Emilie Rebourgeon Alcool et Grossesse

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Emilie Rebourgeon Alcool et Grossesse
ALCOOL et GROSSESSE
Intérêt et limites du message
« alcool zéro »
Emilie Rebourgeon
Educatrice Spécialisée
Alcoologue à l’ Equipe de Liaison et de Soins en Addictologie
(E.L.S.A.)
Centre Hospitalier Bélair. Charleville-Mézières. France
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Constats dans ma pratique
• Je ne suis pas sollicitée dans les services
hospitaliers de maternité et gynécologie, malgré
l’existence de difficultés pour la mère/future
mère, pour l’enfant, et pour l’équipe soignante.
• Une grande partie des soignants(toutes
professions confondues) pense que l’information
« alcool zéro pendant la grossesse » est
suffisamment diffusée pour que les femmes
enceintes s’abstiennent de consommation
d’alcool.
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• Certaines femmes enceintes
consomment de l’alcool.
• La question de l’alcool est difficile à
aborder par les soignants (tabou?)
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ALCOOL ET GROSSESSE :
LES RISQUES
• L’alcool passe rapidement du sang
maternel au sang du fœtus.(alcoolémie de
la mère = alcoolémie du fœtus)
• L’alcool est tératogène pour le fœtus.
• Tout au long de la grossesse, tous les
organes du fœtus sont susceptibles de
voir leur développement perturbé par
l’alcool.
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• Sensibilité à l’alcool maximale pendant
l’embryogenèse (3 premiers mois),
période de construction des organes pour
la plupart des parties du corps, avec
toutefois une exception pour le Système
Nerveux Central , qui reste très sensible à
l’alcool tout au long de la grossesse.
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Les effets de la consommation d’alcool pendant la
grossesse sont variables et dépendent de :
- la fréquence de la consommation
- la quantité consommée
- les facteurs génétiques fœtaux et maternels
- les stades de développement de l’enfant
Les troubles sont d’autant plus sévères que la
consommation d’alcool est fréquente,
importante et précoce au cours de la
grossesse.
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• Aucun seuil de consommation « sans
risque » n’ a pu être établi. Donc : la
recommandation est « zéro alcool pendant
toute la grossesse ».
• Pour cela, la femme doit, dans l’idéal,
arrêter toute consommation d’alcool dès
qu’elle projette une grossesse.
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• Une consommation OCCASIONNELLE
d’alcool peut avoir lieu à un moment
déterminant du développement d’un
organe et avoir des répercussions sur son
développement.
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• La mère, du fait de ses consommations
d’alcool, s’expose elle aussi à des
complications comme une baisse de la
fécondité, une augmentation des risques
d’avortement spontané, d’hématomes
rétro-placentaires et d’accouchement
prématuré.
• Ces effets peuvent être observés pour des
seuils d’alcoolisation inférieurs à 2 verres
par jour.
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Le S.A.F.
( Syndrome d’Alcoolisation Fœtale)
• C’est l’atteinte la plus grave, la plus aisée à
diagnostiquer, mais aussi la moins
répandue.(dans le monde occidental, la
prévalence du S.A.F. est estimée entre 0.5 et 3
pour 1000 naissances vivantes)
• Le S.A.F. survient chez des enfants nés de
femmes dépendantes de l’alcool ayant
consommé des quantités importantes et
régulières d’alcool pendant la grossesse.
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– retard de croissance prénatal ou postnatal (poids,
taille, périmètre crânien)
– dysmorphie crânio-faciale (fentes palpébrales
étroites, nez ensellé, philtrum plat et allongé, front
bas et bombé, lèvre supérieure mince)
– atteinte persistante du système nerveux central (des
anomalies neurologiques, des troubles du
comportement, un retard de développement
psychomoteur, des troubles de l’attention, un retard
mental dans 1 cas sur 2…)
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Dans un tiers des cas, il existe également
des malformations associées :
cardiovasculaires(les plus fréquentes),
rénales, tégumentaires, squelettiques,
génito-urinaires, musculaires ou
hépatiques.
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Les E.A.F.
(Effets de l’Alcoolisation Fœtale)
ou
T.C.A.F.
(Troubles Causés par l’ Alcoolisation Fœtale)
• Ce sont des formes plus « légères » mais
beaucoup plus nombreuses. Tardives dans le
développement de l’enfant, et moins connues.
• Les effets de l’alcoolisation fœtale sont dosedépendants.
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L’alcoolisation fœtale
est la première cause non
génétique de handicap
mental chez l’enfant.
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Les femmes enceintes qui s’alcoolisent,
quelle que soit la quantité, la fréquence, et
la nature de l’alcool consommé,
présentent une grossesse à risques. (on
différencie RISQUE de DOMMAGE).
