traitement de l`infection des voies urinaires de l`adulte

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traitement de l`infection des voies urinaires de l`adulte
Module intégré C
Néphrologie
Infection des voies urinaires de l’adulte. (II) Traitement
Néphrologie
INFECTION DES VOIES URINAIRES DE L'ADULTE
(II) Traitement
Objectifs
♦
♦
♦
♦
♦
Connaître les critères de l'indication et du choix thérapeutiques.
Rédiger l'ordonnance du traitement initial d'une cystite aiguë.
Connaître les conséquences du caractère nosocomial de l'IVU sur sa prise en charge.
Connaître les actes qui favorisent l'IVU, et les précautions aptes à en réduire le risque.
Connaître les indications de l'antibiothérapie préventive.
ECN:
93. Infections urinaires de l’enfant et de l’adulte. Leucocyturie.
Plan de cours
I- Principes du traitement......................................................................................... 2
I.1- Un choix prenant en compte la symptomatologie. ..................................................2
I.2. Un choix modifié par les circonstances de survenue..............................................2
II- IVU contractée en dehors d’un milieu de soins ................................................. 3
II.1- Cystite aiguë ...............................................................................................................3
II.1.1- Cystite chez une femme jeune......................................................................................... 3
II.1.2- Cystite chez une femme âgée.......................................................................................... 7
II.1.3- Cystite chez un homme.................................................................................................... 7
II.2- Pyélonéphrite aiguë ...................................................................................................7
II.2.1- Hospitalisation conseillée................................................................................................ 7
II.2.2- Hospitalisation impérative ............................................................................................... 8
III- Pyélonéphrite aiguë vue aux Urgences............................................................. 8
III.1- Assurer le diagnostic ................................................................................................8
III.1.1- Diagnostic différentiel. .................................................................................................... 8
III.1.2- Préciser le terrain de survenue ...................................................................................... 8
III.1.3- Précautions bactériologiques......................................................................................... 9
III.2- Antibiothérapie: immédiate, empirique, mais surveillée. ......................................9
III.2.1- Traitement initial: une monothérapie............................................................................. 9
III.2.2- Suivi................................................................................................................................... 9
IV- IVU nosocomiale survenant chez un sujet hospitalisé.................................. 10
IV.1- IVU “basse” contractée dans une institution de soins .......................................10
IV.2- IVU d’allure parenchymateuse contractée en milieu hospitalier........................10
IV.2.1- Traitement immédiat ..................................................................................................... 10
IV.2.2- Après l’identification. .................................................................................................... 10
V- Prévention .......................................................................................................... 11
V.1- Eviter les erreurs......................................................................................................11
V.1.1- Manœuvres invasives .................................................................................................... 11
V.1.2- Prévenir la résistance aux antibiotiques...................................................................... 12
V.2- L’antibiothérapie préventive dans l’IVU.................................................................13
V.2.1- Quand faut-il traiter une infection asymptomatique ?................................................ 13
V.2.2- Quand et comment prévenir l’infection récidivante ? ................................................ 15
Avril 2006
J. Fourcade
1
Faculté de Médecine Montpellier-Nîmes
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Infection des voies urinaires de l’adulte. (II) Traitement
I- Principes du traitement
Les objectifs du traitement curatif:
♦ Supprimer rapidement les symptômes aigus;
♦ Prévenir les complications;
♦ Guérir l'infection sans sélectionner des germes mutants résistants;
♦ Eviter l'apparition de récidives;
♦ Sans entraîner d'accidents thérapeutiques;
♦ Et pour un coût raisonnable.
I.1- Un choix prenant en compte la symptomatologie.
Un traitement guidé par la clinique.
♦ Une IVU “basse” (n’exclut pas formellement la participation d’une atteinte infraclinique, non
suppurative, du parenchyme rénal, mais exprime avant tout une atteinte “muqueuse” (urothéliale),
susceptible a priori de guérir rapidement et sans séquelles.
Le choix est dans ce cas un antibiotique à forte concentration urinaire.
♦
Une IVU comportant des signes “hauts” (douleur, fièvre) traduit obligatoirement une atteinte
parenchymateuse avec forte réaction inflammatoire, et risque de séquelles si elle n’est pas
éradiquée par un traitement plus puissant et plus long que dans le cas précédent.
Le choix est dans ce cas un antibiotique à forte concentration tissulaire rénale.
I.2. Un choix modifié par les circonstances de survenue.
Un traitement guidé par le lieu où est contractée l’IVU.
♦ Une IVU qui se déclare “à domicile” a toutes chances d’être due à un germe sensible à la
majorité des antibiotiques usuels.
♦
Une IVU survenant en milieu de soins et/ou succédant à une agression instrumentale des voies
urinaires, a toutes chances d’être due à un germe nosocomial résistant aux antibiotiques.
Les leçons de 50 ans d’antibiothérapie
L’attitude actuelle, établie après plusieurs revirements, est:
♦
Un traitement raccourci dans les formes "basses" non hospitalières, allant même jusqu'au
concept de traitement "minute" en prise unique.
♦
Un traitement au contraire prolongé dans les formes parenchymateuses flagrantes, surtout si le
suivi radiologique (tomodensitométrie) révèle une atteinte anatomique sévère.1
1
L’antibiothérapie: un concept évolutif. Les règles d'utilisation de l'antibiothérapie sont difficiles à définir. Le choix est
paradoxalement d’autant plus malaisé que les produits sont nombreux. La durée du traitement reste l'objet de discussions, et
parfois de querelles de mode.
Jusqu'à 1980, la règle était de traiter, sur des arguments empiriques plus que scientifiques, de façon relativement uniforme et
assez longue: 10 à 14 jours pour une forme "basse", 14 à 20 jours pour une pyélonéphrite aiguë. On raisonnait sur le fait que
l’absence de “signes hauts” ne garantissait pas l’absence d’infection parenchymateuse.
Mais on s’est aperçu qu'un traitement de 20 jours, dans les formes parenchymateuses évidentes, exposait à un taux assez fort
de rechutes (50% dans le cas d'une prostatite aiguë) et ne garantissait pas la guérison. On a constaté par contre qu'en cas
d'expression basse les sujets, rapidement soulagés, étaient nombreux à arrêter prématurément leur traitement, sans pour cela
obligatoirement rechuter. On a donc conclu qu’en cas de forme “basse” un traitement plus court était licite.
