Reportage : Elise Garrigue à Hawaii

Transcription

Reportage : Elise Garrigue à Hawaii
ÉLISE GARRIGUE
STÉPHANE MÉJANÈS
Quatre mois par an, Élise
Garrigue vit dans une petite
vallée perdue irriguée par
un ruisseau, sur l’île de
Maui, à Hawaii. Confort
minimum mais tranquillité
maximum, si l’on excepte
les attaques en règle de
hordes de moustiques sanguinaires. Le confort est
spartiate mais elle y a réalisé l’un de ses rêves en
perchant sa chambre dans
un arbre. Sa mère y vit toute
l’année et c’est là qu’elle
trouve l’inspiration pour
les toiles qu’elle peint, les
poissons de Hawaii étant
ses sujets de prédilection.
STÉPHANE MÉJANÈS
36 GLAMOUR
LE LYS DAN
Si vous êtes un fidèle lecteur de Sport,
Élise Garrigue n’est plus un mystère pour
vous. C’est pourtant à une visite de son
jardin secret que nous vous convions cette
fois. Privilège rare, et pour tout dire unique,
l’ambassadrice du surf au féminin
nous a laissé entrer dans sa vallée perdue,
sur l’île de Maui, à Hawaii.
21 SEPTEMBRE 2007
Le chemin est en pente, abrupt et
glissant. On y descend prudemment
en regardant ses pieds. On y croise un
panneau solaire, à peine dissimulé au milieu des
herbes grasses. Dans un virage, quelques pots
disparates forment un jardin d’épices aux senteurs
de Provence. Au moment d’avaler les derniers
mètres, on lève les yeux et on bascule dans un
autre monde. Pour les téléphages, ce serait un
épisode des Robinsons suisses ou
de la série Lost. Pour les cinéphiles, une plongée
au cœur du royaume de Tarzan ou d’un mini
Jurassic Park. Pour les littéraires, une immersion
dans la luxuriance mystique et inquiétante du
jardin d’Éden, le Paradis perdu de John Milton.
Bienvenue dans ma vallée. La voix mélodieuse
et un peu traînante d’Élise Garrigue nous ramène
à une douce et rassurante réalité. C’est bien ici
et maintenant, à Hawaii, sur l’île de Maui, et nous
sommes sacrément privilégiés. L’égérie de la
marque Rip Curl, qui arpente la planète avec grâce
et légèreté, sa planche de surf sous le bras, n’avait
jamais ouvert sa maison à d’autres que sa famille
et ses amis. « Tu ne diras pas où c’est, s’il te plaît »,
demande-t-elle au visiteur incrédule, trop heureux
de garder ce secret pour lui.
VIVRE AVEC LA TERRE
Au milieu de plantes tropicales aux fleurs
démesurées, de lianes qui pendent de plusieurs
dizaines de mètres, dans une lumière tamisée
par la percée héroïque des rayons du soleil à
travers cette jungle, on laisse, sur sa gauche, une
douche bricolée et à l’air libre, pour avancer vers
le premier « bâtiment ». C’est une simple tente,
façon explorateur paléontologiste, aménagée de
bric et de broc, comme après un naufrage. Sur la
table en bois, en guise de cadeau d’accueil, deux
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Élise porte un maillot noir et
blanc Feira, Rip Curl, 47 €.
et un maillot une pièce Bahia
Stripe Trikini, Rip Curl,
65 €.
ou trois tubes de répulsif. On se jette dessus,
les monstres invisibles et néanmoins affamés
sont déjà à l’œuvre sur les mollets. On maudit
l’inventeur du bermuda. « Tu vis vraiment ici ? »,
lâche l’amateur de confort douillet. « Oui, mais
seulement quatre mois dans l’année, quand j’ai
moins de travail à l’étranger », répond Élise.
« Et puis, j’adore la nature. Depuis des années, je
participe à des programmes pour réintroduire et
préserver les plantes natives d’Hawaii. “Vivre
avec la terre”, c’est la devise des Hawaïens.
Quand on a découvert cet endroit, avec ma
mère, on a su que ce serait le lieu idéal pour
trouver cette harmonie. » Sans lésiner sur
l’huile de coude parce que, dans cette
profusion végétale, le jardinage s’apparente
plus à un contrat de travaux publics qu’à une
activité de loisir. Mais, du haut de ses 22 ans,
Élise ne manque pas d’énergie. Elle a
débarqué à Hawaii lorsqu’elle avait une
JE NE SUIS PAS D’ICI,
MAIS J’AI GAGNÉ LA
CONFIANCE DES LOCAUX
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dizaine d’années. « J’ai pris ma fille sous le bras
et on est partis du jour au lendemain, sans un
sou, raconte la maman, artiste, aussi
trépidante que sa fille est calme. Au début, ça
a été un peu difficile pour Élise. Elle ne parlait
pas anglais, elle était très réservée. Elle a
vraiment été courageuse. » Douze ans plus
tard, elle est chez elle. « Je ne suis pas d’ici, je
reste une étrangère, mais je crois que j’ai gagné
la confiance des locaux », estime Élise.
HOME SWEET HOME RUSTIQUE
Aucun aspect de la culture de Maui n’échappe
à sa soif de connaissance. Lorsqu’elle a
accueilli, en juillet dernier, les cinq lauréates
du Venus Rip Curl Venus Trip, elle leur a
montré, quinze jours durant, toutes les
richesses et la diversité de son île, loin des
cartes postales de cocotiers sur fond de soleil
couchant. « C’est une terre pleine de contrastes,
explique Élise, qui songe même à se
reconvertir dans le tourisme. Il y a les plages,
bien sûr, mais il y a aussi “up country” (terre
d’en haut), au pied du volcan Haleakala (3 055 m),
dont le cratère est si grand qu’on peut y partir
trois jours en randonnée. Il y a là-haut une
ambiance de Far West, avec bétail, cow-boys et
rodéo. Il y a enfin la région de Haiku avec ses
forêts de bambous, qui font une musique que
j’adore lorsque le vent y souffle et qui cachent
des cascades magiques. » On comprend son
plaisir de rentrer à la maison malgré les
conditions un peu rustiques de son home
sweet home. « On a tout ce qu’il faut, rétorque
Élise. L’eau du ruisseau qui serpente dans
la vallée et l’électricité grâce à l’énergie solaire.
Ici, mes journées sont bien rythmées. Je me
lève tôt, avec les oiseaux, vers six heures du
matin. Je monte sur la falaise pour aller voir
le lever du soleil. Je descends sur la plage de
Ho’okipa prendre mon petit déjeuner et évaluer
les conditions de surf. Je mange un morceau
le midi et je me trouve un projet pour l’aprèsmidi, voir du monde, me balader, participer à
une action pour l’environnement. Le soir, j’aime
bien aussi profiter de la ville. » Mais, l’un de
ses plus grands plaisirs, c’est d’inviter
quelques amis au fond de sa vallée perdue,
de brancher son lecteur MP3 sur la chaîne
hi-fi, de sortir les baffles et de faire des fêtes
énormes sans se soucier des voisins. « Aux
États-Unis, si on fait trop de bruit, à 22 heures,
les flics rappliquent pour tout arrêter, s’amuset-elle. Mais, moi, je suis Française ! » Le
sommeil, lui, vient tout naturellement,
dans la chambre qu’elle a hissée avec son
petit ami dans un arbre. Le bonheur n’est pas
toujours dans le pré. ■
STÉPHANE MÉJANÈS, ENVOYÉ SPÉCIAL À HAWAII
PHOTOS : ERIK AEDER/RIP CURL