Moi, j`ai le maillot jaune du vainqueur d`étape
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Moi, j`ai le maillot jaune du vainqueur d`étape
Alsaventure n0 1 Aucun rapport avec la choucroute, quoique ! De Roger Hassenforder, le boute-en-train des pelotons, à Charly Grosskost, 9 fois champion de France et vicechampion du monde 1971 de poursuite individuelle, d’Alain Vigneron (logique en Alsace) à Christophe Kern et Thomas Voeckler, il les connaissait tous. Je m’inclinai devant tant de mémoire et d’anecdotes, mais tout cela ne me mettait pas sur la trace du plat régional. À peine effacé, le bronzage savamment travaillé tout l’été indien et alsacien au Baggersee, voire parfois au Blauelsand, me voilà, moi, Brad Wurscht, reparti vers de nouvelles aventures. Cette fois-ci, il me fallait, saison oblige, retrouver l’authentique choucroute d’Alsace. Le Boss avait été clair. En Alsace, la choucroute, c’est fondamental ! Le temps de lancer mes informateurs à la recherche des bonnes adresses et me voilà en route vers ma première étape. « Et pourquoi dit-on parfois d’un cycliste qu’il pédale dans la choucroute ? » osai-je, provocateur ? Et bizarrement, ce n’est pas vers Krautergersheim que je me dirigeai, mais vers un club cycliste. Je ne sais pas ce qui était passé par la tête de Hutsch, mais son message était clair : « Il te faut rencontrer des cyclistes alsaciens, ils t’en diront plus… ». « Ah ça, weisch Bue, tu sais, c’est quand, si j’ose dire, le coureur a un coup de pompe. Il donne alors l’impression de ne pas avancer, même lorsqu’il pédale. Il n’a plus de jus, il fait du surplace. Il pédale dans la choucroute ». L’image était parlante. Je m’imaginais assez pédalant dans un grand bac à choucroute… C’était un peu comme mon enquête justement, je n’avançais pas… À bicyclette… Arrivé au club house (la maison du club, quoi), je demandai à rencontrer le Président et je lui fis part de ma recherche. Achtung bicyclette, il commença par me parler justement des grands cyclistes alsaciens. Moi, j’ai le maillot jaune du vainqueur d’étape ! …et bien, moi, j’ai le maillot choucroute du meilleur descendeur de bière ! Moi, j’ai le maillot petits pois du meilleur grimpeur ! 5 Verdommi, elles sont où ces choucroutes ? ! Jo, jo, la choucroute yé-yé Conscient de ma déception, Storky m’attendait sur le pas de la porte. « Chef, j’ai une info, il faut vous rendre à SaintTropez » ! Là, cela devenait sympa et bien que mon instinct me guidait plutôt vers la campagne environnante, je me décidai à poursuivre ma quête dans cette célèbre commune du Var. Une fois sur place, j’errais. Chapeau alsacien vissé sur la tête, chemise alsaco-hawaïenne au vent, birkenstocks aux pieds et sac au dos, je menais l’enquête. Si j’avais la cote auprès des starlettes et sirènes de la plage, il n’y avait pourtant point de choucroute à l’horizon ! Une fois encore, j’allais rentrer bredouille. Je me décidai à frapper à la porte de la célèbre gendarmerie pour demander de l’aide. À peine le temps de prononcer quelques explications que deux pandores me mettent en cellule. Je n’y comprenais rien jusqu’au moment où je les entendis faire leur rapport. « Chef, on en a attrapé un, chef. Il disait rechercher une choucroute et c’est pour cela qu’il est entré dans la gendarmerie. Chef ! Il a dû absorber trop de pastis ou des substances bizarres, chef »… Certes, j’aurais peut-être dû m’expliquer, mais j’allais pouvoir le faire devant le « Chef ». Petit chauve, un regard bizarre, je ne tardai pas à le rencontrer. 6 « Bon, Monsieur, des comme vous, on en croise tout l’été. Alors ici, on a vu des nudistes, des extra-terrestres, mais pas de choucroute, alors regardez-moi là dans les yeux, et expliquez-vous ». Le temps de lui préciser ma mission, et le Chef, pas cruchot, me laissa sortir. « Je suis désolé mon garçon, mais la seule choucroute que l’on connaisse ici, c’est une coiffure mythique, celle de Brigitte Bardot dans les années soixante », me dit-il, en m’ouvrant les portes de la gendarmerie. Bon sang, mais c’est bien sûr, mes informateurs étaient partis sur des mauvaises pistes. Comment n’avais-je pas songé plus tôt à cette coiffure – reprise depuis par Amy Winehouse et tant d’autres – qui fit le tour du monde ? Plutôt que d’aller danser le twist, j’aurais mieux fait d’aller voir l’un ou l’autre coiffeur strasbourgeois. Tu sais que tu es chou, toi ? Mini mini mamma… Toujours pas de choucroute authentique à l’horizon. Je rentrai, abattu, en Alsace. Sur le chemin du retour, je décidai de ne répondre à aucun appel, jusqu’à ce que, vers Colmar… sur l’écran de mon portable s’allument les lettres suivantes M… A… M… A… N ! Verdommi, obligé de décrocher. On ne fait pas attendre sini mama. T’es malade ! ? Pas de moutarde avec de la choucroute au waedele, tu veux que la moutarde tue l’arôme subtil de la choucroute ! Invité à dîner à la maison, j’amenai une bouteille de Pinot Gris et là, tout s’illumina. Sur la table de la cuisine, le plat familial à choucroute, savamment jauni, laissait échapper de délicieux effluves. La rencontre du chou, des baies de genièvre, du waedele et de la palette était réussie. Feu d’artifice gourmand, je savourai « la » choucroute. Celle qui porte en elle autant le savoir-faire transmis de mère en fille que les souvenirs de mon enfance, ceux de repas réussis et de secondes assiettes aussi remplies que les premières. Mit e bessele raifort, la réponse apparut évidente ! Mais bon-sang, je la tenais la solution à mon énigme. Il n’y a pas, en Alsace, une, mais des choucroutes authentiques. Ce sont toutes celles qui naissent de l’amour du terroir et de la transmission de bonnes choses, qu’il s’agisse alors de recettes de grands chefs comme de celles de nos mères. Et tout bien pensé, réfléchissez, vous aussi, et ne me dites pas que la recette de votre maman n’est pas la meilleure ? Mais bien sûr que si ! Il en faut pour rajouter une touche …alors, virile au waedele qu’accompagne avec pas de raifort finesse et délicate nuance la fameuse qui arrache choucroute alsacienne. la gueule ? Je vous laisse, j’ai une assiette à finir. A gueter ! Cruchôôôt, on arrête ceux qui chouravent, pas ceux qui choucroutent ! Choutez-moi le camp ! 7