les proches impliqués dans une assistance au suicide

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les proches impliqués dans une assistance au suicide
LES PROCHES IMPLIQUÉS DANS UNE ASSISTANCE AU SUICIDE
Murielle Pott et al.
Médecine & Hygiène | Revue internationale de soins palliatifs
2011/3 - Vol. 26
pages 277 à 286
ISSN 1664-1531
Article disponible en ligne à l'adresse:
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http://www.cairn.info/revue-infokara-2011-3-page-277.htm
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Pour citer cet article :
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Pott Murielle et al., « Les proches impliqués dans une assistance au suicide »,
Revue internationale de soins palliatifs, 2011/3 Vol. 26, p. 277-286. DOI : 10.3917/inka.113.0277
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Murielle Pott
Professeure HES, infirmière
Haute école cantonale vaudoise de la santé, Lausanne
Julie Dubois
Assistante de recherche et d’enseignement
Haute école cantonale vaudoise de la santé, Lausanne
Revue internationale de soins palliatifs
2011 ; 26 (3) : 277-286
Les proches impliqués dans
une assistance au suicide
Revue
277
Thierry Currat
Chef de projet,
Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) – Service de soins palliatifs, Lausanne
Claudia Gamondi
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Résumé
Les proches impliqués dans une assistance au suicide – L’assistance au suicide en
Suisse, en perpétuelle augmentation depuis une vingtaine d’années, est au cœur de
nombreux débats, tant politiques que médiatiques et éthiques. La réflexion amorcée autour de cette
pratique est principalement centrée sur les personnes demandant une assistance au suicide, sur les
organisations les prenant en charge et sur le rôle du monde médical à cet égard. Les proches, quant à
eux, sont souvent mentionnés mais sont privés de rôles officiels, de droits ou de soutien particuliers lors
de la préparation à un suicide assisté et lors de son déroulement. Or, ils sont souvent très engagés dans
les soins et dans le soutien à la personne malade jusqu’à sa mort. Dès lors, cet article s’interroge sur
l’impact pour les proches d’une participation à un suicide assisté et sur la période de deuil qui s’ensuit.
Dans un premier temps, une revue de la littérature disponible sur cette problématique est présentée. Cette
dernière montre que très peu de chercheurs se sont penchés sur les proches et le suicide assisté,
notamment en Suisse. De plus, les études que nous avons recensées sont majoritairement basées sur
des méthodes quantitatives. Ces dernières, bien que fournissant des données fondamentales sur l’impact
du suicide assisté sur les proches, ne permettent pas de comprendre leur expérience. Ces premières
constatations nous ont amenés à proposer une étude sur la participation des proches à une assistance au
suicide en nous concentrant notamment sur les transformations de leurs représentations de la mort et sur
l’intégration de cette expérience dans leur histoire familiale.
Summary
Family members involved in assisted suicide – Assisted suicide in Switzerland,
which is in constant increase over the past twenty years, is the core of many
political, ethical and media debates.
The thoughts around this practice focus mainly on the persons asking for assisted suicide, on the organizations that take care of them, and on the role of the medical world regarding this practice. Close relatives
are often mentioned, but are deprived of any official role, of legal rights and of specific support during
the preparation and the process of assisted suicide. Yet, relatives are often very committed in the sick
person’s care and support until death. This article examines the impact of participation in assisted suicide
on close relatives and on their grief following death. First, a review of the available literature on the subject
is presented. It reveals that very few researchers looked into the role of relatives in assisted suicide,
particularly in Switzerland. Moreover, most studies were based on quantitative methods. While delivering
fundamental data on the impact of assisted suicide on relatives, quantitative methods don’t allow for an
understanding of their experience. These observations have led us to suggest a study on the participation
of close relatives in assisted suicide, focusing in particular on the transformations in their representations
of death and on the integration of this experience into their family history.
Correspondance :
Murielle Pott
Haute école cantonale vaudoise
de la santé
Avenue de Beaumont 21
1011 Lausanne, Suisse.
Tél. : + 041 (0)21 316 81 04
[email protected]
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Oncologue, médecin spécialiste en soins palliatifs
Institut oncologique de la Suisse Italienne (IOSI), Hôpital San Giovanni, Bellinzona
Introduction
B
ien que la pratique de l’assistance au suicide
et de l’euthanasie volontaire1 soit interdite
sur la majeure partie du globe, plusieurs pays
ont, depuis quelques années, légalisé ou dépénalisé
ces pratiques2 : les Pays-Bas en 2001, la Belgique en
2002 et le Luxembourg en 2008. Aux Etats-Unis,
les essais pour légaliser le suicide médicalement assisté ont échoué dans de nombreux Etats et seuls
trois l’ont légalisé : l’Oregon, depuis 1997, l’Etat de
Washington et l’Etat du Montana, depuis 2008.
Les conditions d’application de ces lois sont sensiblement les mêmes qu’il s’agisse de suicide médicalement assisté, d’euthanasie ou des deux ensemble.
La loi la plus restrictive est celle de l’Oregon dans
la mesure où le suicide médicalement assisté n’est
possible que si la personne qui le demande a un pronostic de six mois ou moins à vivre et qu’elle réside
dans l’Etat. Le Code pénal suisse, dans son article 115, ne punit pas l’assistance au suicide si elle
ne poursuit pas un mobile égoïste. Cet article, datant de 1918, a servi de justificatif à la création de
plusieurs associations militant pour le droit au sui1
Nous parlons ici d’euthanasie active directe (« homicide intentionnel dans le but d’abréger les souffrances d’une personne », à sa demande). L’euthanasie passive (renonciation
à ou interruption des mesures de maintien de la vie) et l’euthanasie active indirecte (administration de substances
pour réduire les souffrances, dont « les effets secondaires
sont susceptibles de réduire la durée de la survie »), pour
leur part, sont tolérées dans de nombreux pays d’Europe.
