L`espace dans la modélisation des interactions nature

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L`espace dans la modélisation des interactions nature
Colloque Interactions Nature-Société, analyse et modèles. La Baule 2006
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L'espace dans la modélisation des interactions nature-société
CHRISTINE VOIRON-CANICIO
UNIVERSITE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS / CNRS UMR 6012 ESPACE
RESUME
Ce texte examine la manière dont l’espace est habituellement intégré à la modélisation des interactions naturesociété. Le rôle accordé à l’espace dépend de la finalité du modèle. Aujourd’hui, la plupart des modèles sont
dédiés à la compréhension du fonctionnement d’anthroposystèmes et d’écosystèmes complexes, aux multiples
composantes interreliées et restent du ressort de spécialistes. Parallèlement, il existe, dans le domaine de
l'aménagement local, une forte demande en modélisation spatiale, accessible à des non spécialistes, et qui
permette d’assister les décideurs dans leurs orientations d’aménagement. Ces modèles relèvent de la
géoprospective territoriale. Un exemple de modélisation spatio-morphologique appliquée à la prévision de
l’étalement urbain est présenté.
MOTS CLES :
Espace, système, analyse d’image, décideur, géoprospective
ABSTRACT
The paper examines how space is usually included into models dedicated to simulate interactions between
anthroposystems and environment. The role of space in modelling depends on the aim of the model. Today, most
of the simulation models are focused on understanding the behaviour of complex socio-economic and
biophysical systems, with multiple interlinked components. These models are intended for specialists and quite
difficult to use. At the same time, spatial models are needed to provide municipalities with a tool that they can
use easily to manage their territory and to assist decision-makers in local planning. These models are relevant to
geoprospective purposes. An example of spatio-morphological modelling used to predict urban sprawl is
presented.
KEY WORDS : Space, system, image analysis, decision-maker, geoprospective purposes.
1. Introduction
La manière dont l’espace est intégré à la modélisation des interactions nature-société dépend de la finalité de
la modélisation et du rôle accordé aux composantes spatiales dans le modèle. L’espace dont il est question, ici,
est l’espace géographique perçu comme un tout complexe formé d’éléments visibles – les cours d’eau, les villes,
les réseaux, les espacements - et d’éléments invisibles, les relations entre ces éléments, qui déterminent à la fois
sa structure et sa dynamique. La prise en compte des relations existant entre les dynamiques anthropiques, les
dynamiques environnementales et l’espace est conditionnée par la finalité même de la modélisation. Trois
objectifs majeurs peuvent sous-tendre cette dernière : 1) définir les interactions nature-société sur un espace, 2)
déterminer les variations de ces interactions en fonction de l’espace, 3) comprendre le fonctionnement d'un
système spatial afin d’établir de nouveaux rapports nature-société. Ces trois finalités induisent des démarches
modélisatrices différentes mais complémentaires, ce qui explique qu’elles soient très souvent associées, les
résultats de l’une étant utilisés par une autre. Dans cette communication, l’attention est portée sur la troisième
finalité. En effet, l’angle sous lequel la modélisation des relations espace-nature-société est appréhendée est celui
de l’aménagement dont l’objectif premier est de tendre vers un territoire durable. L’offre et la demande, en
matière de modèles, sont confrontées et la démarche modélisatrice est plus particulièrement examinée dans le
cadre de la géoprospective.
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L'espace dans la modélisation des interactions nature-société
2. Les relations espace-nature-société et la modélisation spatiale
La modélisation spatiale dérive de l’analyse spatiale et repose donc sur les mêmes principes. Elle considère
que l’espace n’est pas neutre, qu’il est un agent, bien que dépourvu de finalité et que la compréhension des
phénomènes spatialisés découle en grande partie de l’analyse de la position relative des lieux et des relations
qu’ils entretiennent avec d’autres lieux, proches et lointains. Etudier les interactions nature-société relève alors
d’une démarche systémique. L’interaction est, avec la globalité, la complexité et le système, l’un des quatre
concepts de base sur lesquels la systémique est bâtie. Elle détermine la nature et la forme de la relation entre les
constituants du système pris deux à deux. D’elle dépend le fonctionnement du système. La plupart des systèmes
ne prennent pas en compte l’espace et lorsqu’il est introduit, c’est généralement comme simple support. En
revanche, dans les systèmes spatiaux, l’espace est partie prenante de la dynamique systémique. L’espace
géographique possède une propriété fondamentale, celle d’être à la fois organisé et organisant. Les systèmes
spatiaux sont en effet dotés d’un héritage spatial qui exerce des contraintes sur les projets, les décisions et les
comportements d’une société mais qui est également un potentiel que les agents réexaminent et réévaluent
continuellement, en fonction de leurs besoins et de leurs aspirations, au regard des dynamiques et des
potentialités des autres territoires. Cette dynamique incessante conduit à d’éventuels repositionnements des lieux
dans le système ainsi qu’à l’émergence de nouvelles relations entre les éléments du système tout comme entre le
système et l’environnement extérieur.