Cette politique n’est pas sans risques. Justifier le traitement court par des considérations sociologiques (l'impossibilité alléguée
d'obtenir l'adhésion des sujets à leur traitement) ou économiques (le moindre coût) permet certes d’améliorer l’observance mais
expose en contrepartie à un moins bon suivi. Or, l'absence de suivi thérapeutique est dangereuse. L'IVU pardonne bien des
erreurs -car l'évolution spontanée des formes "simples" est la guérison- mais une complication grave peut toujours survenir.
Pour chaque type d'infection il convient donc de déterminer le rapport optimal entre la durée du traitement et son efficacité
escomptée, rapport dont dépend le choix de l'antibiotique.
Avril 2006
J. Fourcade
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II- IVU contractée en dehors d’un milieu de soins
II.1- Cystite aiguë
II.1.1- Cystite chez une femme jeune
a) C’est la première fois de sa vie (ou: elle a des cystites épisodiques)
Conditions associées:
♦ elle n’est pas enceinte;
♦ elle n’a pas d’antécédents d’uropathie;
♦ elle est vue en clientèle et n’a pas été hospitalisée récemment.
On est dans le cadre d’une primo-infection ou d’une réinfection épisodique (moins de 4 épisodes par
an). L'atteinte urothéliale est basse (cystite aiguë ou sa précession, le syndrome uréthral). Elle n'est
en principe pas dangereuse, car:
- elle est due à un germe “vierge”, sensible aux antibiotiques usuels;
- elle est habituellement isolée, sans anomalie urologique.
- mais les symptômes, quoique brefs, rendent l’épisode désagréable et souvent invalidant.
Le traitement vise à écourter l’IVU, pour soulager rapidement. Sa précocité évite en outre dans un
certain nombre de cas une transformation en pyélonéphrite aiguë dans les heures qui suivent.2

Eliminer un diagnostic différentiel
-
Vulvovaginite aiguë. Savoir interroger, examiner et regarder les urines.
Uréthrite aiguë spécifique: gonocoque, trichomonas. Atteinte rarement isolée, presque toujours
associée à un tableau gynécologique.

Traitement symptomatique
Ordonnance:
♦ Antalgiques. SPASFON-LYOC®, jusqu’à 6 lyocs /j. Antalgiques plus puissants si nécessaire.
♦ Bains de siège.3
♦ Prescription de boissons abondantes. Désagréable les premières heures, car elle renforce la
pollakiurie. Mais elle contribue à l'épuration plus rapide des germes.
Une femme qui a une cystite demande à être guérie, mais a aussi le droit d'être soulagée.

Choix de l’antibiothérapie
Les critères du choix.
♦ Une IVU non “hospitalière” est due a priori à escherichia coli;
♦ Or le colibacille demeure sensible à un nombre élevé d’antibiotiques usuels.4
2
Avant l’ère des antibiotiques, et encore aujourd’hui en cas de négligence, ces formes guérissaient spontanément, quoique
péniblement, et au risque de complications ou de rechutes.
3
Riez un bon coup mais faites-le faire. Les bains de siège peuvent paraître vieillots, mais favorisent la sédation. Ils sont tout
compte fait préférables aux AINS, qui atténuent certes la douleur mictionnelle, mais diminuent les défenses naturelles et
peuvent camoufler les symptômes. Leur emploi, même sous couvert d’un antibiotique implique une grande vigilance.
4
-
Caractéristiques requises:
large spectre antibactérien;
forte concentration urinaire;
administrable per os;
nombre de prises quotidiennes réduit;
bonne tolérance; faible toxicité;
faible coût.
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Les produits classiques. Quoique déjà anciens, ils restent utilisables, avec un résultat sensiblement comparable. Mais on observe un nombre croissant de résistances, même pour le colibacille
(tableau I).
-
Nom générique
- nitrofurantoïne
- triméthoprime
- co-trimoxazole
- ampicilline
Quinolones de première génération:
- Acide nalidixique
- Acide pipémidique
Nom commercial
FURADANTINE ®
WELLCOPRIM ®
BACTRIM FORTE®
TOTAPEN 500 mg ®
Posologie
3 gél/ jour
1 c/ jour
2 c/ jour
4 gél/ j
NEGRAM FORTE®
PIPRAM FORT ®
2 c/ jour
2 c/ jour
Tableau I. Produits classiques. Les propriétés générales des antibiotiques, leurs effets secondaires et la
surveillance que justifie leur emploi sont supposés connus.
Les produits récents. Développés spécifiquement pour les IVU (tableau II). Les quinolones de
2ème génération sont incontestablement la classe la plus efficace. On tend cependant à les
garder en réserve pour des infections plus sévères qu’une cystite, car leur avantage potentiel
(taux de guérison supérieur, mais pour une infection déjà sensible à la plupart des produits) est
contrebalancé par:
- leur coût;
- le risque (rare mais réel) de rupture tendineuse.
-
Nom générique
- pivmecillinam
- fosfomycine
+ trometamol
Quinolones de première génération:
Quinolones de 2ème génération:
- norfloxacine
Nom commercial
SELEXID
URIDOZ 3g
MONURIL
UROTRATE ®
APURONE ®
Posologie
3 à 4c/jour
prise unique
prise unique
2 c/ jour
3 c/ jour
NOROXINE ®
2 c/ jour
Tableau II. Les nouveaux produits.

Précautions
-
Risque allergique: toujours s’enquérir des antécédents vis-à-vis des sulfamides et pénicillines.
-
Risque de grossesse. Une grossesse méconnue doit être évoquée de principe. En l’absence de
certitude:
- choisir une pénicilline A ou une céphalosporine. Sauf contre-indication liée à une allergie, ce
choix est possible sans restrictions.
- le Bactrim, les quinolones, les sulfamides (en fin de grossesse) et les aminosides entraînent
un risque potentiel ou, pour certains produits, un danger absolu, et sont contre-indiqués.

Durée du traitement
Consensus actuel: le traitement court de trois jours.
Avantages:
♦ sécurité acceptable et validée, pour un coût correct;
♦ bonne observance, par rapport au traitement traditionnel de 7 à 10 jours;
♦ taux de rechutes inférieur à 10% quel que soit le produit utilisé, soit un bénéfice thérapeutique
pratiquement identique à celui d’un traitement traditionnel.
♦ bon rapport qualité-prix.5
5
Le conditionnement proposé ne doit pas dépasser ce qui est réellement nécessaire pour la cure de l’IVU. Les traitements cités
sont disponibles en conditionnement ne dépassant pas 5 jours, pour un coût total allant de 5 à 10 euros (1er tableau), et de 10
à 20 euros (2ème tableau).