Pour plus d’informations, voir « Les différentes formes d’assistance au décès et leur réglementation légale », accès :
www.bj.admin.ch (page consultée le 5 août 2010).
2
La question fait débat dans de nombreux pays. Il semble
par exemple que l’Estonie ait légalisé cette pratique, mais il
n’existe à notre connaissance pas d’informations précises
quant aux conditions de cette pratique. Face à la complexité
de cette question et aux nombreux débats qu’elle suscite,
il est difficile de tenir à jour les données juridiques.
3
En 2009, après avoir préféré éviter de légiférer pendant des
années, le Conseil fédéral a finalement décidé en juin d’envoyer deux avant-projets de loi en consultation, l’un prévoyant
des restrictions légales et une surveillance médicale à la
pratique du suicide assisté et l’autre visant à interdire l’assistance organisée au suicide.
4
Pott M, Gamondi C, Currat T. Participer à un suicide assisté :
étude exploratoire sur l’expérience des proches et leurs représentations de la fin de vie, de la mort et du deuil, étude financée par le Réseau d’études appliquées de pratiques de santé
de réadaptation et (ré)insertion (RéSaR).
5
Ceci peut s’expliquer par le Code civil en rigueur, qui règlemente les relations du médecin avec son patient. Il faut souligner ici que la modification prochaine du Code civil (art.
434ss – Personnes incapables de discernement n’ayant
pas constitué de mandat : représentation par le parent le
plus proche en lieu et place de la gestion d’affaires par le
médecin) prévoit de confier les décisions concernant les
traitements, ou les arrêts de traitements, aux proches et
non plus aux médecins dans les cas où le patient n’aurait
plus sa capacité de discernement. Ces cas de figure ne
concernent bien sûr pas l’assistance au suicide.
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cide assisté. La Suisse est le seul pays où la participation d’un médecin n’est pas obligatoire et où
cette assistance n’est pas réglementée de manière
explicite jusqu’à ce jour.3 Cette pratique n’est
d’ailleurs pas considérée comme faisant partie de
l’activité médicale par l’Académie suisse des
sciences médicales.[1] Malgré le manque de données
au niveau national, on peut avancer que le suicide
assisté est en augmentation en Suisse depuis les années 1990.[2,3] Pourtant, les éléments qui ont provoqué l’émergence des mouvements militants, comme
l’acharnement thérapeutique, le paternalisme médical, l’impuissance devant la douleur des malades gravement atteints, ne se présentent plus avec la même
acuité, ni de la même manière. En effet, aujourd’hui,
la relation médecin-patient s’est beaucoup équilibrée,
permettant un meilleur partage de l’information et
une plus grande autonomie des patients vis-à-vis des
décisions médicales les concernant. De plus, l’évolution des traitements symptomatiques et le développement des soins palliatifs ont permis une nette amélioration des conditions de fin de vie. Malgré cela,
ces dernières sont encore perçues comme indignes
par de nombreuses personnes. La pression économique et médiatique sur les malades qui sont de plus
en plus âgés et atteints de plusieurs pathologies
tend à renforcer leur sentiment d’être un fardeau
pour l’entourage et la société. Notre équipe observe
et analyse le débat public en Suisse depuis quelques
années. Une première étude exploratoire[4] a été
réalisée au Tessin, visant à comprendre l’expérience
des proches impliqués dans une assistance au suicide.
Une deuxième étude,4 visant à saturer les données
sur l’implication des proches, est en cours en Suisse
latine. Cet article présente la revue de la littérature
qui a permis l’élaboration de la problématique de
cette deuxième étude.
Une des caractéristiques fondamentales du suicide
assisté est la place primordiale accordée à l’individu et à ses choix. Au nom du principe d’autonomie, compris comme une liberté fondamentale qui
autorise l’individu à disposer sans condition de luimême, la décision de mourir par suicide assisté reviendrait exclusivement à la personne malade.
Même si les proches sont fréquemment évoqués
dans les débats politiques et médiatiques, ainsi que
par les organisations d’assistance au suicide, ceuxci ne jouent aucun rôle défini et n’ont pas de pouvoir décisionnel.5 Ils n’ont pas de rôle ou de droit
particulier au sein des procédures des institutions
socio-sanitaires.[5] Ils ne sont informés de la demande
de suicide assisté que si le patient le souhaite et
peuvent donc rester en dehors du processus. Le malade est protégé des « mobiles égoïstes » des proches
par l’article 115 du Code pénal suisse. Légalement,
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A ceci s’ajoutent les divers dilemmes éthiques auxquels peuvent être confrontés les proches suite à une
demande d’assistance au suicide, dilemmes souvent
soulevés dans les débats publics autour de cette question et qui tournent essentiellement autour de deux
notions : la dignité et l’autonomie. La vision de ce
qu’est une fin de vie digne peut largement varier
selon le point de vue adopté et peut ne pas être partagée par le suicidant et ses proches ; ces derniers se
retrouvent alors tiraillés entre leur désir de soutenir
le suicidant et leur désir de le garder encore auprès
d’eux et de restaurer cette dignité perçue comme
perdue. Dans les discours des associations d’aide au
suicide, la dignité semble recouvrir l’idée d’une mort
sans souffrance, consciente et maîtrisée. Chez les
opposants au suicide assisté, la notion de dignité est
également présente mais est plutôt entendue comme
dignité inaliénable de l’être humain et ne peut donc
être diminuée. Entre ces deux interprétations du
terme, on trouve une large gamme de visions auxquelles peuvent s’identifier les proches. Par ailleurs,
dans une société qui s’individualise de plus en plus,
la notion d’autonomie est souvent élevée au rang
de valeur centrale. Les proches peuvent donc ne pas
soutenir a priori la décision de recourir à un suicide
assisté, mais l’accepter tout de même afin de respecter le choix de la personne malade. Sans les épuiser,
ces deux exemples permettent de donner une idée
des dilemmes auxquels sont confrontés les proches.
