News Letter N° 4 - manuelmartin.com

Transcription

News Letter N° 4 - manuelmartin.com
Mars 2003 – N° 4
Du jugement des hommes…
Bonjour,
J’ai beaucoup hésité et attendu avant que de mettre en ligne un nouvel éditorial en cette
période dramatique. Je ne parvenais pas à trouver un quelconque intérêt à cette prose
incapable d’empêcher une seule once de souffrance à un seul enfant irakien.
Qu’est-ce qui a changé ?
Un bruit sourd, un de ceux du genre que les civils mésopotamiens entendent journellement.
Un bruit qui fait mal, un son synonyme de malheur, de sang et d’encore plus de douleur pour
demain. Mais ce ne sont pas mes oreilles qui me l’ont fait entendre, il est passé
successivement par mes yeux et mon cerveau pour achever son parcours en faisant se dresser
tous les poils de mon corps.
Je consultais pour un autre récit des pages de notes lorsqu’une citation saisie en travers d’une
feuille m’est apparue :
« Un être qui s’habitue à tout, voilà, je pense, la meilleure définition
qu’on puisse donner de l’homme »
Dostoïevski a écrit cela au dix-neuvième siècle et nous avons débuté le vingt-et-unième !
Qu’avons-nous appris depuis ? Qu’avons-nous compris ? Quelle erreur avons-nous su ne pas
transformer en faute ?
Il y aurait place pour de savantes analyses des motivations financières anglo-américaines, de
la stratégie apocalyptique – dans le sens grec Apokalupsis, la révélation de notre destin - de
Saddam Hussein, des ambitions pacifico-manipulatrices de la France, de la Russie et de la
Chine, de l’impact de ce conflit sur l’économie du Monde, de la guerre de civilisations qui
pointe…
Et pourtant ! Je préfère vous parler d’un enfant que je ne connais pas, je ne sais ni où il habite,
ni quel âge il a, ni même son prénom, je ne sais rien de lui, enfin presque rien. Je partage et je
ressens sa peur, celle immédiate, celle de son univers qui tremble, disparaît dans la fumée, de
sa mère qui pleure, de son père absent, de sa vie qui bascule.
Celle inconsciente de son devenir qu’il ne parvient plus à imaginer. Sa peur de la nuit quand
la terreur est là venant du ciel, ce ciel dont on lui avait tant dit qu’il hébergeait la pureté et
l’amour. Le monde se serait-il retourné ? L’enfer en haut et le paradis en bas ?
A cette pensée, l’enfant sourit, c’est donc bien au paradis que son ami a été envoyé hier quand
il a été mis en terre.
Ultime pensée, ultime regard qui en une fraction de seconde s’est tourné vers ce souffle à
peine ressenti. C’est fini, la mort a frappé avant même le bruit de la bombe qui vient de le
faucher à son tour. Il a rejoint son ami et toutes les autres victimes de la folie des hommes au
paradis des innocents.
A toi et à tous les autres, je veux dire que nous ne sommes pas tous comme ça, que nous ne
nous sommes pas habitués à l’horreur, que nous n’acceptons pas cette vision de l’humanité.
Dors en paix à présent, nous n’avons pas, je n’ai pas su, pas pu empêcher ce qui t’es arrivé et
j’ai honte. Je te demande pardon pour ceux que j’ai tant de peine à considérer comme de la
même espèce que moi, sans doute ne réalisent-ils pas ce qu’ils font.
J’ai écrit cela après la mort de ma mère, que cela t’accompagne dans ton dernier voyage :
« Les larmes sont l’eau des jours de l’homme, celle qui irrigue l’avenir
et permet à demain d’exister »
Manuel M. Martin
www.manuelmartin.com

Documents pareils