le leadership et la campagne aérienne au kosovo

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le leadership et la campagne aérienne au kosovo
LE LEADERSHIP
Photo de la US Air Force
Un avion Eagle F-15 de la US Air Force.
LE LEADERSHIP ET LA CAMPAGNE
AÉRIENNE AU KOSOVO
par le colonel Alain Boyer
Et moi, pauvre homme! Aurai-je assez de clairvoyance, de
fermeté, d’habileté pour maîtriser jusqu’au bout les
épreuves?
Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, tome I, L’Appel
C
hacun conviendra que le rôle du commandant dans
un conflit armé est d’une importance capitale pour la
victoire. Dans un contexte de guerre limitée, le
commandant doit composer avec un environnement
qu’on peut qualifier de contraignant et de complexe.
Le refus de subir toute perte de vie humaine, ce
phénomène de zéro perte omniprésent dans la culture américaine,
les contraintes ou intrusions politiques dans la conduite de la
guerre et la quête d’une guerre propre sans dommage collatéral ou
victime dans la population civile font maintenant partie de
l’espace opérationnel d’un commandant. Comment tous ces
éléments l’affectent-ils? Une analyse des répercussions qu’un tel
contexte peut avoir sur la personne du commandant s’impose
pour répondre à cette question.
Cet article entend démontrer que les conflits armés modernes
contraignent tellement le commandant que son efficacité à
poursuivre une mission en est compromise. Le terme « efficacité »
désigne dans ce texte la capacité d’atteindre un objectif à l’aide
d’une utilisation optimale des ressources.
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Revue militaire canadienne
Afin de circonscrire le cadre de cette recherche, l’étude
s’attardera particulièrement à la campagne aérienne du Kosovo.
Cette campagne donne un très bon exemple de ce qui attend les
commandants lors d’opérations futures. Il importe donc de bien
comprendre les répercussions que ces opérations auront sur les
chefs de demain.
Dans un premier temps, l’étude se penchera sur le refus de
subir toute perte humaine ou phénomène de zéro perte. Ce faisant,
elle répondra à plusieurs questions. Quel est l’origine d’un tel
phénomène? Existe-t-il encore? Se manifeste-t-il de la même
façon dans le grand public que chez les dirigeants politiques et
militaires? Quel impact a-t-il sur la conduite des opérations
militaires? Les Canadiens et les Européens le perçoivent-ils de la
même manière? Ce phénomène s’est-il manifesté lors du conflit du
Kosovo?
Dans un deuxième temps, cette étude se penchera sur les
diverses restrictions d’ordre politique qui marquèrent la campagne
aérienne du Kosovo. Elle abordera la question du choix du type de
plan de campagne, celle du processus d’approbation des cibles
ainsi que celle de l’inquiétude quant aux dommages collatéraux et
aux pertes civiles. Elle traitera de certaines restrictions imposées
Le colonel Alain Boyer est chef de la Division de disponibilité
opérationnelle du NORAD à Colorado Springs.
37
Photo CKD99-2029-01 du MDN par la cpl Danielle Bernier
par les États-Unis en ce qui concerne le renseignement militaire et
la gestion des armes de haute technologie (les avions B-2 et F-117
ainsi que les missiles de croisière). Il faut préciser que la thèse que
défend cet article porte sur la personne du commandant et non pas
sur le résultat de la campagne en question.
sur la politique de dissuasion pratiquée par les États-Unis.
D’ailleurs, Saddam Hussein en serait arrivé au même constat.
Discutant avec l’ambassadeur américain en Irak le 25 juillet 1990,
Hussein aurait souligné que « les Etats-Unis étaient incapables de
supporter la perte de 10 000 hommes lors d’une bataille »4.
Le modèle scientifique que proposent Pigeau et McCann et
qui sert à délimiter l’espace de commandement se prête bien au
genre d’analyse tentée ici. Sans qu’il soit ici question de justifier
le choix de ce modèle particulier il importe d’en décrire
brièvement les principaux aspects. Ce modèle a trois composantes :
Les trois études de la corporation RAND en sont-elles
arrivées à la même conclusion? Le rapport de 1985 utilisa les
guerres de Corée et du Vietnam pour examiner en profondeur le
rapport entre l’appui du public et le nombre de pertes encourues.
Après analyse, les chercheurs conclurent que « le public tend à ne
tolérer que des pertes minimales
dans des situations de guerre limitée »5.
En revanche, comme le souligne le
major Hyde, « l’étude n’a pas tenu
compte de l’ensemble des variables,
entre autres, la raison pour laquelle le
public avait soutenu l’effort en dépit
de pertes importantes pendant une
période de temps prolongé »6.
À la suite de la guerre du Golfe,
la corporation RAND entreprit une
deuxième étude sur le sujet qui
proposa une contre-thèse à l’étude
de 1985 en s’attardant à examiner la
question de l’appui du public quant
au retrait ou non des forces
déployées. Cette deuxième étude a
conclu, après examen de divers
sondages,
qu’il
n’y
avait
eu que peu de changement dans
l’appui du public quant au retrait
des troupes. Somme toute, les
Américains favorisent l’escalade de
préférence au retrait afin d’arriver à
une victoire décisive7. Selon l’étude,
les dirigeants américains auraient
mal interprété le souhait de la
Un avion CF-18 Hornet s’apprêtant à partir en mission au dessus du Kosovo attend la permission de se
population qui n’était pas opposée
diriger sur la piste de décollage à la base aérienne d’Aviano en Italie.
aux pertes de vie mais souhaitait
plutôt une escalade décisive. Une
la responsabilité, la compétence et l’autorité. Il repose sur telle conclusion laisse perplexe, car elle est fondée sur un examen
l’hypothèse selon laquelle un commandement efficace repose sur tout à fait limité des enjeux.