En définitive, les proches occupent donc principalement trois positions : soit ils n’apparaissent pas dans
le débat, soit ils sont perçus comme potentiellement
suspects, soit ils participent à la pacification de la
mort, en approuvant la décision du candidat au sui-
cide. Pourtant, quel que soit le lieu de la fin de vie,
la manière dont elle se déroule et le degré de spécialisation des équipes professionnelles, des proches
vont être impliqués dans les décisions prises sur la
manière de mourir et bouleversés par des questions
éthiques. Ils vont soigner et accompagner leur mourant, être présents lors de sa mort, organiser des rites
funéraires ou y participer et finalement entamer un
processus plus ou moins long de deuil et de retour à
une vie normale. Des études portant sur les soins
palliatifs à domicile montrent que, même si les professionnels peinent à intégrer les proches dans les
décisions à prendre,[7,8] ces derniers sont très engagés dans les soins qu’ils prodiguent et font preuve
de compétences pointues dans l’anticipation et la
gestion des crises.[9] On peut en déduire que la position et le rôle des proches sont donc nécessairement
problématiques lorsqu’ils sont impliqués dans une
assistance au suicide.
Revue de la littérature
Il existe peu de publications spécifiques sur l’implication des proches dans un suicide assisté. Par contre,
la littérature concernant le suicide et le deuil est très
abondante. Nous avons analysé la littérature sur le
suicide et le deuil en ne retenant que les éléments
généraux faisant consensus. Ensuite, afin de connaître
les problématiques les moins bien documentées
concernant les proches et le suicide assisté, nous
avons répertorié les publications existant sur le sujet
au travers d’une large recherche sur diverses bases
de données (MEDLINE, Francis, Cairn, Sociological abstracts).1
Deuil après un suicide
Bien qu’il existe des différences entre le suicide assisté et le suicide, il s’agit dans les deux cas de s’ôter
volontairement la vie. C’est pourquoi, il est utile,
lorsque l’on s’intéresse aux proches, de se pencher
sur ce que peut nous apprendre la littérature sur
l’impact du suicide sur le deuil des survivants. Au
préalable, il convient de rappeler quelles sont les
différences importantes qui existent entre le suicide
« conventionnel » et le suicide « assisté ». On constate
tout d’abord que les personnes ayant recours au suicide assisté ont classiquement un pronostic vital engagé à plus ou moins court terme et sont donc généralement proches de la mort, même si certaines études
6
Les mots-clés utilisés étaient : proches, suicide assisté, assistance au suicide, euthanasie, deuil (et leur traduction anglaise).
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le proche n’a donc pas de rôle, si ce n’est potentiellement négatif. Dans les procédures de suicide assisté,
l’attention est focalisée sur la personne malade et les
proches occupent une place secondaire. Les associations incitent le candidat à parler de sa démarche à
ses proches, qui sont invités à être présents au moment de la mort. Leurs inquiétudes sont canalisées
par les accompagnants des associations et ils sont protégés du spectacle d’une longue agonie, puisqu’ils
assistent à une mort « propre », organisée et rapide.
Le rôle des proches consiste à participer au processus de « pacification de la mort » ;[6] ils sont invités
à soutenir et à accompagner le candidat au suicide
dans sa démarche, comme une dernière preuve de
lien. En effet, la rhétorique des associations ancre
l’acceptation des proches dans l’amour qu’ils portent au suicidant et dans le respect de son autonomie. Une fois le suicide consommé et l’enquête sur
la mort violente terminée, les prestations des associations d’aide au suicide s’arrêtent.
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Revue
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ont montré cependant que les personnes d’un grand
âge et « fatiguées de vivre » sont de plus en plus nombreuses à recourir au suicide assisté.[3] La deuxième
est que la date du suicide est fixée à l’avance et la
plupart du temps connue par les proches, ce qui permet de « faire ses adieux ». La troisième différence
porte sur les moyens de mettre fin à ses jours : le suicide « conventionnel » est souvent violent, alors que
les moyens mis en œuvre pour un suicide « assisté »
visent avant tout à adoucir la mort pour le suicidant et pour son entourage. Enfin, le suicide assisté
laisse également une certaine place à la négociation
entre les différents protagonistes, dans la mesure où,
comme le mentionne Zala,[10] « donner suite à la
requête de la personne désirant anticiper sa mort
suppose un feu vert quant à sa réalisation. Le rôle
de l’entourage (…) réside davantage dans le déblocage de la situation pour que la personne mourante
puisse suivre sa voie. En ce sens, l’aval des proches
est fondamental pour la personne désirant être assistée » (p. 63). La littérature spécifique sur le deuil
après suicide est sujette à de nombreuses controverses.
On considère qu’il existe trop peu de données pour
fournir une théorie cohérente des mécanismes du
deuil après suicide. Néanmoins, il existe de nombreuses indications que le deuil après suicide présenterait un certain nombre de caractéristiques.
Range[11] définit quatre expériences de deuil spécifiques aux survivants de personnes suicidées : la stigmatisation, le reproche, la recherche de sens et la
sensation d’être incompris. La stigmatisation se manifeste par des préjugés, de la méfiance, de la peur, de
l’embarras et/ou des stratégies d’évitement. Plusieurs
auteurs[12,13] considèrent que la stigmatisation et
l’isolement sont des problèmes centraux chez les
proches de suicidés et que ces derniers sont vus de
manière plus négative par les autres et par euxmêmes. Une revue systématique de la littérature
conclut que, lorsque l’on considère des variables
spécifiques du deuil, les survivants de suicidés rapportent des niveaux de rejet, de honte, de stigmatisation, de besoin de cacher la cause de la mort et de
blâme plus élevés que les autres.[14] Cette même revue de la littérature estime néanmoins qu’il y a plus
de similarités que de différences dans les différents
processus du deuil. Ainsi, la question du deuil après
suicide reste ouverte, mais un certain nombre de
caractéristiques méritent d’être documentées, comme
le risque de stigmatisation, les reproches, la recherche
de sens et la sensation d’être incompris.
