14-83.303 - Service de listes de diffusion

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14-83.303 - Service de listes de diffusion
No M 14-83.303 F-D
No 4156
SC2
14 OCTOBRE 2015
REJET
M. GUÉRIN président,
RÉPUBLIQUE
FRANÇAISE
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son
audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt
suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- La société Brico dépôt,
contre l’ordonnance no 07273 du premier président de la cour d’appel de
BORDEAUX, en date du 8 avril 2014, qui a confirmé l’ordonnance du juge
des libertés et de la détention autorisant la direction de la concurrence, de la
consommation et de la répression des fraudes à effectuer des opérations de
visite et saisie en vue de rechercher la preuve de pratiques
anticoncurrentielles et a prononcé sur la régularité desdites opérations ;
2
4156
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du
2 septembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article
567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Soulard,
conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller SOULARD, les observations
de la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD et TRICHET, de
Me RICARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat
général SASSOUST ;
Vu les mémoires en demande, en défense, en réplique et les
observations complémentaires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des
articles L. 450-3, L. 50-4 du code de commerce, 6, § 1er, 8 et 13 de la
Convention européenne des droits de l’homme et 593 du code de
procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
“en ce que l’ordonnance attaquée a déclaré régulière
l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de
grande instance de Bordeaux du 7 décembre 2012, en ce que celui-ci
avait autorisé les opérations de visite et de saisie à l’encontre de la
société Brico dépôt, et a débouté la société Brico dépôt de ses
demandes d’annulation et de restitution des documents saisis ;
“aux motifs propres que sur les vérifications opérées par
le juge, la société Brico dépôt, qui est débitrice de preuves, en
considération des seuls « faits de l’espèce » (ampleur du dossier et le
délai de trois jours entre le dépôt de la requête et la signature de
l’ordonnance rédigée), ne démontre pas que le juge des libertés n’a pas
vérifié le bien fondé de la requête ; que ce moyen manque en fait ; que
sur l’implication de la société Brico dépôt, l’appelante entend faire
valoir que les justificatifs versés à l’appui de la requête, s’ils pouvaient
permettre de suspecter la volonté du fournisseur d’imposer des prix de
revente ne permettaient pas d’en inférer l’existence d’une entente au
sens des dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce ; que
pourtant, comme elle l’explique, à l’appui de sa requête, l’administration
apportait la démonstration de l’implication de la société Brico dépôt
par :
- les relevés de prix 2010 (pièce 16), effectués notamment chez Brico
dépôt, qui établissent une quasi identité des prix pratiqués par les
distributeurs par rapport aux prix conseillés par le fournisseur ;
3
4156
- les relevés catalogues, y compris ceux de Brico dépôt (à cet égard,
il importe peu que ces catalogues aient été obtenus par l’administration
à l’occasion d’autres investigations dès lors qu’il apparaît que l’origine
de ces documents est licite), qui montrent la quasi identité des prix
pratiqués par les différentes enseignes, dont la société Brico dépôt ;
- les déclarations des distributeurs qui attestent de la généralité de la
pratique des prix conseillés entre Kärcher et ses différents
distributeurs, même si elles ne mettent pas directement en cause la
société Brico dépôt ;
- le tableau synoptique des relevés de prix France entière 2011 qui fait
ressortir, toutes enseignes confondues dont Brico dépôt (cent vingtneuf prix pratiqués relevés dans vingt-trois établissements), un taux de
suivi des prix conseillés supérieur à 95 % ;
- l’existence d’une pratique promotionnelle de la société Kärcher avec
retour des tickets de caisse qui permet de suspecter une surveillance
des prix pratiqués par les distributeurs ;
que sur la présomption d’entente et l’élection de la société Brico dépôt,
à ce stade de la procédure, l’administration n’avait pas à rapporter la
preuve de l’entente, mais bien seulement celle des indices permettant
de suspecter les pratiques anticoncurrentielles au sens des
dispositions de l’article L. 420-1 ; que la démonstration du suivi à plus
de 95 % par les distributeurs du prix de vente conseillé par la société
Kärcher permet de présumer l’existence d’une entente entre chacun des
distributeurs et leurs fournisseurs ; que ces indices étaient réunis à
l’encontre de la société Brico dépôt dont le taux de suivi du prix
conseillé tutoyait les 100 % ; que le choix de poursuivre les
investigations dans cette enseigne plutôt que dans telle autre
appartient à l’administration qui, on le conçoit aisément, n’est pas en
mesure de mobiliser un personnel suffisant pour opérer simultanément
dans toutes les enseignes concernées par ses enquêtes préliminaires ;
qu’en considération de ces éléments, le juge des libertés pouvait se
convaincre de l’existence concernant les produits Kärcher de
présomptions braves et concordantes de pratiques anticoncurrentielles
et de l’implication de la société Brico dépôt justifiant l’autorisation de
visites et de saisies ordonnées le 7 décembre 2012 ;
“et aux motifs éventuellement adoptés que sont annexés
à la requête les documents et les copies suivants :
- la demande d’enquête du ministre de l’économie et des finances
susvisée ;
- le procès-verbal de déclaration en date du 28 avril 2010 de M.
