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ISSN 1923-1261 LA FIN D’UN MYTHE - JUIN 2003 à bas les mythes UTILISATION DE DONNÉES PROBANTES POUR DÉMYSTIFIER DE FAUSSES CROYANCES COURANTES PAR RAPPORT AUX SERVICES DE SANTÉ AU CANADA MYTHE : LES SOINS PRODIGUÉS AUX MOURANTS COÛTENT DE PLUS EN PLUS AU SYSTÈME DE SANTÉ Dans l’incessante recherche des causes de l’augmentation des budgets de santé, on accuse un certain nombre de facteurs, notamment le vieillissement de la population et le caractère onéreux des nouvelles technologies. L’idée que les systèmes de santé dépensent de plus en plus pour prodiguer des soins intensifs et énergiques aux patients âgés qui en sont aux derniers mois de leur vie est largement répandue. Ces « efforts héroïques » pour traiter les mourants deviennent, toujours selon le mythe, un facteur de dépenses plus important que par le passé, en raison de la disponibilité de technologies plus coûteuses. L’image d’une équipe de médecins, d’infirmières et d’autres professionnels de la santé s’affairant autour de patients âgés munis des meilleurs médicaments et des meilleurs équipements est une image facile à exploiter, mais dans quelle mesure reflète-t-elle la réalité? TRENTE ANS DE DONNÉES PROBANTES L’idée que les coûts du traitement des mourants font monter les budgets de santé n’est pas nouvelle, mais il est aussi vrai qu’elle a été défaite par plus de 30 ans de données probantes. La recherche sur les dépenses de santé indique que les coûts des soins prodigués en fin de vie ne constituent qu’une mince partie du coût total des systèmes de santé. Des études menées en Amérique du Nord et en Europe révèlent que les coûts des soins actifs durant la dernière année de vie comptent pour 10 à 12 % du total des budgets de santéi, ii. Le régime américain d’assurance-santé, qui couvre seulement les soins pour les aînés, a été particulièrement bien étudié. Des recherches datant des années 1970 ont démontré que la proportion de personnes âgées qui meurent chaque année, de 5 à 6 %, représente de 27 à 30 % des coûts des programmes de traitement des aînésiii-vi. DES CHIFFRES CONSTANTS DEPUIS LES ANNÉES 1960 Le mythe perdure pour deux raisons. Premièrement, le nombre grandissant d’aînés dans la population a engendré la crainte que les coûts pour les soigner submergent le système — mythe réfuté par un précédent numéro d’À bas les mythes sur le vieillissement de la populationvii. Deuxièmement, l’amélioration récente des soins, largement attribuable à l’avènement de technologies nouvelles et coûteuses, laisse supposer qu’on se sert trop souvent de ces ressources comme ultime recours pour maintenir les patients en vie, faisant ainsi augmenter les budgets de soins de santé. Malgré ces raisonnements, les données montrent que la proportion de dépenses de santé allant au traitement des personnes en fin de parcours est restée très stable au fil du tempsiii. Aux États-Unis, par exemple, les sommes dépensées dans la dernière année de vie se sont maintenues depuis la fin des années 1960, soit depuis qu’on a mis sur pied le régime d’assurance-santé qui couvre les frais hospitaliers et médicaux des personnes de 65 ans et plusiv, viii, ix. Quant aux progrès technologiques, le fait est que la plupart des gens meurent sans aucun recours à ces moyens coûteuxi. En fait, une importante étude portant sur des patients du Manitoba a révélé que 38 % des aînés de cette province sont morts après un séjour de deux semaines, sinon moins, à l’hôpitalx. Par ailleurs, 46 % des bénéficiaires de l’assurance-santé aux États-Unis n’ont reçu aucun traitement hospitalier dans l’année précédant leur décèsxi. LES FOYERS POUR AÎNÉS MODIFIENT L’ÉQUATION La recherche montre que plus les personnes sont âgées à l’heure de leur mort, plus les coûts des traitements qui leur sont prodigués dans la dernière année baissentv, xii-xiv. Par contre, ces personnes semblent profiter dans une plus grande mesure des services offerts dans les foyers pour aînésx. À ce chapitre, des recherches américaines indiquent que les coûts des foyers pour aînés constituent 62 % des dépenses dans les 18 derniers mois de vie pour les personnes qui ont plus de 85 ans à leur mort et 24 % des dépenses pour celles qui meurent entre 65 et 74 ansxi. FONDATION CANADIENNE DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE SANTÉ | À BAS LES MYTHES | JUIN 2003 à bas les mythes UTILISATION DE DONNÉES PROBANTES POUR DÉMYSTIFIER DE FAUSSES CROYANCES COURANTES PAR RAPPORT AUX SERVICES DE SANTÉ AU CANADA En outre, des études récentes sur les foyers pour aînés au Manitoba montrent que parce que les personnes admises dans un foyer passent plus de temps dans la collectivité avant d’entrer dans un foyer, elles sont plus âgées et plus fragiles à leur arrivée et elles meurent après un court séjourxv, xvi. Les recherches manitobaines révèlent que, si les taux d’admission sont restés stables dans cette province, le nombre moyen de jours passés dans un foyer a baissé d’environ 20 % entre 1985 et 1999xvi. Dans le régime américain d’assurance-santé, les paiements destinés aux hôpitaux et aux médecins dans les deux dernières années de vie baissent en proportion de l’augmentation de l’âge à l’heure de la mort. paiements d’assurance-santé (en dollars de 1990) Données tirées de Lubitz et coll., 1995. 