un équilibre optimal entre ces trois éléments. Cet équilibre optimal
Enfin, Eric Larson, dans son étude de 1996, s’est penché sur
n’est toutefois pas statique. Il varie selon les divers niveaux de
commandement : stratégique, opérationnel et tactique. Finalement, la façon dont le public arrive à une décision quant à l’appui à
l’étude s’efforcera de cerner l’impact que les divers éléments du accorder à la poursuite d’une intervention militaire. Selon lui, le
contexte choisi ont sur les trois axes du modèle Pigeau et McCann public tient compte de cinq facteurs dans sa prise de position : les
afin de prouver que les conflits armés modernes contraignent bénéfices anticipés de l’intervention, la perspective de réussite, les
coûts réels ou anticipés, les changements dans la mission et le
tellement un commandant que son efficacité en est compromise.
discours des dirigeants politiques8. Larson fit remarquer que
LE PHÉNOMÈNE DE ZÉRO PERTE : LE PUBLIC
l’appui du public évolue en fonction de la comparaison entre,
d’une part, les bénéfices et la perspective de succès et, d’autre part,
ythe ou réalité, le phénomène de zéro perte continue de les coûts actuels ou éventuels9. Il souligna en outre que, lorsque
préoccuper le public. Omniprésent aux États-Unis, il semble l’on tenait compte de l’importance des bénéfices perçus, la
beaucoup moins se manifester ailleurs dans le monde. Mais d’où conclusion récente voulant que le public tolère de moins en moins
vient un tel phénomène? Le major Mundy des US Marines affirme les pertes de vies humaines paraissait faible10.
dans une étude qu’il a publiée « que la guerre du Vietnam a
Pour sa part, le major Hyde soutint qu’il était tout à fait
engendré la croyance chez les dirigeants américains que le public
ne tolère pas de perte dans un conflit limité »1. La corporation logique que, s’il y avait augmentation des pertes, il en résulterait
RAND aux États-Unis a même consacré trois études scientifiques une diminution de l’appui du public à moins que ces coûts
approfondies à ce phénomène préoccupant2.
additionnels ne soient contrebalancés par une augmentation des
bénéfices anticipés ou une meilleure perspective de succès11.
Certains observateurs décrivent ce prétendu phénomène Lorsque l’on a pris connaissance de ces études, il semble bien que
comme le « talon d’Achille des Etats-Unis »3. Les événements faire une simple relation de cause à effet entre le nombre de pertes
survenus lors de l’intervention américaine en Somalie, la non- et l’appui du public quant à la poursuite d’une opération militaire
intervention des États-Unis au Rwanda quelque temps plus tard et est insuffisant. La façon dont le public prend position semble
leur refus d’engager des troupes au sol au Kosovo semblent beaucoup plus complexe. En effet, le public est prêt à tolérer des
confirmer une telle remarque. Cette perception a des répercussions pertes humaines si les bénéfices perçus le justifient.
M
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Militaire
Élite civile
Grand public
Congo
284
484
6 861
Irak
6 016
19 045
29 853
Taïwan
17 425
17 554
20 172
Tableau 1. Nombre de pertes humaines acceptables 13
On n’a pas encore consacré d’étude à l’attitude du public
canadien à ce propos. Par contre, Pigeau et McCann soutiennent
que les Canadiens sont fiers des engagements humanitaires des
Forces canadiennes, mais qu’ils n’ont que peu de tolérance envers
les pertes humaines qui peuvent en résulter12. Faut-il en conclure
que le public canadien a horreur des pertes humaines? La chose
reste à démontrer.
LE PHÉNOMÈNE DE ZÉRO PERTE :
LES DIRIGEANTS
C
omme on vient de le constater, le phénomène de zéro perte est
loin d’être un absolu auprès du public; mais qu’en est-il de
cette problématique du point de vue des dirigeants? Une étude
récente du Triangle Institute for Securities Studies apporte
quelques précisions à ce sujet. En utilisant la technique du
sondage, l’étude examine trois cas d’interventions hypothétiques :
stabiliser un gouvernement au Congo, empêcher l’acquisition
d’armes de destruction massive par l’Irak, et défendre Taïwan
d’une invasion chinoise. Le sondage a été effectué auprès de 4 900
Américains répartis en trois groupes : officiers militaires
supérieurs, élite civile et le grand public. Le tableau 1 donne les
résultats à la question Combien de pertes humaines sont
acceptables pour chacun des scénarios?
À la lumière de ces chiffres, les chercheurs en sont arrivés à
la conclusion que les chefs militaires ont une aversion pour les
pertes en vies humaines encore plus grande que celle du public.
Les données du sondage ne corroborent pas l’impression des
dirigeants civils et militaires selon laquelle le public américain ne
tolère pas de pertes de vies humaines. De plus, les chercheurs
soutiennent que les officiers militaires supérieurs acceptent encore
moins ces pertes que les élites civiles14. Selon les auteurs, ce
phénomène s’expliquerait par le manque de confiance des officiers
supérieurs envers les autorités civiles qui feraient habituellement
volte-face lorsque les pertes humaines augmentent. Les auteurs
avancent la théorie que le phénomène de zéro perte deviendrait
une mesure de succès ou d’échec dans l’esprit des militaires15.
D’ailleurs, le déploiement du contingent américain au
Kosovo témoigne de cette inquiétude des officiers supérieurs.
Dans l’énoncé de mission de la brigade responsable du secteur
américain, la protection de la force est élevée au rang d’objectif
primordial, tandis que les tâches associées à la mission, comme le
maintien d’un environnement sécuritaire, sont reléguées à une
priorité secondaire. Cette approche aboutit à la création d’un camp
forteresse16.
