le leadership et la campagne aérienne au kosovo
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le leadership et la campagne aérienne au kosovo
LE LEADERSHIP Photo de la US Air Force Un avion Eagle F-15 de la US Air Force. LE LEADERSHIP ET LA CAMPAGNE AÉRIENNE AU KOSOVO par le colonel Alain Boyer Et moi, pauvre homme! Aurai-je assez de clairvoyance, de fermeté, d’habileté pour maîtriser jusqu’au bout les épreuves? Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, tome I, L’Appel C hacun conviendra que le rôle du commandant dans un conflit armé est d’une importance capitale pour la victoire. Dans un contexte de guerre limitée, le commandant doit composer avec un environnement qu’on peut qualifier de contraignant et de complexe. Le refus de subir toute perte de vie humaine, ce phénomène de zéro perte omniprésent dans la culture américaine, les contraintes ou intrusions politiques dans la conduite de la guerre et la quête d’une guerre propre sans dommage collatéral ou victime dans la population civile font maintenant partie de l’espace opérationnel d’un commandant. Comment tous ces éléments l’affectent-ils? Une analyse des répercussions qu’un tel contexte peut avoir sur la personne du commandant s’impose pour répondre à cette question. Cet article entend démontrer que les conflits armés modernes contraignent tellement le commandant que son efficacité à poursuivre une mission en est compromise. Le terme « efficacité » désigne dans ce texte la capacité d’atteindre un objectif à l’aide d’une utilisation optimale des ressources. Automne 2002 ● Revue militaire canadienne Afin de circonscrire le cadre de cette recherche, l’étude s’attardera particulièrement à la campagne aérienne du Kosovo. Cette campagne donne un très bon exemple de ce qui attend les commandants lors d’opérations futures. Il importe donc de bien comprendre les répercussions que ces opérations auront sur les chefs de demain. Dans un premier temps, l’étude se penchera sur le refus de subir toute perte humaine ou phénomène de zéro perte. Ce faisant, elle répondra à plusieurs questions. Quel est l’origine d’un tel phénomène? Existe-t-il encore? Se manifeste-t-il de la même façon dans le grand public que chez les dirigeants politiques et militaires? Quel impact a-t-il sur la conduite des opérations militaires? Les Canadiens et les Européens le perçoivent-ils de la même manière? Ce phénomène s’est-il manifesté lors du conflit du Kosovo? Dans un deuxième temps, cette étude se penchera sur les diverses restrictions d’ordre politique qui marquèrent la campagne aérienne du Kosovo. Elle abordera la question du choix du type de plan de campagne, celle du processus d’approbation des cibles ainsi que celle de l’inquiétude quant aux dommages collatéraux et aux pertes civiles. Elle traitera de certaines restrictions imposées Le colonel Alain Boyer est chef de la Division de disponibilité opérationnelle du NORAD à Colorado Springs. 37 Photo CKD99-2029-01 du MDN par la cpl Danielle Bernier par les États-Unis en ce qui concerne le renseignement militaire et la gestion des armes de haute technologie (les avions B-2 et F-117 ainsi que les missiles de croisière). Il faut préciser que la thèse que défend cet article porte sur la personne du commandant et non pas sur le résultat de la campagne en question. sur la politique de dissuasion pratiquée par les États-Unis. D’ailleurs, Saddam Hussein en serait arrivé au même constat. Discutant avec l’ambassadeur américain en Irak le 25 juillet 1990, Hussein aurait souligné que « les Etats-Unis étaient incapables de supporter la perte de 10 000 hommes lors d’une bataille »4. Le modèle scientifique que proposent Pigeau et McCann et qui sert à délimiter l’espace de commandement se prête bien au genre d’analyse tentée ici. Sans qu’il soit ici question de justifier le choix de ce modèle particulier il importe d’en décrire brièvement les principaux aspects. Ce modèle a trois composantes : Les trois études de la corporation RAND en sont-elles arrivées à la même conclusion? Le rapport de 1985 utilisa les guerres de Corée et du Vietnam pour examiner en profondeur le rapport entre l’appui du public et le nombre de pertes encourues. Après analyse, les chercheurs conclurent que « le public tend à ne tolérer que des pertes minimales dans des situations de guerre limitée »5. En revanche, comme le souligne le major Hyde, « l’étude n’a pas tenu compte de l’ensemble des variables, entre autres, la raison pour laquelle le public avait soutenu l’effort en dépit de pertes importantes pendant une période de temps prolongé »6. À la suite de la guerre du Golfe, la corporation RAND entreprit une deuxième étude sur le sujet qui proposa une contre-thèse à l’étude de 1985 en s’attardant à examiner la question de l’appui du public quant au retrait ou non des forces déployées. Cette deuxième étude a conclu, après examen de divers sondages, qu’il n’y avait eu que peu de changement dans l’appui du public quant au retrait des troupes. Somme toute, les Américains favorisent l’escalade de préférence au retrait afin d’arriver à une victoire décisive7. Selon l’étude, les dirigeants américains auraient mal interprété le souhait de la Un avion CF-18 Hornet s’apprêtant à partir en mission au dessus du Kosovo attend la permission de se population qui n’était pas opposée diriger sur la piste de décollage à la base aérienne d’Aviano en Italie. aux pertes de vie mais souhaitait plutôt une escalade décisive. Une la