LA 1 - Le blog de Jocelyne Vilmin

Transcription

LA 1 - Le blog de Jocelyne Vilmin
La scène d’exposition
C’est le début d’une pièce de théâtre dans laquelle l’auteur fournit au spectateur les renseignements
nécessaires à sa compréhension.
Elle répond en partie aux questions : qui ? quoi ? où ? quand ? comment ?
Elle est un exemple de la double énonciation au théâtre :
Définition : au théâtre, le discours est marqué par une double énonciation : les personnages se parlent entre
eux mais ils parlent aussi à l’intention du public . mais en général, le public n’entre pas, n’intervient pas dans le
dialogue qui se déroule sur scène entre les personnages, exception faite du cas des apartés et du monologue.
En effet en l’absence de narrateur, ce sont les personnages qui , dans leurs conversations sur scène , doivent
convoyer l’information.
La scène d’exposition obéit à deux impératifs : elle doit éclairer et intriguer, donner et retenir l’information, la
distiller.
Lecture analytique I
Question : Quelles sont les fonctions de cette scène d’exposition ?
Introduction : (elle est longue mais elle vous donne les informations nécessaires sur l’auteur et son œuvre)
Présentation de l’auteur et de l’œuvre : Albert Camus, auteur du XXe siècle, s’est illustré dans différents
genres : romans, théâtre, essais philosophique ; il a aussi pratiqué le journalisme pour L’Alger républicain, puis
Paris soir et pendant la guerre, pour Combat, journal clandestin. Son œuvre littéraire et philosophique reflète
l’engagement de l’écrivain et ses réflexions philosophiques. Dans un premier cycle sur l’absurde composé d’un
roman, L’Étranger, de deux pièces de théâtre, Caligula et Le Malentendu et d’un essai, Le Mythe de Sisyphe,
Camus met en œuvre l’idée que l’homme est en butte à l’absurdité de l’existence : puisque le monde dans
lequel l’homme vit est le seul, il n’y a pas d’au-delà, il lui faut connaître le bonheur dans la communion avec le
monde sensible ; pourtant, la vie lui apparaît comme privée de sens : comme Sisyphe, condamné à pousser
éternellement son rocher, l’Homme est voué à subir un enchaînement automatique d’expériences absurdes.
Mais c’est paradoxalement dans la prise de conscience de cette situation qu’il est libéré car, délivré de toute
illusion, il peut alors chercher le bonheur en goûtant le présent. Suivra le cycle de la révolte. Car même si le
monde n’a pas de sens, l’Homme ne saurait se passer d’une éthique ni renoncer à l’action. Pour Camus, la
révolte naît spontanément dès que quelque chose d’humain est nié, opprimé; elle s’élève par exemple contre la
tyrannie et la servitude. Parce que la révolte n’est pas un principe abstrait mais l’action nécessairement limitée
d’un individu, elle représente, pour Camus, la seule «valeur médiatrice» grâce à laquelle l’absurde peut être
provisoirement dépassé : « Je me révolte donc nous sommes ». Les œuvres composant ce cycle sont un roman,
La Peste, un essai philosophique, L’Homme révolté et une pièce de théâtre, Les Justes. Camus pensait
poursuivre par un autre cycle, celui sur l’amour mais sa mort brutale ne lui aura pas permis de mener ce projet.
Seul le roman inachevé Le Premier Homme peut donner une idée des intentions de l’écrivain.
- la pièce, Les Justes : Cette œuvre fut écrite quelques années après la guerre et jouée au théâtre le 15
décembre 1949 pour la première fois. Cette pièce de théâtre composée de cinq actes, sans découpage de
scènes, s’inspire d’événements réels qui se sont déroulés au début du XX° siècle : l’attentat commis par un
groupe terroriste révolutionnaire social en février 1905 contre le grand-duc russe Serge, oncle du tsar. Camus a
tenté de rendre le plus vraisemblable possible ces faits au théâtre, par la reproduction de certaines scènes qui
se sont véritablement déroulées, et le respect des noms de certains des protagonistes, Kaliayev et Dora. « Je
ne l’ai pas fait par paresse d’imagination » dit-il, « mais par respect et admiration pour des hommes et des
femmes, qui, dans la plus impitoyable des tâches, n’ont pas pu guérir de leur cœur. ».