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L’alternative: le traitement "minute"
♦ Principe: créer, par la prise unique d'une forte dose d'antibiotique, une concentration urinaire
élevée qui supprime la majorité des germes. La mobilisation des défenses permet alors l'autoépuration des germes résiduels.
♦
-
Avantages:
♦
simplicité séduisante;
réduction de la toxicité;
observance garantie;
favorise l’éducation et l’autonomie: une malade
connaissant ses symptômes peut éradiquer
une réinfection par un traitement minute
précoce (auto-traitement).
Inconvénients:
même coût qu’un traitement de 3 jours;
suivi plus aléatoire;
validation encore restreinte, démontrée pour
un nombre limité de produits;
taux des rechutes deux fois plus élevé (20%)
qu'avec le même produit administré selon une
durée conventionnelle.
Figure 1. Arbre décisionnel
dans la cystite aiguë de la
femme, selon RUBIN.
L’évolution d’une cystite aiguë
sous traitement minute a une
valeur diagnostique.
Environ 80% guérissent quelle
que soit la durée du traitement,
ce qui justifie l'antibiothérapie
minute.
Pour les 20% restants, qui résistent ou rechutent après un
traitement minute, des études
contrôlées ont montré qu’un
traitement conventionnel de 7
à 10 jours aurait également
échoué dans la moitié des cas.
L’attitude pragmatique et logique est ainsi d’explorer les
20% de sujets ainsi sélectionnés car les IVU qui rechutent
ont toutes chances de cacher:
- un germe résistant,
- une uropathie ou une lithiase.
A qui réserver le traitement minute
♦ Une stratégie encore en cours d’évaluation. Le traitement minute est plus risqué que le
traitement classique. Or les rechutes renchérissent le coût du traitement. Elles sont néfastes, tant
sur le plan économique que médical (risque accru de complications).
♦
De façon pragmatique, certains font des rechutes un test diagnostique dans le cadre d’un arbre de
décision (figure 1).
♦
Une affaire de clientèle. Le taux plus élevé de rechutes destine ce schéma thérapeutique aux
femmes "fiables” qui se plieront à un contrôle bactériologique quelques jours plus tard.6
L’agrément du traitement minute vaut-il le risque d’une rechute une fois sur cinq?7
6
Paradoxalement, on a tendance à prescrire ce type de traitement aux malades "indociles" desquelles on craint justement une
mauvaise observance!
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Les indications résiduelles du traitement classique (7 à 10 jours).
♦ Malade vue plus de 48 heures après le début des symptômes;
♦ Femme enceinte (efficacité du traitement minute non prouvée, danger des rechutes);
♦ Signe atypique (fièvre, lombalgie) ayant valeur d'atteinte parenchymateuse;
♦ Antécédents urologiques.
Dans tous les cas ci-dessus le traitement court est formellement contre-indiqué.

L’identification du germe
Quelle stratégie pour une cystite?
♦ Examen cytobactériologique préalable au traitement. Longtemps préconisé, cet examen n'est
en fait jamais effectué en pratique de ville.8
♦
Obligation minimale: la bandelette. Elle détecte leucocytes et nitrites, et confirme qu’il s’agit
bien d’une IVU.
Comme, dans ces conditions de survenue, le germe est constamment sensible à l’ensemble
des produits, on traite sans identifier le germe (choix probabiliste)
Le contrôle bactériologique de la guérison, une garantie indispensable.
♦ Contrôle immédiat de l'efficacité en fin de traitement. Bien que logique, il est rendu inutile par
la rapidité de la guérison.9
♦
Contrôle ultérieur. Un contrôle est nécessaire 5 à 7 jours après la fin du traitement. Critère: la
bactériométrie. La persistance d’un taux significatif (alors que les symptômes ont rapidement
disparu) est anormale. Elle traduit une IVU résistante abâtardie par un traitement insuffisant, et
laisse présager une rechute clinique dans les jours qui suivent.
b) Une cystite bien traitée persiste ou rechute
On se trouve dans la situation d’échec du traitement court ou du traitement minute. Le traitement doit
être:
- maintenu ou repris: au moins 10 jours;
- basé sur un produit différent;
- orienté par l'uroculture et l'antibiogramme (un choix probabiliste est dans ce cas interdit);
- garanti par une enquête étiologique précoce, afin de déceler tout facteur urologique de résistance.
c) Cystites à répétition (plus de 4 par an)

-
Infection à chlamidia. L'absence de germes banals en période de reprise des symptômes
(ECBU avant traitement) est évocatrice. Dans ce cas, mettre en œuvre:
soit la difficile confirmation bactériologique;
7
Le traitement minute, un risque calculé. Une efficacité équivalant à celle d'un traitement classique n'a été prouvée que
pour:
♦
le cotrimoxazole: BACTRIM FORTE®: 2 c en prise unique; 4 ¤
♦
l’association fosfomycine-trometamol: MONURIL®, URIDOZ®: 3g en prise unique; 12 ¤
♦
une fluoroquinolone: PEFLACINE MONODOSE® 400 mg: 2c en prise unique; 17 ¤
l’amoxicilline: CLAMOXYL® 500 mg 3 à 4 g en prise unique, mais dont l’utilisation est abusive dans cette indication: elle est
plus coûteuse, et n'est réellement supérieure à l'ampicilline que pour une IVU à entérocoque. Encore faudrait-il avoir identifié le
germe avant de traiter.
8
Attitude pragmatique. On ne va pas attendre le résultat d’un ECBU pour traiter une affection désagréable chez des gens actifs.
Le risque d'instaurer un traitement inadéquat étant faible et la guérison pratiquement constante on peut accepter de traiter sans
contrôle préalable la primoinfection basse d'une femme sans antécédents. L’identification ne sera faite que lors de la survenue
éventuelle d’une rechute.
9
Un traitement efficace stérilise les urines en moins de 48 heures, ce dont l’uroculture de principe au 3ème jour ne fait
qu’apporter la preuve.
Cet examen permettait auparavant de ne pas poursuivre inutilement 7 à 10 jours un traitement inefficace. Mais sa raison d’être
disparaît dès lors que le traitement actuel ne dure plus que trois jours.
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-
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soit d’emblée un traitement d'épreuve de 2 semaines:
- cycline (VIBRAMYCINE N 100 mg®, 2 c par jour);
- ou macrolide (ERYTHROCINE 1000®, 1 sachet par jour).
