VOYAGE A TERRE
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VOYAGE A TERRE
RESUME n'UN VOYAGE A TERRE-NEUVE Dans la seance du 8 mai der1~ier, M. Tl1oulet a raconte le voyage qu'il a accompli recemrnent a bord de la fregate de 1' Etat la Clorinde, le long du French Sho1·e de l'.lle de ~rerre-Neuve. Cette grande .lle, decouverte le 24 juin 1497 _par ~Tohn Cabot et son fils Sebastien pour le compte du 1.·oi cl' Angle terre, colonisee concurremment par les Frangais dOl~t le siege etait a Plaisance et par les _,.\nglais etablis a Saint-~1 ohn pendant le courant du :xvrc et du xv11e siecle, eut sa situation politique reglee d'une fa9on definitive par le traite d' Utrecht en 1713. La possession en fut attribuee a 1' Angleterre, mais les Fran9ais conserverent, comme par le passe, le droit de peche du 5 avril au 5 octobre d'abord entre le cap Bonavista sur la cote Est et la pointe Riebe sur la cote ouest, en passant par 1e Nord, puis du cap ·Saint-Jean au cap Raye. Cet espace porte le nom de FreTlCh Shore. La peche le long du reste des cotes est exclusivement reservee aux Anglais; celle des banes est libre. L'orateur a decrit d'abord les iles Saint-Pierre et Miquelon, les seules colonies qui res tent aujourd'hui ala France de ses immenses possessions dans 1' Amerique du Nor.d. l\t1iquelon est peu habitee, 01~ s'y livre a l'eleve des bes. tiaux, le port de Saint-Pierre est le point d'ou partent les _goelettes qui pechent la morue sur les banes et ou se prepare le poisson. M. Thoulet decrit ces djverses operations, arn1ements metropolitains et arn~ements coloniaux, n~ise de la morue en vert, lavage et sechage, reexpedition en France; il donne des details sur les faLigues et les dangers ..cles pecheurs. 434 GEOGRAPHIE ECONOMIQUE. Bonne- Baie est le centre de population anglaise le plus important sur la cote ~uest; plus au nord, on trouve Port-Saunder ou se preparent des conserYes de homal.'ds. Ces crustaces y pullulent d'une fa9on prodigieuse, un seul etablissen~ent en peche 12,000 par jour pendant le mois de juillet, 6,000 par jour pendant le mois d'aout et enfin 8,000 par jour en septembre. La cuisson et la mise en boites s'execute par des . procedes extremement peu compliques et rapides. A partir du detroit de Belle-Isle, on rencontre un grand nombre d'icebergs, enormes n1ontagnes de glace flottante qui sont les extremi tes detachees des grands glaciers du Groenland et qui descendent par la mer de Baffin, le long de la cote Est de Terre-Neuve jusqn'a la rencontre du courant chaud du Gulf-strean~ o'L1 ils fondent ala hauteur des banes. La baie du Sacre n'a gnere d'autre attrait que les n1oustiques qui constituent un veritable fleau dans toutes ces regions subpolaires, An~e1~ique du Nord, Siberie et Laponie. Il est presque impossible d'echapper aux morsures do-uloureuses de ces n1yriades d'insectes microscopiques qui ne disparaissenL qu'aux premieres gelees. Au Kirpon sont installes plusieurs chauffauds, emplacen~ents de peche determines et attribues par le sort, pour cinq annees consecutives, a des armateurs frangais. Malheureusement depuis plusieurs annees, la mqrue disparait de la cote, tandis qu'elle semble augmenter sur les banes, aussi le nombre des na vires din~inue-t-il regulierement dans ces parages et les places soot abandonnees. Apre~ un arret ala baie au Lievre eta la baie du Croe · ou les navires de la station deposent pour le restant de la campagne les bmufs destines ala nourriture des equipages, la Clorincle se rend au Grand-Bras-du-Chat, a !'entree de la baie Blanche, fjord qui presente avec une merveilleuse nettete tous les caracteres geologiques de ce genre de formation, flancs abrupts et tres rapprocl1es l'un de l'autre, VOYAGE A TERRE-NEUVE. 435 profondeur considerable de l'eau, cascades nombreuses descendant presque verticalement des hauteurs, blocs erratiques et roches moutonnees eparpilles sur les poetions aplanies des sornmets surplornbant. Les fjords occupent tout le potn'tour de l'ile et leurs caracteres sont d'autant mieux conserves qu'on descend davantage vers le sud. La fregate refait en sens inverse la route qu'elle a deja accomplie; elle s'arrete ala baie de Forteau an Labrador et vient prendre sa provision de charbon pour le retour a Sydney, dans l'.ile du Cap-Breton; cette ville, qui en forn'le en realite deux bien distinetes, North Sydney et South Sydney, sur la riviere des Espagnols dont l'embouchnre dessine nne adrnirahle rade, doit . sa prosperite aux nombreuses mines de houille qui l'entourent e t qui fournissent un combustible de qualite assez n'lediocre mais a tres bon marche aux colonies anglaises de Terre-N euve et du Canada. South Sydney s' etend coquetternent au pied de collines verdoyantes et est voisine de forets qui chaque annee se transforrnent en prairies et en champs culti'ves, grace au travail incessant d'une population intelligente et laborieuse. Elle offre toutes les ressources de la civilisation et son sejour parait bien doux a des marins qui viennent d'eprouver les fatigues et la n1onotonie des solitudes de Terre-Neuve. C'est de Sydney que part la Clorinde pour Be rendre a Saint-Pierre et de la a Brest, ou elle arrive apres nne penible traversee. L'ile de Terre-Neuve est peu etudiee, son interieur est en grande partie absolun1.ent incon nu; elle est sans cesse erodee par les agents atmospheriques et surtout par la gelee qui en emiette les roches. Celles-ci, detachees en fragments assez considerables, arrivent au bord de la mer 01i elles sont prises par les glaces qui I' hiver entourent la cote comme d'une ceinture. A l'epoque de la debacle, ces glaces entrainent les 1natieres solides qui les chargent ; 436 GEOGRAPHIQUE ECONOMIQUE. elles sont elles-rru3nles e1itrainees par le courant marin branche du grand courant polaire qui, grossi des eaux du fleuve du Saint-Laurent, debouche dans l'Ocean Atlantique par le detroit de Cabot; elles rencontrent les eaux · chaudes du Gulf-stream qui leur barre le passage et les fait fondre ; elles laissent alors tomber leur chargement mineral qui s'accumule dans les remous produits par les rencontres des deux courants deja cites et d'un troisieme c ourant, appele courant polaire oriental, qui a contourne la cote Est de l'ile de Terre-N euve. Ainsi se produisent les hauts-fonds qui s'etendent du bane de Terre-Neuve proprement dit jusqu'a la Floride, sur les rivages de la Nouvelle-Ecosse et des Etats-Unis. La limpidite absolue constatee sur les icebergs vient confirmer la theorie qui indique que ces montagnes congelees., provenant de contrees eternellement recouvert.es d'un manteau protecteur de neige et de glace, et ou par consequent !'·e rosion des roches est a peu pres nulle 1 et elle contredit l'opin.ion de Maury qui pensait que la formation des banes .e tait due precisernent aces icebergs fond us par le Gulf- stream.