Palazzo Farnese, Martedì 23 febbraio 2015, Laura Morante è stata

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Palazzo Farnese, Martedì 23 febbraio 2015, Laura Morante è stata
Palazzo Farnese, Martedì 23 febbraio 2015,
Laura Morante è stata insignita
Cavaliere della Legione d’Onore
e Cavaliere delle Arti e Lettere
da Catherine Colonna, Ambasciatrice di Francia in Italia.
Chère Laura Morante, Mesdames et Messieurs, chers amis,
Madame,
C’est pour moi un immense honneur et un grand plaisir de vous accueillir ce soir au
Palais Farnèse, en compagnie de vos proches et de vos amis, afin de vous dire l’hommage et
l’affection que veut vous manifester mon pays.
Vous connaissez ce magnifique palais que nous avons tant de chance d’avoir comme
siège de notre ambassade ; vous connaissez ce salon rouge (j’ai en mémoire une très belle
photo de vous assise près d’une de ces grandes torchères, photo vue dans un grand hotel de
la ville) ; vous connaissez mes prédécesseurs…
…mais s’ils ont eu le privilège de vous connaitre avant moi, j’ai celui, au moins aussi
grand, de devoir procéder à une remise de décorations assez exceptionnelle, car ce n’est pas
une mais deux décorations que je dois vous remettre, qui plus est deux des plus importantes
distinctions que la République française puisse accorder à une personnalité.
Je dois vous avouer que si j’ai procédé dans ma vie à quelques décorations, jamais
jusqu’ici, jamais jusqu’à vous, chère Laura Morante, je n’avais fait deux cérémonies en une ni
accroché deux fois une distinction républicaine sur la même robe ou veste à quelques
minutes d’intervalle. Vous avez assez d’originalité pour ne rien faire comme personne, et
avant que je fasse la liste de vos mérites, on voit que vous avez déjà celui-là…
Commençons par les Arts et Lettres, car ils vous attendent depuis longtemps.
Avec cette première distinction, la République française rend hommage à la grande
actrice, réalisatrice et scénariste que vous êtes.
Vous êtes née à Santa Fiora, en Toscane, et votre nom évoque aussitôt celui de la
grande Elsa Morante, compagne de route d'Alberto Moravia et de Pier Paolo Pasolini, car
c’était la sœur de votre père, Marcello Morante, écrivain et journaliste romain. Parmi votre
large fratrie vous exprimez très tôt votre talent, par la danse, le théâtre avec Carmelo Bene,
puis au cinéma en 1980 dans le film de Giuseppe Bertolucci Oggetti smarriti - Une femme
italienne.
L’année suivante vous êtes dirigée magnifiquement par le frère de celui-ci, Bernardo
Bertolucci, aux côtés d’Ugo Tognazzi dans La tragedia di un uomo ridicolo. Votre entrée dans
le monde du septième art est alors des plus réussies puisque ces deux films sont présentés
au Festival de Cannes, inscrivant votre nom dans la longue histoire d’amour qui existe entre
ce festival mythique et le cinéma italien, histoire à laquelle vous avez d’ailleurs vous-même
participé en étant une mémorable marraine et maîtresse de cérémonie de la 57e édition en
2004, année où le jury était présidé par Quentin Tarantino.
C’est également à cette époque, en 1981, que vous débutez votre collaboration avec
Nanni Moretti, une relation unique, qui s’est brillamment déclinée au travers de plusieurs
films sur une période de plus de vingt ans et qui a pris corps magnifiquement au travers de
Sogni d’oro, Bianca et La stanza del figlio, Palme d’Or à Cannes et Davide di Donatello en
2001, dans un rôle qui aura bouleversé tant le public que la critique.
Tout au long de votre carrière, vos choix artistiques sont à l’image de votre
personnalité : éclectiques, raffinés, intelligents, sensibles. Ils sont fondés sur le souci
permanent de la recherche de l'essentiel : la vie et la beauté dénuées de leurs fioritures
inutiles. Vous dites que « la vraie tragédie n’est pas de vieillir mais de ne plus être capable
de voir la beauté qui vous entoure ». Comme je suis d’accord avec vous, et comme parfois
nous sommes aveugles à ce qui nous entoure…
Votre capacité à endosser des rôles tantôt comiques aux côtés des plus grands du
genre comme Virzi, Comencini, Castellito, tantôt dramatiques, pour le grand ou le petit
écran, sont le reflet de votre appétit et de votre curiosité pour toutes les formes
d’expression artistique, notamment la littérature et la musique.
