Des volontaires pour la paix dans les Grands Lacs

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Des volontaires pour la paix dans les Grands Lacs
Des volontaires pour la paix
dans les Grands Lacs
Contribution prospective
de l’« Initiative de Genève pour la paix dans les Grands Lacs »
Etude menée depuis Bujumbura et Genève, décembre 04 - août 05
Avec le soutien de :
1. Introduction
L’« Initiative de Genève pour la paix dans les Grands Lacs »1 est un projet réunissant en
réseau des leaders intermédiaires2 issus de la région (Burundi, République Démocratique
du Congo, Rwanda) qui sont engagés en commun pour la promotion de la paix et du
mieux-vivre ensemble. Ce réseau regroupe des enseignants, des responsables d’ONG,
des militants des droits de l’homme, des médecins, des journalistes issus des différentes
communautés ethniques de la région et vivant sur place ou appartenant à la diaspora.
Dans sa démarche, le réseau privilégie une approche régionale et interdisciplinaire, au
sein de laquelle l’engagement personnel est central. Dès sa création en avril 2003 à
Genève, l’« Initiative de Genève pour la paix dans les Grands Lacs » s’est définie à la fois
comme un espace de concertation, au travers de rencontre et d’échanges réguliers, mais
aussi de mobilisation. Ses membres collaborent ainsi à la construction collective de
projets de terrain agissant comme « points d’ancrage » à la paix, au dialogue et au
dépassement des barrières identitaires.
Les membres de cette initiative se sont réunis du 13 au 18 décembre 2004 à Bujumbura
au Burundi3 dans le but de définir ensemble un plan d’action opérationnel. La question de
la pertinence de l’engagement de volontaires au sein de projets œuvrant à la promotion
de la paix dans les Grands Lacs y a été discutée. Plusieurs membres de l’initiative ont
une connaissance et une expérience approfondie du volontariat, soit qu’ils aient accueillis
et encadrés des volontaires au sein de leurs organisations, soit qu’ils aient été volontaires
eux-mêmes. Leurs contributions constituent la matière première de cette étude qui doit
être considérée comme un travail collectif, regards croisés du Sud et du Nord4.
Cette contribution de l’« Initiative de Genève pour la paix dans les Grands Lacs » se veut
prospective. Elle cherche à établir des perspectives d’insertion de volontaires au sein
d’une démarche cohérente de promotion de la paix, notamment en soulignant les atouts
du volontariat et les synergies possibles avec le potentiel de paix local.
Depuis plus d’une décennie, la région des Grands Lacs se trouve plongée dans une crise
très profonde, tant au niveau culturel, politique, économique que social. Des conflits
récurrents ont marqué la région ces dernières années (génocide au Rwanda, guerres
civiles au Burundi et en RDC) dont les origines se recoupent et sont intimement liées aux
représentations identitaires et aux relations interethniques. Dans ce contexte fragile et
douloureux, marqué par des violences d’une extrême intensité, par l’absence d’espace
public et par un climat de méfiance au sein des populations, les identités sont
constamment cloisonnées et poussées à la confrontation. Par son action, l’« Initiative de
Genève pour la paix dans les Grands Lacs » veut explorer des pistes conduisant à une
sortie de crise en favorisant le dépassement des clivages ethniques, en s’appuyant sur
des actions ciblées et en oeuvrant ainsi au rapprochement entre communautés.
L’« Initiative de Genève pour la paix dans les Grands Lacs » est accompagnée depuis sa création par Eirene
Suisse. Plus d’informations sur ce projet : http://www.initiative-de-geneve.org
2
Cette catégorie d’acteurs se situe à la croisée entre les leaders politiques et la population. Leur influence
rejaillit tant au niveau de la base auprès de laquelle ils agissent que du sommet de la société dont ils côtoient
les représentants. Leur connaissance du terrain ainsi que leur liberté de mouvement leur permet de jouir d’une
importante capacité d’action.
3
La rencontre de Bujumbura a été soutenue par Unité, plate-forme suisse des organisations d’envoi de
volontaires. Un rapport complet de cette rencontre est disponible auprès de la coordination de l’initiative :
[email protected]
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Une liste complète des personnes ayant contribué à cette étude se trouve en annexe.