La plupart des femmes enceintes stoppent
ou diminuent spontanément leur
consommation d’alcool.
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Mais malgré le message
« alcool zéro »
1 femme enceinte sur 10 consomme
régulièrement de l’alcool
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32 % des femmes enceintes
continuent de boire de l’alcool de
façon occasionnelle pendant cette
période.
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6 femmes enceintes sur 100 ont eu
une consommation excessive d’alcool
occasionnelle pendant leur
grossesse.
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69 % de femmes déclarent avoir reçu de
l’information sur l’alcool de la part du
médecin chargé de suivre leur grossesse.
22 % seulement ont eu une évaluation de
leur consommation d’alcool.
(INPES 2010)
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• Comment expliquer cela ?
• Comment comprendre cela ?
• Comment éviter cela ?
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Alcool toxique ? oui !
Mais pas seulement !
• N’oublions pas que l’alcool est aussi :
- Psychoactif, et peut avoir des effets
intéressants.
- Addictogène. 1 consommateur sur 10 n’arrive
plus à s’en passer.
- Social et culturel . Consommé par environ
95% de la population. Avec des codes d’usage.
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«Je suis nerveuse, parfois un
peu déprimée, boire un verre
est moins néfaste que prendre
un médicament ou faire vivre
mon stress à mon bébé »
« J’aimerais bien arriver à
0 alcool mais à certains
moments c’est vraiment
plus fort que moi, il faut
que je boive. Je bois en
cachette et j’ai honte »
« Ma mère buvait un verre
de temps en temps
pendant ses grossesses et
ça n’a jamais eu de
répercussion »
« La bière ce n’est pas
de l’alcool et elle
permet un meilleur
allaitement »
« Je ne boirai
qu’une seule coupe
de champagne pour
Noël et pour nouvel
an »
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Le message « zéro alcool pendant la
grossesse » est-il une injonction ou une
occasion d’ouvrir le dialogue ?
Les affiches des salles d’attente peuvent-elles
remplacer le dialogue avec la patiente et son
conjoint?
Les affiches sont-elles là pour nous éviter
d’aborder le sujet?
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L’alcool est une drogue différente des
autres, dans la mesure où c’est un produit
SOCIAL, valorisé, consommé par la
majeure partie de la population(y compris
par les soignants/accompagnants)
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Nous avons tous une histoire avec l’alcool
et/ou l’alcoolisation et/ou l’alcoolisme.
De même, nous avons tous une histoire
avec la maternité, et une idée de ce que
devrait être une « bonne mère » et une
« bonne grossesse ».
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"Merci maman de ne pas boire"
Dès le début, choisissez le meilleur pour votre enfant
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hypothèse
Nos représentations mentales sur l’alcool ,
l’alcoolisation, la maternité, nous
empêchent d’aller à la rencontre du vécu
d’autrui avec l’alcool,
D’autant plus si cet « autre » est une
femme et est enceinte.
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Comment repérer les grossesses à
risques ?
Comment aborder la question de
l’alcool?
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• Utiliser un questionnaire sur le mode de
vie (sommeil, alimentation, activité
physique, médicaments, tabac…) en y
incluant l’alcool.
• La question de l’alcool doit être posée
naturellement, en partant du principe que
la femme en consomme. (La plupart des
femmes enceintes ou qui désirent l’être
sont des consommatrices d’alcool)
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• Préciser à la patiente ce que nous
entendons par alcool : vin, bière,
champagne, digestifs, apéritifs, etc.
• Ne pas demander « vous buvez » ? mais
plutôt « quelle est votre consommation
d’alcool ? »
• Ne pas orienter la réponse : « pas de
tabac ? pas d’alcool ? »
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• poser la question de l’alcoolisation à
TOUTES les femmes, en mettant de côté
nos croyances et nos représentations.
Par exemple, rappelons-nous que les
femmes à consommation d’alcool
excessive sont plutôt d’un milieu aisé, et
les symptômes d’une consommation à
risque ne sont pas souvent visibles .
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• privilégier une approche globale de la
femme et de son contexte de vie, plutôt
que de se focaliser uniquement sur la
santé de son enfant.
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Information à donner à toutes les femmes
enceintes, susceptibles de l’être ou de le
devenir :
« Il est dorénavant recommandé de ne
pas consommer d'alcool pendant toute la
grossesse » ; « Si vous n'y parvenez pas
ou si vous en avez consommé même
ponctuellement, n’hésitez pas à m’en
parler… »
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• Ne pas dramatiser l’alcoolisation (être
vigilant au vocabulaire que nous utilisons
et à notre communication non-verbale)
• Utiliser un langage accessible à la patiente
(éviter le jargon médical)
• Informer sur la recommandation « zéro
alcool » en expliquant les risques.