7
Du point de vue du profil sociologique des enquêtés, il est
intéressant de noter que les proches de personnes ayant
fait une demande de suicide assisté étaient moins religieuses et d’un niveau de formation plus élevé que ceux du
groupe contrôle.
Le deuil des proches après un suicide
assisté
Les spécificités du deuil des proches après suicide
assisté sont documentées dans une étude qui a eu
lieu en Oregon.[15] Elle s’est intéressée aux conséquences pour les proches d’une assistance au suicide.
En préambule, l’équipe de recherche rappelle que
seule une demande sur six en Oregon est acceptée.
Le plus souvent les proches soutiennent le choix
des patients, l’opposition des familles est un facteur
qui permet de prédire quels seront les patients auxquels ne sera finalement pas accordée une ordonnance. L’étude a mesuré la sévérité des symptômes
de deuil, l’utilisation des services de santé mentale
et les cas de dépression. L’objectif secondaire était
de comparer ces résultats avec ceux de personnes
dont les proches n’ont pas eu recours à l’assistance
au suicide (groupe contrôle). Cette étude a montré
que les taux de dépression et de troubles liés au deuil
étaient comparables à ceux du groupe contrôle. En
revanche, les familles de proches décédés par suicide assisté semblaient mieux préparées, moins déçues des opportunités de traitement et avaient plus
souvent le sentiment que les préférences du patient
avaient été respectées.7 Une étude récente, menée
en Suisse auprès de personnes ayant accompagné
un suicide assisté, est arrivée à des conclusions un
peu différentes.[16] En effet, les résultats ont montré
que la prévalence de syndrome de stress post-traumatique dans cette population était plus élevée que
dans la population générale. En revanche, le taux
de deuils compliqués chez les personnes ayant pris
part à un suicide assisté était semblable à celui de la
population générale.
Il semble que la possibilité de faire ses adieux, de
parler de la mort librement et de régler d’éventuels
conflits anciens ou présents permette de faire une
sorte de « deuil anticipé » et soit un déterminant important de symptômes de deuil moindres par la
suite.[10,17] En effet, dans le cas du suicide assisté, le
choc de l’annonce du décès a lieu avant la mort,
dans la phase d’accompagnement. Du coup, la première phase du deuil se fait avant. Ensuite, le deuil
post mortem est surtout caractérisé par « la réalisation
et l’incorporation de ce qui s’est passé » (p. 80).[10]
Ainsi, il semble que ce deuil anticipé n’empêche
pas un deuil post mortem caractérisé par un sentiment de vide et de nostalgie induits par l’intensification relationnelle qui a caractérisé la période menant
au décès. De plus, cette pratique étant encore assez
peu répandue, le proche (ou les proches) se retrouve
seul à devoir expliquer à l’entourage les circonstances
de la mort, ce qu’il préfère d’ailleurs parfois éviter
par peur des réactions négatives ou de l’incompré-
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Les proches impliqués dans une assistance au suicide
L’avis des proches sur les motivations
d’un suicide assisté
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Pour mieux comprendre la manière dont est vécu
un suicide assisté, il est important de connaître également les arguments mis en avant par les proches
pour justifier le suicide. Une étude[18] a interrogé les
proches de 83 personnes ayant manifesté leur souhait d’une assistance au suicide aux Etats-Unis. Les
proches étaient définis comme des personnes connaissant le patient depuis plus de quatre ans et s’en étant
largement occupé au cours des derniers mois de sa
vie. La méthode consistait à prendre position sur 28
raisons pouvant expliquer la demande d’assistance
au suicide et sur la cause principale de la demande.
Les raisons les plus importantes étaient : le désir de
contrôler les circonstances de sa mort ; la perte de
dignité ; l’envie de mourir à la maison et la crainte
de perdre son indépendance, sa qualité de vie et sa
capacité à prendre soin de soi. Les symptômes physiques éprouvés au moment de la demande ne jouaient
pas un grand rôle, par contre ils étaient plus présents
dans les craintes quant au futur. On constate avec
cette étude que les symptômes physiques, tels qu’une
douleur intolérable, ne représentent pas la cause première d’une demande de suicide assisté. Une revue
de la littérature sur cette thématique a par ailleurs
montré des résultats similaires.[19]
L’implication des proches
D’autres études documentent l’accompagnement
d’un candidat au suicide assisté. La plupart des personnes qui souhaitent demander une assistance au
suicide en parlent en premier lieu à leurs proches et
ces derniers se trouvent souvent être la première
source de soins et de soutien tout au long de la démarche.[20,21] Une des rares études qualitatives qui
s’intéresse à l’expérience des proches dans le cadre
de l’assistance au suicide[10] met au jour les mécanismes qui vont permettre aux proches d’admettre
la décision de la personne mourante et de la soutenir, qu’ils adhèrent ou non à cette décision. Si « cette
solution (est) envisageable, voire confortable avant
tout pour la personne souhaitant partir » (p. 30),[10]
la tolérance, le respect pour l’autre et l’identification à la personne qui souhaite mourir aident les
proches à la suivre dans sa démarche. Une des particularités de l’assistance au suicide[10] est que la
mort est le résultat d’une décision constante et peut
être préparée non seulement par le patient lui-même
mais aussi par les proches. L’implication des proches
est très spécifique dans le contexte d’une assistance
au suicide. Que la famille soit d’accord ou non avec
la demande du patient, l’implication émotionnelle
des proches commence au moment de la première
demande de suicide assisté et, comme le temps et
les préparatifs avancent, elle devient de plus en plus
visible et significative. Il existe en fait trois étapes
distinctes pour les proches, comme l’explique Zala.[10]
La première a lieu avec l’évocation du suicide assisté
par la personne malade. A ce stade, l’engagement des
proches est qualifié de « sympathisant » par l’auteure
de cette étude dans la mesure où le suicide assisté
n’est qu’évoqué et demeure une éventualité plus ou
moins lointaine. De plus, l’espoir d’une guérison ou
d’un renoncement à anticiper la mort sont encore
présents. La deuxième étape commence lorsqu’une
date pour l’assistance au suicide est fixée. A ce moment-là, le moment de la mort cesse d’être indéterminé et devient certain, éliminant ainsi tout espoir.