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2. La stratégie de promotion de la paix de l’« Initiative
de Genève pour la paix dans les Grands Lacs »
« Il existe deux armes : les mots et le regroupement. »
Riccardo Petrella
Il existe un réel potentiel de paix dans la région des Grands lacs qui doit être mis en
valeur et exploité. C’est forte de cette conviction que l’« Initiative de Genève pour la paix
dans les Grands Lacs » a fait le pari de constituer un réseau de personnes issues de
différentes communautés ethniques et engagées ensemble dans une démarche de
promotion de la paix allant au delà des frontières de leurs pays respectifs. Ainsi, dès sa
constitution, le projet a visé la création et la consolidation d’un espace commun à ses
membres, à la fois en tant qu’espace de concertation que de mobilisation.
Un espace de concertation qui mette en place un cadre de dialogue et de confiance
mutuelle en amont des projets opérationnels. Il permet d’affirmer une adhésion aux
valeurs communes au-delà des différences assumées. Ceci est un préalable pour un
travail en commun et pour le rétablissement du lien social déchiré depuis
longtemps dans la région. Un tel cadre d’échange permet de diminuer le risque de
projets qui deviennent des alibis et détournent des objectifs premiers de la
démarche.
Un espace de mobilisation qui permette la construction collective de projets
œuvrant à la promotion de la paix. Le réseau se définit comme un « milieu
germinatif » de projets et a choisi l’image symbolique du panier au sein duquel
chacun apporte sa graine ou sa semence. Ensuite, c’est le réseau dans son
ensemble qui porte le panier et qui veille à la « fructification » de son contenu. Les
projets profitent ainsi des compétences rassemblées au sein du réseau, tant au
stade de leur élaboration, à travers des regards croisés, qu’au niveau de leur
réalisation.
Cette association du dialogue et de l’action commune est le fruit d’une profonde réflexion
des membres de l’initiative sur le « comment agir » aujourd’hui dans la région des
Grands Lacs pour promouvoir une paix durable. Elle se retrouve au cœur de la stratégie
d’intervention de l’« Initiative de Genève pour la paix dans les Grands Lacs » :

L’initiative appuie son action sur un réseau de personnes avant celui
d’organisations. Dans un travail de promotion de la paix, le lien social est un
impératif. Le lien de confiance interpersonnelle est un préalable à tout travail en
commun. La prise de décision s’articule horizontalement et la notion
d’engagement individuel est centrale.

L’initiative a fait le choix de travailler avec des leaders intermédiaires dont l’action
est susceptible d’influencer aussi bien la classe dirigeante que la base de la
société. Leur mobilisation doit notamment permettre de développer des projets
adéquats avec les populations.

L’initiative veille à intégrer la dimension interethnique et interdisciplinaire dans
chacun de ses projets.

L’initiative préconise une approche régionale en réponse aux conflits et à leurs
conséquences qui débordent les frontières et agissent dans la région des Grands
Lacs comme dans un système des vases communicants. Elle associe également la
diaspora compte tenu de son importance grandissante mais également à cause de
l’influence qu’elle est susceptible d’exercer localement.
2

L’initiative a opté pour une stratégie de projets agissant comme « points
d’ancrage » à la paix en rejoignant les préoccupation et les besoins quotidiens des
populations. (Exemple : une école d’informatique qui privilégie le rapprochement
interethnique et la promotion des milieux défavorisés) En d’autres termes, pour
l’initiative c’est moins le résultat quantifiable d’une action que son impact en
termes de promotion de la paix et d’un « mieux-vivre ensemble » qui est
recherché. Ces projets bénéficient d’un processus de construction collective au
sein du réseau, dont la rencontre de Bujumbura a été une étape.
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3. Quels atouts et quelles précautions pour un
volontariat pour la paix dans les Grands Lacs ?
Pour s’insérer dans une démarche pour la promotion de la paix telle que l’« Initiative de
Genève pour la paix dans les Grands Lacs », le volontaire du Nord sera lui-même un
acteur de la paix au même titre que les partenaires du réseau sur place. Son travail
technique est un support au travail de dialogue et de médiation au sens large qui
accompagne en toile de fond le projet dans lequel il agit. Le volontaire du Nord
accompagne un processus qu’il peut lui-même enrichir.