responsabilité, la compétence et l’autorité. Il repose sur telle conclusion laisse perplexe, car elle est fondée sur un examen l’hypothèse selon laquelle un commandement efficace repose sur tout à fait limité des enjeux. un équilibre optimal entre ces trois éléments. Cet équilibre optimal Enfin, Eric Larson, dans son étude de 1996, s’est penché sur n’est toutefois pas statique. Il varie selon les divers niveaux de commandement : stratégique, opérationnel et tactique. Finalement, la façon dont le public arrive à une décision quant à l’appui à l’étude s’efforcera de cerner l’impact que les divers éléments du accorder à la poursuite d’une intervention militaire. Selon lui, le contexte choisi ont sur les trois axes du modèle Pigeau et McCann public tient compte de cinq facteurs dans sa prise de position : les afin de prouver que les conflits armés modernes contraignent bénéfices anticipés de l’intervention, la perspective de réussite, les coûts réels ou anticipés, les changements dans la mission et le tellement un commandant que son efficacité en est compromise. discours des dirigeants politiques8. Larson fit remarquer que LE PHÉNOMÈNE DE ZÉRO PERTE : LE PUBLIC l’appui du public évolue en fonction de la comparaison entre, d’une part, les bénéfices et la perspective de succès et, d’autre part, ythe ou réalité, le phénomène de zéro perte continue de les coûts actuels ou éventuels9. Il souligna en outre que, lorsque préoccuper le public. Omniprésent aux États-Unis, il semble l’on tenait compte de l’importance des bénéfices perçus, la beaucoup moins se manifester ailleurs dans le monde. Mais d’où conclusion récente voulant que le public tolère de moins en moins vient un tel phénomène? Le major Mundy des US Marines affirme les pertes de vies humaines paraissait faible10. dans une étude qu’il a publiée « que la guerre du Vietnam a Pour sa part, le major Hyde soutint qu’il était tout à fait engendré la croyance chez les dirigeants américains que le public ne tolère pas de perte dans un conflit limité »1. La corporation logique que, s’il y avait augmentation des pertes, il en résulterait RAND aux États-Unis a même consacré trois études scientifiques une diminution de l’appui du public à moins que ces coûts approfondies à ce phénomène préoccupant2. additionnels ne soient contrebalancés par une augmentation des bénéfices anticipés ou une meilleure perspective de succès11. Certains observateurs décrivent ce prétendu phénomène Lorsque l’on a pris connaissance de ces études, il semble bien que comme le « talon d’Achille des Etats-Unis »3. Les événements faire une simple relation de cause à effet entre le nombre de pertes survenus lors de l’intervention américaine en Somalie, la non- et l’appui du public quant à la poursuite d’une opération militaire intervention des États-Unis au Rwanda quelque temps plus tard et est insuffisant. La façon dont le public prend position semble leur refus d’engager des troupes au sol au Kosovo semblent beaucoup plus complexe. En effet, le public est prêt à tolérer des confirmer une telle remarque. Cette perception a des répercussions pertes humaines si les bénéfices perçus le justifient. M 38 Revue militaire canadienne ● Automne 2002 Militaire Élite civile Grand public Congo 284 484 6 861 Irak 6 016 19 045 29 853 Taïwan 17 425 17 554 20 172 Tableau 1. Nombre de pertes humaines acceptables 13 On n’a pas encore consacré d’étude à l’attitude du public canadien à ce propos. Par contre, Pigeau et McCann soutiennent que les Canadiens sont fiers des engagements humanitaires des Forces canadiennes, mais qu’ils n’ont que peu de tolérance envers les pertes humaines qui peuvent en résulter12. Faut-il en conclure que le public canadien a horreur des pertes humaines? La chose reste à démontrer. LE PHÉNOMÈNE DE ZÉRO PERTE : LES DIRIGEANTS C omme on vient de le constater, le phénomène de zéro perte est loin d’être un absolu auprès du public; mais qu’en est-il de cette problématique du point de vue des dirigeants? Une étude récente du Triangle Institute for Securities Studies apporte quelques précisions à ce sujet. En utilisant la technique du sondage, l’étude examine trois cas d’interventions hypothétiques : stabiliser un gouvernement au Congo, empêcher l’acquisition d’armes de destruction massive par l’Irak, et défendre Taïwan d’une invasion chinoise. Le sondage a été effectué auprès de 4 900 Américains répartis en trois groupes : officiers militaires supérieurs, élite civile et le grand public. Le tableau 1 donne les résultats à la question Combien de pertes humaines sont acceptables pour chacun des scénarios? À la lumière de ces chiffres, les chercheurs en sont arrivés à la conclusion que les chefs militaires ont une aversion pour les pertes en vies humaines encore plus grande que celle du public. Les données du sondage ne corroborent pas l’impression des dirigeants civils et militaires selon laquelle le public américain ne tolère pas de pertes de vies humaines. De plus, les chercheurs soutiennent que les officiers militaires supérieurs acceptent encore moins ces pertes que les élites civiles14. Selon les auteurs, ce phénomène s’expliquerait par le manque de confiance des officiers supérieurs envers les autorités civiles qui feraient habituellement volte-face lorsque les pertes humaines augmentent. Les auteurs avancent la théorie que le phénomène de zéro perte deviendrait une mesure de succès ou d’échec dans l’esprit des militaires15. D’ailleurs, le