D’année en année, de film en film, vous avez ainsi su séduire les publics, les jurys et
les festivals.
Vos choix ont d’ailleurs été très justement récompensés par les plus prestigieuses
récompenses italiennes qui couronnent les grands du monde du cinéma : David di Donatello
de la meilleure actrice pour la Stanza del figlio comme je viens de le dire; Globo d’oro de la
meilleure actrice pour L’anniversario de Mario Orfini ; Nastro d’argento de la meilleure
actrice pour L’amore è eterno finché dura de Carlo Verdone ; et tout récemment Nastro
d’Argento europeo aux côtés de Lambert Wilson, avec qui vous préparez d'ailleurs votre
prochaine réalisation franco-italienne, Assolo, à la croisée de vos passions pour le cinéma et
la musique.
Chère Laura Morante,
Pour votre « contribution aux rayonnement des Arts » en Italie, en France et dans le
monde -pour reprendre la formule consacrée- et avec un peu de retard dont vous êtes seule
responsable, c'est avec beaucoup de plaisir et de fierté, qu’au nom de la ministre de la
Culture et de la Communication, je vous fais chevalier dans l'Ordre des Arts et des Lettres.
*
Mais nous ne sommes qu’à la moitié de notre cérémonie.
Votre talent vous a également permis de mener une carrière en dehors de votre pays
d’origine, et notamment en France, faisant de vous l’une des figures emblématique de la
relation culturelle si intense qui existe entre nos deux pays et nos deux peuples.
C’est au milieu des années 1980 que, par amour, vous vous installez à Paris pendant
une dizaine d’années durant lesquelles vous acquérez rapidement une notoriété encore plus
grande grâce à votre participation à de nombreuses productions cinématographiques et
télévisuelles.
Le cinéma français est ainsi fier de vous afficher dans de nombreux films, parmi
lesquels je retiens Man on fire d’Elie Chouraqui (en 1987), La Femme fardée, de José
Pinheiro, adapté du roman de Françoise Sagan, Fauteuils d’orchestre de Danièle Thompson
(2005) ou encore Cœurs d’Alain Resnais (2006). A la télévision, nous nous souvenons tous de
votre interprétation dans l’Affaire Dreyfus d’Yves Boisset.
En 2012, votre curiosité naturelle vous a d’ailleurs poussée à aller voir de l’autre côté
de la caméra en réalisant, en France, la comédie franco-italienne Ciliegine – La cerise sur le
gâteau. C’est à l’occasion de la sortie de ce film que vous avez déclaré : « les critiques italiens
l’ont trouvé très français, les Français très italien : il est comme moi».
Comme pour mieux partager votre amour pour la France, le diffuser dans tous les
domaines de votre vie et bâtir ces ponts qui nourrissent les échanges entre nos deux pays,
votre mari, l’architecte italien Francesco Giammatteo, père de votre fils Stepan, en est le coproducteur aux côtés de Bruno Pésery ; Daniele Costantini, père de votre fille Eugenia, a coécrit le scénario ; et Georges Claisse, père de votre fille Agnese, en a assuré l’adaptation
française.
En somme, l’histoire de ce film est à la fois une affaire de famille, que votre
personnalité discrète a permis de protéger comme un jardin secret, et une histoire de cœur
entre la France et l’Italie, à l’image de votre vie.
Ainsi, si aujourd’hui le cinéma italien est si cher au cœur des Français (et
réciproquement, si l’on en juge le succès du cinéma français auprès du public italien), c’est
grandement grâce à la passion et au travail de personnalités talentueuses telles que vous,
qui font de vous l’une des artistes italiennes les plus connues en France et tout à la fois l’une
des figures les plus identifiées du cinéma français en Italie.
J’ai gardé le meilleur pour la fin, le meilleur en fait je ne sais pas, mais ce que je pense
chaque fois que je vous vois : vous êtes une femme touchante ; une femme touchante je ne
sais comment l’on peut traduire cela bien en italien, quelqu’un qui fait sentir quelque chose
rien qu’en apparaissant, qui n’a pas besoin d’exprimer pour dire, et c’est pour cela que vous
êtes une si belle actrice et réalisatrice…malgré (ou à cause) des larmes, de la cigarette, et du
manque de sommeil…
Chère Laura Morante,
Sogni d’oro, puissiez-vous continuer d’avoir longtemps de beaux rêves….
Et pour saluer le rôle de trait d’union que vous êtes magnifiquement entre les scènes
culturelles française et italienne, je suis heureuse, au nom du Président de la République de
vous faire Chevalier dans l’Ordre de la Légion d’Honneur.