Cas Lafarge et les réseaux sociaux

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Cas Lafarge et les réseaux sociaux
Cas Lafarge et les réseaux sociaux
Avec 400 millions d’utilisateurs dans le monde (2010) et près de 15 millions d’utilisateurs en France
Facebook est devenu en quelques années un véritable phénomène de la sphère Internet. Incarnant à
la fois le web 2.0 et les dérives potentielles qui y sont associées1, Facebook figure au cœur des
stratégies développées en BtoC par les marketeurs notamment aux États-Unis. Même si 80% des
pages de marque sur Facebook mobilisent peu (moins de 1000 « fans »), les marques les plus actives
tirent profit de cette présence que ce soit sur le plan des études qualitatives (remontées
d’information, tests de concept), sur le plan commercial (avant-vente) ou publicitaire (annonces). Il
s’agit en particulier de renforcer la relation client par une apparente « proximité » et réactivité.
Figure 1. Page d’accueil du réseau social Facebook
Si de nombreuses publications portent sur le phénomène des réseaux sociaux et la manière d’en tirer
partie en tant qu’annonceur, les réflexions se focalisent principalement sur l’univers BtoC. Face au
délitement du marketing univoque (top-down), les réseaux sociaux représentent une des solutions
adoptées en BtoC pour le développement d’un marketing réciproque (bottom-up)2.
En BtoB, les relations professionnelles se fondent sur la proximité physique inter-individuelle, sur des
échanges dans la durée et une confiance réciproque progressivement établie au fil des contacts entre
les organisations et les équipes qui les composent. Dès lors, l’intérêt des réseaux sociaux sur Internet
peut d’emblée être considéré comme très limité puisqu’à l’opposé des valeurs quotidiennes des
professionnels. Caricaturons la perception qui peut en être faite : une forme d’amitié totalement
1
Les débats relatifs à la confidentialité des données, à leur utilisation, les appels aux boycotts et à la désinscription (avec notamment la
page «Comment détruire définitivement votre page Facebook»), le mea culpa récent de Mark Zuckerberg fondateur de Facebook ont
animé les communautés Internet, marketing et communication.
2
Cf. Badot, O. et Cova, B., (2009), Le néomarketing, reloaded, EMS.
1
Christophe Bénaroya - 2010
virtuelle et superficielle, une pure perte de temps et surtout de confidentialité, en somme un vrai
contre-sens commercial et marketing ! Cette position peut sembler extrême mais elle est totalement
légitime dans un contexte purement BtoB (core BtoB). En revanche, elle doit être entièrement revue
dès lors que la marque BtoB étend sa stratégie branding aux autres membres du centre d’achat dans
une perspective BtoBtoC, BtoAtoU, etc… En effet, le réseau social sur Internet n’est dès lors plus
utilisé dans le cadre de la relation directe professionnelle mais dans un environnement plus large
incluant d’autres parties prenantes. Dans le cadre d’une stratégie de visibilité de la marque étendue
aux différents publics dans une optique « pull », les réseaux sociaux pour les marques BtoB prennent
tout leur sens. Il s’agira même de soigneusement éviter les réseaux sociaux prétendument
professionnels (LinkedIn ou Viadeo) pour préférer les réseaux à orientation « consumer/end user »,
l’essentiel de la démarche s’adressant précisément à cette cible. La cible professionnelle doit être
préservée et traitée avec le même souci d’exigence, de sérieux et de professionnalisme. Les cibles
plus lointaines sont approchées pour générer un lien émotionnel, affectif, une réputation, une image
favorable auprès d’acteurs non clients directs mais potentiellement prescripteurs.
C’est dans ce contexte que l’entreprise Lafarge mérite d’être citée en exemple par son
investissement remarquable dans le web 2.03.
Leader des matériaux de construction, Lafarge réalise la production et le marketing de ses trois
activités stratégiques (le ciment, les granulats et bétons, le plâtre) dans plus de 79 pays et affiche un
chiffre d’affaires de 19 milliards d’euros. La plupart de ses clients sont des géants de la construction
comme EIFFAGE ou VINCI. Lafarge travaille avec mais également soumis au jugement de
nombreuses parties prenantes comme ses clients, les communautés, les organisations non
gouvernementales et ses actionnaires.
