The Bombers and the Bombed : Allied Air War Over Europe 1940

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The Bombers and the Bombed : Allied Air War Over Europe 1940
ÉTUDE CRITIQUE DE LIVRES
non résolus. Toutefois, comme l’a fait remarquer Peter Kilduff, les
Allemands n’ont jamais catégoriquement nié que le raid ait eu lieu,
et ils ne l’ont d’ailleurs jamais catégoriquement confirmé non plus.
Cela dit, comme l’Association des as allemands de la Première Guerre
mondiale n’a pas hésité à fêter Bishop et à l’admettre au sein de la
fraternité des as, à Berlin, en 1928, et comme le courage sous les tirs
inspire le respect chez ses membres, il est presque impensable que
l’Association ait pu considérer Bishop comme un imposteur. Il semble
qu’il y ait peu de doute, comme Kilduff l’a mentionné, que le raid ait
eu lieu. Il reste à se demander où il a eu lieu. Quoi qu’il en soit, il y
a là matière à réflexion…
En fait, le lieu exact du terrain d’aviation de l’ennemi et le nombre
d’aéronefs que Bishop a abattus durant le raid sont pour ainsi dire sans
importance. Comme pour tant de situations où Bishop a combattu avec
audace, toute l’importance accordée au raid tient dans le fait même
qu’il ait été mené. Ce raid cadrait parfaitement avec les demandes du
Major-Général Hugh Trenchard, commandant du Royal Flying Corps
en France, qui exhortait ses aviateurs à mener des offensives audacieuses
pour forcer l’ennemi à se battre sur son propre territoire. D’autres
aviateurs ont été inspirés par l’exemple éclatant de Bishop, qui se distinguait par son intrépidité et sa bravoure, et c’est pour cette raison que
le raid est important. L’entrée du 2 juin 1917 dans le journal de guerre
de Maurice Baring, poète et diplomate britannique renommé qui était
alors le secrétaire personnel du Major-Général Trenchard, résume en peu
de mots la valeur que les autorités supérieures accordaient aux actions
menées par Bishop : « Imaginez l’audace qu’il faut avoir5. » [TCO]
Pour ce qui est de la méticulosité sur le plan de la recherche
universitaire, cet ouvrage, qui renferme des notes de fin de texte
détaillées dans lesquelles l’auteur fournit non seulement les sources
documentaires, mais aussi de l’information et des observations sur
un bon nombre de faits supplémentaires, résistera à l’examen le plus
minutieux qui soit, compte tenu des contraintes susmentionnées. Cet
aspect est particulièrement important dans les cas où le sujet est aussi
litigieux que celui de la carrière du grand aviateur qu’était Bishop.
Les dizaines d’images, dont bon nombre n’ont jamais été
publiées auparavant, qui ont été stratégiquement insérées dans la trame
du texte pour l’enrichir, de même qu’un certain nombre d’excellentes
illustrations techniques, donnent véritablement vie aux propos de
l’auteur. Peter Kilduff est parvenu de manière remarquable à faire
une évaluation juste et équilibrée des exploits d’une icône canadienne
extraordinaire, William Avery Bishop, VC. La lecture de son ouvrage
est fortement recommandée.
Le lieutenant-colonel (retraité) David L. Bashow, OMM, CD,
ancien pilote de chasse, est professeur agrégé au Collège militaire
royal du Canada et rédacteur en chef de la Revue militaire canadienne.
Il a beaucoup écrit et fait de nombreuses conférences sur la vie et la
carrière de combattant de Billy Bishop.
NOTES
1.
2.
3.
4.
5.
Peter Kilduff, Billy Bishop Lone Wolf Hunter – The RAF Ace Re-examined, Londres,
Grub Street, 2014, p. 6-7.
Frederick Taylor, Dresden – Tuesday, February 13, 1945, New York, HarperCollins,
2004, p. 339.
Courriel de Kilduff à Bashow, daté du 24 juin 2014.
Kilduff, Billy Bishop Lone Wolf Hunter…, p. 156.
Le journal de guerre de Baring a été publié par la suite : Maurice Baring, RFCHQ
1914-1918, Londres, G. Bell & Sons, 1920. La citation fournie dans le présent article
se trouve à la page 228. Les attaques contre les terrains d’aviation de l’ennemi sont
ensuite devenues de rigueur dans le cadre de la vaste offensive de Messines que les
Alliés ont menée contre les Allemands le 7 juin 1917.