Le fait de fixer la date de la mort est l’une des spécificités majeures du suicide assisté et débouche sur une
période d’intensification relationnelle orchestrée par
le mourant, pendant laquelle les proches se retrouvent dans un rôle de « spectateur engagé ».[10] Enfin,
lors de la dernière étape, ont lieu l’assistance au suicide elle-même et la période de deuil qui la suit. La
mort ayant été annoncée et fixée à l’avance, on peut
imaginer qu’une sorte de deuil anticipé ait lieu avant
le décès facilitant ensuite le travail de deuil post mortem, mais comme le souligne Zala « le pathos rendu
latent pendant le processus du « mourir » éclate et
envahit le survivant lorsque cette perte est intégrée
dans son esprit, souvent de manière inattendue et
violente, bien qu’il s’agisse d’une mort annoncée.
D’une certaine manière, le chagrin de cette perte
imminente, « étouffé » ou « déguisé » pendant l’accompagnement, est transposé vers l’après » (p. 81).
L’assistance au suicide pose aussi des questions sur
sa légitimation auprès des proches et de l’équipe soignante. Des conflits entre les patients et leurs proches,
à l’intérieur de la famille ou entre les proches et
l’équipe soignante peuvent aussi se manifester dans
cette situation.[22]
Une étude qualitative au sujet de 35 familles[20] a
étudié comment l’engagement des proches avait été
modifié par l’option prise par la personne malade
d’anticiper la survenue de la mort. L’étude repère différents niveaux d’implication dans la préparation
et la réalisation du suicide assisté. L’intérêt de cette
étude est d’avoir été menée aux Etats-Unis dans
des Etats interdisant la pratique du suicide assisté
et dans des Etats le permettant. Dans les premiers,
les proches ont relevé bien sûr plus de problèmes
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hension dont cette démarche pourrait faire l’objet.[10]
Nous retrouvons ici les constatations faites pour les
deuils consécutifs à des suicides « conventionnels ».
281
Revue
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En Suisse, Bosshard[24] s’est intéressé au désaccord
entre le suicidant et ses proches. Sur 101 dossiers de
suicides assistés où l’avis des proches est indiqué, il
apparaît qu’ils adhèrent à la décision du suicidaire
dans 75% des cas, que 6% sont ambivalents, que 14%
des candidats au suicide n’ont pas de proche et que
5% des proches sont en désaccord avec la décision
de suicide assisté. En Oregon, aux Etats-Unis, une
étude portant sur un nombre de cas comparable
(98) fait état de 19% de proches ambivalents et 30%
de proches opposés au suicide assisté.[18] Ces chiffres
laissent envisager que le rôle de proche de personne
décédée par suicide assisté peut être difficile à vivre.
Discussion
La revue de la littérature a montré que la question
de l’assistance au suicide ou de l’euthanasie est largement évoquée dans les publications concernant
la gestion de la fin de vie, mais qu’il existe très peu
de recherches s’intéressant aux proches de personnes décédées suite à une assistance au suicide.
Les études disponibles tendent à montrer que le
deuil après un suicide assisté n’est pas plus problématique qu’un autre. Les quelques études sur la participation des proches à un suicide assisté mettent
en évidence que la phase de préparation est très
intense d’un point de vue relationnel et que la mort
est le résultat d’une décision constante. Les motivations des suicidants s’inscrivent moins dans des souffrances intolérables que dans une crainte de perdre
leur dignité. Les proches relèvent des aspects négatifs et positifs dans leur implication qui se traduit
par une prise de distance pour certains et un défi à
relever pour d’autres. La recherche de soutien lors
de la phase de deuil est plus difficile, du fait de la
rareté de cette pratique et de la crainte de ne pas
être compris. Les impacts psychologiques de l’implication des proches sont sensiblement les mêmes, à
l’exception du syndrome de stress post-traumatique.
Les publications analysées dans cet article sont principalement basées sur des méthodes quantitatives.
Les études concernant notamment le deuil des
proches après un suicide assisté,[15-17] bien qu’elles
apportent des informations précieuses sur les aspects
cliniques du deuil après un suicide assisté, ne permettent pas d’avoir une compréhension en profondeur de l’expérience des proches. Certaines études
ont permis de mesurer l’évolution de la pratique du
suicide assisté en Suisse allemande[2,3] et les caractéristiques sociodémographiques des personnes qui
y font appel et de leurs proches.[2,3,15-18,21,24]. L’implication des proches dans un suicide assisté est
l’objet de recherche qui a induit la plus grande variété
de méthodes. En effet, cette thématique a inspiré
tant des études quantitatives que qualitatives et des
textes théoriques,[10,20,24] mettant en lumière le rôle
central des proches dans les procédures d’assistance
au suicide et dans l’accompagnement en fin de vie,
quel que soit le pays étudié. Ces études révèlent
également les difficultés tant pratiques que morales
auxquelles ils sont confrontés. La revue de la littérature met en évidence que l’expérience des proches
impliqués dans un suicide assisté reste un champ
d’études à documenter.