déploiement du contingent américain au Kosovo témoigne de cette inquiétude des officiers supérieurs. Dans l’énoncé de mission de la brigade responsable du secteur américain, la protection de la force est élevée au rang d’objectif primordial, tandis que les tâches associées à la mission, comme le maintien d’un environnement sécuritaire, sont reléguées à une priorité secondaire. Cette approche aboutit à la création d’un camp forteresse16. Bien que l’influence du phénomène de zéro perte en Europe ou au Canada n’ait fait l’objet d’aucune étude, il existe des traces manifestes d’une préoccupation à ce sujet. Le lieutenant-général Dallaire en fait foi dans Human in Command. Il y donne l’exemple du contingent belge qui, après avoir perdu dix soldats dans une escarmouche au Rwanda, se retira quelques jours plus tard17. Dallaire souligne le fait que l’impact politique d’encourir des pertes humaines risque d’être un facteur prépondérant dans le mécanisme décisionnel d’un commandant. Il s’interroge sur l’impact que ce phénomène pourrait avoir sur l’éthique militaire des priorités : « la mission, mon personnel et moi-même »18. Automne 2002 ● Revue militaire canadienne Faute d’étude portant sur la réalité canadienne, il faut se contenter d’imaginer que l’opinion du général Dallaire reflète la pensée ou l’attitude des officiers supérieurs canadiens. LE LEADERSHIP Mission Quoi qu’il en soit, et à la différence du grand public, le phénomène de zéro perte semble au cœur des préoccupations des officiers supérieurs. D’emblée, on peut avancer que cela influence directement la façon dont ils établissent et évaluent un plan militaire. LE PHÉNOMÈNE DE ZÉRO PERTE : LA CAMPAGNE AÉRIENNE DU KOSOVO Q uel impact le phénomène de zéro perte a-t-il eu sur la campagne aérienne du Kosovo? Ce phénomène semble avoir été au centre des préoccupations au plus haut niveau de la hiérarchie militaire. Dans Virtual War, Michael Ignatieff affirme que l’instinct politique du général Wesley Clark lui dictait une perte d’équipage minimale19. Puisque le lieutenant-général Short, commandant de la campagne aérienne, était placé sous le commandement immédiat du général Clark, les deux dirigeants militaires ont sans doute beaucoup discuter de cette question. Des commentaires formulés lors du colloque du Eaker Institute sur la campagne aérienne du Kosovo aident à comprendre le contexte. Selon le vice-maréchal de l’Air R.A. Mason de la RAF, un trop grand nombre d’avions a été utilisé à la mise hors de combat des moyens de défense aérienne ennemie durant les missions, et cet état de fait a été le fruit d’une décision délibérée de chercher à ne subir aucune perte20. Au dire de Mason, il est clair que l’objectif de zéro perte a eu la priorité sur l’accomplissement de la mission. LES CONTRAINTES POLITIQUES Dans tout conflit, les militaires doivent faire face à un certain nombre de contraintes d’ordre politique. Le lieutenant-général Short, commandant de la composante aérienne de la force interalliée, n’y a pas échappé. L’OTAN est une organisation qui fonctionne par consensus; et, pour la campagne du Kosovo, on a donc dû adopter un plan de campagne en trois phases qui correspondait à une escalade des frappes. Ce crescendo obéit à diplomatie coercitive et non aux exigences d’une campagne militaire traditionnelle. Ces trois phases peuvent se décrire ainsi : dans la phase I, on vise les éléments de défense ... le public n’exige pas tant anti-aérienne et leur centre de commandeune absence de perte de vies ment et contrôle; dans phase II, on frappe un humaines que des risques ensemble de cibles qui en vaillent la peine. militaires au sud du 44e parallèle et, dans la phase III, les frappes ne se limitent pas à des cibles purement militaires et ce même au cœur de Belgrade21. Cette escalade voulue allait à l’encontre des théories de l’emploi de l’arme aérienne, telles que prônées par Douhet, Mitchell et Trenchard, ainsi que de la doctrine de la Force aérienne américaine qui, elle aussi, veut un usage convaincant de la puissance aérienne et non pas des demi-mesures. Le lieutenantgénéral Short, quant à lui, aurait grandement souhaité commencer la campagne par la phase III. Lors de son témoignage devant le comité du Sénat américain, il précise qu’il aurait dirigé ces 39 attaques vers la « tête du serpent » dès la première nuit. Il aurait interrompu l’approvisionnement en électricité, frappé des ponts enjambant le Danube et détruit cinq ou six quartiers généraux au centre de Belgrade22. Le célèbre historien John Keegan lui donne raison en disant qu’il y a ... les exigences des conflits effectivement eu deux campagnes : la première armés modernes contraignent d’un mois qui fut un échec, la deuxième de six tellement les commandants semaines qui fut un que leur efficacité à succès23. Ce premier élément de contrainte poursuivre une mission peut politique n’est pourtant s’en trouver compromise. que la pointe de l’iceberg. Le processus d’autorisation des cibles a été une deuxième contrainte de taille. Tout au long de la campagne, l’autorisation des cibles fut étroitement contrôlée par Washington et l’OTAN. Selon le lieutenant-général Short, l’ingérence fut si grande qu’il se croyait de nouveau en 1968 alors que les cibles au Vietnam étaient approuvées par le président des États-Unis en personne24. Le général Wesley Clark fait, lui aussi, grand état de cette ingérence dans son livre. Par exemple, il affirme que, après les attaques de la