Selon que l’espace intervient comme simple support du phénomène modélisé ou comme agent à part entière,
le modèle sera a-spatial ou spatial, cependant le caractère spatial sera minimal ou affirmé en fonction des
attributs spatiaux retenus, des dimensions et des échelles introduites. Ainsi, les relations du milieu urbain et de la
qualité de l’air ambiant peuvent être modélisées en accordant plus ou moins de rôle à l’espace. Le modèle peut
consister à estimer la qualité de l’air en un lieu, en fonction de variables physiques et anthropiques relevées en ce
lieu. Il peut être conçu pour étudier la variabilité de la qualité de l’air résultant de la combinaison d’interactions
de variables spatialisées en 3D, ou bien pour préciser le rôle joué par une composante spatiale, comme la
morphologie d’une rue, dans le processus de dispersion de flux polluants sous l’action des paramètres
climatiques. En d’autres termes, l’objet de la modélisation est soit l’interaction nature-société sur un espace, soit
l’interaction nature-société en fonction de l’espace. Dans ce dernier cas, l’attention se focalisera sur la manière
dont certains mécanismes sont freinés, accélérés ou infléchis par des situations spatio-temporelles particulières.
La « portée » des interactions pourra être l’objet d’étude. Le modèle sera destiné à mesurer le rôle de
l’environnement spatial, plus ou moins proche, dans la dynamique du système, l’étendue de la zone sous
influence, les conséquences en terme de spéculation ou de vulnérabilité ou bien encore les effets spatiaux et les
inégalités territoriales de ces effets.
Une autre finalité de la modélisation est de spatialiser les pressions qui s’exercent sur un territoire, soit
soudainement, soit sur le temps long, et de rechercher les nouvelles relations systémiques induites. Cette
démarche, utilisée notamment dans la gestion des risques, consiste à simuler une situation de catastrophe et à
examiner les effets dominos qui en découlent, sur les dynamiques environnementales et sur les vulnérabilités des
territoires. Elle permet d’anticiper la situation de crise pour mieux s’y préparer et adapter des mesures de
prévention en conséquence. Elle présente également l’intérêt de déceler des espaces à enjeux insoupçonnés ainsi
que des rétroactions anthropiques ou environnementales contre-intuitives.
Modéliser les interactions espace-nature-société est l’objet même de la modélisation des systèmes complexes.
Que la démarche modélisatrice soit descendante – Dynamique des Systèmes - ou ascendante – SMA –
l’architecture actuelle des modèles tend à associer une discrétisation de l’espace en cellules, un Système de
Gestion de Base de Données Relationnel et un simulateur, conçu autour d’un ensemble de modules, plus ou
moins hiérarchisés. Cette structure modulaire a d’abord été développée dans la modélisation des dynamiques
d’écosystèmes puis s’est étendue à d’autres domaines tels que le comportement de communutés rurales, dans le
cadre du modèle FLORES (Haggith M., Muetzelfeldt R.I, Taylor J., 2003), ou encore le modèle DAHU,
simulant le développement spatio-temporel d’activités anthropiques à fort impact environnemental (Tissot C.,
2003). Cette conception modulaire a généré la pratique de la modélisation collaborative interdisciplinaire où
différentes équipes ont en charge la construction d'un module distinct. Si ces modèles sont fondamentaux pour la
compréhension des systèmes complexes, ils présentent néanmoins l’inconvénient d’être lourds à manipuler,
difficilement transférables, et surtout, extrêmement compliqués pour des non spécialistes, comme le sont les
ingénieurs territoriaux et les décideurs locaux, auxquels ces modèles sont pourtant destinés. Par ailleurs, la
modélisation des interactions espace-nature-société se heurte toujours à la difficulté d'exprimer la dualité
organisé-organisant du système spatial. Les interactions de lieux distants, non contigus et non connexes, les
relations d’appartenance, de concurrence ou de dépendance, qui caractérisent les systèmes multi-niveaux que
sont les systèmes spatiaux, sont plus difficilement modélisables que les relations de voisinage habituelles. La
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conception euclidienne et topologique de l’espace prévaut (Voiron-canicio C., Chéry J-P., 2005). De nouvelles
règles spatiales qui permettraient de combiner des inter-relations multi-niveaux et multi-échelles, dans un
environnement non exclusivement euclidien, restent encore à concevoir.
