Supports/Surfaces : l`ultime avant-garde

Transcription

Supports/Surfaces : l`ultime avant-garde
jeudi 15 octobre à 18h
Supports/Surfaces :
l’ultime avant-garde
Une sélection d’œuvres
emblématiques
EXPOSITION
Samedi 10 octobre 2015 de 11h à 19h
Lundi 12 octobre 2015 de 10h à 19h
Mardi 13 octobre 2015 de 10h à 19h
Mercredi 14 octobre 2015 de 10h à 19h
Jeudi 15 octobre 2015 de 10h à 12h
PIASA
118 rue du Faubourg Saint-Honoré
75008 Paris - France
PRESSE ET COMMUNICATION
Cécile Demtchenko Woringer
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Communiqué de presse
piasa.fr
Le 15 octobre 2015, la vente Supports/Surfaces, l’ultime avantgarde regroupera une sélection de près de 80 œuvres majeures
qui rendent compte d’une période charnière de l’histoire de l’art
et de l’apport considérable du mouvement Supports/Surfaces
aux générations suivantes.
« L’objet de la peinture, c’est la peinture elle-même ».
L’année 1969 voit l’avènement d’un art contemporain en rupture complète
avec les conceptions traditionnelles de l’art : en Allemagne avec l’exposition
« When Attitudes Become Form » d’Harald Szeemann et en France avec « La
Peinture en question » au Musée du Havre qui réunit les grandes figures de
l’avant-garde artistique de la fin des années 1960 : Vincent Bioulès, Louis Cane,
Marc Devade, Daniel Dezeuze, Noël Dolla, Jean-Pierre Pincemin, Patrick
Saytour, André Valensi, Bernard Pagès et Claude Viallat. Tous ces artistes
partagent la même certitude : « L’objet de la peinture, c’est la peinture elle-même
et les tableaux exposés ne se rapportent qu’à eux-mêmes (...) Il ne s’agit ni d’un
retour aux sources, ni de la recherche d’une pureté originelle, mais de la simple
mise à nu des éléments picturaux qui constituent le fait pictural. D’où la neutralité
des œuvres présentées, leur absence de lyrisme et de profondeur expressive. »
Toni Grand et André-Pierre Arnal s’agrégeront au groupe. Mais Pierre Buraglio,
Christian Jaccard et Jean-Michel Meurice participent, en manifestant leur
singularité, à la remarquable effervescence de ce que l’on peut qualifier de
« Moment Supports/Surfaces ».
C’est la naissance, cette même année 1969, en France aussi, des premières
expositions en plein air, de la déconstruction de l’œuvre d’art et de la remise en
question de la peinture.
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Supports/Surfaces, bientôt un demi-siècle ! Ses prémices formelles, ses
propositions théoriques, c’était il y a cinquante ans. Un mouvement ? Un moment ?
Douze personnalités hors du commun, insoumises, avides de changer le monde
et la vie. Et voulant y parvenir, selon la théorie des dominos, en agissant d’abord
dans le champ de l’art. Tel quel ce groupe, évidemment, ne pouvait durer.
Les dissensions théoriques, philosophiques, politiques, stimulèrent vite des
oppositions formelles irréductibles. Les décalages entre les réalités du marché
et les convictions manifestées contre le système de propagation des œuvres
avivèrent d’emblée contradictions et luttes intestines. Il s’ensuivit, exacerbé par
la politisation d’un dogmatisme théorique implacable, démissions, exclusions et
mises au ban de la scène artistique. On peut en sourire aujourd’hui.
Mais, en France, à « faire de l’histoire », qu’avons-nous eu de mieux depuis
le Cubisme. Quel autre mouvement depuis a-t-il tenté de transformer l’art
à ce point ? De proposer non pas du nouveau pour le nouveau, mais bien une
nouvelle optique, afin de débarrasser, de délivrer l’art de toute narrativité, de
toute représentation expressive, pour cristalliser dans le travail de peinture ce
qui ne devrait être que la peinture. Souvenons-nous, pour ne pas rejeter cette
tautologie apparemment absurde : il n’était question alors que de « peinture peinture ». Et chez les plus informés de « peinture analytique » ou de « painterly
painting ». Mais ces vocables et ces expressions impliquaient des signifiés et
des connotations idéalistes. Supports/Surfaces, au contraire, sut alors mettre
en exergue la pratique, privilégier un pragmatisme matérialiste nécessairement
fondateur. Mais, échapper à la sclérose d’un milieu de l’art englué dans les
rituels d’une tradition épuisée, exigeait l’élaboration d’une nouvelle esthétique.
Dans l’ambiance étouffante d’une société conservatrice qui, à la fin des années
soixante, refoulait les tristes réalités de son passé récent, penser l’art, sa pratique,
son histoire, s’articulait nécessairement au politique.
