétés modernes. Pour elles, la personne humaine a un
caractère sacré et elle doit être respectée, y compris par elle-même. Si le christianisme a sans
doute joué historiquement un rôle dans cette idée, celle-ci subsiste parmi les sociétés
industrielles largement sécularisées.
Le suicide d’un de ses membres, affecte la société et la remet en cause. Il blesse le respect dû
à l’individu et signe son propre échec. Même si la société se défend alors par la
désapprobation du suicidé qu’elle juge irresponsable, lâche ou asocial, elle se remet aussi en
cause : n’est-ce pas à elle de donner, au travers des règles sociales, la possibilité pour les
individus de trouver leur place dans le corps social, sans voir le suicide comme la dernière
issue pour penser le conflit entre le sujet individuel et la société ?
VI. QUELQUES THEORIES ETHIQUES SUR LE
SUICIDE
L’essentiel des réflexions sur le suicide à l’intérieur de la tradition occidentale ne s’est pas
faite dans le sens des trois modèles explicatifs que nous venons d’exposer – modèle
« médical », modèle de type « appel au secours » et modèle « sociogénique » –, mais à partir
de réflexions éthiques. Ces réflexions supposent toutes que la personne n’est pas simplement
victime de déterminismes intérieurs ou extérieurs, mais qu’elle peut choisir de se suicider. Le
suicide est alors avant tout vu en rapport avec la liberté.
Depuis près d’un siècle, ces approches ont été passablement contestées par toutes les théories
qui ont contesté cette transparence du sujet vis-à-vis de lui-même : si le suicidé était moins
acteur que victime, à quoi bon s’embarrasser de l’éthique ? Néanmoins, ces positions éthiques
n’ont cessé de marquer les positions individuelles et sociales et trouvent aujourd’hui une
actualité nouvelle, moins d’ailleurs en référence au suicide des adolescents que des personnes
âgées, par des groupes qui se revendiquent fortement de l’une ou l’autre de ces positions. Sans
prétendre ici faire de l’érudition, il paraît donc utile de poser les grands termes du débat.
L’Antiquité grecque puis romaine a, vis-à-vis du suicide, une attitude largement réservée. De
manière générale, elle voit dans le suicide un acte lâche et ne l’admet qu’en ultime recours en
cas de honte, de détresse ou de maladie extrêmes, ou lorsque la mort paraît de toute façon
inévitable, par le fait des « contraintes extérieures », comme c’est le cas pour Socrate. Seuls
les Stoïciens encouragent le suicide comme un acte responsable, mais en le réservant au
mêmes conditions. L’idée est que le sage doit accepter de conformer librement sa vie au
destin qui est le sien dans l’univers. Si les circonstances le contraignent à la mort, il doit
pouvoir s’y engager librement, comme l’ont attesté Caton le Jeune, Lucrèce ou Sénèque. Il va
alors de soi que la déception, la détresse émotionnelle, la lassitude devant les difficultés de la
vie ou le sentiment d’incompréhension ne sont pas des raisons suffisantes pour justifier le
suicide. Le suicide est certes un acte de liberté, mais non la liberté de faire ce que l’on veut.
La liberté est de pouvoir faire ce que l’on doit vouloir. Le suicide est un devoir qui contredit
nos aspirations spontanées et auquel le sage consent de se soumettre : « Tout me convient qui
te convient, Ô Monde »43. Ou encore, on peut dire, à la suite d’Epictète, que la liberté
véritable suit une conformité à la raison, elle-même subordonnée à la Raison universelle.
43 Marc-Aurèle, Pensées, IV, 23.
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Le suicide
L’humain ne peut se suicider par simple dégoût de l’existence, mais doit être certain d’ajuster
ainsi par sa mort sa conduite au dessein de l’univers.
L’Antiquité biblique partage dans l’ensemble cette manière de voir. La vie appartient à Dieu
et aux autres et non à nous-mêmes et nous usurperions un droit qui ne nous appartient pas en
attentant à nos jours. Il se peut toutefois qu’acculé à certaines circonstances extrêmes, le
croyant aille au devant d’une mort inéluctable : par exemple, Samson (Juges, chap. 16, vers.
30), ou, dans l’histoire juive, le célèbre épisode de Massada44. Toutefois dans le judaïsme
ultérieur, comme dans le christianisme primitif, le suicide n’est pas encouragé. Même dans le
cas extrême du martyr, les avis sont partagés : pour Saint Jérôme, une vierge peut se tuer pour
éviter d’être violée, mais pour Saint Augustin le mal commis serait pire que celui qu’on
voudrait ainsi prévenir. Dès la fin du 5ème siècle, l’interdiction du suicide devient unanime et
absolue. Au Moyen Âge, celle-ci sera justifiée par Thomas d’Aquin au nom d’un triple
argument : le suicide va contre l’amour que nous nous devons à nous-même et contre
l’inclination naturelle à la conservation de la vie ; il est une injustice envers la société à
laquelle toute personne appartient ; il outrepasse enfin le pouvoir légitime que nous avons sur
notre propre vie, qui, donnée par Dieu, n’appartient qu’à Dieu seul. C’est encore aujourd’hui,
avec quelques nuances, la position défendue par la Congrégation pour la doctrine de la foi de
l’Eglise catholique romaine (1980)45.
A partir de la Renaissance, des voix commencent à remettre en cause le caractère intangible
du principe. Dans ses Essais, Michel de Montaigne estime que chacun, dans des circonstances
extrêmes, doit pouvoir décider pour lui-même. Dans son Utopia, Thomas More envisage le
suicide comme une forme légitime d’euthanasie. Un peu plus tard en 1610, dans son
Biathanatos, John Donne, théologien de l’université de Cambridge, tolère le suicide commis
pour la gloire de Dieu, dont l’exemple même, dit-il, est donné par Jésus-Christ.
Ce n’est pourtant qu’à la fin du 18ème siècle qu’un pas décisif est cependant franchi lorsque la
philosophie rompt avec ces ouvertures qui ne peuvent donner lieu qu’à des arguties
casuistiques. Trois grandes traditions émergent alors, qui ont sur le suicide des vues
opposées : celle de Hume, celle de Kant et celle du conséquentialisme.