3. L’aménagement des territoires et la géoprospective
La modélisation des interactions nature-société est encore peu pratiquée par les collectivités territoriales et les
bureaux d’étude. Il y a deux raisons majeures à cela, la méconnaissance de ce type de modélisation et le décalage
croissant entre la sophistication des modèles et le savoir-faire des utilisateurs potentiels. Les avancées de la
connaissance sur le fonctionnement des systèmes complexes sont allées de pair avec la conception de
méthodologies nouvelles, de modèles dédiés à telle ou telle résolution de problèmes, couplés au sein de
« plateformes » conçues et utilisées par des spécialistes. Ces outils d’aide à la décision restent du ressort de
l’expert et ne sont accessibles qu’à un petit nombre d’initiés.
Les ingénieurs territoriaux qui élaborent un PLU, une carte communale ou bien un Schéma de Cohérence
Territoriale (SCOT) se trouvent confrontés à la nécessité d’anticiper les devenirs possibles de leur territoire afin
de choisir la « politique » d’aménagement et de protection qui le mettra sur la voie de la durabilité. Penser un
territoire en terme de durabilité c’est penser autrement le développement territorial, c’est raisonner de façon
globale et transversale, c’est anticiper en privilégiant la vision à long terme, c’est chercher à satisfaire les attentes
des habitants tout en veillant à ce que le développement se fasse en harmonie avec les écosystèmes globaux
comme avec les espaces voisins. Pour tendre vers cet objectif, la démarche habituelle consiste à s’appuyer sur le
diagnostic territorial, mais ce dernier se présente encore trop souvent comme un ensemble d’études sectorielles,
où les prévisions de croissance de population et d’occupation du sol sont déterminées à partir d’hypothèses de
croissance non spatialisée et sans prise en compte de l'interaction spatiale. De même, les espaces à enjeux, i.e les
espaces qui doivent être prioritairement transformés, préservés ou valorisés, sont fixés dans leur grande ligne, à
partir des conclusions du diagnostic. Aucune simulation spatiale ne vient assister le décideur dans ses choix. La
prospective reste empirique et imprécise alors que le zonage, lui, se doit de circonscrire à l’échelle du cadastre,
les préconisations retenues.
La géoprospective territoriale est très peu pratiquée si ce n’est méconnue. Sa finalité est, comme dans le cas
de la prospective territoriale, de connaître et prévoir pour organiser et décider, mais sa spécificité est d’anticiper
les devenirs d’un territoire, par la compréhension de ses dynamiques spatiales et de spatialiser, à moyenne et
grande échelle, les scenarios d’évolution, les préconisations d’aménagement et leurs impacts spatiaux. La
géoprospective ne peut donc se concevoir sans modélisation spatiale.
Deux démarches modélisatrices peuvent aider l’aménageur à définir des objectifs et des préconisations.
Anticiper le devenir des territoires ne peut se faire qu’en connaissance du fonctionnement actuel de ce même
territoire. Les analyses menées dans le cadre du diagnostic doivent converger vers la mise en évidence des
pressions qui s’exercent sur le système territorial, des forces endogènes et exogènes qui les induisent. Il est donc
nécessaire de resituer le territoire dans un contexte spatial plus vaste et plus particulièrement, d’examiner les
relations qu’il entretient avec les systèmes voisins. Ainsi, les mutations récentes du proche arrière-pays de la
Côte d’Azur s’expliquent par la pression de la demande en provenance des aires urbaines littorales où la pénurie
d’espace et la flambée des prix du foncier contraignent la population comme les activités à se reporter vers
l’intérieur, bouleversant l’anthroposystème du proche arrière-pays. La modélisation conceptuelle en Dynamique
des Systèmes, qui formalise graphiquement les interrelations majeures, est la méthode requise pour exprimer de
manière synthétique et aisément compréhensible, le fonctionnement du système (Figure 1).
