Achète-toi une vie !

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Achète-toi une vie !
Achète-toi une vie !
Paul Durand-Lupinski
Le monde est un catalogue. On y prend ce que l'on veut, et jette le reste.
World© est un catalogue informatisé pour citoyen complet. On peut tout y trouver.
Lyrium s'était levé plus tôt qu'à son habitude, avait avalé sa rasade de bonne humeur
en pastille quotidienne. Il se tenait maintenant totalement nu devant un mur
entièrement vide, une image holographique planant juste devant lui. Sa peau était,
par endroits, parsemée de rides. Sa main courait dans le vide, faisant défiler la
projection. Les doigts s'immobilisaient parfois quelques instants, et parfois quelques
mots s'échappaient de la bouche de leur possesseur. « Achat confirmé. » Il s'était
acheté un Costume pour aujourd'hui, une Remise à niveau de sa peau, et ses trois
Repas quotidiens, après avoir jeté un coup d'œil aux messages de sa cyberconnaissance Treza 23.
Lyrium naviguait désormais dans une section nommée « ÉVÈNEMENTS. » Il
parlait désormais au Micro positionné quelque part dans la pièce, pour lui faire
savoir ses commandes.
« Je veux quelque chose d'original. Une journée qui sorte de l'ordinaire. Une
sorte d’œuvre d'art vivante. »
Au fond de lui, il sentait un pincement au cœur. Il voulait de la nouveauté. Il ne
ressentait presque plus rien. Un grand vide semblait s'être installé en lui. Il avait
besoin de sentiments. C'était là même ce que son cerveau lui dictait. Avec le temps,
ce qui restait de sa conscience était devenu un habile critique de la situation de
Lyrium. Sa ration de Médicaments ne suffisait pas à le contenter.
Une voix électronique, sans chaleur, ni froideur blessante, répondit à la
demande exotique de l'homme présent dans la pièce.
« Nous vous proposons le Pack Premium, la meilleure offre disponible
actuellement.
- En quoi consiste ce « Pack Premium » dont tu parles ?
- Pack Premium, description du produit : Le Pack Premium est une offre de la
société World©, qui s'engage à répondre pendant une journée au moindre désir le
plus vite possible, avec modifications interactives du déroulement de la journée
Premium. Chaque Produit sera facturé dans le cadre de la politique tarifaire de
World© concernant le Pack Premium. Le grand avantage du Pack Premium réside
dans l'instantanéité de la mise à disposition des Produits, sans aucun domaine
thématique restreint, et le coût inférieur par rapport à une prestation plus
classique. »
Lyrium s'éloigna un instant de l'image suspendue dans le vide, peut-être pour
réfléchir. Sa figure restait impassible, témoin vivant de l'incapacité émotionnelle de
son tout. Il se retourna finalement vers l'appareil pour lui dire des mots.
« Offre acceptée. Seulement, je veux que les prélèvements soient directement
effectués sur mon compte bancaire, sans demander sans cesse ma confirmation. Et,
sauf avis contraire, je ne souhaite pas être informé du prix des Produits que je
consomme.
- Bonne journée Premium Monsieur. »
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Un petit Cube cuivré vint se nicher sur son épaule, non encore recouverte d'un
quelconque tissu. Son porteur tapota la Tablette virtuelle, pour envoyer à Treza 23 la
nouvelle de son dernier achat.
L'homme appelé Lyrium se tenait debout dans un parallélépipède truffé de
boutons. On aurait peut-être parlé d'un ascenseur, auquel on aurait rajouté un
déplacement horizontal et latéral. Actuellement, il descendait à grande vitesse vers
le sous-sol. Les parois métalliques renvoyaient un éclat brillant tout autour d'elles. La
cage s'immobilisa. Une paroi coulissa. Le Costume s'avança en avant. Ses mains
légèrement tremblantes jouaient avec une petite clé de Voiture. Les néons
diffusaient une lumière jaune tremblotante, dissimulant à peine les traces de Pneu,
la crasse des installations, et l'huile ruisselante. Lyrium laissa son regard balayer
plusieurs dizaines de Véhicules alignés, tous plus ternes les uns que les autres. Peu
étincelaient. Pour une journée aussi exceptionnelle, il lui fallait quelque chose de
mieux. Quelque chose qui avait un peu plus de classe.