Mouysset, coprésident de la société CGO (SAS) ;
- le procès-verbal de déclaration, en date du 8 juin 2010, de M.
Mouysset ;
4
4156
- le tarif Kärcher revendeurs spécialistes grand public 2010
communiqué par le gérant de la société Ayroles ;
- le catalogue 2009 Univert ;
- une facture de vente en date du 25 février 2010 de la société Kärcher
(SAS) à la société Univert (SARL) ;
- le procès-verbal de déclaration de M. Basso, responsable du magasin
Comaisis à Castel-Sarrazin ;
- le procès-verbal de déclaration de M. Bertin exploitant d’un magasin
Brico marché ;
- un courrier de la société Kärcher en date du 9 novembre 2009 ayant
pour objet la diffusion des tarifs 2010 ;
- un prospectus Brico marché valable du 30 juin au 18 juillet 2010 ;
- une offre de garantie sur du matériel de marque Kärcher diffusé par le
fabricant ;
- une annonce publicitaire diffusée dans le journal Paru vendu du
28 juin 2010 proposant une offre de remboursement pour l’achat d’un
nettoyeur haute pression référence K 6310-T Racer de marque Kärcher ;
- une offre de remboursement de 50 euros, valable du 20 février au
30 juin 2010 ;
- une fiche fournisseurs Kärcher grand public établie par la centrale de
référencement Cofaq ;
- les relevés de prix de vente au magasin de nettoyeurs haute pression
de marque Kärcher effectué par la direction régionale des entreprises,
de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi
(DIRECCTE) Midi-Pyrénées au cours du printemps et de l’été 2010 ;
- des extraits du site www.leroymerlin.fr ;
- des extraits du site www.catorama.fr ;
- des extraits du site www.delamaison.fr ;
- des extraits du site www.pixmania.com ;
- des extraits du site www.louisexpress.com ;
- des extraits du site www.acheter-moins-cher.com ;
- un tableau des prix de vente relevés sur internet en septembre 2010 ;
- des relevés de prix réalisés dans deux cent quatre-vingt dix-neuf
points de vente au cours du dernier trimestre 2011 ;
- des extraits de catalogues diffusés entre 2009 et 2001 par dix
distributeurs, dont les principales enseignes de bricolage ;
- un tableau présentant de manière synoptique près de deux millle six
cent relevés de prix de nettoyeurs haute pression de marque Kärcher,
relevés réalisés au cours du dernier trimestre 2011 dans deux cent
quatre-vingt dix-neuf points de vente répartis sur l’ensemble du
territoire national ;
- un tableau représentant de manière synoptique les prix de vente de
nettoyeurs précités relevés dans les catalogues diffusés de 2009 à 2011
par les enseignes suivantes : Leroy Merlin, Castorama, Brico dépôt,
Bricorama, Monsieur Bricolage, Chavigny, Auchan, Leclerc et Cora ;
5
4156
- les tarifs Kärcher gamme grand public 2011 ;
- arrêt du tribunal de première instance des communautés européennes
du 3 décembre 2003, affaire Volkswagen ;
- fiche Infogreffe société Kärcher ;
- fiche société Leroy Merlin France extraite du site société.com ;
- fiche Infogreffe société Brico dépôt, extrait site internet de la société
Cdiscount ;
que les documents communiqués à l’appui de sa requête ont été
recueillis en application des articles L. 450-2 et L. 450-3 du code de
commerce par les agents de la concurrence, de la consommation et de
la répression des fraudes habilités par les articles L. 450-1 II et A. 450-2
du code de commerce et par l’arrêté du 11 mars 1993 modifié ; que les
pièces présentées à l’appui de la requête ont une origine apparemment
licite et qu’elles peuvent être utilisées pour la motivation de la présente
ordonnance puisqu’elles émanent de la consultation de banques de
données électroniques accessibles au public, mais également de
l’exercice par l’administration de son droit de communication, qui
semble en avoir usé de manière régulière ; que dans sa requête
l’administration fait état d’informations selon lesquelles les entreprises
précitées auraient pris une part active dans une entente visant à faire
obstacle à la fixation du prix par le libre jeu des marchés en favorisant
artificiellement leur hausse et à limiter l’accès au marché ou le libre
exercice de la concurrence par d’autres entreprises et que la société
Kärcher pourra avoir sur ledit marché abusé de sa position dominante,
et ce en violation des dispositions de l’article L. 420-1, 1o et 2o, et L.