David Hume
C’est dans un essai posthume (1777) qu’il n’osa pas publier de son vivant, que David Hume
développe ses thèses sur le suicide. Hume y soutient que le suicide ne manifeste un
manquement à notre devoir ni envers autrui, ni envers la société, ni envers Dieu. Par contre, le
suicide peut être un devoir envers nous-même :
Que le suicide puisse être souvent conforme à l'intérêt et à notre devoir envers nous-même, nul
ne peut le contester, qui reconnaît que l'âge, la maladie ou l'infortune peuvent faire de la vie un
fardeau, et la rendre pire encore que l'annihilation.46
Le suicide relève tout simplement de la liberté du sujet, contre laquelle nulle bonne raison
religieuse ou sociale ne saurait s’opposer, et qu’il n’y a pas d’acte plus libre que de choisir de
se dessaisir de sa propre vie. En d’autres terme, il n’y pas d’ordre dans la nature ou la
théologie qui puisse l’emporter sur l’appréciation que le sujet peut porter sur sa vie, sa mort et
44 Selon l'historien Flavius Josèphe, en 74 de notre ère un millier de juifs - hommes, femmes et enfants décidèrent de brûler la forteresse où ils étaient retranchés et de se suicider plutôt que d'être pris vivants par les
Romains qui les assiégeaient. Les Romains qui virent la multitude des cadavres ne purent qu'admirer le courage
de cette résolution et ce dédain de la mort.
45 Les Eglises protestantes suivent en général plutôt une position kantienne.
46 David Hume, Essai sur le suicide, Traduction française de Martine Bellet, 2002, p. 10.
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sa souffrance. Ou plutôt, l’attachement à notre vie et la peur de la mort nous sont si naturels
que si quelqu’un estime que la souffrance l’emporte sur ce qui le prévient d’attenter à ses
jours, il ne revient qu’à lui d’en juger.
Emmanuel Kant
A l’opposé, Emmanuel Kant (1724-1804) soutient que le suicide n’est que l’expression d’une
mauvaise compréhension de la liberté. Pour le comprendre, il faut rappeler dans les grandes
lignes la démarche de Kant. Le but de Kant est de fonder une éthique contraignante et
universelle qui puisse servir de garde-fou contre l’arbitraire. La méthode de Kant consiste
alors à soumettre nos règles morales (maximes) à une épreuve d’universalisation qui est
d’abord formelle (l’exigence d’universalité).
D’où la première formulation de l’impératif catégorique :
« Agis de telle sorte que la maxime de ta volonté puisse toujours valoir en même temps comme principe
d’une législation universelle »47.
La seconde formule l’impératif catégorique est traitée explicitement par Kant comme un
développement de la formule générale de l’impératif.
« Agis de telle sorte que tu traites l’humanité, aussi bien dans ta personne comme dans la personne de
tout autre, toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen »48.
L’idée d’humanité, en tant que terme singulier, est introduite par Kant dans le prolongement
de l’universalité abstraite qui régit le premier principe. Il s’agit ici de ne pas faire acception
des personnes.
En revanche, l’idée de personnes comme fins en elles-mêmes introduit une idée nouvelle. Les
fins sont des buts, des finalités que nous pouvons atteindre et accomplir. La seconde formule
l’impératif catégorique riposte aux fausses finalités que l’agent pourrait donner à son action :
se soustraire à l’exigence commune et se présenter soi-même comme seule fin nécessaire, ou
bien soumettre quiconque, y compris soi-même, à une hypothétique finalité. Nous saurons que
notre action est morale si et seulement si nous refusons de nous accorder quelque privilège
pour nous soustraire de l’obligation que nous voulons juste pour les autres.
On comprend désormais ce qu’est pour Kant la liberté comme autonomie. L’autonomie, c’est
la volonté autolégislatrice, c’est-à-dire une volonté libre : libre d’abord de la loi de la causalité
qui régit les phénomènes naturels, libre aussi des injonctions du désir et l’inclination, qui
brouillent la voix de raison et prétendent lui donner un statut d’exception par rapport au reste
des hommes.
A l’aune de la double formulation de l’impératif catégorique, le suicide ne peut être accepté.
Par rapport à la première formulation d’abord :
Un homme, à la suite d’une série de maux qui ont fini par le réduire au désespoir, ressent du
dégoût pour la vie, tout en restant assez maître de sa raison pour pouvoir se demander à luimême si ce ne serait pas une violation du devoir envers soi que d’attenter à ses jours. Ce qu’il
cherche alors c’est si la maxime de son action peut bien devenir une loi universelle de la
nature. Mais voici sa maxime : par amour de moi-même, je pose en principe d’abréger ma vie,
si en la prolongeant j’ai plus de maux à craindre que de satisfactions à en espérer. La question
est donc seulement de savoir si ce principe de l’amour de soi peut devenir une loi universelle
47 E. Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, trad. fr. de V. Delbos, revue par F. Alquie, in, Œuvres
philosophiques, t. II, 1985, p. 285.
48 Ibid., p. 295.
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de la nature. Mais alors on voit bientôt qu’une nature dont ce serait la loi de détruire la vie, en
vertu même du sentiment dont la fonction spéciale est de pousser au développement de la vie,
serait en contradiction avec elle-même, et ainsi elle ne subsisterait pas comme nature : cette
maxime ne peut donc en aucune façon occuper la place d’une loi universelle de la nature.49
Par rapport à la seconde formulation ensuite car cela reviendrait à nier vis-à-vis de moi-même
le respect qui est dû à ma dignité. La personne humaine – aussi bien moi-même qu’un autre doit toujours être respectée comme sujet et ne peut jamais être utilisé comme objet. Sa vie a
une valeur en elle-même et pour elle-même, une valeur inconditionnelle. Aucune circonstance
extérieure, altération physique ou psychique ne peut lui ôter cette valeur. Le suicide, puisqu’il
utilise la personne comme un moyen en vue d’une fin (la fin de sa souffrance, ce qui lui paraît
être son bonheur, etc.), ne respecte pas la dignité humaine, et n’est donc moralement pas
acceptable :
Celui qui songe à se suicider se demandera si son action peut s’accorder avec l’idée de
l’humanité comme fin en soi. Si, pour échapper à une situation pénible, il se détruit lui-même,
il se sert d’une personne uniquement comme d’un moyen destiné à maintenir une situation
supportable jusqu’à la fin de la vie. Mais l’homme n’est pas une chose. Il n’est pas par
conséquent un objet qui puisse être traité simplement comme un moyen, mais il doit dans
toutes ses actions être toujours considéré comme une fin en soi. Ainsi je ne peux disposer en
rien de l’homme en ma personne soit pour le mutiler, soit pour le dégrader, soit pour le tuer .50
Conséquentialisme
Cette approche ne réfléchit pas de manière théorique sur ce qu’est la liberté ou son usage,
mais elle part de l’hypothèse que tout individu recherche le plaisir et fuit la douleur et que
peut être regardée comme éthique toute solution qui maximise la somme du plaisir en prenant
en compte toutes les conséquences attachées à l’action.
