C`est prouvé, les tests de sélection des apprentis sont peu

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C`est prouvé, les tests de sélection des apprentis sont peu
10 SUISSE
LeMatinDimanche I 20 MARS 2011
C’est prouvé, les tests de sélection
des apprentis sont peu fiables
«
TRAVAIL Une étude révèle
que les tests exigés
par les employeurs pour trier
les candidats à l’apprentissage
ne valent pas mieux que les
bulletins scolaires pour prédire
le succès de leur formation.
Ce sont les
jeunes et leur famille
qui font les frais
de cette arnaque»
JEAN CHRISTOPHE SCHWAAB
Secrétaire syndical et député vaudois (PS)
Stéphanie Germanier
Mais ça continue
[email protected]
C’est la saison. La saison où près de
30 000 jeunes s’apprêtent à passer
un test de connaissances générales
et de logique en vue d’obtenir une
place d’apprentissage cet été. Ces
Multicheck, Basic-Check et autres
déclinaisons sont de plus en plus
exigés aux côtés du livret scolaire
dans les dossiers de postulation.
Proposés par des privés aux employeurs pour sélectionner leurs futurs apprentis, ces «examens» sont
aussi redoutés par les jeunes qui
craignent d’échouer que par les parents qui passent à la caisse pour les
payer (entre 60 et 100 francs), sans
compter les cours facultatifs de préparation à ces sésames de l’emploi.
Inapte ou moins bon?
Décriés depuis longtemps par les
syndicats et la gauche, ces tests sont
aujourd’hui qualifiés de peu fiables
par une étude scientifique réalisée
au centre de recherche conjoncturelle de l’EPFZ (KOF). L’auteur de
Ces «examens» sont proposés par des entreprises privées. Ils coûtent aux parents
entre 60 et 100 francs.
Keystone/Martin Ruetschi
l’étude, Michael Siegenthaler, a
testé l’efficacité de ces questionnaires en étudiant un panel de 334 jeunes ayant effectué le Multicheck
pour entrer en formation à Migros.
Résultats: ces tests sont inutiles
pour prédire tant le succès de la formation que le comportant pendant
celle-ci, notamment la propension à
l’interrompre avant son terme. Pire,
les résultats scolaires, même s’ils
sont difficiles à estimer et à compa-
rer pour les employeurs étant donné
les 26 systèmes cantonaux, seraient
plus efficaces pour juger des capacités des pré-apprentis. «Ces tests ne
prenaient par exemple pas en
compte les compétences sociales de
quelqu’un qui postule pour une
place impliquant un contact avec la
clientèle», révèle Michael Siegenthaler.
Autre défaut de ces tests d’aptitude, selon lui: le résultat des jeunes
n’est calculé que par rapport à la
moyenne des autres. Ainsi, un futur
apprenti qui obtient un résultat que
le test juge insuffisant est considéré
comme inapte alors qu’il n’a en réalité obtenu qu’une note inférieure
aux autres.
«L’arnaque est désormais scientifiquement prouvée», dénonce
Jean Christophe Schwaab, responsable de la formation des jeunes à
l’Union syndicale suisse. Le député
vaudois qui était parvenu à faire
payer la facture de ces tests aux employeurs de son canton demande que
les entreprises et l’Etat cessent de
recourir à cette forme de sélection.
Le conseiller national Jacques-André Maire (PS/NE), ancien président
de la Conférence romande des chefs
de service de la formation, était déjà
intervenu auprès du Conseil fédéral
pour demander que l’administration
cesse d’utiliser ces tests. «Bien sûr,
c’est difficile de s’y retrouver au milieu des systèmes de notes, mais
Sabine Papilloud
Un automne entre printemps arabe et hiver nucléaire
Journaliste
L’
incroyable débandade à
laquelle on assiste cette
semaine dans les rangs des
pronucléaires – encore que cette
catégorie demande à être précisée et
nuancée – est dans un sens aussi
surprenante que la chute des régimes dictatoriaux en Afrique du
Nord. Au chapitre de l’effondrement des certitudes les mieux assises, l’hiver du nucléaire est aussi
inattendu que le printemps arabe.