Les réinfections à chlamidia sont inévitables si le ou les partenaires ne sont pas traités
simultanément.

-
IVU récidivante de la femme jeune. Ce diagnostic n’est accepté:
qu’une fois chlamidia exclu;
qu’à la condition de l’absence de terrain urologique;
lorsque chacune des poussées infectieuses aiguës réagit bien au traitement, mais que la
stérilisation des urines n'empêche pas des réinfections itératives de survenir.
Traiter comme une infection unique, puis envisager un traitement préventif.
II.1.2- Cystite chez une femme âgée
Etre méfiant chez une femme âgée, surtout en cas de cystite récidivante.
La cystite accidentelle (comme chez la femme jeune) est possible, mais l’IVU peut révéler aussi un
facteur prédisposant:
♦ uropathie (cancer de la vessie),
♦ diabète sucré,
♦ tuberculose urinaire associée.
-
Examen bactériologique et enquête étiologique sont indispensables.
Traitement: contre-indication des traitements court ou minute (la prolongation de l’IVU en cas
d’échec est trop porteuse de risques).
II.1.3- Cystite chez un homme
Chez l’homme, la cystite aiguë n’existe pas.
Restent deux diagnostics:
♦ uréthrite (gonocoque, chlamidia);10
♦ symptomatologie d’emprunt abâtardie camouflant une uropathie ou une prostatite.
Ne pas traiter à l’aveugle; confier à un spécialiste si on hésite.
II.2- Pyélonéphrite aiguë
Conditions associées:
♦ c’est une femme jeune;
♦ c'est la première fois de sa vie;
♦ symptomatologie bruyante, mais sans signes de gravité;
♦ elle n’est pas enceinte;
♦ elle n’a pas d’antécédents d’uropathie.
II.2.1- Hospitalisation conseillée
La conduite habituelle est l’admission dans un centre de soins. En effet:
- une bactériémie est souvent associée;
- le traitement, au moins au début, doit être parentéral, parfois intraveineux ou en perfusion
(certains produits étant d’ailleurs réservés à l’usage hospitalier);
- l’évolution, quoique habituellement favorable, reste imprévisible.
- des explorations immédiates sont indispensables (ECBU et échographie);
Dans une PNA, l’identification du germe est obligatoire.
10
Le tableau dû à chlamidia chez l’homme ne constitue pas une entité aussi nette que le syndrome uréthral de la femme. Il est
donc conservé dans le cadre des uréthrites.
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Traiter à domicile une pyélonéphrite aiguë: une lourde responsabilité.
Si vous êtes sûr de vous, vous pouvez traiter à domicile, sans oublier que votre responsabilité est en
jeu: outre la surveillance (y compris une échographie), vous devrez vous assurer d’une observance
correcte du traitement lors du relais per os, chez une malade qui aura tendance à l’interrompre dès
que les symptômes auront disparu.
II.2.2- Hospitalisation impérative
L’hospitalisation s’impose dans les situations suivantes :
♦ Uropathie connue (reflux, lithiase...)
♦ Signes inhabituels en faveur d’un obstacle:
- colique néphrétique fébrile
- anurie fébrile
♦ Terrain à risque:
- diabète sucré
- grossesse
♦ Signes cliniques de gravité (septicémie).
III- Pyélonéphrite aiguë vue aux Urgences
(la malade précédente est hospitalisée)
III.1- Assurer le diagnostic
III.1.1- Diagnostic différentiel.
La pyélonéphrite aiguë peut être de diagnostic difficile, dans la mesure où son tableau peut se borner
à un gros rein douloureux et fébrile, sans signes urinaires d'accompagnement. Il faut la distinguer:
- d'un cancer du rein fébrile et douloureux, même non surinfecté;
- d'une suppuration rénale intrakystique (kyste solitaire ou maladie polykystique);
- d'une affection de voisinage (spondylodiscite aiguë, diverticulite, appendicite, voire cholécystite
aiguë ou pyosalpinx).
Inversement, se méfier de l’infection urinaire alibi.
Une bactériologie urinaire positive chez un sujet fébrile ne donne pas forcément la cause de sa
fièvre. Le sujet peut avoir une banale IVU, en coïncidence. D’où la valeur de l’isolement du
même germe dans l’hémoculture et dans l’urine.
III.1.2- Préciser le terrain de survenue
Un terrain particulier doit être identifié.
- affection associée, immuno-dépression;11
- allergie (bêtalactamines, sulfamides): s'enquérir des antécédents.
L’insuffisance rénale renforce le risque thérapeutique.
Une insuffisance rénale méconnue doit être systématiquement recherchée (risque de toxicité rénale et
cochléaire accru). Rôle aggravant de l’âge. Attention à la co-prescription:
♦ d’autres médicaments (surtout en cas d’hypoprotidémie),
♦ des produits de contraste.12
11
Vigilance renforcée si un anti-inflammatoire non stéroïdien a été prescrit. Rien n’est plus dangereux qu'une évolution
abâtardie vers la suppuration (les signes inflammatoires étant décapités par ce traitement).
12
Il serait souhaitable de réaliser un audiogramme avant traitement chaque fois que l’usage d’un aminoside est projeté. En
pratique, elle est difficilement réalisable. Mais elle devient formellement indiquée si un traitement prolongé est nécessaire.
Le choix d'un aminoside est toujours potentiellement dangereux. Dans le cadre d’une pyélonéphrite non hospitalière, il ne
s'impose pas; même si le tableau clinique est sévère, le germe a toutes chances d’être antibiosensible.
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L'insuffisance rénale ne constitue pas une contre-indication à l'emploi d'un aminoside, mais elle justifie
un suivi pharmacocinétique: mesure répétée de la créatininémie, utilisation des abaques, si possible
dosage régulier de la concentration plasmatique de l’aminoside, de façon à ajuster sa posologie.
Tout sujet de plus de 60 ans doit être considéré a priori comme insuffisant rénal.
III.1.3- Précautions bactériologiques.
L’identification du germe constitue une obligation, car une antibiothérapie approximative renforce le
risque évolutif. Il faut être en mesure de pouvoir rectifier précocement le traitement.13
Antibiothérapie immédiate ne veut pas dire à l’aveugle.
Savoir différer le traitement, le temps d'un prélèvement urinaire irréprochable avec demande
d'antibiogramme, et le cas échéant d'hémocultures répétées. Mais ne pas attendre le résultat pour
traiter.