Conclusion
L’analyse des arguments développés dans le débat
public en Suisse et la revue de la littérature effectuée
démontrent l’importance de mieux comprendre l’implication des proches sous l’angle de leur participation à une assistance au suicide. En effet, les conditions du mourir ont profondément changé depuis
l’émergence des premières revendications du « droit
à la mort » et on constate pourtant une augmentation des adhésions aux associations d’aide au suicide et une augmentation des demandes. Le profil
des personnes qui vont jusqu’au bout de la démarche
change : ce sont principalement des femmes, des personnes âgées et des personnes souffrant de pathologies chroniques. D’un point de vue anthropologique,
l’assistance au suicide présente des caractères innovants, comme la programmation explicite de sa
propre mort avec l’aide d’une association. Mais cette
pratique est loin de faire l’unanimité en Suisse. Les
arguments éthiques mis en avant éclairent les différentes facettes du problème, mais posent plus de questions qu’ils n’en résolvent et portent essentiellement
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moraux et pratiques. Par ailleurs, des avantages ont
été relevés par rapport à ces demandes de mort anticipée, comme la nécessité de parler de la mort prévue, de faire le bilan de sa vie et la possibilité d’échanger sur la meilleure manière de mourir ou de régler
d’anciennes dissensions. Par contre, la mise en pratique de cette « bonne mort » a mis en évidence des
difficultés morales qui ont poussé certaines familles
à prendre de la distance alors que d’autres ont vécu
cela comme un défi à relever. Les personnes interrogées ont souligné qu’elles étaient mal préparées à
ce nouveau rôle et qu’elles avaient besoin du soutien
de professionnels ou d’associations. Elles ont relevé
leur souci des conséquences légales et le risque de
stigmatisation sociale. Ceci les a empêchées de
chercher du soutien lors de la phase de deuil, comme
d’autres auteurs l’ont également montré.[23]
Les proches impliqués dans une assistance au suicide
avec l’idée de laisser la mort advenir. L’amour peut
ne pas être perçu comme la clé de l’adhésion, mais
au contraire comme le moteur du refus de participer.
Ces premiers résultats nous poussent donc à aller
plus avant dans l’exploration de la participation des
proches à une assistance au suicide. Impliqués dans
une mort programmée, nous faisons l’hypothèse
qu’ils voient leurs représentations de la mort se transformer et doivent intégrer cette expérience dans leur
histoire familiale.
Lecteurs
Michel Castra, Université de Lille 1, bâtiment SH2
– bureau 207, 59655 Villeneuve-d’Ascq Cedex,
France. Courriel : [email protected].
Marie Beaulieu, Université de Sherbrooke, Département de service social, 1036, rue Belvédère Sud,
Sherbrooke (Québec) Canada.
Courriel : [email protected].
Simone Pennec, Université de Bretagne Occidentale, 20 Rue Duquesne – CS93837, F 29238 Brest,
Cedex 3, France.
Courriel : [email protected].
Bibliographie
1. ASSM. Prise en charge des patientes et patients en fin de vie : directives médico-éthiques de l’ASSM. 2004 [5 août 2010] ; Available from :
www.assm.ch
2. Bosshard G, Ulrich E, Bar W. 748 cases of suicide assisted by a Swiss
right-to-die organisation. Swiss Med Wkly 2003;133:310-7.
3. Fischer S, Huber CA, Imhof L, et al. Suicide assisted by two Swiss
right-to-die organisations. J Med Ethics 2008;34:810-4.
4. Gamondi C. Le vécu des proches après un suicide assisté. In : Pott M,
Dubois J, eds. Parcours de fin de vie et dispositifs de prise en charge : le
point de vue croisé de tous les acteurs concernés. A paraître : IES,2011.
5. Wasserfallen JB, Chiolero R, Stiefel F. Assisted suicide in an acute care
hospital : 18 months’ experience. Swiss Med Wkly 2008;138:239-42.
6. Castra M. Les soins palliatifs et l’euthanasie volontaire : l’affirmation de
nouveaux modèles du « bien-mourir ». In : Pennec S, ed. Des vivants et
des morts. Des constructions de la « bonne mort ». Brest : ARS-CRBC,
Université de Bretagne Occidentale, 2004;113-20.
7. Pasche G. Situations « lourdes » : relations conflictuelles dans les services d’aide et de soins à domicile. In : Cresson G, Drulhe M, Schweyer
F-X, eds. Coopérations, conflits et concurrences dans le système de
santé. Rennes : ENSP, 2003.
8. Pott M, Bittle D, Solioz E. Soins palliatifs en réseau et patients âgés :
quelle autonomie pour eux ? Recherche en soins infirmiers 2003;75:53-9.
9. Pott M, Foley RA, Seferdjeli L. Les soins palliatifs à domicile : quand les
logiques soignantes et les logiques domestiques doivent faire face à la
mort. Colloque international : «Age et pouvoir : vieillir et décider dans la
cité ». Rouen, France, 2008.
10. Zala M. Chronique d’une mort volontaire annoncée : l’expérience des
proches dans le cadre de l’assistance au suicide. Fribourg : Academic
Press Fribourg, 2005.
11. Range LM. When a loss is due to suicide : Unique aspects of bereavement. In : Harvey JH, ed. Perspectives on loss : A sourcebook. Philadelphia : Brunner/Mazel, 1998.
12. Jordan JR. Is suicide bereavement different ? A reassessment of the
literature. Suicide Life Threat Behav 2001;31:91-102.
13. Knieper AJ. The suicide survivors grief and recovery. Suicide Life
Threat Behav 1999;29:353-64.