« Je voudrais une Istun Theran. Le modèle le plus cher. Couleur rouge
carmin. »
Le cube se mit à effectuer quelques « bip » inquiétants. Deux petites pattes,
qui le soutenaient en équilibre sur l'épaule de son porteur, se mirent à sautiller.
Deux points lumineux intenses éclairèrent tout à coup un mur de béton. Un profond
ronronnement de fauve brisa le silence. Un monstre sanguin et racé sortit des rangs
de la masse des squelettes. Ses yeux pétillants de violence projetaient une onde sur
tout ce qui traînait autour. Une rage à peine contenue plainait dans l'air lourd de
l'essence. Le Vêtement banal s'approcha d'un pas circonspect.
« Combien cela coûte-t-il ? dit-il avec une pointe de tension.
- Vous avez demandé à ne pas être informé du prix de vos achats. »
Le fragile petit homme progressait lentement en direction de la bête. Celle-ci
s'immobilisa juste devant lui, ouvrit une portière d'un air accueillant. L'animal rugit
quand les doigts de Lyrium vinrent effleurer le capot. L'homme eut un geste de recul.
La sensation au toucher était semblable au contact d'une fourrure féline. Il se laissa
séduire. D'un bond, il monta dans le Véhicule.
« À moi le dehors ! »
La Voiture démarra en trombe, avalant l’asphalte sous son ventre affamé. Le petit
cuivre roulait sur lui-même de contentement sur le siège.
Une Automobile roulait à toute allure sur une ligne droite. De part et d'autres,
des Tours s'alignaient renvoyant son image au rubis céleste. Le verre réfléchissait
une lumière crue sur la Route. L'air derrière le Véhicule s’embrasait un court instant.
Derrière le pare-brise fumé se cachait un sourire étincelant.
« Paire de Lunettes de soleil. Classes. »
La main ouvrit la boite à gants, pour trouver en tâtonnant un Étui contenant ce
que la voix avait demandé. Le sourire s'élargit. Un nuage de poussière se formait
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derrière la Voiture, tourbillon destructeur d'une vitesse supraluminique.
« Un Défi. Coriace. »
La ligne droite se poursuivait, infinie. Le moteur rugissait dans le vent. Une
autre bête, verte celle-ci, bondit sur l'asphalte, surgissant d'une voie latérale. Les
deux bolides fonçaient, Pneus à Pneus, droit devant. Les vitres teintées empêchaient
de discerner quiconque à l'intérieur du Véhicule concurrent. Lyrium donna un
brusque coup de volant, poussant son voisin contre le grillage métallique. Une gerbe
d'étincelles fusa dans l'atmosphère. L'émeraude s'hérissa, et se rejeta vers le rubis.
Les deux rocs en mouvements s’ébranlèrent. Des torrents de feu coulaient le long
des armatures extérieures. Un feu d'artifice grenade et pomme illuminait les mille
vitres alignées le long de l'autoroute.
Lyrium se vit écraser contre la bordure de la voie. Son adversaire s'était écarté
un moment pour revenir à la charge. Il freina brusquement. Le bélier se fracassa à
toute vitesse contre l'extrémité métallisée. L'éclat moussu se mit à tournoyer dans
les airs, enchaînant tonneaux sur tonneaux. Il passa par-dessus la rambarde, et
tomba dans le vide.
Le Costume porte une bonne humeur éclatante. Il est heureux d'avoir vaincu.
Il est tout puissant. Et ça lui plait. Rien ne peut aller plus vite que lui.
Il lui fallait fêter cette victoire sur un autre être humain. Il fallait qu'il montre
sa supériorité. Mais surtout, pour cela, il lui fallait être présentable. Il réfléchit à une
Combinaison de Latex moulant sur laquelle seraient rajoutés des Fragments de
Tissus, suivant la mode actuelle. Il passa commande rapidement au petit accessoire
de World©. Il se gara sur une place entièrement vide, qui donnait sur un amas de
sorties, de voies d'accès, miroir pataud du tissu de Transport Urbain. Il se dirigea vers
son coffre, qu'il ouvrit. Il découvrit à l'intérieur la Combi demandée avec des
lambeaux de Cuir, de Cotons multicolores, de Lin parfaitement teint...