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« Dezeuze peignait des châssis sans toile, moi je peignais des
toiles sans châssis et Saytour l’image du châssis sur la toile. »
résume Claude Viallat
Aucun des artistes protagonistes de ce moment n’en a oublié les péripéties et cette
jubilation créatrice qui les a transportés. Leurs œuvres après Supports/Surfaces
expriment encore, aujourd’hui, l’intensité du vécu des pratiques et des réflexions
théoriques de ces années décisives. On ne peut pas limiter leur apport à la seule
« déconstruction du tableau ». Le « travail » de ses éléments constituants - la toile,
le châssis - a déterminé l’analyse critique de leur fonctionnalité et des opérations
de leur fabrication. C’est-à-dire de leurs réalités historiques signifiantes. En
travaillant la toile, le fil, le tressage, le nouage, le tissage, le châssis impliquant
la fenêtre, le quadrillage structurant la perspective et les appareils de visée et de
mise en ordre du réel, c’est toute l’histoire de la représentation et des idéologies qui
l’ont structurée que remettait en question Supports/Surfaces. Ses protagonistes
n’aspiraient ni à revenir aux origines de l’art ni à retourner à la « tribu primitive »,
mais à se colleter avec les opérations élémentaires de l’opus artistique. S’il en
a découlé des modi operandi évoquant quelque peu les cours préliminaires du
Bauhaus : répétition d’une forme ou d’un motif, pliage, imprégnation et teinture
du support, ils ont surtout retenu de cette confrontation qu’alors que s’achevait
la modernité, l’œuvre d’art n’en demeurait pas moins, en quelque sorte, générée
par la matérialité du support dont l’étendue et la nature organisaient la diffusion
et l’intensité de la couleur. L’allusion aux pédagogies du Bauhaus suggère, entre
autres, le rappel de ce que l’on pourrait appeler l’anthropologisme matérialiste
de Gottfried Semper. Mais ces références, pas plus que celles des présocratiques,
ou celles de Marx ou d’Althusser, ne fournissent l’explicitation d’un travail de
peinture qui n’est surtout pas l’illustration d’une pensée extérieure à ce qu’il est
dans la complexité d’une pratique nécessairement articulée à une théorie qui
se développe et s’établit dans son cours, son effectuation. Cette historicisation
n’est pourtant pas à récuser mais par trop excessive elle pourrait conduire à
négliger, comme pour vouloir l’oublier, le contexte dont a participé Supports/
Surfaces. C’est le moment où, dans le tumulte et l’effervescence libertaire de 1968,
s’élabore une pensée matérialiste, fortement imprégnée par celle des philosophes
présocratiques et des courants de pensée contemporains désireux de se libérer
d’une vulgate marxiste inopérante.
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Supports/Surfaces : L’ultime avant-garde
Citer Gottfried Semper et les programmes pédagogiques du Bauhaus éclaire,
au risque de l’anachronisme, la singularité de Supports/Surfaces en son temps.
Les tendances, les groupes, les mouvements, disons, parallèles et concomitants,
ne peuvent pas être qualifiés d’avant-gardes. Ils sont symptomatiques, tout en
le confortant et le constituant, d’un Zeitgeist dont l’on doit souligner deux traits
structurants. Le premier expose le dessein idéaliste du dernier tableau : la fin
de l’art annonciatrice de la fin de l’Histoire sans prétendre le réaliser dans
l’utopie de la Cité Idéale. Le second s’inscrit dans la même aspiration idéaliste au
dépassement de l’art libéré des contraintes et des déterminations historiques du
tableau. L’art ne serait plus que la conséquence et l’indice d’une attitude matrice
de formes expressives singulières, c’est-à-dire d’un processus créateur primant
sur la réalisation matérielle de l’œuvre. Une sorte de romantisme en soi, repris
du romantisme allemand, porte ainsi à une rupture avec le formalisme d’un
art humaniste dont l’on pourrait dire que Frank Stella serait le dernier surgeon.
Prolifèrent alors des œuvres narratives faisant usage aussi bien des technologies
les plus sophistiquées de représentation et d’enregistrement que des bricolages
les plus simplistes et les plus précaires. Supports/Surfaces, tout en stimulant,
par ses œuvres et ses théories, cet activisme romantique qui voudrait que tout
geste, toute attitude, toute pensée, dès que figurés ou énoncés et enregistrés ou
mémorisés, soient de l’art ou, plutôt, soient l’Art, s’y oppose radicalement. En face
de ces utopies, certes séduisantes et poétiques, se dresse l’obstacle de la réalité
du monde et de l’histoire. Les attitudes devenues formes qui semblent délivrer
l’art et l’artiste de toute sujétion jouent de tous les leurres des sophistes contre
l’aporie du réel que l’on ne peut affronter et dépasser, en art, comme dans les
autres champs de l’activité humaine, que par le recours à la dialectique. L’art n’est
ni fini ni réalisé dans la geste et la romance du quotidien. L’art n’est pas mort, la
peinture n’est pas morte, le dernier tableau n’a pas été peint. Même si de bons
esprits n’en finissent pas de le peindre. Jusqu’au vertige du vide et du silence.
On n’exorcise pas le Néant. L’art pour Supports/Surfaces est à la fois « savoir »
et moyen de « savoir ». C’est ce qui a été écrit à propos du Cubisme. C’est en
ce sens que Supports/Surfaces est bien une avant-garde. L’ultime avant-garde !
La « seule vraie » avant-garde du siècle dernier avec le Cubisme. La seule qui,
peut-être, peut offrir, aujourd’hui, à l’art contemporain la promesse d’un destin
et d’un nouveau rivage. Comme le Cubisme, Supports/Surfaces a frayé et pavé sa
voie à un extraordinaire et inattendue revival de l’art et de la peinture. La fausse
croyance que les formes naîtraient des attitudes ou de ce qui se « pense dans la
tête » se dissipe quelque peu vers 1980. Et si, alors, se manifeste un « New Spirit
in Painting » - toujours, depuis, renouvelé -, c’est, en grande partie, à Supports/
Surfaces que nous le devons.
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Claude Viallat (né en 1936)
Colorant sur toile blanche, 1974
005/1974
220 x 208 cm
30 000 / 45 000 €
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Louis Cane (né en 1943)
Toile, 1974
Huile sur toile
215 x 126 cm
30 000 / 45 000 €
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Département art moderne
Chloé Blaix
www.piasa.fr
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