420-2 du code de commerce ; que les pratiques soupçonnées par
l’administration pourraient également s’inscrire dans le cadre des
dispositions de l’article L. 442-5 du code de commerce qui sanctionne
« le fait par toute personne d’imposer, directement ou indirectement, un
caractère minimal au prix de revente d’un produit ou d’un bien, au prix
d’une prestation de service ou à une marge commerciale » ; qu’à l’appui
de ses allégations, l’administration verse divers documents dont la
consultation permet de retenir les points suivants : que les
constatations réalisées, au cours des deuxième et troisième trimestres
2010, par la DIRECCTE Midi-Pyrénées auprès de plusieurs enseignes de
distribution de matériel de bricolage ont permis d’établir une grande
homogénéité des prix de vente pratiqués pour les nettoyeurs haute
pression « grand public de marque Kärcher » ; que les constatations
réalisées par la DIRECCTE Midi-Pyrénées sur les sites de vente en ligne
des grandes enseignes de bricolage confirment cette pratique ; que lors
de constatations réalisées, en septembre 2010, par la brigade
interrégionale d’enquêtes de concurrence de Bordeaux, sur le site
internet comparateur de prix www.acheter-moins-cher.com ont été
relevés les prix de vente de neuf références de nettoyeurs haute
pression de marque Kärcher ; que conformément aux dispositions de
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4156
l’arrêté du 3 décembre 1987 relatif à l’information du consommateur sur
les prix, « toute information sur les prix doit faire apparaître, quel que
soit le support utilisé, la somme totale toutes taxes comprises qui devra
être effectivement payée par les consommateurs, exprimée en euros »
(Art. 1er) ; que, dès lors, « les frais de livraison d’envoi des produits
(délivrés par correspondance) (…) doivent être inclus dans le prix de
vente, à moins que leur montant ne soit indiqué en sus » (Art. 2) ;
qu’ainsi, pour comparer le prix de vente d’un produit vendu en ligne à
celui vendu en magasin, il convient de tenir compte dans tous les cas
du prix effectivement acquitté par le consommateur ; qu’il ressort des
constatations sur le site acheter-moins-cher.com qu’il n’est pas
possible d’acquérir, en ligne, un nettoyeur haute pression de marque
Kärcher à un prix significativement inférieur au prix de vente conseillé
par le fabricant ; qu’en effet, sur soixante-dix prix relevés, frais de
livraison compris, soixante-quatre sont strictement identiques au prix
conseillé, trois sont identiques au prix conseillé arrondi à l’euro
inférieur pour la référence concernée, et trois sont inférieurs de 0,9 à
5,28 % audit prix conseillé ; que les prix de vente sur internet ne sont
pas particulièrement attractifs par rapport à ceux pratiqués en
magasin ; que par exemple le nettoyeur référence NHPK 7260 T400 ne
peut être acheté sur internet à un prix inférieur à 499 euros, alors que
le prix conseillé par le fabricant est de 499,95 euros ; que ces relevés
font apparaître que la société Cdiscount, qui se présente pourtant
comme le leader de la vente sur internet à prix discount, ne se distingue
pas de ses concurrents quant aux prix pratiqués sur les nettoyeurs
haute pression de marque Kärcher ; que l’homogénéité tarifaire des
nettoyeurs haute pression de marque Kärcher, relevé, en 2010, dans la
région Midi-Pyrénées sur internet a conduit l’administration à diligenter
une seconde vague de contrôles destinés à confirmer, à l’échelle
nationale, ses premières constatations ; que les relevés de prix
effectués au cours du dernier trimestre 2011, dans deux cent quatrevingt dix-neuf points de vente répartis sur l’ensemble du territoire
national, et l’examen des publicités diffusées, de 2009 à 2011, par les
principales enseignes spécialisées dans le matériel de bricolage, et
quelques hypermarchés ont confirmé la teneur des premières
constatations ; qu’il ressort, en effet, des mille cinq cent neuf relevés
effectués par les agents des directions régionales des entreprises, de