♦
♦
♦
♦
♦
Pyurie: souvent flagrante (macroscopique);
Examen clef: l’étude microscopique des urines fraîches (ECBU)
Identification (uroculture + antibiogramme): même si bactériométrie <105;
Hémoculture obligatoirement associée;
Bactériométrie: inutile dans ce contexte (elle ne fait que confirmer l’IVU).
III.2- Antibiothérapie: immédiate, empirique, mais surveillée.
III.2.1- Traitement initial: une monothérapie
Les critères du choix:
♦ antibiotique à large spectre;
♦ dose bactéricide;
♦ forte concentration urinaire;
♦ forte diffusion tissulaire, notamment dans la médullaire rénale;
♦ administration de préférence parentérale.
Des signes de gravité (septicémie) sont l’indication d’un traitement renforcé (voir plus loin).
Des recommandations en évolution permanente.
Les règles ci-dessous datent déjà de 1990 (Conférence de consensus). Elles sont destinées à se
modifier.14
♦
♦
♦
♦
céphalosporine de 2e ou 3e génération: le choix est fonction des produits admis dans un hôpital
donné;
quinolone de 2ème génération; exemple: péfloxacine: PEFLACINE IV 400 mg, 2 perfusions/jour.
bêta-lactamine monobactam: l’aztréonam: AZACTAM IM 2g/jour;
BACTRIM® IV: 4 amp/24 h (il reste efficace).
III.2.2- Suivi
♦
-
Le bilan 48 heures après le début du traitement:
Nouvelle uroculture.
Rectification éventuelle du traitement selon:
- la concordance ou non entre l'antibiogramme initial et l'antibiothérapie choisie (ajout ou
remplacement par un agent plus spécifique à spectre plus étroit).
13
D’où la difficulté en cas d’antibiothérapie débutée au domicile, parfois à l’aveugle: l’IVU n’est pas guérie, mais les cultures
restent négatives.
14
♦
♦
N'étaient déjà plus utilisables dans cette indication (risque de résistance élevé, même pour un colibacille extrahospitalier):
l’ampicilline IV;
les céphalosporines de 1ère génération.
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-
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l’état clinique. La persistance des symptômes (notamment la fièvre) impose une évaluation
radiologique en urgence, et peut commander la ponction d'un abcès (pyonéphrite aiguë) ou
une dérivation des urines.
♦
-
L’évaluation du quatrième jour:
Uroculture du 2ème jour négative (situation attendue): poursuite du même traitement.
En cas de persistance de germes: changement d’antibiotique.
♦
Contrôle bactériologique de la guérison: indispensable, environ 2 semaines après la fin de
l'antibiothérapie.
La durée du traitement n’est pas guidée par la durée des symptômes.
♦ Pas de relais par une antibiothérapie per os avant 7 à 10 jours, et en tout état de cause après
au moins 48 heures d'apyrexie franche. Choisir selon le cas:
- l'antibiotique initial ou son équivalent,
- ou bien un produit plus adapté, au spectre le plus étroit possible.
♦
Durée totale du traitement: en principe 3 semaines et en tout état de cause jamais moins de 2
semaines, selon l’intensité initiale de l’IVU. Même si la guérison est rapide, ne pas abréger le
traitement.
Une pyélonéphrite aiguë s’accompagne de 50% de rechutes si son traitement n’atteint pas 2
semaines.15
IV- IVU nosocomiale survenant chez un sujet hospitalisé
IV.1- IVU “basse” contractée dans une institution de soins
Toute IVU hospitalière est due, jusqu’à preuve du contraire, à un germe résistant.
La résistance habituelle des germes fait restreindre le choix thérapeutique:
♦ BACTRIM®,
♦ quinolone de 2ème génération per os.
Le traitement est maintenu 7 à 10 jours (la rechute étant habituelle en cas de traitement plus court).
Dans une IVU basse hospitalière, le traitement minute est contre-indiqué.
IV.2- IVU d’allure parenchymateuse contractée en milieu hospitalier
IV.2.1- Traitement immédiat
La prescription d’un aminoside: un risque parfois nécessaire.
Le choix d’un aminoside constitue une solution d'attente acceptable pour les 2 premiers jours, en
l’attente de la bactériologie.16
Exemple: tobramycine: NEBCINE® 75 mg im 3 fois/jour.
Adapter la dose si la formule de Cockroft indique une insuffisance rénale.
IV.2.2- Après l’identification.
15
Certains préconisent même un traitement de 4 semaines, bien qu'il s'agisse d'une pyélonéphrite sans facteur de risque
particulier. La tomodensitométrie aide de plus en plus à fixer la durée du traitement.
16
Ce choix est empirique, mais non arbitraire. Le suivi régulier de la population bactérienne de l'établissement, et de sa
sensibilité, fournit une aide précieuse.
Ne pas oublier que la tobramycine, la netilmycine et la dibekacine, bien que moins néphrotoxiques que la gentamycine, restent
ototoxiques. L’amikacine est coûteuse, et son emploi est “réservé” dans la plupart des hôpitaux.
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J. Fourcade
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Le traitement n’est plus empirique, mais dépend:
- de l’évolution clinique;
- du germe trouvé et de sa sensibilité.
La bithérapie, gage d’efficacité.
Une bithérapie est la décision habituelle. Elle est obligatoire en cas de septicémie.
♦
♦
-
Poursuite de l’aminoside;
Association d’un des produits suivants, par voie IV:
l’aztréonam;
une céphalosporine de troisième génération;
l'association triméthoprime/sulfaméthoxazole (BACTRIM);
une quinolone de deuxième génération (péfloxacine).
Seules des règles générales sont indiquées, car le choix est fonction de la stratégie d’emploi
des antibiotiques adoptée par l’établissement.17
♦
Rectification du traitement en cas de germes multirésistants. Elle est basée sur la mise en
œuvre de moyens adéquats: antibiogramme en tube, CMI.
♦
Durée du traitement parentéral. Elle est guidée par l'évolution clinique, bactériologique et
radiologique. Dans les cas favorables, elle est au minimum de 10 jours. Une apyrexie franche de
5 à 7 jours doit avoir été observée.
♦
Traitement de relais. Basé sur la poursuite d’un des deux antibiotiques initialement choisis pour
leur efficacité. L'aminoside (plus toxique) est généralement interrompu. L'autre produit (ou un
équivalent) est poursuivi au minimum 20 jours, si possible per os.