Bien que l’influence du phénomène de zéro perte en Europe
ou au Canada n’ait fait l’objet d’aucune étude, il existe des traces
manifestes d’une préoccupation à ce sujet. Le lieutenant-général
Dallaire en fait foi dans Human in Command. Il y donne
l’exemple du contingent belge qui, après avoir perdu dix soldats
dans une escarmouche au Rwanda, se retira quelques jours plus
tard17. Dallaire souligne le fait que l’impact politique d’encourir
des pertes humaines risque d’être un facteur prépondérant dans le
mécanisme décisionnel d’un commandant. Il s’interroge
sur l’impact que ce phénomène pourrait avoir sur l’éthique
militaire des priorités : « la mission, mon personnel et
moi-même »18.
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Revue militaire canadienne
Faute d’étude portant sur la réalité canadienne, il faut se
contenter d’imaginer que l’opinion du général Dallaire reflète la
pensée ou l’attitude des officiers supérieurs canadiens.
LE LEADERSHIP
Mission
Quoi qu’il en soit, et à la différence du grand public, le
phénomène de zéro perte semble au cœur des préoccupations des
officiers supérieurs. D’emblée, on peut avancer que cela influence
directement la façon dont ils établissent et évaluent un plan militaire.
LE PHÉNOMÈNE DE ZÉRO PERTE :
LA CAMPAGNE AÉRIENNE DU KOSOVO
Q
uel impact le phénomène de zéro perte a-t-il eu sur la
campagne aérienne du Kosovo? Ce phénomène semble avoir
été au centre des préoccupations au plus haut niveau de la
hiérarchie militaire. Dans Virtual War, Michael Ignatieff affirme
que l’instinct politique du général Wesley Clark lui dictait une
perte d’équipage minimale19. Puisque le lieutenant-général Short,
commandant de la campagne aérienne, était placé sous le
commandement immédiat du général Clark, les deux dirigeants
militaires ont sans doute beaucoup discuter de cette question. Des
commentaires formulés lors du colloque du Eaker Institute sur la
campagne aérienne du Kosovo aident à comprendre le contexte.
Selon le vice-maréchal de l’Air R.A. Mason de la RAF, un trop
grand nombre d’avions a été utilisé à la mise hors de combat des
moyens de défense aérienne ennemie durant les missions, et cet
état de fait a été le fruit d’une décision délibérée de chercher à ne
subir aucune perte20. Au dire de Mason, il est clair que l’objectif
de zéro perte a eu la priorité sur l’accomplissement de la mission.
LES CONTRAINTES POLITIQUES
Dans tout conflit, les militaires doivent faire face à un certain
nombre de contraintes d’ordre politique. Le lieutenant-général
Short, commandant de la composante aérienne de la force
interalliée, n’y a pas échappé. L’OTAN est une organisation qui
fonctionne par consensus; et, pour la campagne du Kosovo, on a
donc dû adopter un plan de campagne en trois phases qui
correspondait à une escalade des frappes. Ce crescendo obéit à
diplomatie coercitive et non aux exigences d’une campagne
militaire traditionnelle. Ces trois phases peuvent se décrire ainsi :
dans la phase I, on vise
les éléments de défense
... le public n’exige pas tant
anti-aérienne et leur
centre de commandeune absence de perte de vies
ment et contrôle; dans
phase II, on frappe un
humaines que des risques
ensemble de cibles
qui en vaillent la peine.
militaires au sud du 44e
parallèle et, dans la phase
III, les frappes ne se
limitent pas à des cibles purement militaires et ce même au cœur
de Belgrade21. Cette escalade voulue allait à l’encontre des
théories de l’emploi de l’arme aérienne, telles que prônées par
Douhet, Mitchell et Trenchard, ainsi que de la doctrine de la Force
aérienne américaine qui, elle aussi, veut un usage convaincant de
la puissance aérienne et non pas des demi-mesures. Le lieutenantgénéral Short, quant à lui, aurait grandement souhaité commencer
la campagne par la phase III. Lors de son témoignage devant le
comité du Sénat américain, il précise qu’il aurait dirigé ces
39
attaques vers la « tête du serpent » dès la première nuit. Il aurait
interrompu l’approvisionnement en électricité, frappé des
ponts enjambant le Danube et détruit cinq ou six quartiers
généraux au centre de Belgrade22. Le célèbre historien John
Keegan lui donne raison
en disant qu’il y a
... les exigences des conflits
effectivement eu deux
campagnes : la première
armés modernes contraignent
d’un mois qui fut un
échec, la deuxième de six
tellement les commandants
semaines qui fut un
que leur efficacité à
succès23. Ce premier
élément
de contrainte
poursuivre une mission peut
politique n’est pourtant
s’en trouver compromise.
que la pointe de l’iceberg.
Le processus d’autorisation des cibles a été une deuxième contrainte de taille. Tout au
long de la campagne, l’autorisation des cibles fut étroitement
contrôlée par Washington et l’OTAN. Selon le lieutenant-général
Short, l’ingérence fut si grande qu’il se croyait de nouveau en
1968 alors que les cibles au Vietnam étaient approuvées par le
président des États-Unis en personne24. Le général Wesley Clark
fait, lui aussi, grand état de cette ingérence dans son livre. Par
exemple, il affirme que, après les attaques de la première nuit, il
n’avait toujours pas reçu de Washington ou du secrétaire général
de l’OTAN une approbation des cibles pour la journée suivante25.
On imagine facilement l’impact que cette deuxième contrainte a
eu sur le cycle de production des ordres de mission aérienne qui
sont normalement produits 72 heures à l’avance.
pires au niveau tactique. En effet, lors du bombardement d’un
pont, un train se présenta de façon inopinée, ce qui entraîna des
pertes civiles importantes. À la suite à cet incident, le lieutenantgénéral Short se vit contraint de restreindre les frappes sur des
ponts à des heures précises, ce qui rendit ces frappes hautement
prévisibles27.