première nuit, il n’avait toujours pas reçu de Washington ou du secrétaire général de l’OTAN une approbation des cibles pour la journée suivante25. On imagine facilement l’impact que cette deuxième contrainte a eu sur le cycle de production des ordres de mission aérienne qui sont normalement produits 72 heures à l’avance. pires au niveau tactique. En effet, lors du bombardement d’un pont, un train se présenta de façon inopinée, ce qui entraîna des pertes civiles importantes. À la suite à cet incident, le lieutenantgénéral Short se vit contraint de restreindre les frappes sur des ponts à des heures précises, ce qui rendit ces frappes hautement prévisibles27. Ce souci extrême de réduire les dommages collatéraux eut aussi des répercussions sur le lieutenant-général Short lui-même. Il était si inquiet des répercussions légales possibles sur les équipages qu’il demandait aux pilotes de l’appeler directement par radio s’ils avaient un doute quelconque. Micheal Ignatieff rapporte l’incident d’un pilote qui, ayant repéré un char d’assaut près d’une maison, demanda de Short l’autorisation pour la frappe. Et Short de répondre : « Dites-lui de s’exécuter. S’il endommage cette maison, ce sera ma responsabilité28. » Quant aux gouvernements britannique et français, ils avaient imposé une restriction à leurs équipages. Ils ne pouvaient attaquer les troupes serbes au Kosovo lorsqu’un village se trouvait à moins de 500 mètres de leurs cibles. Pourtant, selon Clark, ces cibles étaient de la plus haute importance afin d’arrêter le nettoyage ethnique29. Troisièmement et quatrièmement, des contraintes politiques strictement américaines valent d’être rapportées ici. Pour des considérations qui leur étaient propres, les États-Unis décidèrent de ne pas placer sous les ordres du commandant de la composante aérienne de la force interalliée les avions furtifs B-2 et F-117 ainsi que les missiles de croisière Tomahawk. Ces armes furent maintenues sous contrôle strictement américain30. De facto, on créa alors une structure de commandement parallèle, faisant ainsi fi du principe d’unité de commandement. Une telle situation a sans doute eu un impact majeur sur les relations entre le lieutenant-général Short et les multiples représentants nationaux servant sous ses ordres. De son propre aveu, le lieutenantgénéral Short se sentait mal à l’aise lors des révisions journalières des ordres de mission aérienne31. Cinquièmement, le partage de renseignements militaires avec les alliés eut à subir certaines restrictions de la part des ÉtatsUnis. On ne sait pas à quel point ces restrictions furent importantes. Le lieutenant-général Short, dans les leçons qu’il tire de cette campagne, ne mentionne qu’un certain manque de transparence32. Les contraintes politiques dans l’exécution d’une mission militaire paraissent de plus en plus l’apanage des conflits modernes. Les gouvernements cherchent à s’assurer l’appui du public qui devient, pour sa part, de plus en plus réfractaire à la violence. Ceci force les gouvernements à vouloir tout contrôler. Malheureusement, cette ingérence a des conséquences néfastes sur les opérations, car elle contrevient à l’application des principes de base de l’art de la guerre. Comme le souligne le général Clark, la conduite des opérations au Kosovo a contredit presque tous les principes de la conduite de la guerre33. Figure 1 : Espace vital de commandement Sans l’ombre d’un doute, l’inquiétude des divers gouvernements au sujet des dommages collatéraux et des pertes civiles explique une telle ingérence. Le général Clark admet que la variable clef pour l’acceptation ou le refus d’une cible était le niveau de risque de dommages collatéraux que cette cible présentait26. Cette ingérence politique a eu des résultats encore 40 La campagne du Kosovo a donc connu les contraintes politiques suivantes : une approche d’escalade des moyens utilisés, un processus restrictif d’approbation des cibles, un souci de réduire au minimum les dommages collatéraux et les pertes civiles, une nécessité de promulguer deux ordres de mission aérienne et un manque de partage des renseignements militaires. Ces cinq éléments seront repris dans la troisième partie de l’analyse. Revue militaire canadienne ● Automne 2002 S elon la thèse que défend cet article, les exigences des conflits armés modernes contraignent tellement les commandants que leur efficacité à poursuivre une mission peut s’en trouver compromise. Après avoir étudié les enjeux essentiels que sont le phénomène de zéro perte et les contraintes politiques, il faut à présent se doter d’un cadre d’analyse qui permette d’interpréter ces divers éléments et de voir comment ils influent sur la qualité du leadership militaire. Nombre d’approches ont tenté de cerner ce qui fait un bon chef. La plus répandue repose sur des traits de personnalité. On trouve des listes tellement vastes de caractéristiques qu’on se demande si un seul être humain pourrait jamais toutes les réunir. McCann et Pigeau tiennent entre autres compte des concepts d’autorité légale et personnelle, ainsi que des notions de responsabilité intrinsèque et extrinsèque. Ces concepts ne sont pas étrangers au domaine des études sur le commandement. Toutefois, si les concepts d’autorité légale et personnelle sont bien connus, la notion de responsabilité mérite qu’on s’y attarde. Selon Pigeau et McCann, la responsabilité extrinsèque implique une obligation de rendre compte au public et à l’autorité