V- Prévention
♦
-
Les IVU constituent:
l’un des premiers motifs de consultation en clientèle,
la moitié des infections nosocomiales.
♦
♦
♦
♦
Elles sont favorisées par certaines circonstances (sujets sondés).
Elles sont potentiellement graves (risques de septicémie).
Même correct, leur traitement contribue à renforcer l’apparition de germes résistants.
Le fait de pouvoir avoir recours à des antibiotiques efficaces et pour certains puissants (mais
aussi dangereux) est une chance qui ne dispense pas de mettre en œuvre des précautions
simples qui pourraient réduire leur emploi.
La manière la plus rentable de traiter les IVU est de prévenir leur survenue.
V.1- Eviter les erreurs
V.1.1- Manœuvres invasives
17
Les antibiotiques dits “protégés”. La volonté de réduire la pression de sélection d’une flore bactérienne dangereuse a
amené les établissements de soins à instaurer une stratégie dl’utilisation des antibiotiques. Cette politique vise à:
- ne pas galvauder les antibiotiques les plus récents et les plus puissants, vis-à-vis desquels les germes n’ont pas encore
acquis de résistance;
- les garder ainsi en réserve pour les infections les plus graves;
- réduire de ce fait le coût élevé de l’antibiothérapie, ces produits étant souvent les plus onéreux.
Des consignes strictes ont été établies en conséquence pour restreindre l'emploi hospitalier des nouveaux antibiotiques. Les
stratégies arrêtées s’imposent à tous les prescripteurs:
- accord au cas par cas,
- au vu de l’antibiogramme (donc germe déjà identifié),
- sur demande confirmée par un praticien hospitalier.
Avril 2006
J. Fourcade
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Une infection urinaire ne survient pas seule. Elle est provoquée par:
a) Ce que l’on a fait.
- rarement une intervention ou une exploration urologique (dilatation de l’urèthre, cystoscopie), car
le risque est connu, et des précautions d’asepsie rigoureuses sont observées;
- bien plus souvent un sondage vésical temporaire (5% de risque d’IVU après un simple “allerretour”).
Seigneur, réservez le sondage à ceux qui en ont besoin (R. Vilain).
Avant tout sondage, se demander si cet acte est réellement indispensable:18
- sondage diagnostic: préférer la ponction suspubienne;
- cathéter à demeure: il ne doit pas être la solution de facilité pour éviter d’avoir à changer un
malade incontinent.19
b) Comment on l’a fait.
Diverses erreurs favorisent la survenue de l’IVU. Il convient de les prévenir.
Le cathétérisme vésical est un acte toujours potentiellement dangereux. Il ne supporte la
routine, ni lors de la mise en place de la sonde, ni lors de son entretien.20
Pyurie chez un sondé: la conséquence d’une négligence.
♦ Obstruction de la sonde (stase):
♦ Lutter contre le résidu vésical: s’assurer de
l’absence d’obstacle à l’écoulement;
♦ Inadéquation de la sonde (fuites):
♦ Eviter les ouvertures du circuit.21
♦ Ouverture du circuit:
♦ Lenteur du renouvellement urinaire (oligurie): ♦ Augmenter les boissons.
♦ Se laver les mains.22
♦ Défaut d'hygiène du personnel:
La pyélonéphrite ou la septicémie sont prévenues, non par l’antibiothérapie, mais par une
vidange vésicale correcte.
V.1.2- Prévenir la résistance aux antibiotiques
Les IVU les plus graves sont celles à germe résistant. L'antibiorésistance n'est pas un hasard; elle est
favorisée par les erreurs thérapeutiques. Son risque de survenue peut être réduit par:
a) Traitement à dose efficace (bactéricide) des IVU déclarées.
b) Utilisation adéquate des antibiotiques.
Décider l’antibiothérapie sur des critères indiscutables fait partie des mesures préventives. Cette
démarche:
♦ raccourcit la durée évolutive;
♦ réduit le risque de rechutes;
♦ contribue à réduire l’apparition de souches résistantes, qui poseront problème ultérieurement :
- pour le malade lui-même;
- et à l’échelle d’un établissement de soins.23
18
Une règle aussi barbare qu’inutile a été longtemps de sonder une femme sur le point d’accoucher. Certaines se souviennent
plus de l’infection urinaire ramenée en prime que de l’accouchement lui-même.
19
De même, avant de sonder une personne âgée soi-disant en rétention, il vaut mieux tenter d’abord de la faire uriner après
l’avoir levée.
La fréquence de l’IVU double si l’o
pérateur est négligent.
20
21
Les lavages vésicaux, longtemps prônés, sont à présent considérés comme plus dangereux qu’efficaces.
22
Un audit effectué dans un CHU français a montré que 80% des infirmiers, mais seulement 40% des médecins se lavaient les
mains après un contact septique susceptible d’engendrer un portage de germes d’un malade à l’autre (Presse Médicale, 1996,
25, 1812-13). Souvenez-vous de Semmelweiss...
Le port de gants jetables ne réduit le risque que si on est capable de les mettre sans les souiller !
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J. Fourcade
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V.2- L’antibiothérapie préventive dans l’IVU
V.2.1- Quand faut-il traiter une infection asymptomatique ?
L’IVU asymptomatique marque l’étape de la colonisation silencieuse des voies urinaires. Elle précède
plus ou moins longuement l’apparition d’une IVU déclarée.
Un traitement curatif vise à corriger des anomalies cliniques, et non à “guérir” une uroculture. Traiter
une infection inapparente est donc bien un acte préventif. L'opportunité ou non de ce traitement
s'inscrit dans la démarche précédente.
a) Certaines IVU inapparentes doivent être traitées
On a émis l'hypothèse qu’une bactériurie récidivante ou quasi-permanente était la première étape d’un
continuum infectieux inconstamment émaillé d'épisodes cliniques aigus, et pouvant aboutir à bas bruit
à la pyélonéphrite chronique.
Ce risque est en fait infime hormis circonstances particulières ainsi peut-être que chez le jeune enfant.
Chez l’adulte, l'IVU inapparente, même prolongée, ne paraît potentiellement dangereuse que s’il
existe en outre un terrain favorisant.
Indications du traitement des IVU inapparentes
Dépistage périodique et traitement préventif sont réservés aux situations caractérisées par un risque
élevé de transformation en infection clinique, source possible de complications graves.