Ce souci extrême de réduire les dommages collatéraux eut
aussi des répercussions sur le lieutenant-général Short lui-même.
Il était si inquiet des répercussions légales possibles sur les
équipages qu’il demandait aux pilotes de l’appeler directement par
radio s’ils avaient un doute quelconque. Micheal Ignatieff rapporte
l’incident d’un pilote qui, ayant repéré un char d’assaut près d’une
maison, demanda de Short l’autorisation pour la frappe. Et Short
de répondre : « Dites-lui de s’exécuter. S’il endommage cette
maison, ce sera ma responsabilité28. » Quant aux gouvernements
britannique et français, ils avaient imposé une restriction à leurs
équipages. Ils ne pouvaient attaquer les troupes serbes au Kosovo
lorsqu’un village se trouvait à moins de 500 mètres de leurs cibles.
Pourtant, selon Clark, ces cibles étaient de la plus haute
importance afin d’arrêter le nettoyage ethnique29.
Troisièmement et quatrièmement, des contraintes politiques
strictement américaines valent d’être rapportées ici. Pour des
considérations qui leur étaient propres, les États-Unis décidèrent
de ne pas placer sous les ordres du commandant de la composante
aérienne de la force interalliée les avions furtifs B-2 et F-117 ainsi
que les missiles de croisière Tomahawk. Ces armes furent
maintenues sous contrôle strictement américain30. De facto, on
créa alors une structure de commandement parallèle, faisant ainsi
fi du principe d’unité de commandement. Une
telle situation a sans doute eu un impact majeur
sur les relations entre le lieutenant-général Short
et les multiples représentants nationaux servant
sous ses ordres. De son propre aveu, le lieutenantgénéral Short se sentait mal à l’aise lors des
révisions journalières des ordres de mission
aérienne31. Cinquièmement, le partage de
renseignements militaires avec les alliés eut à
subir certaines restrictions de la part des ÉtatsUnis. On ne sait pas à quel point ces restrictions
furent importantes. Le lieutenant-général Short,
dans les leçons qu’il tire de cette campagne, ne
mentionne
qu’un
certain
manque
de
transparence32.
Les contraintes politiques dans l’exécution
d’une mission militaire paraissent de plus en plus
l’apanage des conflits modernes. Les
gouvernements cherchent à s’assurer l’appui du
public qui devient, pour sa part, de plus en plus
réfractaire à la violence. Ceci force les
gouvernements à vouloir tout contrôler.
Malheureusement, cette ingérence a des
conséquences néfastes sur les opérations, car elle
contrevient à l’application des principes de base de
l’art de la guerre. Comme le souligne le général
Clark, la conduite des opérations au Kosovo a
contredit presque tous les principes de la conduite
de la guerre33.
Figure 1 : Espace vital de commandement
Sans l’ombre d’un doute, l’inquiétude des divers
gouvernements au sujet des dommages collatéraux et des pertes
civiles explique une telle ingérence. Le général Clark admet que la
variable clef pour l’acceptation ou le refus d’une cible était le
niveau de risque de dommages collatéraux que cette cible
présentait26. Cette ingérence politique a eu des résultats encore
40
La campagne du Kosovo a donc connu les
contraintes politiques suivantes : une approche
d’escalade des moyens utilisés, un processus restrictif
d’approbation des cibles, un souci de réduire au minimum les
dommages collatéraux et les pertes civiles, une nécessité de
promulguer deux ordres de mission aérienne et un manque de
partage des renseignements militaires. Ces cinq éléments seront
repris dans la troisième partie de l’analyse.
Revue militaire canadienne
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S
elon la thèse que défend cet article, les exigences des conflits
armés modernes contraignent tellement les commandants que
leur efficacité à poursuivre une mission peut s’en trouver
compromise. Après avoir étudié les enjeux essentiels que sont le
phénomène de zéro perte et les contraintes politiques, il faut à
présent se doter d’un cadre d’analyse qui permette d’interpréter
ces divers éléments et de voir comment ils influent sur la qualité
du leadership militaire. Nombre d’approches ont tenté de cerner ce
qui fait un bon chef. La plus répandue repose sur des traits de
personnalité. On trouve des listes tellement vastes de
caractéristiques qu’on se demande si un seul être humain pourrait
jamais toutes les réunir.
McCann et Pigeau tiennent entre autres compte des concepts
d’autorité légale et personnelle, ainsi que des notions de
responsabilité intrinsèque et extrinsèque. Ces concepts ne sont pas
étrangers au domaine des études sur le commandement. Toutefois,
si les concepts d’autorité légale et personnelle sont bien connus, la
notion de responsabilité mérite qu’on s’y attarde. Selon Pigeau et
McCann, la responsabilité extrinsèque implique une obligation de
rendre compte au public et à l’autorité supérieure. Quant à la
responsabilité intrinsèque, elle implique une obligation
personnelle vers l’accomplissement de la mission35. De plus, ils
proposent une nouvelle définition du commandant militaire : une
combinaison de poste/personne qui évolue dans un espace de
commandement en équilibre et qui possède des pouvoirs spéciaux,
pouvoir d’ordre disciplinaire et pouvoir de mettre en danger de
mort ses subalternes36. Ces pouvoirs différencient le commandant
militaire du gestionnaire civil.
commandement pour assurer que le pouvoir du commandant ne
sera pas outrepassé ou rendu inefficace et que l’individu qui
remplit ce poste soit compétent pour mener à bien la mission39.