La structure de la pièce, Les Justes, permet de suivre les actions, les sentiments, les doutes des personnages
autour d’un événement terroriste, l’attentat contre le grand-duc. De la préparation à la mort finale du héros, la
question se pose de la légitimité de l’acte terroriste : une vie donnée remplace-t-elle une vie prise ? Quelles
limites doit-on imposer à la lutte contre le despotisme, pour un idéal ?
- présentation de l’extrait : la pièce commence alors que deux personnages, Dora et Annenkov retrouvent
Stepan, un de leurs camarades révolutionnaires revenu d’exil. Nous verrons comment cette première scène
remplit les fonctions d’une scène d’exposition en nous informant sur le lieu et le moment, les personnages et
les circonstances de l’action. Nous analyserons dans une deuxième temps comment le climat tragique est mis
en place.
I - Une scène d’exposition
a) le lieu et le moment
 un décor assez anonyme
b) les personnages
- sur scène : 3 personnages, Annenkov, Dora et
Stepan dont le dialogue va nous permettre de
commencer à les cerner
- Annenkov : appelé « Boria » par ses camarades,
il est le chef du groupe. C’est lui qui apprend à
Didascalies initiales : « L’appartement des terroristes. Le
matin. »
Allusion à la Russie : l. 25 par exemple
- « Tu es le chef, Boria », l. 31
- « Depuis un mois, deux des nôtres étudient les
Stepan où en sont les préparatifs de l’attentat.
C’est lui aussi qui décide du rôle des uns et des
autres
déplacements du grand-duc. Dora a réuni le matériel
nécessaire. »l. 39
- « Pour commencer, tu aideras Dora » l. 47 ; « Tu dois
être prêt à nous remplacer » l. 59
Il montre ses sentiments par les gestes
- « Annenkov revient avec Stepan qu’il tient par les
épaules.l. 6 ; « riant » l.60
« C’est lui ! Voilà Stepan. » l.8
« Je suis heureux » l. 27
Ou par la parole :
Selon le thème de la conversation, il change de
ton : affectueux quand il s’agit de conversation
amicale, il devient déterminé quand il s’agit du
projet de l’attentat
-Dora : seule femme du groupe, elle intervient
peu dans cette scène mais elle montre ses
sentiments
par les paroles : la joie des retrouvailles  phrase
exclamative ; la peur
la sollicitude
ou par les gestes : l’affection
- « changeant de ton » l.39 + futurs « Toute la Russie
saura » l. 42 ; « tu aideras » l. 47 + modalisateur « Tu
dois être prêt » l.54
- « Quel bonheur, Stepan ! » l. 9
- « mon cœur se serrait de plus en plus » l. 13
- « Assieds-toi, Stepan. Tu dois être fatigué, après ce
long voyage » l. 35
- « elle va vers Stepan et lui prend la main » l.9 ; « elle
le regarde » l. 11 ; « allant vers lui » l. 35
- « Dora détourne les yeux » l. 52
le désarroi
Cette première apparition montre une femme
sensible
- Stepan : apparaît dès à présent comme un
homme déterminé.