Il enfila l'Habit, rajoutant une touche flashy à l'éclat rougeâtre de son Véhicule.
Il fit quelques pas sur les pavés, sentant une plénitude profonde l'envahir, et un bien
être s'imposer à lui. Son aspect vieilli contrastait avec la modernité de
l'environnement, et même avec son Vêtement, qui lui allait aussi bien qu'un Gant à
un manchot. Des rides surgissaient par moments, soulignant la chair flasque de leur
possesseur.
Personne ne se tenait sous le soleil de plomb qui brûlait le béton. Seul Lyrium
et sa Voiture rouge détonaient dans les alentours. Dans leurs environs se brisait la
brume du silence et de la paix. Un tourbillon de violence aveugle se concentrait dans
cet endroit. L'air vibrait d'une onde sombre, copinant avec les infrasons.
« Une Bière. »
Elle se matérialisa presque instantanément dans sa main, blonde et
mousseuse. La chope glacée pesait sur le bras malingre de l'homme. Des flots de
liquide doré coulaient sur les bords, réhydratant des doigts parcheminés. Un rot
sonore éclata comme une bulle de savon dans l'atmosphère.
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« Un adversaire. Caractéristiques aléatoires. »
De l'Autoroute surgit un aigle de métal, étincelant sous la lumière assassine
des cieux. Il vola sur plusieurs dizaines de mètres avant de toucher le sol. Le deuxroues s'immobilisa dans une gerbe de poussière cinématographique. Son conducteur
mit pied à terre, preux chevalier, ravit d'en découdre. La visière du Casque se releva.
Un visage brutal surgit de la carapace de métal.
« Kalachnikov. Chargée. »
Le Fusil d'assaut en question glissa sous les pieds de Lyrium, s'arrêtant, le
canon pointé vers l'inconnu, à une dizaine de centimètres. L'homme sentait bouillir
en lui une rage meurtrière, aveuglante. À moins que ce ne fut le soleil. Comment
savoir au vu de la chaleur ? Il se laissa tomber au sol, empoigna l'Arme, pour sauter
et ouvrir le feu. Le recul le projeta en arrière, laissant la majorité des Balles se perdre
dans le plafond bleuté. Il avait le souffle coupé.
Le motard avait dégainé un énorme Revolver, et d'un saut arrière, s'était
abrité derrière son engin. Il tira deux ou trois coups de semonce. Des morceaux de
Pavés volèrent sous les tirs.
Lyrium rampa vers l'endroit où était tombée son Arme. Il l'attrapa de sa main
fatiguée. Il se releva avec un courage pathétique et un rictus crispé aux lèvres. Il
bloqua le monstre sous son aisselle et lâcha un tsunami mortel. Les traits mortels
s'enfuirent dans le paysage urbain. Toutefois, un éclat brisa la monotonie de la
Combinaison de moto de l'inconnu. Un éclair rouge illumina de langues de fluides
poisseux le corps de l'adversaire. Le liquide carmin goutta sur le sol, une fois, deux
fois, trois fois. Il mit sa main au ventre. Elle se caramélisa. Il s'écroula, les yeux
vitreux.
Lyrium regardait sa victime avec une expression de jouissance quasi sexuelle.
Ses yeux globuleux ne pouvaient s'empêcher de fixer la scène. Lui-même peinait à
redresser sa carcasse voûtée. Des perles de sueur luisaient le long de ses joues. Une
profonde lassitude traversa son regard gris.
« Je veux me reposer. »
Le petit Cube cuivré frétilla de contentement.
Lyrium était à nouveau nu, les yeux fermés, plongé dans un liquide moussant,
entouré de bulles éclatant comme des flatulences à l'odeur de parfum de luxe. Il
était adossé à une vitre encore transparente malgré la buée, donnant sur le désert
urbain cuit par le soleil de midi. Un sourire béat flottait sur son visage, renforçant
l'impression d'intelligence qu'il dégageait. D'ultimes signes de tensions étaient en
voie de disparition sur tout son corps.