Plus concrètement encore, le suicide d’une personne peut avoir des effets dommageables sur
sa famille, ses amis, ses collègues, etc. Mais si le calcul hédoniste de l’intérêt personnel
l’emporte sur ce qu’elle affecte chez les autres, le suicide pourrait être moralement justifié.
Dans cette perspective, et au contraire de Kant, la vie ne possède pas une valeur intrinsèque
suffisante pour exclure le choix du suicide. Si le suicide est encore affaire de raison, c’est
uniquement au sens de la raison instrumentale qui sait trouver les bons moyens pour parvenir
à ses fins et non la raison kantienne ou stoïcienne qui indiquait au sujet un ordre dans lequel
inscrire son action.
Une difficulté apparaît toutefois dans cette perspective qui est de savoir si celui qui se suicide
possède toutes les connaissances sur la nature de la mort et ce qui la suit, pour la choisir
sciemment et volontairement. Certains défendent alors l’idée que tout suicide est irrationnel,
par rapport même à l’idée de raison instrumentale51.
Entre ces trois grandes écoles philosophiques, nous garderons ici de choisir, dans le cadre de
ce dossier. Contentons-nous de souligner que la question du suicide soulève celle plus large
encore de la liberté. La liberté consiste-t-elle à suivre la voie de notre intérêt, tant que nous ne
lésons pas les autres (Hume), consiste-t-elle à suspendre tous les déterminismes pour nous
soumettre volontairement à une loi qui nous place à l’égal des autres dans un respect commun
49 Ibid., p. 285-286.
50 Ibid.
51 Margaret Battin, op. cit. p. 1487.
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(Kant), ou à trouver les bons moyens pour maximiser les plaisirs sur les peines
(conséquentialisme).
Le recours à la notion de liberté est en tous les cas discutable si l’on voit qu’une liberté « pour
la mort » se détruit elle-même en détruisant l’auteur de son exercice. Le choix du suicide
s’avère le choix de ne plus choisir. Comme le souligne Y. Meynard en se référant à
l’existentialisme de M. Heidegger : au nom de la liberté, on s’ôte la condition même de
l’exercice de la liberté :
La mort volontaire est un acte qui, en rendant possible l’impossibilité de choisir désormais,
rend par-là même impossible toute possibilité nouvelle d’exister. C’est le contraire d’un acte
libre. L’un des mérites de ces analyses existentielles c’est de nous faire remarquer que le
suicide n’est pas un choix véritable. Or, la liberté se pense en terme de choix et d’option. Le
choix effectif n’est possible que dans l’existence même: on ne saurait choisir entre la vie et la
mort mais seulement entre plusieurs possibilités à l’intérieur de la vie, dans le champ de la
conscience où s’ouvre l’éventail des virtualités. C’est dire qu’on ne choisit pas de mourir. On
choisit ceci ou cela, mais on ne saurait choisir de ne plus choisir. Cesser de pouvoir choisir
c’est, en effet se priver de toute raison d’être et détruire toute liberté. Seul le nihiliste pourrait
voir dans le suicide l’accomplissement de la liberté mais à condition de faire de cet accomplissement un renoncement radical, autant dire un échec retentissant.52
VII. REPRISE DES CAS
Cas 1 : Françoise est une adolescente de 16 ans qui habite chez ses parents, avec deux frères
plus jeunes qu’elle, dans une maison située à proximité de la ville dont elle fréquente le
gymnase. Elle obtient des résultats suffisants bien qu’elle participe sans trop d’enthousiasme
aux cours : ses enseignant(e)s ne se plaignent toutefois pas de son attitude. Pourtant,
Françoise souffre et ses camarades s’en sont aperçus car elle ne participe ni aux activités de
groupe (camping, sports, etc.) ni aux fêtes organisées par la classe. Ils ne parviennent
cependant pas à connaître les causes de son mal-être.
Ses parents sont ouvriers et travaillent tous deux à plein temps. Le matin, ils partent avant que
leurs enfants prennent le bus pour l’école. Quand ils rentrent à la maison le soir, ils sont très
fatigués et n’ont pas de temps à consacrer à leurs enfants ni même parfois aux tâches
domestiques. Son père boit une bière devant la TV, alors que sa mère travaille à la cuisine ou
repasse, elle aussi devant le petit écran. Ils se disputent souvent : Françoise ne supporte pas
ces conflits. D’autant plus que son père est irascible et frappe parfois sa femme. Une fois
Françoise a craqué et est intervenue, mais elle a failli être frappée à son tour. Depuis lors, elle
se retire dans sa chambre et se borne à écouter les disputes qui éclatent dans la salle à
manger. Ces derniers mois, ils parlent de plus en plus souvent de divorce pendant leurs
altercations.
La semaine dernière, son père n’est pas rentré et nul ne sait où il se trouve. Françoise pleure et
ne supporte pas cette absence mystérieuse. Deux jours durant, elle ne se rend pas à l’école. Le
directeur appelle sa mère pour en savoir plus. Mais Françoise se cloître dans sa chambre car
elle ne veut parler à personne. Le matin suivant, elle ne se réveille pas et sa mère la découvre
plongée dans un profond sommeil : une boîte d’analgésiques se trouve sur sa table de chevet.
Elle essaye de réveiller sa fille, mais en vain. L’ambulance est appelée : transportée à
l’hôpital où elle reçoit les soins d’urgence, Françoise revient à elle mais continue à pleurer
52 Le suicide, p. 30 et 51.
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devant sa mère et les médecins. Peu après, elle est prise en charge par une psychologue, avec
laquelle elle pourra partager sa souffrance.