14. Sveen C-A, Walby FA. Suicide survivors’ mental health and grief reactions : A systematic review of controlled studies. Suicide Life Threat
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15. Ganzini L, Goy ER, Dobscha SK, Prigerson H. Mental health outcomes
of family members of Oregonians who request physician aid in dying. J
Pain Symptom Manage 2009;38:807-15.
16. Wagner B, Müller J, Maercker A. Death by request in Switzerland :
Posttraumatic stress disorder and complicated grief after witnessing
assisted suicide. Eur Psychiatry 2010;sous presse.
17. Swarte NB, Van der Lee ML, Van der Bom JG, Van den Bout J, Heintz
PM. Effects of euthanasia on the bereaved family and friends : A cross
sectionnal study. Br Med J 2003;327:1-5.
18. Ganzini L, Goy ER, Dobscha SK. Why Oregon patients request assisted death : Family members’ views. J Gen Intern Med 2008;23:154-7.
19. Dees M, Vernooij-Dassen M, Dekkers W, van Weel C. Unbearable suffering of patients with a request for euthanasia or physician-assisted
suicide : An integrative review. Psychooncology 2010;19:339-52.
20. Starks H, Back AL, Perlman RA, et al. Family member involvement in
hastened death. Death Studies 2007;31:105-30.
21. Georges JJ, Onwuteaka-Philipsen BD, Muller MT, et al. Relatives’ per­
spective on the terminally ill patients who died after euthanasia or physician-assisted suicide : A retrospective cross-sectional interview study
in the Netherlands. Death Studies 2007;31:1-15.
22. Kimsma GK, van Leeuwen E. The role of family in euthanasia decision
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23. Doka KJ. Ethics, end-of-life decisions and grief. Mortality : Promoting
the interdisciplinary study of death and dying. Oxon UK : Routledge,
2005;10:83-90.
24. Bosshard G, Ulrich E, Ziegler SJ, Bar W. Assessment of requests for
assisted suicide by a Swiss right-to-die society. Death Studies 2008;
32:646-57.
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sur la liberté des candidats au suicide. L’autonomie
et le libre consentement des proches sont rarement
évoqués. Au cœur des institutions sanitaires, des
procédures se mettent en place afin de traiter les
demandes de résidants ou de patients. Dans le champ
de la mort, professionnels des soins palliatifs et militants des associations d’aide au suicide proposent des
modèles concurrents du « bien mourir ». Les proches
apportent aide et soutien, mais ils restent périphériques dans les procédures élaborées pour permettre
l’accès à un suicide assisté. Une fois le suicide réalisé, commencent pour eux la mise en place des rites
funéraires et la phase de deuil. Les premiers résultats d’une étude en cours[4] montrent que l’extériorisation de l’idée suicidaire peut émerger à la fois au
sein de la famille, auprès des amis et des professionnels. Les négociations autour de l’adhésion peuvent
se dérouler en parallèle. Ainsi, les amis et les professionnels peuvent être impliqués dans cette « préméditation » de la mort. La place dans la famille
(conjoint, sœur, enfant) module le discours au sujet
de la participation au suicide assisté. Lorsque les
proches sont opposés à l’idée du suicide, les arguments avancés par les deux parties montrent en
creux une alternative entre une mort « esthétique »
revendiquée par le candidat versus une mort « marginale » crainte par les proches. Le choix du suicide
assisté répond à une logique du « faire » incompatible
283
Revue
284
Annexe 1
Méthodologie et critique des études retenues pour cet article
Auteurs
Méthodologies
Critiques
Statistiques sur le
suicide assisté en
Suisse
Bosshard, et al., 2003 Etude quantitative analysant tous les
dossiers tenus par Exit deutsche
Schweiz des personnes ayant eu
recours à une assistance au suicide
entre 1990 et 2000 (n = 748).
Méthodologie claire. Donne des
indications sociodémographiques
importantes sur les personnes ayant
recours à Exit deutsche Schweiz
et Dignitas. Donne une idée de
l’évolution du nombre d’assistances
au suicide en Suisse allemande au
cours du temps
Fischer, et al., 2008
Analyse quantitative de tous les cas
de suicide assisté par les
organisations Exit deutsche Schweiz
et Dignitas entre 2001 et 2004
investigués par l’Institut de médecine
légale de Zurich (n = 421)
Ces données ont ensuite été
comparées avec celles de l’étude
de Bosshard (2003)
Méthodologie claire. Donne des
indications sociodémographiques
importantes sur les personnes ayant
recours à Exit deutsche Schweiz
et Dignitas
Deuil après suicide
Range, 1998
Article théorique sur les aspects
particuliers du deuil après suicide
Permet un aperçu des aspects
particuliers du deuil après suicide Contient des recommandations
pour les thérapeutes confrontés
à ces personnes
Jordan, 2001
Revue de la littérature considérant
les deuils après suicide comme
différents des autres
Pas d’explication sur la méthodologie
utilisée pour répertorier les articles
cités. Ne prend délibérément en
compte qu’un seul point de vue sur
les deuils après suicide. Donne
néanmoins une bonne vision des
études ayant porté sur cette
problématique
Knieper, 1999
Revue de la littérature sur le deuil
après suicide, en particulier la
littérature relative à la différence
entre le soutien perçu et le soutien
reçu par les proches d’une personne
suicidée
Pas d’explication sur la méthodologie
utilisée pour répertorier les articles
cités. Permet d’avoir un état des
lieux de la question et donne des
recommandations aux professionnels
de la santé mentale
Sveen & Walby, 2007
Revue systématique de la littérature
sur les réactions des survivants de
suicide comparés aux survivants
d’autres modes de mourir (n = 41)
Bases de données utilisées :
PsychINFO et MEDLINE
Méthodologie claire. Donne un large
panorama du débat sur les différences
existant ou non entre le deuil après
d’autres types de mort
Le deuil des proches
après un suicide assisté
Ganzini, et al., 2009
Analyse statistique. Etude portant
sur 95 proches de personnes ayant
explicitement demandé une assistance
au suicide en Oregon. Parmi eux,
59 proches de patients ayant reçu
une prescription pour la potion létale
et 36 proches de 32 patients morts
après avoir ingéré la potion. Présence
d’un groupe contrôle composé de
personnes dont le proche n’avait pas
fait de demande d’assistance au
suicide
Méthodologie claire. Donne une
bonne vision des caractéristiques
socio-économiques et démogra-
phiques des personnes demandant
une assistance au suicide et de leurs
proches. La méthode quantitative ne
permet cependant pas une analyse
fine du vécu des proches dans le
contexte de l’assistance au suicide
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Thèmes
Les proches impliqués dans une assistance au suicide
285
Annexe 1 (suite)
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Thèmes
Auteurs
Méthodologies
Critiques
Le deuil des proches
après un suicide assisté
(suite)
Wagner, et al., 2010
Etude quantitative. Enquête par
questionnaire auprès de 85 proches
de personnes ayant bénéficié d’un
suicide assisté. Personnes recrutées
par l’intermédiaire des dossiers tenus
par Exit deutsche Schweiz et
répertoriant les personnes présentes
au moment du suicide assisté.