supérieure. Quant à la responsabilité intrinsèque, elle implique une obligation personnelle vers l’accomplissement de la mission35. De plus, ils proposent une nouvelle définition du commandant militaire : une combinaison de poste/personne qui évolue dans un espace de commandement en équilibre et qui possède des pouvoirs spéciaux, pouvoir d’ordre disciplinaire et pouvoir de mettre en danger de mort ses subalternes36. Ces pouvoirs différencient le commandant militaire du gestionnaire civil. commandement pour assurer que le pouvoir du commandant ne sera pas outrepassé ou rendu inefficace et que l’individu qui remplit ce poste soit compétent pour mener à bien la mission39. L’ANALYSE : LE PHÉNOMÈNE DE ZÉRO PERTE L e lieutenant-général Short prétend qu’il n’aurait pas été contraint par le général Clark à ne subir aucune perte en vies humaines. Il aurait exécuté sa mission sans que ce facteur n’entre en ligne de compte40. Cependant le général Clark, dans son livre récent, affirme que « sa mesure première de mérite était de ne point perdre d’avion, de minimiser la perte d’avion » ce qui, selon lui, répondait à l’inquiétude du lieutenant-général Short41. Force est de constater que les formulations utilisées par les deux hommes paraissent contradictoires. Entre aucune perte et minimiser les pertes, il y existe bel et bien une différence. LE LEADERSHIP LE MODÈLE DE PIGEAU ET McCANN Mais quelle influence le phénomène de zéro perte a-t-il eu sur l’équilibre de l’espace de commandement du lieutenant-général Short? Si l’on songe à l’axe de la responsabilité du schéma de Pigeau et McCann, il est évident que le commandant s’est vu assigner une mission étendue. Comme la consigne de zéro perte s’impose de façon proéminente, on est en droit de postuler que celle-ci dominait l’accomplissement de la mission. Conséquemment, un problème d’éthique militaire s’est posé dans le sens qu’indiquait Dallaire et Snider. Il y a donc un déséquilibre au niveau de la responsabilité intrinsèque. De plus, selon l’axe d’autorité, il y a déséquilibre au niveau de l’autorité légale (mettre en danger la vie des soldats) dont le lieutenant-général Short aurait dû disposer. Cette autorité fut P h o t o 0 11 0 0 5 - F - 7 9 1 0 D - 0 0 1 d e l a U S A F p a r l e S t a f f S G T G r e g D a v i s Pigeau et McCann précisent que les compétences du commandant doivent être d’ordre physique, intellectuel, émotionnel et interpersonnel. D’après Yulk, les diverses aptitudes humaines sont plutôt d’ordre technique, cognitive et interpersonnel37. Les aptitudes techniques dont parle Yulk peuvent inclure la compétence physique que mentionnent Pigeau et McCann. De l’avis de Yulk, ce que Pigeau et McCann décrivent comme des compétences émotionnelles ne sont rien d’autre que des traits de personnalité et non pas une compétence38. Malgré cette opinion, il vaut la peine de conserver la compétence émotionnelle du schéma de Pigeau et McCann, car cette catégorie suggère un potentiel d’apprentissage. Or un tel potentiel a sa pertinence quant au commandement. Pour les fins de cette étude, Un chasseur F-16 Falcon de la US Air Force utilisé lors de l’opération « Allied Force » au Kosovo pour on utilisera donc le cadre d’analyse éliminer la défense anti-aérienne et détruire des véhicules, des chars et des installations. que proposent Pigeau et McCann ainsi que leurs concepts d’espace de commandement et d’équilibre diminuée à tel point que les chances de succès de la mission furent optimal. Néanmoins, on retiendra plutôt les compétences réduites. En ce qui concerne l’axe de la compétence, le fait de se techniques, cognitives et interpersonnelles que mentionne Yulk, concentrer sur la zéro perte a influencé la façon dont le lieutenanttout en retenant toutefois la compétence émotionnelle de McCann général Short a dû résoudre le problème de la protection de la et Pigeau. Il sera alors possible d’indiquer où se trouvent les force. Son jugement (compétence cognitive) en devint en fait déséquilibres qui existent dans le cadre de commandement du biaisé, et ceci entraîna une solution non optimale. Tel que commandant de la campagne aérienne au Kosovo. Cette approche mentionné plus haut, le vice-maréchal de l’Air Mason a souligné rejoint celle de Pigeau et McCann lorsqu’ils concluent qu’un ce fait lorsqu’il a examiné le partage des effectifs offensifs et commandant doit se retrouver en équilibre dans l’espace de défensifs lors des frappes. Implicite ou explicite, cette contrainte Automne 2002 ● Revue militaire canadienne 41 de zéro perte a directement influencé le niveau de tolérance aux risques du commandant. On constate qu’il y eut un déséquilibre complexe entre l’axe autorité et celui de la responsabilité, ce qui exerça une pression négative sur ses compétences cognitives. En effet, durant le premier mois d’opération, seulement 15 % du total des sorties effectuées furent consacrées aux frappes, alors que ce pourcentage s’éleva plus tard à 30 %42. Photo CKD9-300 du MDN Comment s’explique un tel changement d’orientation? Peutêtre faut-il avancer l’idée que, au début du conflit, le lieutenantgénéral Short était en désaccord avec la stratégie des frappes limitées. Il en serait résulté chez lui une volonté de faire primer la protection de la force sur l’atteinte de la mission car, selon lui, la réussite de la mission aurait semblé improbable. Lorsque la stratégie de frappe aérienne évolua vers une stratégie plus proche de celle qu’il