la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, entre le
21 octobre 2011 et le 1er décembre 2011, auprès de deuc cent quatrevingt dix-neuf points de vente au détail, implantés tant en zone urbaine
qu’en zone rurale sur l’ensemble du territoire national que les prix
pratiqués par les distributeurs sont très sensiblement les mêmes,
quelle que soit la zone géographique sur laquelle ils sont établis ; qu’en
effet, ces relevés font apparaître que, pour chaque modèle, il existe un
prix très largement pratiqué par les distributeurs ; qu’il ressort de
7
4156
l’examen des tarifs Kärcher gamme grand public diffusés en 2011, que
le prix le plus souvent constaté pour chaque modèle correspond en fait
au prix de vente conseillé par le fabricant additionné de la TVA ; que
cette homogénéité tarifaire ressort clairement du tableau ci-dessous
présenté par l’administration dans sa requête, lequel présente de
manière synthétique, à partir des relevés de prix effectués fin 2011, le
prix le plus souvent pratiqué pour chaque référence, le prix conseillé
par Kärcher en 2011 lorsqu’il existait et à proportion de prix, relevés en
magasins, égaux à 1 % près ou supérieurs audit prix conseillé ; qu’en
l’absence de prix conseillé dans le tarif 2011, ce tableau met en
évidence, dans l’avant dernière colonne, l’alignement autour d’un prix
défini :
Nombre de
prix
supérieure
s ou égaux
au prix le
plus
souvent
pratiqué
Taux de
suivi du
prix
conseillé
par le
fabricant
en 2011
Taux
d’aligneme
nt autour
du prix le
plus
souvent
constaté
Prix
inférieurs
au prix
conseillé
92.5%
2/27
Nombre de
relevés
effectués
dans 299
points de
vente
Prix le plus
souvent
pratiqué
arrondi à
l’euro
inférieure
NHP K
238 m +
T50
27
104
Référence
absente du
tarif 2011
25
NHP K
3500
231
159
158.47
228
98.7%
3/231
NHP K
4600
244
199
198.5
242
99.1%
2/244
NHP 5600
racer 250
53
299
Référence
absente du
tarif 2011
52
NHP 5600
T racer
200
170
299
298.49
163
95.8%
7/170
NHP K
6260
134
349
348.49
132
98.5%
2/134
NHP 6310
racer 300
176
429
428.49
173
98.2%
3/176
NHP K
7260 T
400
170
499
498.49
168
98.8%
2/170
NHP K
7410 T
400
143
549
548.49
138
96.5%
5/143
NHP K
2300 T
50
85
109
58.49
83
97.64%
2/85
NHP 2105
+brosse
76
59
Référence
absente du
tarif 2011
75
98.6%
1/76
Taux
moyen
96.71%
30/1509
Référence
Total
1509
relevés
Prix
conseillé
par
Kärcher
Tarifs 2011
98.1%
Taux de
suivi
moyen
97.94%
1/53
8
4156
que pour certaines références, ces tarifs ne font pas apparaître de prix
conseillé, qu’il s’agit vraisemblablement de références anciennes, non
reprises dans les tarifs récents, mais pour lesquels les distributeurs
continuent à pratiquer des prix vraisemblablement initialement
conseillés par Kärcher comme en témoigne l’uniformité des prix de
vente de ces références ; qu’il ressort ainsi du tableau ci-dessus un
alignement remarquable des prix de vente des nettoyeurs haute
pression de marque Kärcher et ce même pour trois références
(référence NHP 4 238 M + D150 ; NHP 5 600 Racer 250 et NHP 2105 +
brosse) pour lesquels aucun prix de vente conseillé n’apparaît dans le
tarif Kärcher 2011 ; qu’il ressort des données figurant dans le tableau
ci-dessus un taux de suivi des prix conseillés par Kärcher en 2011, de
minimum 95,8 % et en moyenne de 97,94 % ; que les données figurant
dans le tableau ci-dessus doivent être complétées par les constatations
réalisées sur les nettoyeurs haute pression référence 215 (cinquantesept relevés de prix) pour lesquels il a été noté que 56 % des prix de
vente étaient égaux, à 1 % près à 72 euros et 36,75 % des prix étaient
égaux, à 1 % près à 59 euros ; qu’ainsi pour le nettoyeur haute
pression, référence 215, on relève un alignement de 92,75 % des prix
affichés, soit autour du prix promotionnel de 59 euros, soit autour du
prix de 72 euros qui correspond, abstraction faite des centimes, au prix
conseillé par la société Kärcher ; que pour trois références
mentionnées dans le tableau ci-dessus pour lesquelles aucun prix