Le petit dispositif orangé se tenait assez loin du liquide, faisant jouer ses
minuscules pattes métalliques sur le Bois Verni. Après un bon moment d'attente
dans la chaleur doucereuse, l'homme rouvrit les yeux. Il sentit une sensation de vide,
un trou noir à la place de son cœur. Les volutes de vapeurs d'eau s'échappaient en
même temps que ses pensées de ses oreilles, narines, et autres. Un puissant voile
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brumeux dansait devant ses yeux, avec une lenteur pachydermique.
Lyrium releva la tête, et releva ses paupières. Personne n'était là. Seulement
lui. Un frisson lui parcourut le corps. Ses cils étaient partis gambader dans une
course frénétique à travers l'infini. Il se redressa lentement. Il fallait partager ce
moment de plénitude. Mensonge. C'est surtout que personne ne pouvait l'admirer,
lui, actuel possesseur du Pack Premium de la grande société World©. Nul pour
l'envier, nul pour le glorifier, nul pour lui faire plaisir, ou même du tort. L'inertie de
son mouvement l'envoya glisser sur le rebord, sur lequel il s'affala lourdement.
« Je veux un ami. »
Le silence instaura une dictature de courte durée, avant qu'une voix artificielle
ne lui réponde avec la froideur coupante de ses fréquences préprogrammées :
« Préciser les modalités.
- Un ami, rencontré pendant mes études, un truc dans le genre. Avec lequel je
m'entendais bien. »
Le Bain continuait de bouillonner tranquillement, laissant échapper des
sphères de savon à intervalle régulier.
« Requête acceptée. Colis en cours de transport. Veuillez patienter quelques
instants. »
L'homme retomba dans le Jacuzzi avec lassitude. Il vacillait dans l'eau.
Un autre homme, à peu près aussi vieux que l'occupant entra dans la pièce.
« Lyrium !
- Toi... euh...
- Mais si, tu sais, Maxime, on s'est connu pendant le Temps Obligatoire de
Leçon Éducative. Ça fait un bail depuis.
- Alors qu'est que tu deviens ?
- Comme tu le vois, je travaille pour World©.
- Moi, vois-tu, je profite. Je crois qu'il ne doit pas y avoir dans mon
appartement d'Objets qui ne soit pas d'une des filiales de World©. J'ai assez
d'Argent pour me le permettre. Griller derrière une vitre transparente sous le soleil,
assis à un bureau à nourrir des dossiers de chiffres vides. Mais ça rapporte, et même
beaucoup. Et là, je me suis offert une journée Premium, imagine... »
La conversation se poursuivit un certain moment, difficile d'en préciser la
durée, faute de référentiel. Quelques minutes ? Une demi-heure ? Sûrement pas plus
long. À aucun moment, le dénommé Maxime, l'arrivant ne se départit de son
sourire, figé sur ses lèvres, aussi naturel que le macadam de la Route. Une sorte de
vide s'était installé progressivement dans la conversation. Les échanges de banalités
se poursuivaient au ralenti.
Finalement, quand le silence pointa son long bec de rapace, Lyrium congédia
assez abruptement sa commande. Enfin seul, une larme coula sur sa joue, unique en
son genre. Cette... chose n'était pas son ami, n'avait jamais été son ami. Publicité
Mensongère. La boule au fond de son estomac se mit à grossir. S'il voulait discuter, il
rouvrirait sa tablette, et échangerait des messages avec Treza 23 demain, ou à un
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autre moment. D'ailleurs, un message d'elle l'attendait, lui déclarant qu'elle aussi
avait souscrit à l'offre Premium. Le Cube de cuivre l'observait, sans bouger, depuis
un perchoir presque invisible.
Lyrium se tenait dans une rue balayée par les vents. Il voulait trouver quelque
chose pour lui faire plaisir. Il regardait parfois les passants qu'il croisait, sans jamais
vraiment les voir. Il lui fallait une commande spéciale pour le moment.
« Je veux une fille. Brune. Un peu plus petite que moi. Jolie. Gros seins.
Docile. »
Lyrium vit bientôt apparaître le fruit de son vœu.