prônait (autorisation de bombarder Belgrade de façon systématique), c’est-à-dire vers une stratégie de puissance décisive, Short put réajuster ses priorités. Une autre hypothèse mérite d’être explorée. Comme les quatre premières semaines de bombardements furent consacrées à détruire l’infrastructure de défense anti-aérienne de l’adversaire, les risques posés aux équipages s’en trouvèrent certainement réduits. Donc, le changement apporté par le lieutenant-général Short quant à la protection de la force n’aurait pas été le produit d’un changement dans l’acceptation accrue des risques de pertes en vies humaines, mais bien le résultat d’une diminution de la menace. Cette Un CF-18 à la base aérienne d’Aviano pendant l’opération « Allied Force ». deuxième hypothèse semble la plus vraisemblable, et il faut alors conclure que le déséquilibre des axes engendré par le phénomène de zéro perte s’est manifesté tout au long de la campagne. L’ANALYSE : LES CONTRAINTES POLITIQUES O n a souligné plus haut que le plan de campagne qui avait été approuvé ne tenait pas compte des théories d’emploi de l’arme aérienne. Ce plan provoqua des affrontements répétés entre le général Clark (SACEUR) et le lieutenant-général Short qui a affirmé : Lors d’une des visites du SACEUR au centre de commandement des opérations aériennes, il a fait sortir 42 tout le monde de la pièce pour me dire que j’avais été très brusque envers lui. Je lui ai répondu que telle n’avait pas été mon intention, mais que j’étais abasourdi des directives qu’on me donnait. Je crois que j’ai fait tout ce que j’ai pu pour faire comprendre au SACEUR ce qu’était la force aérienne. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour m’opposer à ce que je pensais être de mauvaises directives. Je ne cherche pas à esquiver mes responsabilités, et c’est moi qui suis responsable de la campagne aérienne43. Cette citation est révélatrice. Le lieutenant-général Short fait preuve de détermination (compétence émotionnelle) afin de corriger un déséquilibre entre son autorité discrétionnaire légale, qui lui permet de sélectionner les cibles, et la façon d’exécuter sa mission. En outre, elle montre clairement sa responsabilité intrinsèque face à l’accomplissement de la mission. Néanmoins, il y a lieu de s’interroger sur sa compétence interpersonnelle (communication), car le message ne fut pas compris par le SACEUR. Quant à ses compétences cognitives, elles ont dû être rudement mises à l’épreuve dans la formulation de ses arguments. Sa compétence cognitive de créativité fut aussi fortement ébranlée par toutes les contraintes politiques qu’il subissait. Ces contraintes créèrent une sorte de carcan qui brima l’utilisation de cet atout important qu’est la créativité au niveau opérationnel. Tel que mentionné dans la première section, chaque nouvel incident qui entraînait des dommages collatéraux était suivi de restrictions de plus en plus astreignantes qui reléguèrent à l’arrière-plan les occasions de faire preuve de créativité. Ainsi, il a dû imposer des restrictions en ce qui concerne les frappes sur des ponts. Les équipages ne devaient attaquer qu’entre 22 h et 4 h, ce qui les rendit vulnérables au tir anti-aérien ennemi44. Ce manque d’autorité légale occasionné par les contraintes politiques créait, une fois de plus, un déséquilibre entre ses compétences techniques (tactique) et ses compétences cognitives (jugement) tout en grugeant son autorité personnelle. Pigeau et McCann précise que l’autorité personnelle est accordée par les collègues et les subordonnés qui s’attendent à ce que le chef agisse d’une façon qui soit cohérente avec la confiance qu’on a mise en lui. L’autorité personnelle sous-entend donc une responsabilité vers le bas, vers ceux qui sont la source de cette autorité45. Quand Short imposait des restrictions aux attaques, sa capacité de commandement s’en voyait compromise. En effet comment un chef atteindrait-il un équilibre optimal dans le schéma de Pigeau et McCann lorsque son autorité légale n’est pas à la hauteur de ses responsabilités? Quelles furent les conséquences de la nécessité de produire deux types d’ordres de mission aérienne et du manque de transparence au niveau du renseignement militaire, deux autres contraintes politiques que lui imposa directement son gouvernement. Dans un premier temps, ces contraintes grugeaient son autorité légale déjà passablement malmenée. Comme on le sait, la confiance se gagne par des gestes concrets. Les gestes que posait le lieutenant-général Short à cause de la délicate position dans laquelle il se trouvait pouvaient sembler un manque de confiance à leur égard aux yeux de ses subordonnés, ce qui Revue militaire canadienne ● Automne 2002 Autorité • position de Short Bas Commandement équilibré minimal Commandement inefficace Bas LE LEADERSHIP Élevé Commandement équilibré maximal Commandement dangereux Élevé Responsablité Figure 2. Positionnement de Short : axes autorité et responsabilité 46 CONCLUSION C s’ensuivrait que l’objectif de zéro perte primerait sur l’accomplissement d’une mission. Évidemment, la situation est loin d’être aussi tranchée, mais cette problématique reste bien réelle. L’article a utilisé dans sa démarche le modèle d’évaluation du leadership proposé par Pigeau et McCann. Ce modèle comprend l’espace de commandement en fonction de trois axes : ceux de la responsabilité, de l’autorité et de la compétence. Il conçoit le leadership idéal comme un équilibre optimum