Politiquement, ces événements
élargissent le champ des possibles,
et le hasard fait que cela survient,
chez nous, au début d’une année
électorale.
Pour les Verts, qui semblaient
promis à une frustrante stagnation,
cette coïncidence peut apparaître,
à première vue, comme une
aubaine. Ils peuvent légitimement
se prévaloir du fait qu’ils prêchent
depuis longtemps la sortie du nuContrôle qualité
Le chef de projet Multicheck, Adrian
Krebs, réfute ces résultats: «Selon
des experts externes mandatés pour
analyser l’étude, l’échantillonnage
n’est pas représentatif.» Une affirmation que nie fermement Michael
Siegenthaler: «Les professionnels
de la formation qui utilisent le Multicheck depuis quinze ans en sont
vraiment satisfaits et contribuent à
le développer encore avec nous»,
affirme-t-on encore du côté du
Multicheck.
Et là-dessus pas de démenti.
L’Administration fédérale ainsi que
Migros ne comptent pas se passer de
ces présélectionneurs. Leurs arguments: les «checks» facilitent le tri
et laissent plus de temps aux ressources humaines pour se consacrer
aux entretiens personnels. Sans
oublier, fait remarquer Jean Christophe Schwaab, que ce sont les jeunes ou plutôt leur famille qui font les
frais de ces tests en les payant lorsque les candidats à l’apprentissage
ne sont finalement pas retenus. x
LACHRONIQUE
DESRESEAUX
LASEMAINE
POLITIQUE
D. S. MIÉVILLE
c’est le côté payant de la démarche
qui est dérangeant», explique-t-il.
En ce moment, la Conférence latine
des chefs de services d’orientation
scolaire et professionnelle est
d’ailleurs en train de travailler à la
mise sur pied de tests intercantonaux, spécifiques aux professions et
surtout gratuits.
cléaire, et la catastrophe qui est
survenue au Japon vient d’une certaine manière valider leur analyse
de la situation. Et en plus d’être désormais portée par l’actualité, la
proposition de sortir du nucléaire
s’inscrit encore dans une mécanique, sur une pente naturelle, qui
devrait a priori la favoriser.
A l’instar du circuit neuronal qui
est plus rapide pour dire non que
pour dire oui, en politique, le réflexe
le plus couramment associé aux situations émotionnelles, est bien, en
effet, la sortie. Sous le coup de
l’émotion, de la déception, de la
peur ou de l’humiliation, la réaction
naturelle est plutôt de quitter un
partenaire, un parti, une organisation, d’abandonner un projet, une
participation ou un mode de fonctionnement.
On imagine mal un orateur lever
les bras vers le ciel en s’exclamant,
la voix chargée de trémolos: «Entrons.» C’est beaucoup plus facile
d’exhorter une assemblée à prendre
une décision radicale en prononçant
«sortons» avec une martialité propre à mettre l’assistance en branle
sur-le-champ. On a quelques excellents souvenirs, dans ce registre-là, avec le psychodrame qui
agita le Parti socialiste suisse en
1983 et 1984, suite au camouflet infligé par les partis bourgeois qui élurent Otto Stich au Conseil fédéral en
lieu et place de la candidate officielle
du parti, Lilian Uchtenhagen.
On peut aussi admettre que sortir
de quelque chose est plus conforme
au génome politique suisse que
d’entrer quelque part. Entrer, ou
adhérer, c’est nécessairement admettre certaines contingences, se
plier à des obligations, accepter des
règles, faire des concessions. Sortir,
c’est au contraire se libérer de ces
règles, briser des chaînes, renouer
avec une liberté et une indépendance originelles, imprudemment
abandonnées alors qu’elles avaient
conduit nos ancêtres sur le chemin
du succès. Cela implique bien évidemment d’accepter d’autres contingences et de se soumettre à
d’autres règles, mais c’est un aspect
des choses dont on remet en général
l’examen à plus tard.