« On atteint pas la paix et la réconciliation, mais on trace des chemins qui mènent
vers ces deux idéaux. »
Daniel Jeanneret
3.1. Le rôle du volontaire
Le volontaire joue un rôle d’interpellation en tant qu’input externe au conflit, notamment
en illustrant des situations par des expériences issues d’autres cultures. Son regard
externe et critique constitue un atout majeur dans un processus de décentration
identitaire : il peut ainsi, dans certains cas, se transformer en « grain de sable » pour
gripper le cercle vicieux des clivages identitaires. A ce niveau, l’approche personnelle du
volontaire, ouverte à l’altérité et débarrassée de tout paternalisme, est déterminante.
« Seule une collaboration quotidienne équilibrée peut mener à la remise en
question de préjugés liés à l’identité : ceux-ci sont bien souvent de même nature
entre l’Africain et le Blanc, qu’entre ethnies. Les démasquer dans un contexte
interculturel peut amener, par effet miroir, à une déconstruction au niveau
interethnique. »
Pacifique Bayongwa
Le volontaire joue un rôle de témoin. Sa présence et son accompagnement est une forme
de solidarité qui permet de mieux faire exister la réalité des Grands Lacs aux yeux du
monde. Son engagement témoigne aussi de la co-responsabilité face à des enjeux qui
dépassent le strict cadre de la région des Grands Lacs. Il a également un rôle à jouer
dans la constitution d’un espace public pour chercher à surmonter le déficit de débat et
de concertation dans la région. L’indépendance politique et l’engagement personnel du
volontaire lui permet d’inscrire son action dans une démarche de solidarité citoyenne en
faveur de l’humain. Les conditions salariales amènent le volontaire à partager les réalités
quotidiennes des partenaires et à vivre près des problèmes qu’il prétend aider à
résoudre : sa connaissance du terrain et sa crédibilité en sont favorisées.
« L'humain est supranational, et son service confère le droit d'intervenir partout
comme chez soi. Il faudra simplement, pour éviter de justifier le reproche
d'ingérence impérialiste, veiller impérieusement au style d'intervention. Le bon
style d'intervention consiste à commencer par le respect. Ce respect antiimpérialiste consiste en une écoute juste et une parole sans mensonge qui
poussent chacun à admettre et assumer ses responsabilités. »
Laurien Ntezimana
Le volontaire joue un rôle de catalyseur. Répétons-le, le potentiel de paix appartient à la
région, mais le volontaire permet de souligner les éléments de tension et de régulation
dans les rapports sociaux. Les expériences qu’il peut capitaliser doivent ensuite être
validées par la communauté pour appropriation. A ce niveau, la confiance et le lien
humain qui peut s’instaurer entre le volontaire et ses partenaires sont déterminants. La
flexibilité du cadre du volontariat constitue un atout dans la souplesse et la créativité qu’il
permet face à la diversité des situations humaines.
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« Les gens sur le terrain ont déjà des idées concernant la paix, voire la
réconciliation. Les « locaux » ont besoin d’un interlocuteur pour partager, d’une
personne qui sait écouter et à partir de là, encourager la population à trouver une
ou des solutions qui sont à leur mesure. Le volontaire est une personne miroir qui
renvoie l’image pour une prise de conscience. »
Daniel Jeanneret
3.2. Le positionnement du volontaire
Pour être accepté en tant qu’acteur crédible, le volontaire doit impérativement exercer
une neutralité active en dénonçant les injustices sans prendre parti, au nom d’une
adhésion à des valeurs communes universelles qui préservent l’intégrité et la dignité
humaine. Le risque le plus important pour le volontaire, dans ce contexte de crise
identitaire, est d’être considéré comme partisan. De par son absence d’implication dans
les événements du passé dont la région porte aujourd’hui les stigmates, il peut être à
même de susciter plus facilement la confiance et exercer une action constructive auprès
de chaque groupe au travers de cette attitude neutre mais néanmoins active.
« Il est visible aujourd’hui que la région manque d’initiateurs et qu’on laisse place
aux fausses rumeurs incendiaires. Une personne qui n’est pas de la région peut
mieux jouer le rôle d’intercesseur, bien qu’il doive mettre une période de temps
pour étudier ses stratégies. »
Pacifique Bayongwa
3.3. Le profil du volontaire
S’il est clair que le cadre de l’action doit répondre à certains conditions (cf. chapitre 4), le
profil du volontaire constitue néanmoins un élément déterminant pour la réussite et la
pertinence d’un volontariat pour la paix.