La femme transpirait la beauté par tous les pores de sa peau. Elle était
ravissante. Un corps dissimulé, laissait discrètement place à un visage éclatant,
souriant, puis tout à coup mélancolique, harmonisant pour un instant ses trais fins,
pour les tendre à nouveau sous un sourire miroitant. Une cascade de cheveux se
déversait sur ses épaules, puis repartaient se nicher dans son dos. On pourrait croire
les formes mal proportionnées, mais seul dans le mouvement peut-on
entrapercevoir la fluidité des lignes de force qui se dégagent d'un être aussi vivant.
La posture, délibérément aguichante, dissimulait une réserve, presque distante, que
contredit un rire d'une joie intense. Un bref moment, une lueur de souffrance
scintille dans ses yeux bruns, puis disparaît comme si elle n'avait jamais existé.
Cela n'aurait pas convenu comme description de Produit. Pas assez
commercial. Lyrium sentit un désir fou, profondément irrationnel monter en lui, avec
un mélange de gêne, de pitié, d'admiration et d'autres sentiments embouteillés dans
de petits flacons scientifiques.
Il aurait été impur, ne serait-ce que de toucher cet écrin de Vénus divine.
Lyrium ne pouvait pas céder aux sombres pulsions qui parcouraient son corps et sa
conscience. Il n'avait pas le droit de jouir de son choix. Il aurait fallu mériter ça.
Il voulait faire quelque chose de bien, aussi pathétique que cela soit. Il voulait
sauver quelqu'un. Une autre forme de gloire. Mais aussi une forme d'altruisme
étrange. Il voulait peut-être être heureux. À travers autrui.
« Je veux du bonheur. »
Le petit bidule orange sur son épaule s'agita de manière inhabituelle, et de
manière fort peu mécanique.
« Requête inaccessible. Précisez ce que vous voulez. »
Lyrium marqua une hésitation, envahi par une fatigue indéfectible.
« Cette femme est agressée par une vieille folle de soixante ans passés.
Vicieuse la vielle dame. Comme toutes les autres. »
Sa demande se réalisa peu après. La fille avait disparu dans la foule, mais sa
voix cristalline résonna puissamment au milieu de la masse de gens affairés. Lyrium
se précipita dans sa direction, sans laisser le temps à son esprit de fonctionner.
Au centre d'un cercle de curieux se battaient l'incarnation d'Aphrodite, Freya,
et toutes les autres, face au démon du temps écoulé. L'ancêtre, comme venu d'une
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autre époque, sortit un énorme Révolver noir de son sac à main vieillot.
Lyrium exigea dans le vide de sa voix vacillante :
« Un Fusil à lunettes et Visée Laser. »
Le Cube de cuivre se jeta au sol, et la voix effrayante, glaciale, venue du vide
cosmique émergea dans l'air :
« Il est impossible d'accéder à votre requête. Vous êtes déficitaire à hauteur
de … Nous devons saisir votre personne à des fins de remboursement, ainsi que tous
vos biens. Vous êtes à présent une propriété de la société World©. N'opposez pas de
résistance. »
La sentence retentit, condamnation irrévocable.
Le Cube projeta un filet vert radioactif sur Lyrium, l’emprisonnant sans
possibilité d'effectuer le moindre geste. Il perdit connaissance, sous le choc. La
dernière vision qu'il eut fut la jeune femme, et la vieille, côte à côte, tournés dans sa
direction, paisibles, souriant de toutes leurs dents, qu'elles avaient blanches.
Deux têtes de Mort.
Lyrium se réveilla dans un appartement cossu. Devant lui se tenait Treza 23,
femme encore belle, malgré les premiers dégâts de l'âge. Elle souriait.
Lyrium réussit à desserrer les dents, malgré la douleur qu'il ressentait dans
tout ce qui restait de son corps.
« Tu m'as acheté.
- En effet. Pour un usage particulier.
- Combien m'as-tu payé ? Combien est-ce que je vaux ?
- Tu es inestimable. C'est bien pour ça que je t'ai eu, pour seulement une
bouchée de pain. »
Lyrium avait été rajouté au grand catalogue de la société World©.
Et comme chaque objet présent dessus, il était très bon marché.
Comme chaque être humain.
Il faut pouvoir s'en payer plusieurs, sans que cela ne devienne trop cher, n'estce pas ?
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