L’ANALYSE : LE PHÉNOMÈNE DE ZÉRO PERTE
L
e lieutenant-général Short prétend qu’il n’aurait pas été
contraint par le général Clark à ne subir aucune perte en vies
humaines. Il aurait exécuté sa mission sans que ce facteur n’entre
en ligne de compte40. Cependant le général Clark, dans son livre
récent, affirme que « sa mesure première de mérite était de ne
point perdre d’avion, de minimiser la perte d’avion » ce qui, selon
lui, répondait à l’inquiétude du lieutenant-général Short41. Force
est de constater que les formulations utilisées par les deux hommes
paraissent contradictoires. Entre aucune perte et minimiser les
pertes, il y existe bel et bien une différence.
LE LEADERSHIP
LE MODÈLE DE PIGEAU ET McCANN
Mais quelle influence le phénomène de zéro perte a-t-il eu sur
l’équilibre de l’espace de commandement du lieutenant-général
Short? Si l’on songe à l’axe de la responsabilité du schéma de
Pigeau et McCann, il est évident que le commandant s’est vu
assigner une mission étendue. Comme la consigne de zéro perte
s’impose de façon proéminente, on est en droit de postuler que
celle-ci dominait l’accomplissement de la mission. Conséquemment, un problème d’éthique militaire s’est posé dans le
sens qu’indiquait Dallaire et Snider. Il y a donc un déséquilibre au
niveau de la responsabilité intrinsèque.
De plus, selon l’axe d’autorité, il y a déséquilibre au niveau
de l’autorité légale (mettre en danger la vie des soldats) dont le
lieutenant-général Short aurait dû disposer. Cette autorité fut
P h o t o 0 11 0 0 5 - F - 7 9 1 0 D - 0 0 1 d e l a U S A F p a r l e S t a f f S G T G r e g D a v i s
Pigeau et McCann précisent
que les compétences du commandant doivent être d’ordre
physique, intellectuel, émotionnel
et interpersonnel. D’après Yulk,
les diverses aptitudes humaines
sont plutôt d’ordre technique,
cognitive et interpersonnel37. Les
aptitudes techniques dont parle
Yulk peuvent inclure la compétence physique que mentionnent
Pigeau et McCann. De l’avis de
Yulk, ce que Pigeau et McCann
décrivent comme des compétences
émotionnelles ne sont rien d’autre
que des traits de personnalité et
non pas une compétence38. Malgré
cette opinion, il vaut la peine
de conserver la compétence
émotionnelle du schéma de Pigeau
et McCann, car cette catégorie
suggère un potentiel d’apprentissage. Or un tel potentiel
a sa pertinence quant au
commandement.
Pour les fins de cette étude, Un chasseur F-16 Falcon de la US Air Force utilisé lors de l’opération « Allied Force » au Kosovo pour
on utilisera donc le cadre d’analyse éliminer la défense anti-aérienne et détruire des véhicules, des chars et des installations.
que proposent Pigeau et McCann
ainsi que leurs concepts d’espace de commandement et d’équilibre diminuée à tel point que les chances de succès de la mission furent
optimal. Néanmoins, on retiendra plutôt les compétences réduites. En ce qui concerne l’axe de la compétence, le fait de se
techniques, cognitives et interpersonnelles que mentionne Yulk, concentrer sur la zéro perte a influencé la façon dont le lieutenanttout en retenant toutefois la compétence émotionnelle de McCann général Short a dû résoudre le problème de la protection de la
et Pigeau. Il sera alors possible d’indiquer où se trouvent les force. Son jugement (compétence cognitive) en devint en fait
déséquilibres qui existent dans le cadre de commandement du biaisé, et ceci entraîna une solution non optimale. Tel que
commandant de la campagne aérienne au Kosovo. Cette approche mentionné plus haut, le vice-maréchal de l’Air Mason a souligné
rejoint celle de Pigeau et McCann lorsqu’ils concluent qu’un ce fait lorsqu’il a examiné le partage des effectifs offensifs et
commandant doit se retrouver en équilibre dans l’espace de défensifs lors des frappes. Implicite ou explicite, cette contrainte
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Revue militaire canadienne
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de zéro perte a directement influencé le niveau de tolérance aux
risques du commandant. On constate qu’il y eut un déséquilibre
complexe entre l’axe autorité et celui de la responsabilité, ce qui
exerça une pression négative sur ses compétences cognitives. En
effet, durant le premier mois d’opération, seulement 15 % du total
des sorties effectuées furent consacrées aux frappes, alors que ce
pourcentage s’éleva plus tard à 30 %42.
Photo CKD9-300 du MDN
Comment s’explique un tel changement d’orientation? Peutêtre faut-il avancer l’idée que, au début du conflit, le lieutenantgénéral Short était en désaccord avec la stratégie des frappes
limitées. Il en serait résulté chez lui une volonté de faire primer la
protection de la force sur l’atteinte de la mission car, selon lui, la
réussite de la mission aurait semblé improbable. Lorsque la
stratégie de frappe aérienne évolua vers une stratégie plus proche
de celle qu’il prônait (autorisation de bombarder Belgrade de
façon systématique), c’est-à-dire vers une stratégie de puissance
décisive, Short put réajuster ses priorités. Une autre hypothèse
mérite d’être explorée. Comme les quatre premières semaines de
bombardements furent consacrées à détruire l’infrastructure de
défense anti-aérienne de l’adversaire, les risques posés aux
équipages s’en trouvèrent certainement réduits. Donc, le
changement apporté par le lieutenant-général Short quant à la
protection de la force n’aurait pas été le produit d’un changement
dans l’acceptation accrue des risques de pertes en vies humaines,
mais bien le résultat d’une diminution de la menace. Cette
Un CF-18 à la base aérienne d’Aviano pendant l’opération « Allied Force ».
deuxième hypothèse semble la plus vraisemblable, et il faut alors
conclure que le déséquilibre des axes engendré par le phénomène
de zéro perte s’est manifesté tout au long de la campagne.