La détection des espaces à enjeux est une phase essentielle du projet d’aménagement car d’elle découlent les
objectifs stratégiques et les orientations d’aménagement qui doivent préserver les grands équilibres dans
l’occupation du territoire et l’environnement. Certains espaces à enjeux sont aisément identifiables, ce sont les
espaces à forte valeur environnementale, floristique, faunistique ou paysagère. Pour le repérage des autres, le
recours aux simulations s’avère d’une grande utilité. La démarche modélisatrice aura alors pour objet d’anticiper
la diffusion spatiale d’un phénomène majeur, tel que l’étalement urbain, afin de repérer les directions de
l’urbanisation future et les espaces qui seront concernés. Les impacts probables sur l’occupation du sol, les
paysages, les risques pourront alors être évalués.
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L'espace dans la modélisation des interactions nature-société
Sous-système arrière-pays
Sous-système littoral
Croissance
résidentielle
urbanisation
Tourisme
Immigration
Nouvelles
Technologies
-
+ littoralisation +
+
saturation
Environnement
paysager
+
-
Espace
disponible
+
+
Croissance régionale
Amélioration
des routes
-
Activités
Figure 1. Modélisation conceptuelle : graphe causal des relations entre les deux sous-systèmes spatiaux de la Côte d’Azur
4. La modélisation spatiale comme aide à la géoprospective
Nous présentons un exemple de démarche de modélisation spatiale appliquée à la géoprospective territoriale
qui a pour but de modéliser la diffusion future du bâti dans un espace convoité, le sous-ensemble littoral
languedocien, qui présente le paradoxe d’avoir connu, depuis 1960, un intense processus d’artificialisation et
conjointement, la mise en place d’importantes protections foncières dans les espaces naturels situés autour des
étangs et le long de certaines portions de rivage.
Le modèle est hypothético-déductif, il repose sur l’hypothèse qu’il existe des règles générales de diffusion du
bâti, indépendantes des réglementations des documents d’urbanisme, qui rendent compte de la majeure partie du
processus de diffusion. La démarche modélisatrice se décompose en quatre étapes. La première est destinée à
comprendre les modalités de la diffusion du bâti dans la zone littorale languedocienne, afin de déterminer les
règles de diffusion qui seront introduites dans le modèle.
La deuxième étape est celle de la modélisation spatiale proprement dite, qui s’effectue que par analyse
d’image, à partir d’opérateurs de morphologie mathématique (MicroMorph, 1998). La manière d’appréhender
l’espace diffère de la discrétisation en cellules habituellement utilisée dans les modèles spatiaux. Les objets
contenus dans l’image ne sont qu’un ensemble de pixels plus ou moins espacés dont l’organisation est détectée
par des séquences de transformations d’images au moyen d'opérateurs de morphologie mathématique qui
décrivent les structures de manière quantitative et qualitative, en donnant forme aux relations invisibles tissées
entre les objets. Les images de travail sont volontairement simples et peu nombreuses. Elles sont tirées de l’Atlas
des espaces naturels du littoral (Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, 1995) et correspondent
à la localisation des zones bâties, en 1977 et 1990, ainsi qu’à la localisation des espaces naturels protégés.
Plusieurs processus de diffusion ont été testés sur la période 1977-1990 afin d’obtenir la meilleure estimation de
la diffusion. Le protocole retenu consiste à déterminer une couronne externe, attenante au bâti existant dans
laquelle l’adjonction de nouvelles surfaces bâties est susceptible de se produire. Dans cette couronne,
l’essaimage des constructions est simulé au moyen d’un semis de points aléatoirement dispersés. Le bâti initial et
le semis de points sont ensuite réunis sur une même image. Puis, les composantes les plus proches sont
rattachées par le comblement des vides interstitiels. L’extension du bâti qui en résulte est conditionnelle à
l’espace constructible. A partir du résultat obtenu, le processus est réitéré jusqu’à ce que les surfaces du bâti
simulé atteignent le niveau des surfaces bâties observées à une date de référence ou bien le niveau des surfaces
attendues pour un taux de croissance déterminé.
