L`homophobie à l`école secondaire au Québec: qu
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L`homophobie à l`école secondaire au Québec: qu
L’homophobie à l’école secondaire au Québec: qu’en savons-nous? Gabrielle Richard Université de Montréal 1er colloque régional sur la diversité sexuelle 12 avril 2012, Université du Québec en Outaouais La recherche Trois volets: 1) Questionnaires auprès d’élèves du secondaire 2) Questionnaires auprès d’étudiants collégiaux 3) Entrevues avec des jeunes lesbiennes, gais, bisexuel(le)s et en questionnement (LGBQ) Questionnaires auprès d’élèves du secondaire - octobre 2008 à mars 2009 - 31 écoles secondaires à travers la province - 2757 élèves de secondaire 3 et 5 - 220 élèves se disent LGBQ Description de l’échantillon Répartition par sexe et par région Région Sexe 6,7 % 24,2 % 47,4 % 52,6 % 69,1 % Masculin Féminin Montréal RMR Québec RMR Autres régions Les participants, qui sont-ils? Les critères de participation: - Être âgé de 14 à 24 ans - Être lesbienne, gai, bisexuel.le, en questionnement ou avoir un parent homosexuel - Avoir vécu des difficultés en milieu scolaire en lien avec son orientation sexuelle Les participants, qui sont-ils? 60 participants au total, dont: - 32 gars et 28 filles - 18 ont entre 14 et 18 ans; 42 ont plus de 18 ans - Fréquentent l’école secondaire (13), le CÉGEP (21), l’université (17), l’école aux adultes (2). 7 participants ne vont plus à l’école. 10 participants sont originaires d’un pays autre que le Québec/Canada. Les principaux résultats: incidents et langage homophobe Quelles discriminations? En raison de leur apparence, de leur taille, de la forme de leur corps ou de leur poids 55,0 % 37,7 % 7,4 % Parce qu’un gars se comporte de manière trop féminine ou qu’une fille se comporte de manière trop masculine 44,3 % 41,7 % 14,0 % Parce qu’ils sont OU qu’on pense qu’ils sont gais, lesbiennes ou bisexuel(le)s 39,2 % 39,9 % 21,0 % Parce qu’ils ont un handicap physique 16,5 % 40,8 % 42,6 % En raison de la couleur de leur peau 8,4 % 33,1 % 58,4 % Parce qu’ils pratiquent une certaine religion OU qu’ils affichent des symboles religieux 7,8 % 39,0 % 53,3 % Parce qu’ils sont originaires d’un endroit autre que le Québec 7,5 % 33,0 % 59,5 % En raison de leur sexe, parce qu’ils sont un garçon ou une fille 3,5 17,0 % 79,5 % Au moins 1 fois par semaine Moins d'une fois par semaine Jamais Langage homophobe général « c’est gai », « c’est fif » Garçons Filles Total Souvent 68,4% 57,9% 62,9% À l’occasion 20,0% 26,9% 23,6% Rarement 7,6% 10,9% 9,3% Jamais 4,0% 4,3% 4,2% p = 0,000 Ont personnellement vécu au moins un épisode homophobe depuis le début de l’année scolaire 38,6 % Quels incidents rapportent-ils? - Se faire insulter, humilier ou taquiner méchamment 24,0 % - Être l’objet de rumeurs visant à nuire à la réputation 23,2 % - Se faire exclure, rejeter ou être mis à l’écart 16,8 % - Cyber-intimidation 10,9 % - Se faire bousculer, frapper, donner des coups de pied, se faire cracher dessus ou lancer des objets 8,5% La dénonciation chez les victimes? OUI NON Événement pas assez majeur pour être dénoncé = 51,0 % Résolution du problème par moi-même = 35,5 % Ce genre d’incident ne m’est arrivé qu’à une seule reprise = 29,5 % Impression que rien ne serait fait pour corriger la situation = 27,1 % Ont vu ou entendu parler d’un épisode homophobe depuis le début de l’année scolaire 74,3 % Ont personnellement posé un geste homophobe depuis le début de l’année scolaire 32,7 % Quels sentiments les élèves qui posent des gestes homophobes éprouvent-ils? Je me suis trouvé drôle/comique 32,6 % Je me suis senti coupable 29,4 % J’avais l’impression qu’on m’approuvait 24,5 % J’ai éprouvé de la honte 16,5 % J’ai eu peur de me faire réprimander 5,9 % Les principaux résultats: les impacts de l’homophobie Peur, anxiété et stress Quand tu rentres dans une année scolaire, tu vas chercher ton horaire et tu as ton numéro de casier et tu n’as pas le choix d’avoir cette case-là pour toute l’année. J’ai eu une mauvaise expérience au début du secondaire. Il y avait un gars à côté de ma case et, à chaque fois qu’il ouvrait sa case, il s’arrangeait pour me donner un coup. Il m’écoeurait et je ne me sentais pas bien, je n’aimais pas ça aller chercher mes livres. Ça ne se fait pas dans la vie d’un jeune, ne pas être capable d’aller à son casier et être trop stressé. - Brendan, 19 ans, gai Peur, anxiété et stress Il y a des coins comme l’entrée principale en bas. À chaque fois que je passais là, j’avais peur, j’avais un malaise. C’était les possibilités qu’il ait du monde qui me lâchent encore des insultes, qui lâchent des commentaires. C’était toujours ça, parce qu’ils se tenaient toujours à la même place, ce monde-là. Ils étaient toujours à l’entrée. Je n’avais pas le choix. À chaque fois, bien c’est soit je regarde à terre ou j’essaie de passer bien vite pour essayer de disparaître. - Martin, 21 ans, gai Tristesse, déprime, dépression [Quand j’ai fait mon coming out], il y avait du monde qui riait de ça: « Hey, le fif! ». À ce moment-là, dans les