Quelques jours plus tard, la psychologue rencontrera les parents, en les mettant en face de
leurs responsabilités : s’ils veulent garder leur fille vivante, il serait souhaitable qu’ils
décident de réfléchir sur la qualité de leurs relations et de trouver des solutions à leurs
tensions, en privilégiant le dialogue. Françoise continue un traitement psychothérapeutique
pendant quelques mois. Son père entreprendra également une thérapie pour apprendre à gérer
sa violence. Une année plus tard, la situation familiale, si elle n’est pas idéale, s’est
néanmoins améliorée. La mère ne travaille plus qu’à 50 %. Le drame de leur fille a ressoudé
quelque peu les parents, et la question du divorce a été abandonnée. Françoise s’intègre mieux
dans le gymnase et ses résultats s’en ressentent.
Cas 2. Bernard est un veuf à la retraite depuis 7 ans. Sportif et d’une solide constitution, il
accepte difficilement les symptômes de l’âge. Suite à quelques ennuis de santé il y a une
année, il est devenu membre de l’association EXIT. Bien décidé à ne pas vivre la déchéance,
il sait que si une maladie ou un handicap grave se présentait, il n’hésiterait pas à se donner la
mort. Depuis un peu plus de deux mois, il souffre d’une douleur au côté qui va en
s’accentuant. Pendant les premiers temps, il n’y a pas vraiment porté attention, étant habitué à
ne pas faire grand cas de la douleur. Mais celle-ci devenant de plus en plus lancinante, il
décide d’aller voir son médecin. Un IRM permet de diagnostiquer un cancer du foie avec
plusieurs métastases au poumon. Le médecin, connaissant bien son client, ne lui cache pas ce
diagnostic fatal. Bernard encaisse durement le coup : il reste plusieurs jours cloîtré chez lui,
effondré. Il prend contact avec un médecin d’EXIT. Il ne veut pas vivre ce qu’il considère
comme une déchéance. Au jour convenu, le dit médecin se présente à son domicile avec la
dose requise de Penthotal. Sans hésiter, Bernard avale le produit létal et, le surlendemain, la
police le retrouve sans vie.
Cas 3. Jacques est un célibataire âgé de 34 ans, sous-directeur dans une entreprise de
bâtiment. Intelligent, dynamique, il vit néanmoins dans ce qu’on pourrait appeler une
dépression latente. Il peine quelque peu dans les relations, et celles-ci- restent au niveau
professionnel. Lors de coups durs, il est parfois animé par des sentiments de paranoïa. Un
jour, il reçoit la lettre de congé de son entreprise. C’est l’effondrement et la dépression grave.
Celle-ci ne va pas en s’améliorant au fil des mois, d’autant plus que ses multiples tentatives
pour retrouver un travail échouent. Les idées suicidaires deviennent toujours plus fréquentes
et précises. Deux ans après la perte de son emploi, il prend une dose importante de
médicaments. Il s’en tirera avec quelque jours de soins intensifs. Il commence ensuite une
psychothérapie. Très sceptique quand à l’efficacité des anti-dépresseurs, il finit quand même
par les accepter, sans trop y croire, comme un soutien temporaire. Après une brève période de
rémission, il replonge de nouveau pendant plus d’une année. Son état se stabilise alors, et il
retrouve le goût de vivre. Il est heureux que sa tentative de suicide n’ait pas réussi, et avoue
qu’il aurait perdu une partie importante de sa vie.
Cas 5. Antonio a travaillé quarante ans dans l’administration cantonale où il a été nommé
chef de service juste avant son départ à la retraite. Sa vie professionnelle a toujours été
satisfaisante, sa vie de famille a été pour le moins harmonieuse. Son mariage est resté stable
pendant plus de quarante ans, jusqu’à la mort de son épouse. Ses enfants sont tous mariés
avec des enfants. Tout s’est donc bien passé dans sa vie: il y a deux ans cependant, il est
atteint d’une grave insuffisance rénale, que les médecins ont tenté, dans un premier temps,
de traiter avec des médicaments. Après diverses tentatives échouées, on lui propose de se
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soumettre, trois fois par semaine, à une dialyse. Les médecins ont opté pour cette solution
plutôt que pour une greffe d’organe à cause de son âge avancé (il est à la retraite depuis plus
de cinq ans maintenant) et de la longueur de la liste d’attente pour ce type d’intervention.
Antonio se rend donc trois fois par semaine à l’hôpital où il est “dialysé”. Il accepte les soins
sans difficultés apparentes. En général, il passe les quatre heures que dure la dialyse à lire le
journal, à parler avec ses voisins, à écouter de la musique écouteurs aux oreilles.
Cinq ans de dialyse se sont écoulés sans complications particulières. Mais à 75 ans, un cancer
se déclare au foie, avec assez rapidement des métastases. Après une longue discussion avec
son médecin, il décide de ne pas entreprendre de chimiothérapie et, dès que son cancer
s’aggravera, d’interrompre la dialyse rénale (en cas d’interruption, la mort s’ensuit dans les
dix jours). Un vendredi après-midi, il salue le médecin qui passe régulièrement lors de
chaque séance et l’informe qu’il ne viendra pas le mardi suivant pour la dialyse. Il souhaite
seulement que soient soulagées au mieux ses douleurs, sans pour autant provoquer la mort. Le
médecin lui demande donc de préparer ses affaires et, selon l’option qu’a choisie Antonio, de
rester à l’hôpital. Huit jours plus tard, après une agonie paisible, il rend son dernier soupir.
Cas 6. Muhammad est un père de famille de deux enfants. Il a vécu en Irak jusqu’à l’âge de
16 ans. Il est parti d’abord en Arabie Saoudite, où il se maria. C’est là qu’il fit la connaissance
de Ben Laden. Après cinq ans, il se rendit en Afghanistan. S’étant enrôlé dans l’organisation
Al-Quaïda, il y suivit la formation très rigoureuse de ceux qui se destinent à des attentas
suicides. Après trois ans, il est mis partiellement au courant d’un projet d’attentat aux ÉtatsUnis. En 1990, il s’installe à New York. Le 11 septembre 2001, il prend l’avion pour Paris. Il
sait que son dernier jour est venu, mais il n’a pas peur : il est convaincu de mourir martyr pour
une juste cause, contre le « Grand Satan », et de mériter ainsi le paradis. Sa seule crainte est
que les choses ne se déroulent pas comme prévu. Peu de temps après, le Boeing dont il a pris
les commandes s’écrase contre une des tours du World Trade Center.