CRITIQUES DE LIVRES
The Bombers and the Bombed :
Allied Air War Over Europe 1940-1945
par Richard Overy
New York, Viking, 2013
562 pages, 42 $ (livre relié)
ISBN : 978-0-670-02515-2
Critique de Peter J. Williams
M
ême si près de sept décennies se sont écoulées
depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale,
un de ses épisodes les plus controversés,
soit celui de la campagne de bombardement
stratégique des alliés, s’inscrit difficilement
dans la mémoire de nombreuses personnes, y compris de celles
de la génération suivante qui ont écrit sur le sujet. Comme je l’ai
déjà affirmé, j’ai rédigé des critiques de livres portant sur divers
aspects de la campagne, et mon oncle a été tué alors qu’il était
mitrailleur dorsal à bord d’un bombardier Lancaster pendant un
raid contre la ville de Munich, en avril 1944. Je ne suis donc pas
un commentateur complètement désintéressé. C’est donc avec
un grand intérêt que j’ai accueilli l’existence de ce livre rédigé
par le célèbre historien militaire britannique Richard Overy, qui
n’en est pas à son premier écrit sur le sujet de la campagne de
bombardement des alliés en Europe1.
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Ma propre bibliothèque sur ce sujet comprend d’ailleurs un bon
nombre d’ouvrages, et je me suis demandé ce que ce livre en particulier pouvait m’apprendre de nouveau. Assez tôt au début de son livre,
M. Overy précise ce qui différencie son livre des autres ouvrages sur
le sujet. D’abord, il couvre l’ensemble de l’Europe, y compris les
bombardements en France, en Scandinavie, aux Pays-Bas, en Italie
et même en Bulgarie. Personnellement, j’ignorais l’événement du
bombardement en Bulgarie, dont l’objectif était la capitulation du
pays et dont M. Overy s’est servi assez adroitement pour examiner
les hypothèses avancées par les leaders alliés lorsqu’ils ont décidé
de bombarder cet allié de l’Allemagne. Deuxièmement, malgré les
mythes populaires qui prétendent le contraire, l’auteur affirme [TCO]
que les bombardements en Europe n’ont jamais constitué une stratégie
visant à gagner la guerre, et que les autres armées le savaient2. Enfin,
ce livre présente en détail les points de vue de ceux qui ont bombardé
et de ceux qui ont subi les bombardements, attendu que ces derniers
étaient normalement soit « les bombardiers », soit les « bombardés ».
Le livre est en grande partie organisé selon un ordre
chronologique. L’auteur commence par décrire, à partir du début de
la guerre, l’évolution du Bomber Command de la Royal Air Force
(RAF), force qui avait établi avant 1939 que le bombardement stratégique serait tenu pour acquis dans le cadre de toutes les guerres
futures. Il consacre les chapitres suivants aux efforts déployés par cette
Revue militaire canadienne • Vol. 14, N o. 4, automne 2014
CRITIQUES DE LIVRES
force, d’abord seule, contre l’Allemagne,
puis en collaboration avec les
États-Unis contre les puissances de l’Axe
en Europe.
Le point de vue des Allemands, qui
ont subi les bombardements, est couvert
dans possiblement l’une des sections les
plus révélatrices de ce livre. L’organisation
allemande responsable de contrer les
effets des bombardements était assez
complète. En effet, lorsque le RoyaumeUni a formé son premier service national
des incendies, en 1941, il s’est inspiré du
modèle allemand pour définir ses opérations. Personnellement, j’ai été surpris
d’apprendre que le gouvernement allemand, du moins au départ, dédommageait
ses citoyens pour les biens qu’ils avaient
perdus en raison des bombardements.
En effet, une des conclusions tirées par
les Alliés après la guerre est la suivante :
la population allemande « bombardée »,
plutôt que de se lever contre ses dirigeants (effets collatéraux souhaités des
bombardements), est devenue de plus
en plus dépendante de l’État nazi. Fait intéressant, une Hollandaise,
qui avait décidé d’écrire au roi George VI pour lui demander une
compensation à la suite de la destruction de sa maison par un raid
aérien des Alliés, a essuyé un refus du ministère de l’Air, qui jugeait
que le fait d’accepter une telle demande pouvait « créer un précédent
et entraîner une avalanche » de demandes semblables.