premiers temps, c’est dur! Je me sentais tellement mal, je pleurais. Je me sentais tellement triste. C’était vraiment noir en-dedans de moi. J’étais vraiment effondré. - Isaac, 15 ans, gai Idéations suicidaires, tentatives de suicide Tu es tanné. Il se passe des trucs à la maison. Il se passe des trucs à l’école. Il se passe des trucs partout. Des fois, je pense que je vais mettre ça à off. C’est làdessus que ça venait, les idées suicidaires, les essais [tentatives de suicide]. La dépression, ça ne m’a pas aidé non plus. J’étais tout le temps down, fait que je focussais encore plus sur les problèmes que j’avais. - David, 16 ans, gai Consommation J’avais commencé à fumer du pot tous les midis parce que justement, je ne voulais pas rester en-dedans sur l’heure du midi. Je trouvais ça pénible, de me cacher tout le temps dans le fond du couloir et dans les toilettes. J’allais fumer du pot et quand je rentrais, j’étais gelé alors ils m’écoeuraient et je m’en crissais. Je n’étais pas là et ça me faisait moins mal de même. Je gelais mes émotions. - Brendan, 19 ans, gai Impacts scolaires - manquer l’école J’ai manqué beaucoup d’école. Il y avait des matins, je me levais et : « ah, aujourd’hui, je ne vais pas à l’école. Ça ne me tente pas de me faire écoeurer. Aujourd’hui, je reste chez nous ». - Michaël, 17 ans, gai Impacts scolaires - changer d’école C’est sûr que l’an prochain, je change d’école. Je suis un peu tannée que le monde me connaisse trop. Je m’en vais dans une école où je ne vais connaître personne. Je veux commencer à neuf, là. Je veux vraiment que le monde soit au courant de ça quand ils veulent vraiment s’attarder à moi. Que je ne me colle pas une étiquette dans le front : « Je suis gaie », genre. - Jenni, 15 ans, lesbienne Les principaux résultats: les signes d’ouverture Les signes d’ouverture: parler d’homosexualité en classe J’ai eu un prof qui a dit un jour, et je me suis tellement accroché à ça: « Il est possible que vous ayez des pensées homosexuelles, mais ça passe ». C’est la phrase qui a fait que oui, je suis normal et ça va passer. - Joachim, 23 ans, gai Les signes d’ouverture: utiliser un langage inclusif Il y a quelques profs que j’ai remarqués, au CÉGEP, quelques-uns au secondaire, qui pouvaient passer le fait que [l’homosexualité] existe, mais vraiment comme subtilement [rires]… pour ne pas heurter tout le monde. Par exemple, ils disent les deux genres: « As-tu une blonde ou un chum? ». - Lysianne, 22 ans, bisexuelle Les signes d’ouverture: intervenir contre l’homophobie J’ai vécu de l’homophobie au secondaire. Un moment donné, un gars a dit: « hey, Eddy la tapette! ». Le prof s’est retourné et a dit: « Excusez-moi, je vais retirer mon chapeau de professeur. Criss de tabarnac, on ne dit pas fif, on dit homosexuel. Change de vocabulaire parce qu’on pourrait te poursuivre. C’est contre le code de l’école ». Je me suis dit: « wow, c’est mon idole.» - Eddy, 20 ans, gai Les signes d’ouverture: prévenir l’homophobie Mon professeur de secondaire 5, la première affaire qu’il a dit, c’est : « Je ne veux aucun propos homophobe, aucun propos raciste pis aucun propos contre David Bowie ». Ça a été les 3 règles de son cours. Tu ne traitais pas de « fif » dans son cours. Lui, il est hétéro, il a sa blonde, ses enfants. Venant d’un hétéro aussi, les gens font : « Ah ben, on peut supporter ça sans se faire traiter de gai ». - Josiane, 19 ans, lesbienne Les signes d’ouverture: se rendre disponible Elle [enseignante au secondaire] parlait de sexualité et des MTS parce que c’était dans le cadre du travail. Les élèves posaient des questions et elle répondait. Après le cours, elle est venue nous voir [participante et sa copine] et elle a dit: « Si vous avez des questions plus particulières, vous deux, venez me les poser ». - Leslie, 16 ans, lesbienne Les signes d’ouverture: le pouvoir de la simple présence Je savais de source sûre que le prof de musique était gai. Je ne suis jamais allée le voir, mais savoir qu’il y avait un prof gai, ça me rassurait. Je me disais: « si jamais je suis victime d’homophobie, je vais pouvoir aller le voir…». Ça me faisait une personne, une figure d’autorité à l’école, qui pouvait me comprendre ou m’aider. Il va tellement me défendre contre de possibles attaquants. - Marjorie, 20 ans, lesbienne Les signes de fermeture: l’exemple des affiches On avait placé des affiches où c’était écrit: « Choquant? Pour les homophobes! ». C’était des joueurs de hockey masculins qui s’embrassent. Cette affiche-là s’est fait déchirer et enlever. Ensuite, on a placé d’autres petites affiches sans image, mais qui expliquent le comité de la diversité sexuelle. On les a placées sur le babillard d’un étage assez achalandé et elles ont toutes été enlevées aussi. Par la suite, on a placé des affiches qui donnaient les sujets de réunions et les dates. Certaines se sont fait arracher aussi. Moi, je serais pas prêt à dire sur la place publique : « Je suis gai ». - Max, 18 ans, gai Questions ou commentaires? Table nationale de lutte contre l’homophobie du réseau scolaire