Les anciens
combattants
de Kaiseraugst
pourraient
mobiliser
leurs souvenirs
Pour faire une incise, c’est peutêtre une question à examiner pour
tous ceux qui sont partisans d’intégrer une organisation supranationale. Il serait plus facile de proposer la chose sous la forme d’une
sortie de l’Alleingang que sous
celle d’une adhésion.
Pour en revenir au nucléaire, il y
a aussi une sorte de fenêtre de tir
dans l’espace de laquelle l’émotion générale est le plus facilement
mobilisable et instrumentalisable.
Et il s’agit de ne pas la manquer.
Les Verts ont-ils eu raison de se
précipiter et d’annoncer cette semaine déjà le lancement d’une initiative populaire pour sortir du
nucléaire? Cette démarche leur
promet-elle un sursaut pour les
élections d’octobre? Ce n’est pas
absolument sûr. Ils ont peut-être
coupé la ligne de départ un peu
prématurément, pour utiliser une
expression nautique. Il s’agit en
effet de gérer au mieux la puissance du flux émotionnel, de lancer la machine de l’initiative de façon à ce qu’elle tourne à plein au
meilleur moment du calendrier
électoral, de gérer les alliances
comme la concurrence avec les
autres partis. Il faut tenir compte
de la pause estivale et du caractère
imprévisible de l’actualité,
comme on le voit avec l’espèce de
dialectique médiatique qui s’est
établie depuis une semaine entre
le Japon et la Libye. Les Verts ne
sont pas, et de loin, les mieux armés pour conduire le plus subtilement ce jeu-là et ils pourraient
avoir affaire à plus habiles qu’eux.
On devrait méditer la façon
dont s’est réglée en Suisse, en
1988, la dernière crise nucléaire.
Les anciens combattants de Kaiseraugst pourraient mobiliser utilement leurs souvenirs. Dans un
contexte extrêmement émotionnel, la renonciation à construire la
centrale fut prise, au bon moment,
en toute rationalité, en tout petit
comité, par une poignée d’hommes
politiques et d’industriels. x
CHRISTINE
SALVADÉ
[email protected]
Tenez le
coup, Georges!
Je ne connaissais pas Facebook qu’il y était déjà,
lui, en grande icône des geeks suisses. Bon,
c’était un faux profil, créé par un admirateur.
Ensuite, l’«historique correspondant» au Japon, comme l’appelle Darius Rochebin, s’est vu
créer un «groupe» à son nom. Le sommet de la
hiérarchie facebookienne, un honneur réservé
aux people comme Naomi Campbell ou Justin
Bieber. Georges, lui, compte plus de 2000 fans.
Et le tsunami lui a valu plein d’amis.
Tout ça s’est fait sans qu’il le veuille. Parce
que Georges Baumgartner n’est pas un homme
de réseau social. C’est un asocial. Un de ceux qui
n’aime pas les clans, ni les modes. Il n’est pas
Suisse, ni Japonais, et ne fait rien comme les
autres. A Tokyo il y a trente ans, il est arrivé lentement par la route. Et ce n’est pas aujourd’hui
qu’il en reviendra dans la précipitation, dit-il.
Vous l’avez entendu, sur le toit de l’immeuble où
l’avait placé «Infrarouge» mercredi dernier, le
nez rouge et grelottant de froid devant la skyline
de Tokyo plongé dans la nuit? Six jours après le
séisme, il trouvait encore la force de lutter contre les idées reçues des Suisses au chaud dans
leur studio: non, il n’est pas «le dernier samouraï qui reste après la tempête». Non, le niveau de
radioactivité à Tokyo n’était pas supérieur à celui auquel vous vous exposez dans un avion. Il se
permet même un incroyable: «Il ne faut pas dramatiser à l’extrême la situation au Japon.» Déroutant. Baumgartner ne ressemble pas aux correspondants étrangers auxquels on est habitué,
ceux qui savent conforter nos certitudes. Il n’est
pas un adepte de la pensée slogan. Georges
Baumgartner, c’est l’anti-Facebook. Et finalement, je suis devenue fan, moi aussi. x