Discussion sur les cas
1. Françoise : Les tentatives de suicides d’adolescents sont le plus souvent des appels de
détresse. Par son geste, l’adolescent cherche à communiquer sa souffrance à son
entourage, et veut susciter des changements de leur part. « Une grande envie de
mourir, c’est aussi une grande envie de vivre une autre vie que la sienne » .
L’adolescent a souvent beaucoup de peine à demander de l’aide et, d’autre part, craint
de partager ses idées suicidaires de peur d’être pris pour un fou.
2. Bernard : Le suicide de Bernard est à classer dans la catégorie des suicides dit
rationnels. Les personnes effectuant ce type de suicide sont souvent liées à
l’association EXIT.
3. Jacques : Le cas de Jacques est un exemple typique de tentative de suicide dans un
état dépressif. Selon des analyses statistiques, près d’un tiers des suicides « réussis »
sont liés à une dépression. Si tous les suicides ne peuvent être reliés à des troubles
d’origine psychologique, les statistiques font néanmoins ressortir une corrélation entre
suicide et maladie psychique. Un bon nombre de tendances suicidaires disparaissent
suite à un traitement de la dépression.
4. Antonio : Dans le cas d’Antonio, nous avons à faire avec une interruption de
traitement avec la mort dans les 10 jours selon toutes probabilités. Aujourd’hui, près
de 70 à 80 % de la population meurt à l’hôpital. Il en résulte que la mort s’est
beaucoup médicalisée et technicisée. Plus du quart des décès résultent d’une
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interruption de traitement. C’est dire combien le monde hospitalier est confronté à ce
problème. Certains disent que l’on ne mourra bientôt plus de mort naturelle.
La discussion sur la différence entre euthanasie active et interruption d’un traitement
de survie dépasserait notre propos. Il convient seulement de signaler qu’il n’y a jamais
de certitude absolue quand aux conséquences d’une interruption de traitement. H.
Doucet affirme « qu’il y a à peu près 10 % de mauvais diagnostics et que près de 10%
des patients dont le dossier indique de ne pas réanimer quittent l’hôpital en vie ».
Tout autre est le cas de l’euthanasie active, où la mort est toujours au bout, la mort doit
arriver, et si elle tarde, on s’arrange pour la faire advenir. Il faut aussi signaler que
l’euthanasie active introduit un processus mortel autre que celui déjà en cours du fait
de la maladie. Dans le cas de l’interruption de traitement, la personne décède de sa
maladie ; et il n’est pas demandé à la médecine de rendre l’homme immortel !
5. Muhammad : Attentat suicide. Ce type de suicide est très particulier, car la mort
personnelle n’est pas recherchée en soi (encore que dans le cas de l’Islam, le paradis
est promis à celui qui pose cet acte jugé héroïque): ce qui est visé, c’est de provoquer
le maximum de dégâts et de morts chez l’ennemi.
Autre serait le cas de l’immolation par le feu, où la mort est explicitement recherchée
pour attirer l’attention. Autre encore serait le cas de celui qui sacrifie sa vie pour
sauver une tierce personne : dans celui-ci, la mort n’est pas recherchée comme telle ;
le risque, qui peut être parfois très grand, en est seulement accepté.
Si les attentats suicides sont interprétés comme des martyrs par la branche extrémiste
de l’Islam, il faut néanmoins signaler qu’ils se distinguent complètement des martyrs
où l’individu n’est pas l’auteur de sa propre mort ni celle d’autres personnes
innocentes.
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VIII. LA PREVENTION DU SUICIDE
Quel que soit le modèle auquel on se réfère pour expliquer le suicide, l’entourage doit pouvoir
agir pour prévenir le suicide des adolescent(e)s, car le suicide de l’adolescent n’est pas libre.
Il résulte soit de facteurs externes qui affectent le sujet (facteurs sociaux dans le modèle
sociogénique ; facteurs distaux et proximaux de risques dans le modèle médical, souffrance
qui induit l’appel dans le modèle « appel au secours »).
Il faut donc que, face à tout jeune en « situation de mise en danger », au sens du droit (cf. cidessus), les enseignant(e)s puissent intervenir. La question est alors de savoir comment.
1. La reconnaissance du risque
Deux stratégies complémentaires doivent pouvoir contribuer à reconnaître un risque de
suicide avant la tentative : l’identification d’indices verbaux et de comportement, et la
description des variables sociales, psychologiques, éthiques, etc. associées au suicide.
L’identification d’indices verbaux et de comportement
L’essentiel est que l’entourage sache lire les signes qui lui sont adressés. La prévention du
suicide des jeunes repose ainsi, avant toute chose, sur l’information de ceux qui sont en
contact avec les adolescent(e)s, pour qu’ils sachent reconnaître les symptômes qui signalent
l’imminence possible d’une tentative de suicide. Tous ces signes sont repérables par tous, et
même si certains sont particulièrement parlants pour les soignants, la plupart sont détectables
par les proches, qu’ils soient parents, amis, enseignant(e)s. Lorsque l’adolescent a commis
une tentative de suicide avortée, le signe est encore plus manifeste.
Parfois, il peut s’agir d’avertissements directs (« je vais me suicider »), plus souvent le
symptôme est indirect ; par exemple : avertissement indirect (« je ne vous verrai sans doute
plus »), certains comportements (faire don de ses objets préférés), une difficulté progressive
de concentration, un décrochage scolaire, une tristesse permanente, etc. Ces signes indiquent
que l’adolescent « n’en peut plus » et qu’il a besoin d’une aide extérieure. Ce n'est toutefois
pas parce qu'un jeune parle de suicide qu'il souhaite mourir ou fait des projets de suicide.
La description des variables sociales, psychologiques, éthiques, etc. associées au suicide
Le repérage des données épidémiologiques et des facteurs de risque distaux exposé ci-dessus
peut certainement aider l’enseignant(e).
De même, sur un autre plan, le rappel des grandes théories éthiques sur le suicide, exposé cidessus, pourra donner des outils d’interprétation des références culturelles et idéologiques des
élèves.