Dans un contexte de modification profonde du secteur des matériaux de construction avec
notamment la croissance des pays émergents, la problématique grandissante du changement
climatique et le soin constant apporté à la performance économique et la sécurité des employés,
Lafarge tâche de communiquer au mieux à destination de ces parties prenantes.
Les opportunités de croissance pour le groupe se trouvent sur les marchés émergents au MoyenOrient, Maghreb, Chine, Inde, Amérique du Sud, et Europe de l’Est, zones où précisément Facebook
et Twitter se développent le plus fortement. L’usage des réseaux sociaux en tant qu’outil de
communication se révèle pertinent et cohérent avec l’internationalisation son activité et le contexte
de prise en compte accrue du développement durable dans les activités industrielles. Lafarge a su
anticiper cette demande accrue pour la protection environnementale et la responsabilité citoyenne4.
Dans ce contexte, Lafarge souhaite saisir l’opportunité de communiquer sur ses engagements en
faveur de l’écologie et de l’innovation, auprès des parties prenantes et le grand public
particulièrement sensibles à ces notions.
Comparaison des réseaux sociaux et choix des réseaux communautaires à audience grand public
3
Pour aller plus loin, se reporter à l’étude de cas Lafarge dont s’inspire ce développement :
Bénaroya, Ch., (2010), Cas Lafarge : Les réseaux sociaux : puissant moyen de communication B2B, CCMP, Paris.
4
Malaval, Ph., Décaudin, J.-M. avec la collaboration de Bénaroya, Ch., (2009), Pentacom, Pearson Education.
2
Christophe Bénaroya - 2010
Facebook et Twitter révèlent de meilleurs atouts pour une communication d’entreprise, comparés à
LinkedIn et Viadeo (cf. tableau 1). Ces derniers ne disposent pas en effet de l’architecture adéquate
pour émettre des messages de principes, valeurs, missions, etc. Ils offrent des perspectives de
réseaux professionnels mais ne répondent pas aux exigences de la communication B to B, en termes
de supports et de fonctionnement. Par manque de visibilité (voir les statistiques du trafic) d’une part
et en raison d’une inadéquation avec un contenu et une structure multimédia d’autre part, ils se
destinent bien plus à une création de communauté ou d’un réseau professionnel qu’à une vitrine
institutionnelle où Lafarge puisse véhiculer efficacement ses valeurs et actions. Au contraire, Twitter
et Facebook jouissent de possibilités professionnelles permettant de véhiculer rapidement, tout en la
soutenant par du contenu visuel/auditif, des informations B2B. Le trafic, le nombre de membres et la
présence mondiale justifient également leur sélection.
Date de création
Taux de
croissance
annuel
Nombre
d’abonnés
Caractéristiques
professionnelles
principales
Trafic mensuel
Mise en œuvre
FACEBOOK
TWITTER
LINKEDIN
VIADEO
2004
2006
2003
2004
+ 188,67 %
+ 577,92 %
+ 89,08 %
+ 46,14 %
400 millions
50 millions
65 millions
25 millions
 Ciblage très poussé des publicités
 Recrutement possible directement
depuis la page du groupe
 Recherche de nouveaux partenaires /
clients, avec le moteur de recherche
interne
 Communiquer à propos d’évènements
professionnels et créer un « buzz »
 Améliorer les résultats via
l’optimisation des moteurs de
recherche : les pages Facebook sont
référencées sur Google.
 Création d’enquêtes et de
questionnaires
 Lier la page Facebook au site internet
de l’entreprise.
128 millions de visiteurs uniques
 Beaucoup de suiveurs
professionnels
 Contenu viral
 Personnes influentes sur le
web
 Relations fortes entre les
utilisateurs
 Possibilité de personnaliser
le visuel à l’image de
l’entreprise
 L’utilisation d’enquêtes et
de questionnaires est simple
 Lié au site internet de
l’entreprise
 Créer une
communauté ou des
groupes pour
échanger à propos de
votre marque, de vos
produits
 LinkedIn autorise
l’utilisateur à poser
des questions à la
communauté.