L’ANALYSE : LES CONTRAINTES
POLITIQUES
O
n a souligné plus haut que le plan de campagne qui avait été
approuvé ne tenait pas compte des théories d’emploi de
l’arme aérienne. Ce plan provoqua des affrontements répétés entre
le général Clark (SACEUR) et le lieutenant-général Short qui a
affirmé :
Lors d’une des visites du SACEUR au centre de
commandement des opérations aériennes, il a fait sortir
42
tout le monde de la pièce pour me dire que j’avais été très
brusque envers lui. Je lui ai répondu que telle n’avait pas
été mon intention, mais que j’étais abasourdi des
directives qu’on me donnait. Je crois que j’ai fait tout ce
que j’ai pu pour faire comprendre au SACEUR ce qu’était
la force aérienne. J’ai fait tout ce que j’ai pu
pour m’opposer à ce que je pensais être de mauvaises
directives. Je ne cherche pas à esquiver mes
responsabilités, et c’est moi qui suis responsable de la
campagne aérienne43.
Cette citation est révélatrice. Le lieutenant-général Short fait
preuve de détermination (compétence émotionnelle) afin de
corriger un déséquilibre entre son autorité discrétionnaire légale,
qui lui permet de sélectionner les cibles, et la façon d’exécuter sa
mission. En outre, elle montre clairement sa responsabilité
intrinsèque face à l’accomplissement de la mission. Néanmoins, il
y a lieu de s’interroger sur sa compétence interpersonnelle
(communication), car le message ne fut pas compris par le
SACEUR. Quant à ses compétences cognitives, elles ont dû être
rudement mises à l’épreuve dans la formulation de ses arguments.
Sa compétence cognitive de créativité fut aussi fortement
ébranlée par toutes les contraintes politiques qu’il subissait. Ces
contraintes créèrent une sorte de carcan qui brima l’utilisation de
cet atout important qu’est la créativité au niveau opérationnel. Tel
que mentionné dans la première
section, chaque nouvel incident qui
entraînait des dommages collatéraux
était suivi de restrictions de plus en
plus astreignantes qui reléguèrent à
l’arrière-plan les occasions de faire
preuve de créativité. Ainsi, il a dû
imposer des restrictions en ce qui
concerne les frappes sur des ponts.
Les équipages ne devaient attaquer
qu’entre 22 h et 4 h, ce qui les rendit
vulnérables au tir anti-aérien
ennemi44. Ce manque d’autorité
légale occasionné par les contraintes
politiques créait, une fois de plus, un
déséquilibre entre ses compétences
techniques (tactique) et ses compétences cognitives (jugement) tout en
grugeant son autorité personnelle.
Pigeau et McCann précise que
l’autorité personnelle est accordée par
les collègues et les subordonnés qui
s’attendent à ce que le chef agisse
d’une façon qui soit cohérente avec la
confiance qu’on a mise en lui.
L’autorité personnelle sous-entend
donc une responsabilité vers le bas,
vers ceux qui sont la source de cette
autorité45. Quand Short imposait des
restrictions aux attaques, sa capacité de commandement s’en
voyait compromise. En effet comment un chef atteindrait-il un
équilibre optimal dans le schéma de Pigeau et McCann lorsque
son autorité légale n’est pas à la hauteur de ses responsabilités?
Quelles furent les conséquences de la nécessité de produire
deux types d’ordres de mission aérienne et du manque de
transparence au niveau du renseignement militaire, deux autres
contraintes politiques que lui imposa directement son
gouvernement. Dans un premier temps, ces contraintes grugeaient
son autorité légale déjà passablement malmenée. Comme on le
sait, la confiance se gagne par des gestes concrets. Les gestes que
posait le lieutenant-général Short à cause de la délicate position
dans laquelle il se trouvait pouvaient sembler un manque de
confiance à leur égard aux yeux de ses subordonnés, ce qui
Revue militaire canadienne
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Automne 2002
Autorité
• position de Short
Bas
Commandement équilibré minimal
Commandement inefficace
Bas
LE LEADERSHIP
Élevé
Commandement équilibré maximal
Commandement dangereux
Élevé
Responsablité
Figure 2. Positionnement de Short : axes autorité et responsabilité 46
CONCLUSION
C
s’ensuivrait que l’objectif de zéro perte primerait sur
l’accomplissement d’une mission. Évidemment, la situation est
loin d’être aussi tranchée, mais cette problématique reste bien
réelle.
L’article a utilisé dans sa démarche le modèle d’évaluation du
leadership proposé par Pigeau et McCann. Ce modèle comprend
l’espace de commandement en fonction de trois axes : ceux de la
responsabilité, de l’autorité et de la compétence. Il conçoit le
leadership idéal comme un équilibre optimum entre ces trois axes
et, ceci, pour une situation donnée. Bien que ce modèle apporte
une aide indéniable à toute analyse du commandement, la
complexité de la relation entre les trois axes reste un problème
difficile à résoudre. Trouver réponse à la question de l’équilibre
optimal entre ces axes n’est pas chose facile. Toutefois, ce modèle
pourrait permettre de préciser les lignes pédagogiques directrices
qui assureraient aux chefs militaires la possession des outils
essentiels à leur profession.
ommander est d’abord et avant tout une activité humaine.
Voilà pourquoi cet article a tenté de jeter un regard sur un
commandant spécifique. La
campagne aérienne du Kosovo
lui a servi de toile de fond et le
modèle théorique de Pigeau et
McCann de chevalet. Dans un
premier temps, il s’est penché
sur cet élément important
qu’est le phénomène de zéro
perte qui puise vraisemblablement ses origines dans
les traumatismes qu’occasionna la guerre du Vietnam.