Il utilise volontiers un ton péremptoire et s’exprime
par maximes
Il semble refuser toute expansion sentimentale
- ceux dont on parle
Voinov : on sait seulement qu’il est jeune mais
digne de confiance
Kaliayev : dont la personnalité diffère des autres
 un groupe qui semble lié par des liens forts
c) l’action
- une action en cours : la préparation de l’attentat
- des révolutionnaires organisés :
- une idéologie révolutionnaire
 libérer le peuple de l’asservissement
- une vie dangereuse : la nécessité d’échapper aux
autorités , Stepan a déjà connu le bagne et l’exil,
un des camarades est mort, Schweitzer
II - une scène tragique
a) une pièce qui s’ouvre sur une atmosphère
tendue
- imprécision du décor
- le silence qui introduit la pièce puis s’installe
parfois dans la conversation  malaise
- « Nous tuerons ce bourreau » l. 31 ; « nous abattrons
la tyrannie » l. 34
- « La liberté est un bagne aussi longtemps qu’un seul
homme est asservi sur la terre » l. 24 ; « : La bombe
seule est révolutionnaire » l. 63
- l. 36 : il refuse l’attention de Dora : « Je ne suis jamais
fatigué »
- quand il apprend la mort d’un camarade, il ne s’émeut
pas et continue à s’enquérir de l’action en cours l. 50 à
53
- « J’ai confiance en lui, malgré sa jeunesse » l. 57
- « Nous l’appelons aussi le Poète » l.60 ; « Il dit que la
poésie est révolutionnaire » l. 62
- « Nous sommes tous frères. » l. 32 ;
- l. 39 à 45
- « Le parti socialiste révolutionnaire » l. 33 ; « le
Comité central » l. 55 ; « nos camarades » l. 56
- « hâter la libération du peuple russe » l. 43 ; « exercer
la terreur jusqu’à ce que la terre soit rendue au peuple »
l. 43-44 ; « je ne cessais de penser à la Russie et à ses
esclaves » l. 25
- « Il a fallu changer d’appartement, une fois de plus » l.
15
- l.17 à 22
- « dans le silence » l. 2 ; « Silence » l. 26 ; « Silence »
l. 37
- les personnages « immobiles »
- un bruit qui vient conforter l’atmosphère
d’attente
b) la mort présente dès le début
- celle du grand-duc
- celle de Schweitzer
- le lexique de la violence
c) la détermination des personnages
- Doria qui s’occupe du matériel malgré le danger
(mort de Schweitzer )
- exaltation d’Annenkov :
- résolution froide de Stepan
préfère l’action même dangereuse à la liberté dans
l’exil
ton péremptoire et maximes (voir I - b)
d) un conflit possible à l’intérieur du groupe
Stepan-Kaliayev
- « immobiles » l. 2 ; « toujours immobile » l. 6
- « entend le timbre de l’entrée, une fois » ; « Le timbre
retentit deux fois, coup sur coup » l. 2-3
- « Nous tuerons ce bourreau » l. 31 ; « nous tuerons le
grand-duc et nous abattrons la tyrannie » l. 33-34 ;
« été exécuté à la bombe » l. 42 ; « exercer la terreur »
l.44 ; « Il a été tué » l. 48 ; « bombe » l. 63
- « Oui, Stepan, tout est prêt ! Le moment approche » l.
45
- « J’étais libre et je ne cessais de penser à la Russie et
à ses esclaves. » l. 24-25
- opposition entre le discours de Stepan et la
présentation de Kaliayev l. 60 à 64
Conclusion :
- Bilan des observations : On peut donc constater que cette première scène présente efficacement le lieu et
le moment, les protagonistes et l’action en cours. Le spectateur sait quel est l’objet de l’intrigue : l’assassinat
du grand-duc, connaît le groupe des terroristes : Annenkov, Doria, Stepan, Voinov et Kaliayev et le rôle de
chacun d’entre eux, ainsi que le motif de l’action : lutter contre l’oppression du peuple russe, un idéal
révolutionnaire qui renvoie aux premières années du XIXe siècle en Russie.
-Ouverture : Si cette scène pose les prémisses de l’action, elle suscite cependant des questions : les
personnages, bien qu’unis, semblent bien différents les uns des autres. La sensibilité de Dora est-elle
compatible avec le meurtre programmé ? Kaliayev et Stepan peuvent-ils s’entendre ? L’assassinat du grand-duc
se fera-t-il ? quelles en seront les conséquences pour les protagonistes ?