2. Exemple de l`arsenal de Brest partie 2
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2. Exemple de l`arsenal de Brest partie 2
MOOC HISTOIRE ET EPISTÉMOLOGIE DES SCIENCES EXEMPLE DU PORT D’ARSENAL DE BREST COMME MACRO-SYSTEME TECHNOLOGIQUE (PARTIE 2) *Il s’agit d’une transcription directe de la vidéo 2 de la 5 intitulée « Exemple du port d’arsenal de Brest comme macro-système technologique (partie 2) » et non d’un texte destiné à la publication ou à la diffusion. Analysons un extrait de « De l’exception humaine » de Krzysztof Pomian. L’auteur nous donne une première définition d’un artéfact comme l’équivalent d’une « production humaine » ou « production de l’homme ». Il introduira également le mot « corps » comme équivalent à production de la nature. « J’entends esquisser ici, faute de place pour entrer dans les détails, une position du problème de l’homme dans le monde dans une perspective toute différente. Ce sera une tentative de situer l’Homo sapiens par rapport non pas aux autres espèces animales mais à ses propres produits. Le mot «artéfact» sera utilisé ici comme équivalent à «production humaine» ou «production de l’homme». Le mot «corps» sera utilisé comme équivalent à «production de la nature» ou «production naturelle». Krzysztof Pomian, « De l'exception humaine », Le Débat 2014/3 (n° 180), p. 3144. DOI 10.3917/deba.180.0031 Pomian introduit une dichotomie entre nature et production humaine. L’auteur indique que l’on peut raisonner en termes d’artefact de petite, grande ou très grande dimension. Par exemple, les macro-systèmes technologiques comme les usines, les centrales nucléaires, des avions ou des réseaux ferroviaires… constituent des artefacts ! La notion d’artefact s’applique donc indépendamment de l’échelle employée et peut aller du microscopique au macroscopique. Un autre article de Trevor Pinch Wiebe Bijker, Trevor Pinch, « La construction sociale de faits et d’artefact : Impératifs stratégiques et méthodologiques pour une approche unifiée de l’étude des sciences et de la technique », L’atelier de recherche sur les problèmes stratégiques et méthodologiques en milieu scientifique et technique. Cet article donne des indications intéressantes sur la façon de modéliser les choses. En histoire des sciences et techniques, la problématique est de proposer un modèle de périodisation permettant de penser les choses. En effet, la question qui se pose est de savoir comment périodiser un macro-système complexe et s’il existe des modèles capables d’être appliqués de manière comparative, pour comparer, par exemple, l’arsenal de Brest à d’autres arsenaux. La figure ci-dessous présente un processus d’innovation et de production d’un artefact. Cette représentation ne s’applique pas forcément à un macro-système complexe mais s’applique parfaitement à la production d’une vis ou d’un clou par exemple. L’intérêt réside dans la relation entre artefact et la question des groupes sociaux. L’artefact ne peut être pensé en tant que tel, isolément, il doit être pensé, appréhendé avec les groupes sociaux qui sont en relation direct avec lui. En relation avec les artefacts, ces groupes sociaux ont la possibilité de percevoir et identifier des problèmes (panne, désuétude…) puis déployer des solutions. Les groupes sociaux sont à même de sélectionner la solution adéquate ou idoine pour résoudre le problème. Thomas Hugues Parke, « The Evolution of Large Technological Systems, 1987, pp. 51-82., indique qu’un macro-système technologique possède un certain nombre de composants qui peuvent désordonnés, complexes. L’auteur parle de « problem solving » c'est-à-dire que tout système technologique est un système qui se construit en permanence sur la base d’identification et de résolution de problèmes. Parke indique également qu’un macro-système technologique possède une part matérielle à la fois sous forme de transformateurs, turbo générateurs mais aussi d’usines comme une poulierie, une corderie. Il précise que les programmes de recherche, les lois sont aussi des artefacts. La définition de Parke complète la définition des artefacts de Pomian en tant que « production humaine » et démontre également que les artefacts présente un aspect matériel et immatériel. Thomas Hugues Parke introduit également l’idée que les artefacts interagissent avec d’autres artefacts et dont on peut déterminer la nature des liens. L’interaction des artefacts donnent ainsi sens au système technologique. Il ajoute que le retrait d’un composant peut perturber l’ensemble du système. Ainsi, si une panne apparaît à un moment donné, l’ensemble du système est impacté voire mise à mal. Thomas Hugues Parke introduit l’idée d’ « inventeurs des systèmes ». Richelieu, Louis XIV sont les inventeurs des arsenaux. On ne peut pas comprendre les artefacts sans prendre en compte les acteurs en lien. Ainsi, le Ministre de la Marine, le roi auront un type de rapport avec le port de Brest qui ne sera pas du tout le même que celui du bagnard pourtant ils seront en contact avec le même objet d’où la nécessité de décrire les relations un acteur ou un groupe d’acteur ou un groupe social par rapport à un artefact de données. Ensuite se pose la question des savoirs. Par exemple, Louis XIV possède des connaissances politiques et économiques (pas forcément scientifique) qui justifient la création et le développement du port arsenal de Brest. En revanche, il sera entouré de spécialistes, en termes scientifique et technologique, capables de décliner les décisions purement politiques et économiques du roi. Par exemple Vauban 1 construira des fortifications et développera une partie du port arsenal. De la même manière, les constructeurs de bateaux auront un rapport à l’arsenal très précis d’ordre technologique et scientifique qui implique des savoirs spécifiques. Enfin, le bagnard fournit de l’énergie (pousser des brouettes, creuser des trous) et ses savoirs restent relativement réduits. A travers cette décomposition d’acteurs, on voit bien donc qu’un artefact ne peut pas seulement être définit de façon matérielle mais envisager une interaction entre acteurs / savoirs / artefacts. La question est de savoir comment périodiser cette relation trigonométrique, comment elle évolue dans le temps, comment apparaissent les différents problèmes. Au niveau de chaque acteur (roi, bagnard, officier de marine), se manifesteront des problèmes différents. Le port arsenal est donc un artefact en évolution vs l’identification et la résolution de problème par des acteurs qui emploient un certain nombre de savoirs. La résolution de problème peut se traduire soit par de nouveaux artefacts, soit par de nouveaux savoirs. La notion d’innovation se construit donc dans cette dialectique entre acteurs, artefacts et savoirs. En prenant en compte la question des artefacts, on peut ainsi se demander si une révolution est purement scientifique, technologique ou industrielle. 1 Sébastien Le Prestre, marquis de Vauban (1633-1707) est un ingénieur, architecte militaire, urbaniste, ingénieur hydraulicien et essayiste français. Il est nommé maréchal de France par Louis XIV.