Ce phénomène a depuis lors
influé d’une façon ou d’une
autre sur la politique étrangère
américaine. L’article a aussi
montré que le public n’exige
pas tant une absence de perte
de vies humaines que des
risques qui en valent la peine. Il
a aussi constaté que le discours
public jouait un rôle clé dans la
formulation de la position de la
population. En revanche, il
semble exister un paradoxe
chez les dirigeants. En effet, ils
semblent moins facilement
tolérer que le public la Un CF-18 photographié sous un angle différent à Aviano.
possibilité de pertes en vies
humaines. Leur position serait influencée par une idée préconçue
L’analyse de divers éléments qui sont entrés en jeu lors du
et, par conséquent, fausse de ce que souhaite vraiment le public. Si conflit moderne qu’a été la campagne du Kosovo a permis
l’on suivait une telle logique jusqu’à ses conséquences ultimes, il d’établir que le commandant des opérations aériennes ne se
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Revue militaire canadienne
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Photo CKD9-480 du MDN
effritait encore plus son autorité personnelle. S’il ne faisait pas
preuve de confiance envers les membres de son équipe, comment
aurait-il pu en exiger de leur part? Toutes ces contraintes
politiques eurent des répercussions sur son autorité personnelle et
légale ainsi que sur l’ensemble des compétences délimitées par le
modèle de Pigeau et McCann. Il se peut que Short ait atteint un
certain équilibre dans son espace de commandement; mais, ce
n’était certainement pas un équilibre optimal. Afin de bien
montrer la situation dans laquelle il se trouvait, la Figure 2 illustre
les axes de responsabilité et d’autorité et la position qu’occupait
par rapport à eux le lieutenant-général Short. Cette figure met en
évidence son manque d’autorité par rapport à son niveau de
responsabilité.
trouvait pas alors en position d’équilibre optimal à l’intérieur de
son espace de commandement et que, par le fait même, son
efficacité fut compromise. Le phénomène de zéro perte a joué un
rôle important dans cette situation tout comme les contraintes
politiques auxquelles a
dû faire face ce commandant. Toutes ces
Trouver réponse à la
restrictions ont conquestion de l’équilibre
sidérablement diminué
son autorité légale et
optimal entre [l]es axes
personnelle, créant ainsi
[d’autorité, de responsabilité
un déséquilibre par
rapport aux responet de compétence] n’est pas
sabilités qu’il devait
assumer. De plus, ce
chose facile.
déséquilibre entre l’axe
de l’autorité et celui de la
responsabilité a affecté de façon négative ses compétences
cognitives en le plaçant, en fait, dans un carcan opérationnel
étouffant. Cette situation a limité l’expression de sa créativité et de
son jugement professionnel. Il faut même se demander si un tel
contrôle n’a pas été excessif en dépit du succès apparent de la
campagne. Comme le souligne Martin van Creveld, si le contrôle
est nécessaire, il se doit d’être bien dosé : « Le contrôle doit être
suffisamment étroit pour garantir une exécution satisfaisante, mais
pas au point de saper l’autorité ou d’étouffer l’initiative47. »
Il ne fait aucun doute que le commandant de ce conflit
moderne était loin de la position optimale d’équilibre dans son
espace de commandement. Son efficacité en tant que chef a été
sapé par maintes contraintes. Le général Jumper, commandant des
Forces aériennes américaines en Europe, en témoigne :
Ce sont les réalités politiques du moment qui
détermineront ce que nous pourrons faire. Si le consensus
se limite à une approche par étapes, il faudra nous
débrouiller avec une campagne aérienne qui procédera par
étapes. Peut-être l’efficacité en sera-t-elle sacrifiée48.
Certes, les forces alliées ont remporté la victoire mais contre
un adversaire qui, somme toute, ne faisait pas militairement le
poids. C’est donc avec d’autant plus d’acuité qu’il faut se
demander si cette victoire aurait été acquise face à un adversaire
qui, lui, aurait fait le poids.
NOTES
1. Timothy Mundy, Casualty Aversion: Dispelling the
Myth, School of Advanced Military Studies, United States
Army Command and General Staff College, Fort
Leavenworth, Kansas, décembre 1999, p. 6. [TCO]
2. Mark Lorell, Charles Kelly, Jr, et Deborah Hensler,
Casualties, Public Opinion and Presidential Policy
during the Vietnam War, Santa Monica, CA, RAND
Corporation 1985, R-3060-AF. Benjamin C.Schwarz,
Casualties, Public Opinion and US Military Intervention,
Santa Monica, CA, RAND Corporation, 1994, MR-421A/AF. Eric V. Larson, Casualties and Consensus, Santa
Monica, CA, RAND Corporation, 1996, MR-726-RC.
3. Jeffrey Record, « Force Protection Fetishism »,
Aerospace Power Journal, vol. 14 , no 2, été 2000, p. 4.
[TCO]
4. Daniel Byman and Matthew Waxman, « Defeating
US Coercion » Survival, vol. 41, no 2. été, 1999, p. 108.
[TCO]
5. Mark Lorell, Charles Kelly, Jr, et Deborah Hensler,
Casualties, Public opinion and Presidential Policy
during the Vietnam War, Santa Monica, CA, RAND
Corporation 1985, R-3060-AF, p. vii. [TCO]
6. Charles Hyde, Casualty Aversion: Implication for
Policy Makers and Senior Military Officers, Naval War
College, Newport, R.I., 8 février 2000, p. 4. [TCO]
7. Benjamin C. Schwarz, Casualties, Public Opinion,
and U.S. Military Intervention, Santa Monica,
CA,RAND Corporation, 1994, MR-431-A/AF, p. vii.
8. Eric V. Larson, Casualties and Consensus, Santa
Monica, CA, RAND Corporation, 1996, MR-726-RC,
p. 10.