♦ Grossesse ;
♦ Diabète sucré ;
♦ Dépression immunitaire ;
♦ Uropathie connue et non corrigée.24
Une bactériurie asymptomatique ne doit être traitée que lorsqu’il est prouvé qu’elle est
potentiellement dangereuse.
Grossesse et IVU : une grossesse à risque
♦ Une IVU infraclinique décelée pendant la grossesse et non traitée se transforme dans un tiers des
cas en pyélonéphrite dans les semaines qui suivent (alors qu'en dehors de la grossesse sa
disparition spontanée serait la règle).
♦
Un antécédent de pyélonéphrite, a fortiori durant une grossesse antérieure, justifie un suivi étroit
avec recherche mensuelle de l’IVU inapparente.
♦
Traiter l’infection inapparente comme une IVU basse (3 à 5 jours de traitement). Surveiller
périodiquement, et réitérer éventuellement le traitement. Cette prévention fait pratiquement
disparaître le risque évolutif de pyélonéphrite aiguë.
♦
Parfois traitement préventif continu jusqu’à la fin de la grossesse (exemple: après une
pyélonéphrite gravidique), pour éviter une réinfection.
b) Les IVU inapparentes à ne pas traiter
♦
Règle générale: ni recherche, ni traitement
23
Le choix de l'antibiotique doit être proportionné au degré de gravité et au caractère ou non nosocomial des IVU. Il est tout
aussi illogique:
- de traiter une cystite banale par un antibiotique de dernière génération;
- que de traiter une infection nosocomiale par des antibiotiques vis-à-vis desquels une résistance importante s'est déjà
manifestée. (voir plus haut: Antibiotiques protégés)
24
Dans les uropathies non corrigibles (ou en attendant leur correction) qu'on veut par conséquent protéger d'une surinfection, la
conduite est discutée. Certains ont proposé un traitement permanent comme pour une IVU récidivante.
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J. Fourcade
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Un traitement habituellement inutile.
La bactériurie asymptomatique est:
♦ fréquente chez le sujet âgé;
♦ courante chez le femme, chez laquelle elle disparaît spontanément en quelques semaines (quitte
à se reproduire épisodiquement) sans avoir réussi à se transformer en infection clinique.25
Il en résulte que, dans ces deux cas, l'IVU asymptomatique ne doit être ni recherchée ni traitée. Ne
pas ajouter une seconde erreur de jugement à la première en la traitant.
Corollaire. Le dépistage de parti pris (bactériométrie) ne doit pas être systématique dans le cadre
d’un bilan, mais être justifié par un risque particulier, identifiable par le contexte clinique ou
anamnestique.26
Il ne sert à rien de rechercher une infection silencieuse si on ne doit pas la traiter.
“Plutôt que rechercher les bactériuries asymptomatiques, mieux vaut explorer et traiter
correctement les sujets ayant des symptômes, ce qui est encore loin d'être la règle” (Asscher).
♦
Le cas de la sonde à demeure
L’IVU est fréquente chez le porteur d'une sonde à demeure. Les erreurs d’entretien la rendent plus
précoce, et favorisent une contamination massive. Les précautions la retardent, mais n’empêchent
pas sa survenue tôt ou tard.
Les étapes de la surinfection du sujet sondé.
♦ Bactériurie asymptomatique et/ou pyurie microscopique;
♦ Pyurie macroscopique;
♦ Passage à l’infection clinique:
- des signes bâtards (et non une symptomatologie de cystite) indiquent habituellement l‘infection
vésicale;
- l’existence d’une fièvre indique la participation d’une atteinte parenchymateuse, prostatique ou
rénale.
Les objectifs chez un sujet sondé.
La pyurie chez un sondé n’impose d’examens et, a fortiori, de traitement que si elle:
♦ s’accompagne de symptômes (en particulier de fièvre);
♦ est massive (risque accru d’obstruction de la sonde).
La disparition totale des germes est en règle impossible ou transitoire, du seul fait de la présence de
la sonde (corps étranger). Le traitement vise seulement à contrôler l’IVU (la pyurie est inoffensive si
elle reste microscopique).
L’objectif du traitement chez un sujet sondé n’est pas de stériliser les urines, mais que l’IVU
demeure asymptomatique.
♦
♦
Indications du traitement antibiotique chez le sondé: il est plus dangereux qu’utile, car:
il n'empêche pas la récidive, dont la précocité ou non dépend exclusivement de la qualité des
soins infirmiers;
il sélectionne des mutants résistants.
Exception: le changement de sonde. Il n'est pas systématique, mais indiqué en cas de gêne à
l’écoulement (incrustation de la sonde, qui se comporte alors comme un réservoir de germes). Il
25
Moins de 10% des bactériuries asymptomatiques se transforment en cystite, s’il n’y a pas de facteur favorisant.
26
Dans ce cadre, l'identification (uroculture) ne devra être faite qu’en cas de:
5
bactériométrie supérieure ou égale à 10
pyurie visible à l'œil nu, ou à l'examen microscopique;
nombreuses bactéries à Gram négatif vues à l'examen direct.
♦
♦
♦
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favorise les microtraumatismes et le déclenchement des septicémies. Il est donc recommandé de
l’encadrer par une antibiothérapie prophylactique de 48 heures.
♦
Conduite à tenir en cas de pyurie macroscopique. Faire appel avant tout au renforcement des
mesures générales. L’antibiothérapie a un bénéfice fugace, et n’est pas indiquée. Son usage doit
être restreint aux épisodes comportant des signes d’extension parenchymateuse (fièvre). Traiter
dans ce cas comme en cas d’IVU hospitalière.27
V.2.2- Quand et comment prévenir l’infection récidivante ?
a) L’infection récidivante : inconfortable, mais un risque faible.
Maladie exclusivement féminine, cette évolution rare de l’IVU (un sujet infecté sur 500) correspond
par convention à la survenue de plus de 4 IVU par an, portant le plus souvent sur le bas appareil.
L’infection récidivante est liée à la sommation de deux facteurs:
- un facteur permissif: la rémanence anormale de germes nombreux dans la vessie;
- un facteur déclenchant: la faiblesse des défenses vésicales contre une agression microbienne.
Si on les recherche, on constate entre les poussées des phases intercurrentes d'IVU inapparente qui
précèdent les réveils cliniques. Chaque poussée aiguë paraît entraîner une fragilité durable de la
muqueuse urinaire qui demeure vulnérable à un nouvel ensemencement.