2. La réaction de l’entourage
En amont de toute pensée des jeunes au suicide, nous avons souligné dans les données
épidémiologiques et parmi les facteurs distaux que l’insertion des jeunes était une variable
positive de prévention. Le mieux à faire est donc, de manière générale, de faire en sorte que la
classe soit l’occasion pour le jeune de
-
fréquenter une école de bonne qualité (climat) :
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-
conforter l’estime de soi, en particulier à travers la conscience que sa vie a un sens et
qu’il peut avoir des projets personnels d’accomplissement, qui peuvent s’exprimer
dans des mots ;
-
comprendre et d’assumer quelles sont ses propres responsabilités, c’est-à-dire de se
reconnaître comme l’auteur de ses actes et d’en assumer les conséquences ;
-
se sentir utile et reconnu dans un groupe ;
-
avoir établi un lien privilégié avec au moins un adulte.
Bien entendu, l’ensemble du système scolaire devrait, tel qu’il est aujourd’hui, permettre de
répondre à ces objectifs. En particulier, l’aspect « éthique » développé dans l’ensemble des
dossiers « Aujourd’hui l’éthique » devrait pouvoir y contribuer.
Reste que, malgré tout, il pourra se trouver un certain nombre de situations où l’enseignant(e)
pourra repérer des indices de risque de suicide avant toute tentative, sans qu’il doive
nécessairement se remettre en cause sur la manière dont il s’est comporté par le passé vis-àvis de cet élève ou de la classe. Une fois le risque identifié, la question est de savoir comment
réagir. La manière de réagir de l’entourage est essentielle. Selon son attitude, l’entourage peut
renforcer le sentiment d’incompréhension de l’adolescent(e), désinhiber le suicide ou aider le
jeune à dépasser la crise qu’il traverse53.
L’enseignant a alors certainement un rôle essentiel à jouer : d’abord en entendant les
messages qui lui sont transmis par l’élève et en lui signifiant qu’il les entend. Ce faisant, il
manifeste à l’élève qu’il le prend au sérieux, qu’il peut écouter les raisons que le jeune
pourrait avancer sans les banaliser ou les relativiser, tout en laissant à la volonté éventuelle de
suicide sa gravité. L’adulte manifeste ainsi son envie de s’intéresser à la vie de l’adolescent
qui pourra en retour réveiller l’intérêt de l’adolescent à sa propre vie.
Par-delà la relation à deux de l’enseignant(e) et de l’élève, le travail de réseau est
fondamental. Bien des établissements scolaires, ont des personnes de référence, qui doivent
être considérées comme les interlocuteurs privilégiés par tout enseignant confronté à un(e)
jeune en danger. La possibilité d’avertir les parents d’un élèves devra être évaluée de cas en
cas. En effet, l’expression d’idées suicidaires pourrait refléter une situation familiale difficile,
dans laquelle le signalement aux parents serait insuffisant ou contre-indiqué.
Dans une optique de prévention, des réseaux fonctionnels, intégrant l’environnement scolaire,
mais aussi les familles et des professionnels devraient être mis en place bien avant que
surviennent des situations d’urgence. Dans l’esprit de la Charte d’Ottawa (Annexe 7), on
pourrait aussi mettre l’accent sur des démarches participatives, qui associeraient des jeunes
aux projets de prévention collectifs. Plus généralement, la Suisse offre aujourd’hui de
nombreuses possibilités : Programmes fédéraux de prévention de la rupture d’apprentissage,
Réseau des écoles en santé, propositions de l’Education à la citoyenneté, réflexions du groupe
de travail romand EDUPRE (Education - prévention), la proposition tessinoise d’une
formation autour de la santé des jeunes à tous les enseignant(e)s de culture générale des écoles
professionnelles, etc.
Selon le modèle médical, une prise en soins psychologique et médicale est hautement
souhaitable. L’ANAES (1998) en France recommande même une hospitalisation systématique
d’au moins trois jours de tout adolescent suicidant. Il existe quelques rares unités hospitalières
53 On sait ainsi, par exemple, qu’à l’époque de la publication du roman Les souffrances du jeune Werther (Die
Lieden des jungen Werthers) par Johann Wolfgang von Goethe, beaucoup de jeunes se donnèrent la mort. Doiton dire alors que ces jeunes n’étaient pas libres et qu’ils furent engagés à se suicider, ou que le roman désinhiba
certains tabous, ou qu’ils firent acte de liberté ?
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spécifiques54. L’hospitalisation présente à l’adolescent une alternative à la rupture par rapport
au quotidien, recherchée par l’adolescent dans son geste suicidaire. Une hospitalisation dans
un service spécifique pour jeunes suicidants se donne comme but d’accompagner l’adolescent
dans l’indispensable travail de réaménagement de ses ressources (internes et externes),
ressources dont le suicide tenté a indiqué de façon incontestable les limites.
Dans le modèle « appel au secours », une aide extérieure peut également s’avérer nécessaire,
et, si elle n’est pas tout à fait vue de la même manière que dans le modèle médical, elle peut
être aussi conçue de manière complémentaire. Un soutien psychologique extérieur, voire
même une hospitalisation, peuvent contribuer à favoriser la reconstruction de liens avec
l’entourage naturel de l’adolescent, afin de le réinsérer dans un réseau social fonctionnel qui
prendra le relais.
L’accompagnement thérapeutique psychologique, et/ou spirituel, passera par l’expression de
la souffrance (sa « mise en forme » verbale ou non), par l’accueil, l’écoute, la recherche de
compréhension du «pourquoi » et, le cas échéant, par un processus du deuil. L’intervention de
thérapeutes visera la résilience (Annexe 8). Les capacités de résilience ( de « faire avec », de
rebondir - cf. bibliographie) sont multifactorielles. Le rôle des thérapeutes est de mettre à jour
les potentialités de réparation de l’être humain et, à partir de ces « socles » de dégager des
pistes (« tuteurs ») qui favoriseront un processus de restructuration évolutif.
Par ailleurs, en cas de suicide tenté ou fatal, il est certain que l’événement est un traumatisme
pour l’entourage ; il nécessite donc aussi une intervention. Que se soit en suivi individuel
(avec la personne directement concernée par la tentative de suicide, un membre de la famille,
un ami, un enseignant, …) ou/et en suivi collectif (avec les proches 55, l’ensemble de la
famille, la classe, etc.), l’intervention soulèvera nécessairement des questions plus
fondamentales encore quant au sens de la l’existence humaine, de la vie et de la mort, de la
liberté, de la relation vis-à-vis de soi-même et des autres.