25 000 22 590 $ (70 ans) 20 644 $ (80 ans) 20 000 i. Stooker, T. et coll. 2001. “Costs in the last year of life in The Netherlands.” Inquiry; 38(1) : 73-80. ii. Emanuel, E. J. 1996. “Cost savings at the end of life. What do the data show?” Journal of the American Medical Association; 275(24) : 1907-1914. iii. Hoover, D. R. et coll. 2002. “Medicare expenditures during the last year of life : findings from the 1992-1996 Medicare Current Beneficiary Survey.” Health Services Research; 37(6) : 1625-1642. iv. Hogan, C. et coll. 2001. “Medicare beneficiaries’ costs of care in the last year of life.” Health Affairs; 20(4) : 188-195. v. Lubitz, J. et Riley, GF. 1993. “Trends in Medicare payments in the last year of life.” New England Journal of Medicine; 328(15) : 1092-1096. vi. Lubitz, J. et Prihoda, R. 1984. “The use and costs of Medicare services in the last 2 years of life.” Health Care Financing Review; 5(3) : 117-131. vii. Fondations canadienne de la recherche sur les services de santé. 2001. « À bas les mythes : La population vieillissante submergera le système des soins des santé. » viii. Bird, C. E. et coll. 2002. “Age and gender differences in health care utilization and spending for Medicare beneficiaries in their last years of life.” Journal of Palliative Medicine; 5(5) : 705-712. ix. McCall, N. 1984. “Utilization and costs of Medicare services by beneficiaries in their last year of life.” Medical Care; 22(4) : 329-342. x. Roos, N. P. et coll. 1987. “Health care utilization in the years prior to death.” Milbank Quarterly; 65(2) : 231-254. xi. Temkin-Greener, H. et coll. 1992. “The use and cost of health services prior to death : a comparison of the Medicare-only and the Medicare-Medicaid elderly populations.” Milbank Quarterly; 70(4) : 679-701. xii. Levinsky, N. G. et coll. 2001. “Influence of age on Medicare expenditures and medical care in the last year of life.” Journal of the American Medical Association; 286(11) : 1349-1355. xiii. Spillman, B. C. et Lubitz, J. 2000. “The effect of longevity on spending for acute and long-term care.” New England Journal of Medicine; 342(19) : 1409-1415. xiv. Lubitz, J. et coll. 1995. “Longevity and Medicare expenditures.” New England Journal of Medicine; 332(15) : 999-1003. xv. Frohlich, N. et coll. 2002. “Estimating personal care home bed requirements.” Manitoba Centre for Health Policy. xvi. Menec, V. H. et coll. 2002. “The health and health care use of Manitoba’s seniors : Have they changed over time?” Manitoba Centre for Health Policy. 15 237 $ (90 ans) 15 000 10 000 8 296 $ (≥101 ans) 5 000 0 REFERENCES 69 73 77 81 85 89 93 97 ≥101 âge à la mort (ans) LA RECHERCHE NE RÈGLE PAS TOUT Il est clair que la recherche dissipe le mythe prétendant que les coûts des soins prodigués aux mourants augmentent et submergent le système de santé. Cependant, il est une question à laquelle la recherche ne répondra jamais, à savoir si les dépenses sont trop élevées — car c’est là une question de valeurs qui ne se règle pas à coup de chiffres. Même si la société estime que le coût des traitements prodigués aux mourants est trop élevé, on ne voit pas très bien comment remédier à ce problème. La recherche a montré une certaine possibilité de réduction des coûts grâce à l’hospice et à des directives préalablesii, mais il y a d’autres implications politiques fondamentales et sans doute perturbantes qui apparaîtront à mesure qu’on essaiera de décider jusqu’où il faut aller dans les soins en fin de vie et comment on pourrait réduire les coûts afférents. xvii. Scitovsky, A. A. 1984. “The high cost of dying: what do the data show?” Milbank Memorial Fund Quarterly Health and Society; 62(4) : 591-608. En définitive, il est difficile de prévoir quels patients recevant un traitement vivront et lesquels décéderont (sauf dans le cas de certaines formes de cancer terminal). Autrement dit, les soins dans la dernière année de vie ne relèvent pas tant de la question de la « dépense pour les mourants » que du simple fait de prodiguer des soins à des malades qui ont de graves problèmes de santéiv, v, xvii. Les articles À bas les mythes sont publiés par la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé (FCRSS) après avoir été revus par des spécialistes du sujet. La FCRSS est un organisme indépendant et sans but lucratif financé dans le cadre d’une entente conclue avec le gouvernement du Canada. Les opinions exprimées par les personnes qui distribuent ce document ne reflètent pas nécessairement celles de la FCRSS. © 2010. FONDATION CANADIENNE DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE SANTÉ | À BAS LES MYTHES | JUIN 2003