Au niveau de ses compétences techniques (qualités de « faire ») bien entendu : le
volontaire doit posséder les compétences qui vont lui permettre de greffer son action à la
promotion de la paix, de la médiation et du lien social. Ce sont ces compétences qui vont
justifier sa présence aux yeux des partenaires locaux, puisqu’elles répondent à un besoin
identifié par eux comme répondant à une préoccupation quotidienne.
Au niveau de son approche humaine (qualités d’« être ») surtout : plus que ses
connaissances, c’est son ouverture à l’altérité et ses capacités d’apprentissage
interculturel qui importent. Le respect et la valorisation des valeurs et traditions du
milieu où il s’insère sont au centre de sa démarche. Le volontaire est lui-même porteur
de valeurs qui témoignent de son engagement personnel notamment au niveau associatif
et citoyen, de ses motivations d’ordre éthiques, culturelles ou spirituelles et de sa vision
du monde débarrassée de tout paternalisme. Il est clair qu’il doit aussi posséder ce qui
est désormais appelé des « compétences humaines » qui favoriseront son insertion dans
un milieu nouveau: l’écoute, la patience, la simplicité, la faculté de remettre en question
ses propres schémas mentaux,… Il doit également « savoir tomber » et assumer les
limites de son « européanité ». Néanmoins, comme dans tout travail sur le lien social, le
risque subsiste que la « greffe » dans le pays d’affectation ne prenne pas, que les
attentes soient frustrées. L’échange de personnes demeure un pari, celui que la
rencontre humaine est porteuse de sens et de changement.
« L’européen court toujours le risque de représenter un colonisateur, un maître vis
à vis de l’africain s’il ne fait aucun effort pour démystifier sa propre personne et se
montrer solidaire. J’ai vu des volontaires essayer certaines de nos pratiques, il
m’arrivait de rigoler, de voir combien ils étaient incapables de manger la pâte de
maïs à la main ou, qu’ils ne pouvaient pas danser exactement comme nous sur la
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musique locale. Mais le fait que chacun essayait portait une signification bien
particulière, très profonde, reflétant non seulement la solidarité mais aussi un signe
de valorisation de la personne culturelle locale. C’était pour moi un signe de respect
pour mes origines, ma culture et ma condition. Réciproquement, je me suis disposé
à accepter leurs habitudes et leur culture, mais aussi leurs conseils et leurs
critiques. On pouvait travailler ensemble. »
Pacifique Bayongwa
« Le volontaire doit accepter que les gens libèrent la parole, même si elle n’est pas
structurée. »
René Sibomana
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4. Quel cadre pour rendre l’échange pertinent en terme
de promotion de la paix ?
Comme cela a été souligné, le volontaire doit pouvoir inscrire son action dans un cadre
cohérent qui lui assure de pouvoir jouer au mieux un rôle pertinent dans la promotion de
la paix dans la région. Ces « conditions-cadres » s’articulent à plusieurs niveaux :
4.1. Formation spécifique
Si ses compétences techniques utiles aux communautés constituent le « point
d’ancrage » de son action pour la paix et la médiation, le volontaire doit pouvoir
bénéficier également d’une formation spécifique qui lui permette d’acquérir des clés de
compréhension culturelles (liées au contexte des Grands Lacs, aux rudiments des langues
locales) ainsi que des outils d’analyse et de transformation des conflits. Une telle
formation ne peut se concevoir qu’en tant qu’apprentissage et dialogue continu : d’abord
en Suisse en amont du départ, mais également en cours de route, dans la région. Le lien
avec des personnes issues de la région sera privilégié.
« Le volontaire est une éponge qui aspire, pompe, emmagasine les expériences
qu’il vit. »
Daniel Jeanneret
Quelques perspectives et ressources possibles au sein de l’initiative :
 Personnes de la diaspora des Grands Lacs en Suisse
 Familles d’accueil pour une immersion préalable dans la région
 Lieux de parole et d’échanges sur les situations rencontrées sur le terrain avec
des « pairs semblables » de confiance issus de la région
4.2. Proximité quotidienne et liens de confiance dans la durée
Au niveau des populations, le défi majeur pour la paix dans les Grands Lacs se situe au
niveau de la confiance et du lien au-delà des barrières communautaires. Pour le
volontaire, aucun travail efficace ne pourra être mené si ce préalable n’est pas établi.