La validation du modèle, troisième étape, repose sur plusieurs formes de comparaison de l’urbanisation
projetée avec l’urbanisation observée. Dans toute modélisation spatiale, la variabilité locale du phénomène
modélisé est forte, et d’autant plus forte que l’échelle est grande. Au niveau du pixel, des écarts importants
peuvent exister entre les localisations bâties observées et les localisations estimées par le modèle. Trois manières
complémentaires de valider le modèle spatio-morphologique sont proposées. Les surfaces estimées par le modèle
(A) sont intersectées avec les surfaces observées (B). Le résultat permet de visualiser l’emplacement des zones
de concordance. Le rapport de la surface résultant de l’intersection à la surface totale observée donne la
proportion du bâti réel correctement localisée par le modèle. La distance entre les deux ensembles est également
un critère permettant de sélectionner la meilleure prédiction : d (A,B) = aire union (A,B) – aire intersection
(A,B). Un troisième critère de sélection consiste à examiner les lignes directrices de l’urbanisation révélées par
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le squelette de chaque ensemble bâti. Le squelette, qui, de façon imagée, correspond à l’ossature d’une
composante, réduite à un pixel, renseigne sur les caractéristiques morphologiques de l’urbanisation.
L’allongement de ses arêtes révèle l’orientation dominante de l’urbanisation. Le degré de concordance des deux
squelettes est mesuré au moyen de la distance de Haussdorff (Voiron-Canicio C, 1995). Cette mesure des écarts
entre les deux tracés correspond à la distance à combler pour que les deux squelettes se recouvrent totalement.
La procédure de modélisation validée est alors appliquée à des fins géoprospectives, dans le but de déceler
les grandes lignes de l’extension du bâti, à l’horizon 2010. La modélisation a été conduite, ici, à partir des
surfaces bâties de 1990, en simulant différentes options de croissance de l’urbanisation dans le champ d’étude.
L’option d’un net ralentissement de la croissance, avec un taux annuel moyen de 0,03 au lieu de 0,06 pour la
période 1977-1990, est présentée (Figure 2).
Figure 2. Simulation de l’extension du bâti sur le littoral languedocien entre 1990 et 2010
Cette modélisation spatio-morphologique, basée sur des règles de distance, de voisinage et de forme, qui ne
tient compte que des contraintes majeures existant dans le champ d’étude : les protections liées aux espaces
naturels protégés, auxquelles peuvent être ajoutées la topographie et les infrastructures de communication,
permet d'anticiper, par des simulations, les conséquences spatiales de tout phénomène se déployant à travers
l’espace. Cette modélisation est généralement couplée à un SIG qui fournit les informations géographiques
traitées et qui reçoit en retour les images-résultats. Ces dernières sont alors croisées avec d’autres données
spatialisées portant sur les règles d'urbanisme, sur l'occupation du sol et l'environnement, afin de mesurer
précisément les impacts du phénomène simulé sur les espaces agricoles, les espaces verts, les paysages, les
réserves foncières et les équipements à prévoir ou encore les risques.
5. Conclusion
L’intégration de l’espace dans la modélisation des interactions nature-société est plus ou moins affirmée. Si
l’on postule que les dynamiques spatiales sont à la fois causes et conséquences d’un ensemble d’interactions
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L'espace dans la modélisation des interactions nature-société
multiniveaux et multiscalaires, la modélisation spatiale fait corps avec la modélisation des systèmes complexes.
Rendre compte de la complexité spatiale n’est pas chose aisée. Les modèles qui s’attaquent à cette question sont
de plus en plus conçus selon une structure modulaire censée représenter, de manière optimale, les systèmes
multidimensionnels. Ce type de modélisation est d’un grand intérêt pour la compréhension du fonctionnement
des systèmes complexes mais il s’avère compliqué et reste l’affaire de spécialistes. Parallèlement à ce besoin de
connaissance fondamentale, il existe une forte attente en modélisation spatiale à finalité géoprospective. L’enjeu
est alors de répondre à cette demande par des modèles à la portée du plus grand nombre d’ingénieurs et
techniciens territoriaux, permettant de spatialiser à grande échelle la diffusion future d’un phénomène et de
guider les décideurs dans leurs préconisations en matière de protection et d’aménagement local.
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