9. Ibid., p. 12.
10. Ibid., p. 49.
11. Charles C. Hyde, Casualty Aversion: Implication for
Policy Makers and Senior Military Officers, Naval War
College, Newport, R.I., 8 février 2000, p. 7.
12. Carol McCann et Ross Pigeau, « Research
Challenges for the Human in Command », dans McCann
et Pigeau, dir., Human in Command, New York, Kluwer
Academic/Plenum Publisher, 2000, p. 390.
13. Peter D. Feaver et Christopher Gelpi, « How Many
Deaths Are Acceptable? A Surprising Answer »,
Washington Post, 7 novembre 1999, p. B3. [TCO]
14. Ibid.
15. Ibid.
16. Jeffrey Smith, « A GI’s Home in his Fortress: High
44
Security, High Comfort, U.S. Base in Kosovo Stirs
Controversy », Washington Post, 5 octobre 1999, sec A,
p. 11.
17. Le lieutenant-général R. A. Dallaire, « Command
Experiences in Rwanda », dans Pigeau et McCann, dir.,
Human in Command, New York, Kluwer
Academic/Plenum Publishers, 2000, p. 38.
18. Ibid., p. 37. [TCO]
19. Micheal Ignatieff, Virtual War, Toronto, Viking
Group Publisher, 2000, p. 42.
20. James A. Kitfield, « Another Look at the Air War
That Was », Air Force Magazine, octobre 1999, p. 43.
21. Dana Priest, « United NATO Front Was Divided
Within », Washington Post, 21 septembre 1999.
22. Robert S. Dudney, « Verbatim », Air Force
Magazine, décembre 1999, p. 58.
23. John Keegan, « Please, Mister Blair, Never Take
such a Risk Again », London Daily Telegraph, 6 juin,
1999, p. 1.
24. Paul C. Strickland, « USAF Aerospace Power
Doctrine: Decisive or Coercive? », Aerospace Power
Journal, automne 2000, p. 22.
25. Wesley Clark, Waging Modern War, New York,
Public Affairs, p. 201.
26. Ibid., p. 224.
27. Shella Foote, « Commander Hits Excessive Focus
on Collateral Damage? » Defense Daily, vol. 204, no 6,
25 octobre, 1999.
28. Michael Ignatieff, The Virtual Commander, Toronto,
Viking Group, p. 101. [TCO]
29. Ibid., p. 275.
30. Paul, C. Strickland, « USAF Aerospace Power
Doctrine : Decisive or Coercive? », Aerospace Power
Journal, automne 2000, p. 33.
31. John A. Tirpak, « Shorts View of the Air Campaign »,
Air Force Magazine, septembre 1999, p. 45.
32. John A. Tirpak, « Kosovo Perspective », Air Force
Magazine, avril 2000, p. 33.
33. Wesley Clark, Waging Modern War, New York,
Public Affairs, p. 423.
34. Ross Pigeau et Carol McCann, « What is a
Commander? », dans Bernard Horn et Steven J. Harris,
dir., Generalship and the Art of the Admiral:
Perspectives on Canadian Senior Military Leadership,
Ste Catharines, Ontario, Vanwell Publishing Limited,
2001, p. 83-88. [TCO]
35. Ibid., p. 85-86.
36. Ibid., p. 99.
37. Gary Yulk, Leadership in Organizations, Englewood
Cliffs, New Jersey, Prentice Hall, 1989, p. 191.
38. Gary Yulk, « Leadership Competencies Required
for the New Army and Approaches for Developing Them »,
dans James Hunt, Georges Dodge et Leonard Wong, dir.,
Out of the Box Leadership: Transforming the 21st
Century Army and Other Top Performing Organizations,
Stamford, Connecticut, Jai Press, 1999, p. 256.
39. Ross Pigeau et Carol McCann, « What is a
Commander », dans Bernard Horn et Steven J. Harris,
dir., Generalship and the Art of the Admiral: Perspectives
on Canadian Senior Military Leadership, Ste Catharines,
Ontario, Vanwell Publishing Limited, 2001, p. 98.
40. John A. Tirpak, « Shorts View of the Air Campaign »,
Air Force Magazine, septembre 1999, p. 43.
41. Wesley Clark, Waging Modern War, New York,
Public Affairs, p. 183. [TCO]
42. U.S.A., Kosovo Backgrounder, 30 juin, 1999,
http://www.house.gvt/hasc/Publications/106thcongress/
Kosovo Backgrounder. PDF., consulté le 15 septembre
2001.
43. Paul, C. Strickland, « USAF Aerospace Power
Doctrine: Decisive or Coercive? », Aerospace Power
Journal, automne 2000, p. 19. [TCO]
44. Dana Priest, « Air Chief Faults Kosovo Strategy »,
The Washington Post, 22 octobre 1999, p. 14.
45. Ross Pigeau et Carol McCann, « What is a
Commander », dans Bernard Horn et Steven J. Harris,
dir., Generalship and the Art of the Admiral: Perspectives
on Canadian Senior Military Leadership, Ste Catharines,
Ontario, Vanwell Publishing Limited, 2001, p. 86.
46. Figure inspirée de Ross, Pigeau et Carol McCann, «
What is a Commander », dans Bernard Horn et Steven J.
Harris, dir, Generalship and the Art of the Admiral:
Perspectives on Canadian Senior Military Leadership,
Ste Catharines, Ontario, Vanwell Publishing Limited,
2001, p. 93. [TCO]
47. Martin van Creveld, Command in War, Cambridge,
MA, Harvard University Press, 1985, p. 9. [TCO]
48. James A. Kitfield, « Another Look at the Air War
That War », Air Force Magazine, octobre 1999, p. 41.
[TCO]
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