A condition que chaque récidive soit correctement traitée, le pronostic des infections récidivantes n'est
pas différent de celui des IVU isolées. Mais la répétition des IVU constitue une gêne physique et une
infirmité sociale. Elle entraîne souvent la hantise de nouveaux épisodes.28
b) Indications du traitement préventif
Le problème du traitement préventif se pose chez une femme jeune lorsque chacune des poussées
infectieuses aiguës réagit bien au traitement, mais que la stérilisation des urines n'empêche pas des
réinfections itératives de survenir.
Une fois l’absence de chlamidia et d’uropathie démontrée, le traitement comporte essentiellement des
mesures préventives simples, mais assujettissantes vis-à-vis desquelles il conviendra d'être incitatif:
- l’efficacité dépend de l’observance;
- l’observance dépend de la qualité de l’éducation du patient.
Propositions dans l’IVU récidivante.
♦ Augmentation des boissons (un critère d’efficacité étant l’existence d’au moins un besoin
mictionnel nocturne);
♦ Désinfection périnéale: savonnage biquotidien. L’application d'un antiseptique (polyvidone
iodée: BETADINE®) a été proposée.
♦ Antibiothérapie préventive prolongée: en dernier recours en cas d’échec des mesures cidessus.
L’antibiothérapie préventive ne doit pas être une solution de facilité.
27
Une antibiothérapie préventive est inutile, et néfaste, si l’IVU sur sonde reste asymptomatique.
Lorsqu’une antibiothérapie (BACTRIM, quinolone) est prescrite, c’est pour éradiquer une pyurie massive fébrile. Dans ce cas, il
est inutile de la prolonger plus de 10 jours, même si l’ECBU reste positif.
Maintenir des semaines l’antibiothérapie stérilise certes les urines, mais aboutit à la sélection des germes multirésistants dont
souffrent les centres de soins.
28
Les réveils infectieux sont parfois liées aux rapports sexuels et entraînent alors une hantise qui n'exclut pas les fantasmes.
On a également évoqué un trouble endocrinien (vessie "récepteur hormonal") ou psychosomatique. On qualifie alors cet état de
cystalgie à urines claires, ce qui répond au besoin d’étiqueter les troubles, mais ne résout pas les difficultés de prise en charge.
L’IVU récidivante peut ainsi aboutir à une gêne difficilement tolérable du fait de ses conséquences socioprofessionnelles, ce qui
expose à l'auto-médication. Celle-ci décapite les symptômes (poussées avortées) et négative les tests bactériologiques, mais
expose à des rechutes. Paradoxalement, la difficulté est alors, malgré un lourd passé thérapeutique, de prouver la réalité de
l'infection. Le problème se pose devant une symptomatologie plus ou moins bâtarde (dysurie épisodique, pollakiurie, brûlures
mictionnelles, douleurs rétropubiennes parfois associées à une dyspareunie), quand les explorations bactériologiques restent
négatives, la pyurie absente ou inconstante et qu'aucune “épine irritative” de voisinage (fibrome, kyste de l'ovaire) n'est décelée.
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♦
Infection des voies urinaires de l’adulte. (II) Traitement
Pour en savoir plus. L'ANTIBIOTHERAPIE PREVENTIVE DANS L'IVU.
Principe. La présence permanente d'un antibiotique à faible concentration favorise (peut-être en bloquant
l'adhésion) l’épuration des germes ayant envahi les voies urinaires, avant qu'ils ne les colonisent. La
prévention prolongée de l'infection permet aux défenses naturelles de se reconstituer.
♦
Indications. Etre prudent. Avis spécialisé préalable, de façon à ne pas faire courir le risque d’une uropathie
sous-jacente. Par ailleurs le résultat de l’antibiothérapie prophylactique demeure aléatoire pour un risque non
nul (complications allergiques), ce qui incite à ne la mettre en œuvre que si la fréquence des récidives atteint
un degré réellement insupportable.
♦
Modalités.
Choix. On utilise un produit n'induisant pas de résistance plasmidique transférable (ce qui exclut les
bêtalactamines) de façon à éviter l'émergence de souches R. Exemple: un comprimé ou gélule chaque soir
au coucher d'un des produits peu coûteux suivants: NEGRAM, PIPRAM, NIBIOL, BACTRIM,
FURADANTINE.
Durée: encore empirique. Au moins 6 mois sans interruption, avec le même produit. Certains alternent les
produits cités tous les 2 ou 3 mois.
Evolution sous traitement. Disparition habituelle des IVU. Si une réinfection aiguë survient: interrompre le
traitement de fond, identifier le germe résistant. Choisir un produit d'une autre classe thérapeutique et traiter
14 jours, pour permettre la cicatrisation du tractus urinaire. Reprendre alors le traitement préventif, après
avoir prouvé la guérison bactériologique.
-
-
♦

Evolution lors du sevrage. Les IVU ultérieures sont en général plus espacées et peuvent être traitées
ponctuellement. Si elles redeviennent fréquentes, le traitement préventif peut être repris pendant un à deux
ans.
Pour en savoir plus. MESURES COMPLEMENTAIRES DANS LA PREVENTION DE L'IVU RECIDIVANTE
Mesures préventives. Certaines précautions sont susceptibles de renforcer les mécanismes naturels de
défense. Elles se heurtent souvent au scepticisme et à la non coopération du malade.
-
Suppression des erreurs d'hygiène: vêtements et sous-vêtements trop serrés, sens de l'essuyage anal.
Exonération vésicale la plus complète possible, notamment lors du coucher. La miction post-coïtale est
recommandée.
Eviter la constipation.
Recherche et traitement d'éventuelles lésions gynécologiques.
Ne pas compter sur l'acidification des urines (vitamine C, MANDELAMINE, URASEPTINE) qui nécessite la
prise quotidienne, vite interrompue, de trop nombreux comprimés.
Indication éventuelle d'une cure thermale (La Preste).

En cas d'échec:
-
S'assurer que les mesures prescrites sont réellement suivies. L'insuffisance des boissons est difficile à
corriger. La détecter par la mesure de la densité, de la créatinine ou de l'osmolarité urinaires.
-
Reconsidérer le bilan urologique. La coagulation des glandes périuréthrales (considérées comme réservoir
bactérien, source de réensemencement), la dilatation juxtaméatique ou la méatotomie, donnent parfois de
bons résultats mais ne constituent pas la panacée. Ces actes sont réservés à des cas sérieusement
documentés (uréthrographie mictionnelle, cystoscopie).
-
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