 Groupes créés par des
personnes ayant des
intérêts communs
 Espaces pour partager sur
des sujets spécifiques
 Clubs géographiques
 Doit également être
vivant
 Pas de personnalisation
avancée
23 millions de visiteurs uniques
15 millions de visiteurs
uniques
41 000 visiteurs uniques
 Équipe e-Marketing / ecommunication adaptable en fonction
des besoins
 Ressources informatiques simples
 Mise en ligne rapide après élaboration
du contenu
 Mise à jour instantanée et
collaborative (un administrateur et
plusieurs modérateurs)
 Équipe e-Marketing / ecommunication réduite en
raison du faible contenu
multimédia
 Ressources informatiques
simples
 Mise en ligne et mises à jour
instantanées et
collaboratives
 Utilisateur unique (la
plupart du temps)
 Ressources
informatiques
individuelles
 Mises à jour
instantanées et
partiellement
collaborative
 Utilisateur unique (la
plupart du temps)
 Ressources informatiques
individuelles
 Mises à jour instantanées
et partiellement
collaborative
Tableau 1. Comparaison des principaux réseaux sociaux5
Leader sur le marché des matériaux de construction (BtoB), Lafarge doit apporter de la valeur à ses
clients, afin d’être leur partenaire incontournable, fournisseur de solutions complètes pour la
construction. Le groupe doit être présent à l’esprit de tous, de l’employé au client de son client
(BtoBtoC). En choisissant les réseaux sociaux, l’entreprise utilise un moyen simple de rassembler les
5
Source : Bénaroya, Ch., (2010), Op. Cit.
3
Christophe Bénaroya - 2010
bonnes personnes autour d’un même sujet, et en parallèle,
entreprise qui évolue avec son environnement.
tout en donnant l’image d’une
L’information ne doit pas être diffusée brute sur Facebook ou Twitter. Elle doit être sélectionnée, sur
des sites majeurs, et postée en y ajoutant des commentaires annexes (comme le point de vue de
l’équipe communication de Lafarge) et des phrases d’accroches pertinentes. Des outils tels que Ping
(http://www.ping.fm/) offrent des solutions d’administration efficaces et gratuites pour gagner en
présence sur les différents réseaux sociaux (50 réseaux sociaux regroupés) tout en y accordant moins
de temps pour davantage se concentrer sur le contenu.
Lafarge a un talent reconnu pour créer de nouvelles générations de matériaux qui améliore les
performances des bâtiments en termes de résistance, de coûts ou d’environnement… Utiliser les
réseaux sociaux permet à l’entreprise de trouver de nouveaux clients, mais également d’attirer
l’attention des clients de ces derniers. Généralement, les informations de R&D se trouvent dans des
documents très spécifiques, comme dans des revues de presse scientifique, ou des documents émis
par le pôle marketing et ciblant les clients du groupe. Les partager sur Facebook et Twitter revient à
faire de la communication B to B to C. Les utilisateurs réagissent, commentent et partagent les
publications, créant ainsi un « buzz », incitant ainsi les clients de Lafarge à utiliser ces matériaux. Le
fait que les consommateurs soient de plus en plus impliqués dans les différentes étapes en amont
conduit à ce que la communication évolue au quotidien.
Les outils de communication comme les réseaux sociaux représentent une véritable opportunité en
termes d’e-Branding pour Lafarge en adoptant une perspective étendue (BtoBtoC) et en sortant du
pur cercle BtoB.
Exemples de communication Lafarge sur Facebook
a. Lafarge 2009 Highlights: une vidéo qui montre les principaux faits marquant du groupe en 2009.
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Christophe Bénaroya - 2010
b. Lafarge dans la lutte contre les changements climatiques
c. Participation au salon Batimat
Exemples de communication Lafarge sur Twitter
a. Lafarge dans la lutte contre les changements climatiques
b. Lancement de nouveaux produits
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Christophe Bénaroya - 2010