3. La prévention du suicide ; récapitulation
On ne peut parler de prévention du suicide à un seul niveau.
Toute politique de prévention devait comprendre au moins les trois niveaux suivants :
1) La prévention spécifique du suicide, lorsque les jeunes présentent une vulnérabilité
particulière et manifestent des signes manifestes de risque de suicide avant la tentative
(approche individuelle).
2) La prévention globale du mal-être chez les jeunes qui, non- reconnu, peut faire prendre
des risques inconsidérés pour leur santé (approche individuelle et collective).
3) La promotion générale de la santé et du bien-être à l’école (approche collective ; cf.
Charte d’Ottawa).
54 A Genève, service du prof F. Ladame ; à Bordeaux, service du Dr. Pommeraux ; à Brest, service du Prof.
Walter.
55 Perret-Catipovic, (1999).
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IX. LEXIQUE
Mots Clés et définitions
Assassinat
1. Meurtre commis avec préméditation, guet-apens. Cf. Crime
2. Exécution légale d’un innocent.
Auto conservation
Conservation de soi-même, défense de sa propre vie.
Comportement suicidaire
Série d’actions par lesquelles une personne attente à son
intégrité physique dans le but de se donner la mort.
Délit
1. (Sens large) Toute infraction à la loi, punie par elle. V.
Contravention, crime, faute, délinquant 2. (Sens restreint)
Infraction punie de peines correctionnelles.
Dépression
État mental pathologique caractérisé par de la lassitude, du
découragement, de la faiblesse, de l’anxiété. V. Déprime,
mélancolie, neurasthénie.
Euthanasie
Usage des procédés permettant de hâter ou de provoquer la
mort de malades incurables pour leur épargner des souffrances
extrêmes ou pour tout motif d’ordre éthique.
Mort
1. Cessation de la vie d’un homme, un animal, une plante. Se
donner la mort…
Pathologie
1. Partie de la médecine qui étudie les causes et l’évolution
des maladies - 2. (ext.) Maladie - 3. Ensemble des conditions
atypiques ou dégénérées par rapport à la norme dans le
fonctionnement d’un être, dans le comportement d’une
personne.
Suicide
1. Action de causer volontairement sa propre mort (ou de le
tenter) pour en terminer avec la vie. 2. Le fait d’aller
volontairement à la mort.
Tentative de suicide
Tentative par laquelle on s’efforce de provoquer sa propre
mort ou, plus généralement, par laquelle on attente à son
intégrité physique
Thérapie
1. Synonyme de thérapeutique (partie de la médecine qui
étudie et utilise les moyens propres à guérir et à soulager les
malades). 2. Traitement des troubles mentaux et
psychosomatiques (V. Analyse, psychanalyse, psychothérapie).
Vie
Ensemble des phénomènes (croissance, métabolisme,
reproduction) que présentent tous les organismes, animaux ou
végétaux, de la naissance à la mort.
En italique figurent les définitions tirées du fascicule “Adolescents et suicide” (CPAM,
DFP, 1998)
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X. BIBLIOGRAPHIE
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PERRET-CATIPOVIC M., Ladame F. éds., Adolescence et psychanalyse : une histoire,
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POMMERAU, Xavier, PENOUIL, F., « L’acte suicidaire à l’adolescence », Ann. Pédriat., n° 45,
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VANISTANDAEL S., La résilience ou le réalisme de l’espérance, Bureau International
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En italien :
Biagi, L., La pena di vivere : il problema morale del suicidio, Bologna, EDB, 1993.
Baratta, S., L’arte del morire : Lettura simbolica del suicidio, Bergamo, Moretti & Vitali ed.
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Holderegger, A., Il suicidio : Risultati delle scienze umane e problematica etica, Assisi,
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Marra, R., Suicidio, diritto e anomia, Napoli, Ed. Scientifiche italiane, 1987.
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1999.
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Pommereau, X., Quando un adolescente soffre (Ascoltarlo, capirlo, amarlo), Pratiche P
Editrice.
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XI. ANNEXES
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Annexe 1. Taux de suicide des 15-24 ans dans quelques pays
2
Italie
6.5
3.5
Suède
13.1
4.3
France
Femmes
3.7
Etats-Unis
23.4
6.3
Canada
25.5
4.5
Australie
Hommes
16
27.9
5.2
Suisse
30.5
5.8
Nouvelle Zélande
39.4
7.8
Finlande
0
10
45.5
20
30
40
50
(Taux de suicide pour 100 000 habitants)
Tiré de JOHNSON, G. R., KRUG, E. G. et POTTER, L. B. (2000)
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Annexe 2 : Taux de suicide en Suisse en 199956
120.0
Hommes
Femmes
Taux de suicide : nombre de suicides
pour 100'000 habitants
100.0
80.0
60.0
40.0
20.0
85 et plus
80 à 84
75 à 79
70 à 74
65 à 69
60 à 64
55 à 59
50 à 54
45 à 49
40 à 44
35 à 39
30 à 34
25 à 29
20 à 24
15 à 19
10 à 14
5à9
0à4
0
0.0
Groupes d'âges
*Source : Office Fédéral de la Statistique (2002)
56 Il s’agit des derniers chiffres disponibles au moment de la rédaction de cet article (juin 2002). Pour publier
des chiffres fiables, l’Office Fédéral de la Statistique a besoin d’un certains temps pour récolter et vérifier les
données.