entre ces trois axes et, ceci, pour une situation donnée. Bien que ce modèle apporte une aide indéniable à toute analyse du commandement, la complexité de la relation entre les trois axes reste un problème difficile à résoudre. Trouver réponse à la question de l’équilibre optimal entre ces axes n’est pas chose facile. Toutefois, ce modèle pourrait permettre de préciser les lignes pédagogiques directrices qui assureraient aux chefs militaires la possession des outils essentiels à leur profession. ommander est d’abord et avant tout une activité humaine. Voilà pourquoi cet article a tenté de jeter un regard sur un commandant spécifique. La campagne aérienne du Kosovo lui a servi de toile de fond et le modèle théorique de Pigeau et McCann de chevalet. Dans un premier temps, il s’est penché sur cet élément important qu’est le phénomène de zéro perte qui puise vraisemblablement ses origines dans les traumatismes qu’occasionna la guerre du Vietnam. Ce phénomène a depuis lors influé d’une façon ou d’une autre sur la politique étrangère américaine. L’article a aussi montré que le public n’exige pas tant une absence de perte de vies humaines que des risques qui en valent la peine. Il a aussi constaté que le discours public jouait un rôle clé dans la formulation de la position de la population. En revanche, il semble exister un paradoxe chez les dirigeants. En effet, ils semblent moins facilement tolérer que le public la Un CF-18 photographié sous un angle différent à Aviano. possibilité de pertes en vies humaines. Leur position serait influencée par une idée préconçue L’analyse de divers éléments qui sont entrés en jeu lors du et, par conséquent, fausse de ce que souhaite vraiment le public. Si conflit moderne qu’a été la campagne du Kosovo a permis l’on suivait une telle logique jusqu’à ses conséquences ultimes, il d’établir que le commandant des opérations aériennes ne se Automne 2002 ● Revue militaire canadienne 43 Photo CKD9-480 du MDN effritait encore plus son autorité personnelle. S’il ne faisait pas preuve de confiance envers les membres de son équipe, comment aurait-il pu en exiger de leur part? Toutes ces contraintes politiques eurent des répercussions sur son autorité personnelle et légale ainsi que sur l’ensemble des compétences délimitées par le modèle de Pigeau et McCann. Il se peut que Short ait atteint un certain équilibre dans son espace de commandement; mais, ce n’était certainement pas un équilibre optimal. Afin de bien montrer la situation dans laquelle il se trouvait, la Figure 2 illustre les axes de responsabilité et d’autorité et la position qu’occupait par rapport à eux le lieutenant-général Short. Cette figure met en évidence son manque d’autorité par rapport à son niveau de responsabilité. trouvait pas alors en position d’équilibre optimal à l’intérieur de son espace de commandement et que, par le fait même, son efficacité fut compromise. Le phénomène de zéro perte a joué un rôle important dans cette situation tout comme les contraintes politiques auxquelles a dû faire face ce commandant. Toutes ces Trouver réponse à la restrictions ont conquestion de l’équilibre sidérablement diminué son autorité légale et optimal entre [l]es axes personnelle, créant ainsi [d’autorité, de responsabilité un déséquilibre par rapport aux responet de compétence] n’est pas sabilités qu’il devait assumer. De plus, ce chose facile. déséquilibre entre l’axe de l’autorité et celui de la responsabilité a affecté de façon négative ses compétences cognitives en le plaçant, en fait, dans un carcan opérationnel étouffant. Cette situation a limité l’expression de sa créativité et de son jugement professionnel. Il faut même se demander si un tel contrôle n’a pas été excessif en dépit du succès apparent de la campagne. Comme le souligne Martin van Creveld, si le contrôle est nécessaire, il se doit d’être bien dosé : « Le contrôle doit être suffisamment étroit pour garantir une exécution satisfaisante, mais pas au point de saper l’autorité ou d’étouffer l’initiative47. » Il ne fait aucun doute que le commandant de ce conflit moderne était loin de la position optimale d’équilibre dans son espace de commandement. Son efficacité en tant que chef a été sapé par maintes contraintes. Le général Jumper, commandant des Forces aériennes américaines en Europe, en témoigne : Ce sont les réalités politiques du moment qui détermineront ce que nous pourrons faire. Si le consensus se limite à une approche par étapes, il faudra nous débrouiller avec une campagne aérienne qui procédera par étapes. Peut-être l’efficacité en sera-t-elle sacrifiée48. Certes, les forces alliées ont remporté la victoire mais contre un adversaire qui, somme toute, ne faisait pas militairement le poids. C’est donc avec d’autant plus d’acuité qu’il faut se demander si cette victoire aurait été acquise face à un adversaire qui, lui, aurait fait le poids. NOTES 1. Timothy Mundy, Casualty Aversion: Dispelling the Myth, School of Advanced Military Studies, United States Army Command and General Staff College, Fort Leavenworth, Kansas, décembre 1999, p. 6. [TCO] 2. Mark Lorell, Charles Kelly, Jr, et Deborah Hensler, Casualties, Public Opinion and Presidential Policy during the Vietnam War, Santa Monica, CA, RAND Corporation 1985, R-3060-AF. Benjamin C.Schwarz, Casualties, Public Opinion and US Military Intervention, Santa Monica, CA, RAND Corporation, 1994, MR-421A/AF. Eric V. Larson, Casualties and Consensus, Santa