L’évaluation du syndrome de stress
post-traumatique s’est faite au
moyen de l’Impact of Event Scale-
Revised (IES-R), celle du deuil
compliqué avec l’Inventory of
Complicated Grief-SF (ICG) et celle
de la dépression avec le Brief
Symptom Inventory (BSI)
Méthodologie très détaillée. Premier
article à traiter d’un point de vue
psychologique de la question du deuil
des proches après un suicide assisté
en Suisse
Swarte, et al., 2003
Etude quantitative. Questionnaires
Méthodologie claire. Permet une
passés aux proches de 58 patients
comparaison intéressante avec
morts par euthanasie dans un hôpital l’article de Wagner, et al. (2010)
hollandais (n = 189) ainsi qu’aux
proches de 114 patients contrôles
morts de mort naturelle dans le
même hôpital (n = 392)
L’avis des proches
sur les motivations
d’un suicide assisté
Ganzini, et al., 2008
Etude transversale quantitative portant
sur les proches de 83 personnes en
fin de vie d’Oregon ayant explicite-
ment demandé une assistance au
suicide (52 personnes avaient reçu
la prescription et 32 sont morts par
suicide assisté)
Méthodologie claire. Met en lumière
que ce sont d’abord le désir de
contrôler sa mort et la crainte d’une
mauvaise qualité de vie, plus que la
crainte des douleurs présentes ou
futures qui amènent à faire une
demande d’assistance au suicide
Dees, et al., 2009
Revue intégrative de la littérature
(publications empiriques et théoriques)
prenant en compte les publications
définissant la souffrance en général
et dans les situations de fin de vie,
ainsi que celles contenant des
définitions de la souffrance dans le
contexte de l’assistance au suicide
(55 publications retenues)
Méthodologie très claire et détaillée
Souligne le manque de recherche
concernant les proches. Cette étude
montre également que les méthodes
de recherche les plus adaptées pour
aborder ce type de question et
explorer des sujets à dimension
hautement subjective sont nécessai-
rement qualitatives. Dans ce contexte,
les entretiens individuels sont recom-
mandés comme étant la technique
la plus adéquate
La participation
des proches
Starks, et al., 2007
Etude qualitative. Entretiens semi-
directifs menés avec les familles de
35 personnes ayant demandé une
mort accélérée, dans les Etats de
l’Oregon et de Washington (n = 48)
Méthodologie claire. Un des rares
articles à s’intéresser aux consé-
quences pour les familles d’une
mort accélérée telle que le suicide
assisté. Souligne l’importance de
reconnaître les besoins de ces
familles et de les soutenir
Georges, et al., 2007
Analyse quantitative d’entretiens
menés auprès de 87 proches de
patients décédés par euthanasie
ou suicide assisté en Hollande
Méthodologie très claire. Montre
que l’évocation du suicide assisté
auprès des proches se fait très tôt
dans la maladie. Permet de connaître
les raisons invoquées pour demander
une assistance au suicide
Kimsma et Leeuwen,
2007
Article théorique sur les effets de la
pratique de l’euthanasie et du suicide
assisté sur les patients, les médecins
et les familles, en Hollande Article amenant des pistes de réflexion
intéressantes sur l’impact émotionnel
des demandes d’euthanasie/suicide
assisté sur les personnes concernées
(patients, médecins, familles)
.
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Méthodologie et critique des études retenues pour cet article
Revue
286
Annexe 1 (suite)
Thèmes
Auteurs
Méthodologies
Critiques
La participation
des proches
Doka, 2005
Article théorique sur l’impact des
décisions en fin de vie sur le deuil
Article amenant des pistes de réflexion
intéressantes sur l’importance du
contexte dans lequel ont lieu la prise
de décision et le décès sur le vécu
du deuil
Bosshard, et al., 2008 Etude quantitative. Analyse de 114
dossiers, tenus par Exit deutsche
Schweiz, de membres ayant demandé
une assistance au suicide
Méthodologie très claire. Première
étude en Suisse à s’intéresser à
l’évaluation de la dépression des
candidats au suicide par les accom-
pagnateurs d’Exit et à la position de
la famille sur l’assistance au suicide
Zala, 2005
Critères d’inclusion discutables,
comme le fait de ne jamais avoir
accompagné un mourant. Surrepré-
sentation des hommes dans
l’échantillon
Etude qualitative. Entretiens menés
auprès de proches de personnes
ayant bénéficié d’une assistance au
suicide
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Méthodologie et critique des études retenues pour cet article