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Annexe 3 : Proportion des suicides par âge dans l’ensemble des causes de décès
en Suisse en 1999
Nombre de décès dus aux "Suicides"/ Nombre de décès "Toutes causes
de décès"
0.300
0.285
Hommes
Femmes
0.267
0.250
0.229
0.217
0.208
0.200
0.197
0.184
0.150
0.134
0.141
0.134
0.105
0.100
0.096
0.069
0.068
0.051
0.050
0.046
0.025
0.018
0.000
0.000
0
0.000
0à4
0.013
0.009
0.000
5à9
10 à 14
15 à 19
20 à 24
25 à 29
30 à 34
35 à 39
40 à 49
50 à 59
60 à 69
70 à 79
0.007
0.002
80 et +
Groupes d'âges
Source : Office Fédéral de la Statistique (2002)
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Annexe 4. Causes de décès en Suisse en 1999 pour les 20-24 ans
18.00
16.52
(68)
16.00
Taux pour 100'000 habitants
14.00
12.63
(52)
12.00
10.69
(44)
10.45
(43)
10.00
7.77
(32)
8.00
5.34
(22)
6.00
4.00
2.19
(9)
2.00
0.97
(4)
0.00
Maladies
infectieuses
Cancers
Appareil
circulatoire
Accidents de la
route
Suicides
Autres accidents
et traumatismes
Abus de
substances
Autres causes de
décès
[Taux pour 100'000 habitants]
Entre parenthèses : (chiffres absolus)
[Ensemble des décès : 66.57 (274)]
Accidents et traumatismes : 39.60 (163)
Source : Office Fédéral de la Statistique (2002)
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Annexe 5 - Facteurs de risque proximaux et distaux
Facteurs
biologiques
génétiques
Facteurs
et
socio-
Age,
sexe, appartenance ethnique, situation
démographiques
socio-économique, niveau d’instruction
Caractéristiques
et
vécu
familiales
Psychopathologie parentale, conflits, perte
infantile
d’un ou de plusieurs parent, soins parentaux,
abus, autres dysfonctionnements familiaux
Facteurs
Evénements de vie, facteurs
environnementaux
précipitants, facteurs d’imitation
ou de contagion, influence des
média, accès aux moyens
Suicide
tentative
et
desuicid
e
Morbidité
Troubles mentaux, troubles
psychiatrique
de la personnalité, comorbidité,
tentatives de suicide antérieures,
traitement psychiatrique
antérieur
Traits
de
et
styles
personnalité
cognitifs
Facteurs de risque proximaux et distaux (d’après A.
Beautrais, 2000)
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Annexe 6
Exemples d’odds ratio pour les principaux facteurs de risque de tentative de suicide (TS)
ou de décès par suicide (S)
Trouble de l’humeur (p. ex. dépression)
Abus/dépendance de substances
Divorce/séparation des parents
Troubles psychiques chez les parents
Abus sexuel dans l’enfance
Violence subie ou agie
Suicide dans la famille
Drop out de l’école
Tentative de suicide antérieure
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4,6 à 28 (TS)
1,7 à 11,5 (TS)
1,8 à 1,9 (TS)
dépression : 11 (S) ;
abus de substances : 10,4 (S)
5 à 6 (TS)
4,3 (TS)
4,3 à 4,6 (S)
5,1 (S)
17 à 19 (S)
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Annexe 7
Promotion de la santé en milieu scolaire d’après Ottawa
La charte d'Ottawa décrit la santé comme une ressource pour la vie quotidienne, et non pas comme le but de la
vie. La promotion de la santé est rendue possible par un effort concerté de différents secteurs, parmi lesquels les
secteurs sociaux et de l'éducation ont un rôle aussi central que le médical. Pour les services de santé, mais aussi
pour d'autres secteurs, cette conception correspond à un renversement de certaines conceptions. La promotion de
la santé favorise l'autonomie de chacun en s'appuyant sur la dynamique propre à chaque communauté.
La définition de la promotion de la santé implique au niveau scolaire :
élaborer une politique scolaire saine par des actions législatives et des changements organisationnels
garantir des milieux scolaires favorables en créant des conditions de vie et de travail sûres, stimulantes, plaisantes et
agréables
renforcer l'action communautaire en s'appuyant sur les ressources humaines de l’école, afin de stimuler la participation et
le contrôle des élèves et des adultes dans les questions de santé, dans la conception et l’élaboration d’actions de
promotion de la santé
promouvoir l’information et le perfectionnement des aptitudes individuelles indispensables à la vie, afin que l'individu
puisse exercer un plus grand contrôle sur sa propre santé et faire des choix favorables à celle-ci
organiser en partenariat l'action des professionnels médico-socio-scolaires pour oeuvrer ensemble à l'élaboration du
processus de promotion de la santé, afin de soutenir les individus et la communauté scolaire, élèves et adultes, dans
l'expression de leurs besoins de santé et dans l'adoption de modes de vie sains.
La dynamique nécessaire au développement de la promotion de la santé repose donc sur la volonté de rassembler
les membres de la communauté autour des intérêts et préoccupations qui les rassemblent, afin d'améliorer le lieu
de vie et le climat de l’école. Ceci permet que chacun (quelque soit sa place) se trouve bien à l'école et puisse se
développer et/ou se réaliser.
Ce processus crée des conditions favorables à la prévention :
de l'exclusion par l'accueil et l'intégration des différences, en favorisant l'implication de tous dans la vie de l'école
de l'échec scolaire en donnant l'envie d'être à l'école, car on s'y sent bien, en sécurité, en confiance, valorisé, conditions
nécessaires pour avoir envie d'apprendre
de la violence en reconnaissant les besoins individuels et collectifs, ce qui permet de développer l'esprit de tolérance
de la délinquance en développant l'altruisme, facteur protecteur le plus puissant
des toxico-dépendances et autres prises de risques inconséquentes par l'anticipation des effets secondaires recherchés
(reconnaissance, affirmation de compétences, établir la communication)
des situations menaçant l'individu par la consolidation d'un réseau repérable, ouvert et accessible en cas de difficultés,
de souffrance
de la dépression, du suicide...
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Annexe 8
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XII. TABLE DES MATIERES
I.
INTRODUCTION
2
II.
PLAN
3
III. DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES
3
IV. DONNEES JURIDIQUES
5
V.
MODELES D’EXPLICATION DU SUICIDE ET PREVENTION
8
1.
DEFINITIONS
8
2.
LE MODELE MEDICAL DU SUICIDE
9
3.
LE MODELE DE « L’APPEL AU SECOURS »
11
4.
LE MODELE SOCIOGENIQUE
11
VI. QUELQUES THEORIES ETHIQUES SUR LE SUICIDE
12
VII. REPRISE DES CAS
16
VIII.
20
LA PREVENTION DU SUICIDE
1.
LA RECONNAISSANCE DU RISQUE
20
2.
LA REACTION DE L’ENTOURAGE
20
3.
LA PREVENTION DU SUICIDE ; RECAPITULATION
22
IX. LEXIQUE
23
X.
24
BIBLIOGRAPHIE
XI. ANNEXES
27
XII. TABLE DES MATIERES
36
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