Monica, CA, RAND Corporation, 1996, MR-726-RC. 3. Jeffrey Record, « Force Protection Fetishism », Aerospace Power Journal, vol. 14 , no 2, été 2000, p. 4. [TCO] 4. Daniel Byman and Matthew Waxman, « Defeating US Coercion » Survival, vol. 41, no 2. été, 1999, p. 108. [TCO] 5. Mark Lorell, Charles Kelly, Jr, et Deborah Hensler, Casualties, Public opinion and Presidential Policy during the Vietnam War, Santa Monica, CA, RAND Corporation 1985, R-3060-AF, p. vii. [TCO] 6. Charles Hyde, Casualty Aversion: Implication for Policy Makers and Senior Military Officers, Naval War College, Newport, R.I., 8 février 2000, p. 4. [TCO] 7. Benjamin C. Schwarz, Casualties, Public Opinion, and U.S. Military Intervention, Santa Monica, CA,RAND Corporation, 1994, MR-431-A/AF, p. vii. 8. Eric V. Larson, Casualties and Consensus, Santa Monica, CA, RAND Corporation, 1996, MR-726-RC, p. 10. 9. Ibid., p. 12. 10. Ibid., p. 49. 11. Charles C. Hyde, Casualty Aversion: Implication for Policy Makers and Senior Military Officers, Naval War College, Newport, R.I., 8 février 2000, p. 7. 12. Carol McCann et Ross Pigeau, « Research Challenges for the Human in Command », dans McCann et Pigeau, dir., Human in Command, New York, Kluwer Academic/Plenum Publisher, 2000, p. 390. 13. Peter D. Feaver et Christopher Gelpi, « How Many Deaths Are Acceptable? A Surprising Answer », Washington Post, 7 novembre 1999, p. B3. [TCO] 14. Ibid. 15. Ibid. 16. Jeffrey Smith, « A GI’s Home in his Fortress: High 44 Security, High Comfort, U.S. Base in Kosovo Stirs Controversy », Washington Post, 5 octobre 1999, sec A, p. 11. 17. Le lieutenant-général R. A. Dallaire, « Command Experiences in Rwanda », dans Pigeau et McCann, dir., Human in Command, New York, Kluwer Academic/Plenum Publishers, 2000, p. 38. 18. Ibid., p. 37. [TCO] 19. Micheal Ignatieff, Virtual War, Toronto, Viking Group Publisher, 2000, p. 42. 20. James A. Kitfield, « Another Look at the Air War That Was », Air Force Magazine, octobre 1999, p. 43. 21. Dana Priest, « United NATO Front Was Divided Within », Washington Post, 21 septembre 1999. 22. Robert S. Dudney, « Verbatim », Air Force Magazine, décembre 1999, p. 58. 23. John Keegan, « Please, Mister Blair, Never Take such a Risk Again », London Daily Telegraph, 6 juin, 1999, p. 1. 24. Paul C. Strickland, « USAF Aerospace Power Doctrine: Decisive or Coercive? », Aerospace Power Journal, automne 2000, p. 22. 25. Wesley Clark, Waging Modern War, New York, Public Affairs, p. 201. 26. Ibid., p. 224. 27. Shella Foote, « Commander Hits Excessive Focus on Collateral Damage? » Defense Daily, vol. 204, no 6, 25 octobre, 1999. 28. Michael Ignatieff, The Virtual Commander, Toronto, Viking Group, p. 101. [TCO] 29. Ibid., p. 275. 30. Paul, C. Strickland, « USAF Aerospace Power Doctrine : Decisive or Coercive? », Aerospace Power Journal, automne 2000, p. 33. 31. John A. Tirpak, « Shorts View of the Air Campaign », Air Force Magazine, septembre 1999, p. 45. 32. John A. Tirpak, « Kosovo Perspective », Air Force Magazine, avril 2000, p. 33. 33. Wesley Clark, Waging Modern War, New York, Public Affairs, p. 423. 34. Ross Pigeau et Carol McCann, « What is a Commander? », dans Bernard Horn et Steven J. Harris, dir., Generalship and the Art of the Admiral: Perspectives on Canadian Senior Military Leadership, Ste Catharines, Ontario, Vanwell Publishing Limited, 2001, p. 83-88. [TCO] 35. Ibid., p. 85-86. 36. Ibid., p. 99. 37. Gary Yulk, Leadership in Organizations, Englewood Cliffs, New Jersey, Prentice Hall, 1989, p. 191. 38. Gary Yulk, « Leadership Competencies Required for the New Army and Approaches for Developing Them », dans James Hunt, Georges Dodge et Leonard Wong, dir., Out of the Box Leadership: Transforming the 21st Century Army and Other Top Performing Organizations, Stamford, Connecticut, Jai Press, 1999, p. 256. 39. Ross Pigeau et Carol McCann, « What is a Commander », dans Bernard Horn et Steven J. Harris, dir., Generalship and the Art of the Admiral: Perspectives on Canadian Senior Military Leadership, Ste Catharines, Ontario, Vanwell Publishing Limited, 2001, p. 98. 40. John A. Tirpak, « Shorts View of the Air Campaign », Air Force Magazine, septembre 1999, p. 43. 41. Wesley Clark, Waging Modern War, New York, Public Affairs, p. 183. [TCO] 42. U.S.A., Kosovo Backgrounder, 30 juin, 1999, http://www.house.gvt/hasc/Publications/106thcongress/ Kosovo Backgrounder. PDF., consulté le 15 septembre 2001. 43. Paul, C. Strickland, « USAF Aerospace Power Doctrine: Decisive or Coercive? », Aerospace Power Journal, automne 2000, p. 19. [TCO] 44. Dana Priest, « Air Chief Faults Kosovo Strategy », The Washington Post, 22 octobre 1999, p. 14. 45. Ross Pigeau et Carol McCann, « What is a Commander », dans Bernard Horn et Steven J. Harris, dir., Generalship and the Art of the Admiral: Perspectives on Canadian Senior Military Leadership, Ste Catharines, Ontario, Vanwell Publishing Limited, 2001, p. 86. 46. Figure inspirée de Ross, Pigeau et Carol McCann, « What is a Commander », dans Bernard Horn et Steven J. Harris, dir, Generalship and the Art of the Admiral: Perspectives on Canadian Senior Military Leadership, Ste Catharines, Ontario, Vanwell Publishing Limited, 2001, p. 93. [TCO] 47. Martin van Creveld, Command in War, Cambridge, MA, Harvard University Press, 1985, p. 9. [TCO] 48. James A. Kitfield, « Another Look at the Air War That War », Air Force Magazine, octobre 1999, p. 41. [TCO] Revue militaire canadienne ● Automne 2002