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À quel moment parler d’alcool ?
Chez les femmes en âge de procréer, plusieurs
moments peuvent être privilégiés pour parler
d’alcool :
• les consultations en vue d’une contraception
(centre de planification et d'éducation familiale)
• consultation chez un gynécologue, un médecin
généraliste ou une sage-femme
• les consultations avec le médecin traitant, le
gynécologue obstétricien ou la sage-femme,
lorsque la femme exprime un désir de grossesse.
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• les rencontres avec des femmes alcoolodépendantes en consultation, en cure, et en
postcure
• lorsque la femme exprime le désir
d’accouchement sous le secret
• mais aussi lors du suivi d’un enfant porteur d’un
retard de croissance intra-utérin, d’une
microcéphalie, de malformations, de troubles du
développement et des apprentissages
inexpliqués.
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Chez toutes les femmes enceintes
La question de la consommation d’alcool
doit être abordée par le professionnel de
santé systématiquement et le plus tôt
possible :
• lors de la déclaration de grossesse
• lors de l’entretien prénatal précoce
• lors des consultations de suivi de
grossesse, si cela n’a pas été fait avant.
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Pour être efficace, cette action
nécessite un apprentissage de notions
simples autorisant un repérage précoce
et une intervention brève dont l’efficacité
a fait l’objet de nombreuses études.
Bien renseignées sur les risques pour
leur bébé, la plupart des femmes
interrompent leur consommation.
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Plus l’intervenant sera à l’aise pour parler
d’alcool, plus il sera aisé pour la femme
enceinte de parler librement.
(sécurité émotionnelle)
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Si la patiente ne parvient pas à parler de
sa consommation d’alcool alors que nous
avons des éléments pour croire qu’elle
s’alcoolise : lui faire part de ces éléments,
afin de l’accompagner à une prise de
conscience. En privilégiant le climat de
sécurité et de confiance.
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Informer sur l’existence d’alcoologues
pour accompagner et soutenir dans cette
abstinence (données à afficher en salle
d’attente, à côté des affiches « alcool
zéro »). Orienter personnellement lorsque
c’est possible. « Je connais quelqu’un de
confiance qui pourra vous aider »
importance du réseau.
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Si la patiente est dépendante de l’alcool,
ne pas oublier qu’elle boit par nécessité, et
ne pas accentuer la peur, la honte, et la
culpabilité : la rassurer, et lui proposer un
séjour en service d’alcoologie pour se
sevrer de l’alcool.
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Autant que possible, associer l’entourage
( conjoint ou autre).
Les E.A.F. étant dose-dépendants :
valoriser la diminution des alcoolisations,
et porter de l’intérêt à la démarche de
changement engagée par la patiente.
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Pour la personne ayant des difficultés à
arrêter sa consommation d’alcool :
proposer un accompagnement de
proximité et pluridisciplinaire :la
problématique alcool ne peut être isolée
des autres difficultés sociales, médicales,
affectives de la patiente et de son
entourage.
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Si le S.A.F. est avant tout un diagnostic
pédiatrique, la problématique alcool est
médico-sociale. Il convient de proposer à
la patiente un soutien individualisé basé
sur :
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• Des consultations prénatales plus longues
et plus fréquentes. Une disponibilité pour
des consultations en urgence (en raison
des absences et des retards constatés
régulièrement, des examens non réalisés
par la patiente)
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• Un suivi échographique rapproché par le
gynécologue-obstétricien ou la sagefemme(pour un dépistage des
malformations, Retards de Croissance
Intra-Utérins)
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• Une orientation vers le dispositif
addictologique : en cas de dépendance, la
patiente doit bénéficier d’un suivi médical
spécifique et/ou d’un accès en urgence à
des soins ambulatoires ou hospitaliers en
alcoologie. Accompagner la patiente dans
ses démarches vers l’alcoologie (prise de
RDV, présence de l’alcoologue lors d’une
consultation prénatale, ou hospitalisation
en maternité pour un sevrage)
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• Une articulation du suivi avec les
professionnels issus de la Protection
Maternelle Infantile, de l’ Aide Sociale à
l’Enfance, du service social de l’hôpital, le
médecin traitant, le réseau périnatalité.
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• Un suivi pédiatrique rapproché avant et
après la naissance, notamment par une
consultation anténatale, un suivi en
néonatalogie, une orientation vers les
Centres d’Action Médico-Sociale Précoce.
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Prévention tertiaire
La prise en charge de l’enfant.
Elle a pour but de dépister le plus tôt
possible les handicaps moteurs, cognitifs,
et sensoriels, pour les traiter rapidement et
réduire leurs conséquences sociales.
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Merci de votre attention
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