Seule une proximité quotidienne, caractérisée par des liens de réciprocité et de
complémentarité et privilégiant le travail avec des personnes plutôt que des structures,
est à même de favoriser de telles conditions. Le cadre de dialogue et de confiance dans
la durée au niveau du réseau de l’initiative constitue ici un atout important.
« La spécificité du volontaire, selon notre vision, se lit dans son positionnement par
rapport aux populations où il est inséré. Il est un conseiller, un modérateur au lieu
d’un directeur. Le volontaire de la paix est proche des gens. Il fait corps avec la
communauté dans son engagement aux changements positifs du milieu. Il vit dans
la communauté des personnes. Il est plus affecté à la communauté qu’aux
institutions. »
René Sibomana
4.3. Encadrement par un référent de confiance et capacités d’accompagnement
Afin d’assurer à la fois le lien rapproché et le dialogue de l’apprentissage, l’encadrement
par un référent de confiance est primordial. Pour un travail axé sur le lien social, le
volontaire ne pourra être efficace s’il est isolé et qu’il agit seul : le partage avec des
« pairs semblables » issus de la région, travaillant dans le même contexte et bénéficiant
d’une expérience solide est nécessaire. Cet accompagnement et ce soutien du volontaire
devra aussi se faire en lien avec l’organisation d’envoi, notamment pour des
compléments de formation technique, pour des séminaires regroupant différents
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volontaires et référents,… Les membres de l’initiative porteurs des projets dans lesquels
les volontaires pourront s’insérer constituent une ressource à ce niveau.
4.4. Partenariat enraciné dans des valeurs et des objectifs partagés
Dans un contexte où l’omniprésence des non-dits rend toute action suspecte, il est
capital que les objectifs de promotion de la paix qui sous-tendent l’action soient
partagées à tous les niveaux du triangle composé par l’organisation d’envoi, le volontaire
et l’organisation sur le terrain. Ainsi, le partenariat entre les organisations doit être
enraciné dans des valeurs communes définies en amont de l’action, afin d’éviter que
l’offre d’engagement de volontaires dans des projets ne crée une demande artificielle. En
ce sens, l’interconnaissance est une garantie de l’engagement réciproque. L’espace de
concertation développé par l’« Initiative de Genève pour la paix dans les Grands Lacs »,
défini avant la mobilisation commune, est de nature à répondre à ce défi. Pour
l’organisation d’envoi, il s’agit de s’accorder avec le volontaire au niveau des attentes
réciproques, de la philosophie de l’engagement, de la mise en valeur du potentiel de
l’affectation et de la consolidation de l’expérience qui sera faite sur le terrain. Une
préparation approfondie sur la durée est ainsi nécessaire.
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5. Conclusions
L’intérêt de la part des partenaires du Sud pour un échange de personnes dans des
projets de promotion de la paix est manifeste. Néanmoins, les exigences sont élevées,
tant au niveau professionnel qu’humain. Outre ses compétences sociales, c’est l’approche
humaine du volontaire et ses qualités d’« être » qui se révéleront déterminantes. Dans ce
contexte, le volontariat apparaît comme une forme pertinente pour l’échange de
personnes en faveur de la paix. Proche des populations pour lesquelles il agit et animé
par l’intérêt de l’échange et du partage, le volontaire a de nombreux atouts à faire valoir
pour travailler sur le lien social et le mieux-vivre ensemble.
Toutefois, le volontariat pour la paix ne saurait être développé de manière ponctuelle et
selon des besoins définis dans l’urgence. L’envoi de volontaires pour la paix ne peut
s’inscrire que dans un cadre plus large et une stratégie cohérente au sein desquels le
dialogue et l’inter-connaissance sont stimulés, tant au niveau personnel qu’institutionnel.