Des chapitres sont consacrés au bombardement de l’Italie (qui a
reçu six fois plus de bombes que la Grande-Bretagne pendant ce qui a
été appelé le « Blitz »), ainsi qu’aux nations alliées occupées. De plus,
un chapitre porte sur les efforts déployés par les forces britanniques et
états-uniennes dans le but de mesurer l’efficacité de leurs campagnes
respectives. M. Overy conclut avec ce qu’il appelle les leçons retenues
et non retenues, soulignant le fait que la doctrine d’après-guerre, à
l’ère du nucléaire, qui porte sur la destruction mutuelle assurée (MAD)
a été élaborée en grande partie en tenant compte de la campagne de
bombardement stratégique des Alliés.
M. Overy a procédé à des recherches exhaustives et a consulté
des documents d’archives, non seulement au Royaume-Uni, mais
aussi aux États-Unis, en France, en Italie, à Malte et en Russie. Par
ailleurs, les archives de la Russie comprennent de nombreux documents
allemands produits en temps de guerre. En raison de la contribution
du Canada à l’effort de bombardement (le 6e Groupe du Bomber
Command de la RAF était une formation de l’Aviation royale du
Canada [ARC]), je me serais attendu à ce que nos propres archives
aient été consultées, bien que des registres de la RAF au RoyaumeUni comprennent peut-être des documents de l’ARC. Cela dit, l’ARC
mérite que certaines de ses publications figurent dans l’index, même si
la bibliographie des ouvrages secondaires est pratiquement dépourvue
de sources canadiennes.
Comme le disait toujours mon
ancien professeur au Collège militaire
royal (CMR), feu Barry Hunt, Ph. D., une
bonne théorie historique devrait toujours
nous apprendre quelque chose de nouveau
et, dans une certaine mesure, présenter un
point de vue révisionniste de la situation,
un point de vue qui ne peut venir qu’avec
le temps. En effet, il me semble qu’en
rédigeant son livre, M. Overy réévaluait
lui-même son point de vue sur la campagne. Alors que dans certains de ses
ouvrages antérieurs, auxquels je fais référence ailleurs dans la présente critique, il
affirme que le bombardement stratégique
est [TCO] un des éléments décisifs qui
permettent d’expliquer la victoire des
Alliés3 ou que [TCO] le bombardement
contre l’Allemagne constitue un des
efforts militaires britanniques qui a fait
la différence4, M. Overy semble vouloir
quelque peu s’éloigner de ses points de
vue antérieurs en concluant, entre autres,
que [TCO] le bombardement constituait
un instrument contondant, et que les Alliés
le savaient fort bien5. Il ne fait aucun doute
que ce livre ne sera pas le dernier sur cette campagne qui suscite de
vives émotions, mais il est possiblement le plus exhaustif à ce jour. De
plus, M. Overy mérite d’être félicité pour avoir décrit de nombreux
faits jusqu’ici inconnus ou peu explorés.
Maintenant que nos propres historiens s’apprêtent à écrire
l’histoire de notre engagement en Afghanistan, une campagne qui
présente son lot de controverses, ils doivent garder à l’esprit que
de nombreux auteurs raconteront également l’histoire liée à ces
événements après eux, et devront sans doute procéder à plusieurs
réévaluations au fur et à mesure qu’ils auront accès à de l’information
nouvelle. Hautement recommandé.
Le colonel Williams occupe actuellement le poste de Directeur
– Vérification du contrôle des armements au sein de l’État-major
interarmées stratégique.
NOTES
1.
2.
3.
4.
5.
Richard Overy, « The Means to Victory: Bombers and Bombing », Why the Allies
Won, London, Pimlico, 2006, p. 123 à 163, et « Introduction », What Britain Has
Done 1939-45: A Selection of Outstanding Facts and Figures, London, Atlantic
Books, 2007.
Richard Overy, The Bombers and the Bombed: Allied Air War over Europe,
1940-1945, New York, Viking, 2013, p. xiii.
Richard Overy, Why the Allies Won, p. 163
What Britain Has Done 1939-45: A Selection of Outstanding Facts and
Figures, p. xv.
Richard Overy, The Bombers, p. 248.
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