Un tel cadre sera de nature à favoriser l’insertion du volontaire et à assurer un lien de
partenariat enraciné dans des valeurs communes et la confiance réciproque. Dans la
complexité d’une situation de conflit, une intervention mal encadrée risque de diluer,
voire de détourner, les objectifs du projet qui pourrait alors être identifié comme
partisan. Ces conditions exigent une préparation et un suivi conséquents par
l’organisation d’envoi, à la fois pour la formation des volontaire que pour le rapport avec
les partenaires de la région.
Le volontariat pour la paix représente indéniablement une voie de développement très
intéressante pour les organisations d’envoi de volontaires. Elle mérite sans doute d’être
explorée au-delà de la région des Grands Lacs. La promotion d’une telle forme de
volontariat devrait encore être étudiée : comme plusieurs organisations d’envoi de
volontaires engagent actuellement des civilistes, elle pourrait être reliée avec la possible
évolution du service civil vers un service volontaire pour la communauté et pour la paix.
Celui-ci, ouvert aux femmes comme aux hommes, pourrait ainsi se transformer en un
outil pertinent de promotion de la paix et de la non-violence liant cohésion sociale en
Suisse, désir d’engagement des jeunes et des moins jeunes et relations Nord-Sud
équitables.
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Annexe : personnes ayant contribué à cette étude
Cette étude prospective est le fruit d’une réflexion menée en deux étapes avec les
membres de l’« Initiative de Genève pour la paix dans les Grands Lacs ». Tout d’abord,
des discussions ont eu lieu avec l’ensemble des membres réunis à Bujumbura en
décembre 20045. Ensuite, le travail s’est poursuivi dans le cadre d’une commission ad
hoc de l’initiative, composée des membres jouissant de l’expérience la plus important
avec le monde du volontariat. Nous en reproduisons ici une brève présentation.
Pacifique Bayongwa est un informaticien congolais, originaire de Bukavu, au Sud-Kivu et
résidant actuellement au Kenya avec sa famille. C’est cours de son travail au Rwanda
dans un école d’informatique favorisant l’accès du monde rural aux nouvelles
technologies qu’il a côtoyé et encadré de nombreux volontaires suisses et italiens.
Daniel Jeanneret est consultant indépendant, spécialiste en gestion et transformation des
conflits. D’origine jurassienne, il a été volontaire pendant de nombreuses années au
Maroc et en Haïti, puis président de Eirene Suisse. Il vit actuellement à Philadelphie aux
USA.
Justin Kahamaile est l’actuel président de Eirene Suisse. Dans sa ville de Bukavu en RDC,
il a été formateur pour les volontaires du Corps de la paix. Très engagé en Suisse dans
les milieux de développement et de volontariat, il a été à l’origine de l’« Initiative de
Genève pour la paix dans les Grands Lacs ».
Laurien Ntezimana est un théologien laïc rwandais. Après le génocide, il a fondé à Butare
l’Association Modeste et Innocent qui cherche à promouvoir l’art de vivre ensemble,
notamment en renforçant les capacités des individus à être eux-mêmes acteurs de paix.
C’est dans ce cadre qu’il a accueilli et encadré une volontaire suisse.
René Sibomana dirige l’Association Jeunesse & Environnement à Dakar au Sénégal. Ce
spécialiste rwandais de l’animation et de la formation des jeunes, lui-même scout
émérite, organise depuis de nombreuses années des chantiers d’été réunissant des
jeunes européens et africains au Sénégal. Sa contribution à cette étude a aussi été
alimentée par des échanges d’expériences avec des collègues ayant travaillé avec des
organisations de volontaires (Snv, Ageh, AFVP, Corps de la paix, VNU, Suco, Ocsd,
Scouts, Eirene,…) dans toute l’Afrique de l’Ouest.
Jérôme Strobel est chargé du projet de l’« Initiative de Genève pour la paix dans les
Grands Lacs » à Eirene Suisse. Il a enseigné l’informatique au Rwanda et est également
engagé en Suisse pour la promotion du service civil.
Références sur l’« Initiative de Genève pour la paix dans
les Grands Lacs »:



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« Promouvoir la paix dans les Grands Lacs », compte-rendu de la rencontre d’avril
2003
« Construire la paix dans les Grands Lacs », compte-rendu de la rencontre de
décembre 2004
Site web : http://www.initiative-de-geneve.org
Pour la liste complète des membres, se référer aux publications de l’initiative.
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