conseillé n’apparaît dans le tarif 2011 Kärcher, il est constaté une
uniformité de prix de l’ordre de 96,39 % en moyenne ; qu’il ressort
également de l’examen des catalogues diffusés, de 2009 à 2011, par les
grandes enseignes spécialisées dans la vente au détail de matériel de
bricolage (Leroy Merlin, Castorama, Brico dépôt, Bricorama, Monsieur
Bricolage) et par quelques hypermarchés à dominante alimentaire
(Auchan, Leclerc, Cora) que les prix annoncés sur ces supports, pour
les nettoyeurs haute pression de marque Kärcher, sont strictement
identiques lorsqu’ils sont arrondis à l’euro inférieur ; qu’ainsi ont été
relevés cent huit prix de vente dans lesdits catalogues ; que le tableau
suivant présente par référence le nombre de prix relevés en catalogue,
le prix le plus souvent annoncé arrondi à l’euro inférieur (prix de
référence), le prix conseillé dans les tarifs Kärcher 2010 ou 2011, le
nombre de prix supérieur ou égaux au prix de référence :
Nombre de
relevés
Prix le plus
souvent
annoncé
arrondi à l’euro
inférieure
Prix conseillé
tarifs
2010 (T2010)
ou
2011 (T2011)
Nombre de prix
supérieure ou
égaux au prix le
plus souvent
annoncé
Taux de respect
du prix
conseillé à 1%
près
NHP K
238+T50
17
104
104.95
T2010
17
100%
NHP K 6260
5
349
348.49
T2011
5
100%
Référence
9
4156
NHP K
2300+T50
3
109
58.49
T2011
2
0%
NHP K 3500
7
159
158.47
T2011
7
100%
NHP K 215+
8
72
72.95
T2010
8
100%
NHP K
6310+T300
6
429
428.49
T2011
6
100%
NHP K
7410+T400
6
549
548.49
T2011
6
100%
NHP K
7260+T400
2
499
498.49
T2011
2
100%
Total 54
relevés
que concernant la référence NHPK 2300 + T 50, le prix conseillé sur le
tableau 2011 est de 58,49 euros ; que deux distributeurs ont annoncé
sur les prospectus qu’ils ont diffusé un prix de vente de 109,99 euros,
qui pourrait correspondre à un ancien prix conseillé par le fabricant,
alors qu’un troisième distributeur a annoncé un prix de vente de 94,98
euros ; qu’il ressort des données figurant dans le tableau ci-dessus un
taux de suivi des prix conseillés par Kärcher en 2010 et 2011 de 100 %
à une exception près, sur les publicités diffusées par les distributeurs ;
que le tableau suivant présente, pour chaque référence, dont le prix
conseillé par Kärcher n’est pas connu par l’administration, le nombre
de prix relevés sur catalogue, le prix le plus souvent annoncé arrondi
à l’euro inférieur, le nombre de prix supérieurs ou égaux au prix le plus
souvent annoncé et le taux d’alignement autour de ce dernier prix :
Référence
Nombre de
relevés
Prix le plus
souvent
annoncé
arrondi à l’euro
inférieur
Nombre de prix
supérieures ou
égaux au prix
le plus souvent
annoncé
Taux
d’alignement
autour du prix
le plus souvent
constaté
NHP K 491
6
205
6
100%
NHP K 320
2
174
2
100%
NHP K
5600+T250
13
299
13
100%
NHP K
420M+T200
7
214
7
100%
NHP K 491M+
4
204
4
100%
NHP 690M
8
309
8
100%
NHP
K320+T200
3
174
3
100%
10
4156
NHP K 695M+T
racer 200
3
359
3
100%
NHP K 785
MX+Tracer 200
2
509
2
100%
NHP K 720
MX+T 200
6
409
6
100%
Total 54
relevés
qu’il ressort des données figurant dans le tableau ci-dessus une grande
homogénéité des prix de vente des nettoyeurs haute pression de
marque Kärcher présentés sur prospectus ou catalogues ; qu’il ressort
des pièces fournies à l’appui de la requête présentée par
l’administration que la société Kärcher met en oeuvre une politique de
prix de vente conseillé sur ses produits de la gamme « grand public » ;
qu’il ressort de l’ensemble de ces constatations que les prix de vente
annoncés par les distributeurs, tant en magasin, en ligne, que sur
catalogue, correspondent dans une très large proportion au prix de
vente indicatifs porté sur le « tarif revendeur spécialiste grand public »
édité par le fabricant Kärcher ; qu’il ressort ainsi de l’ensemble des
relevés de prix effectués par la Direction générale de la concurrence, de
la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), en 2010 et
2011, une homogénéité exceptionnelle des prix de vente des nettoyeurs
haute pression de marque Kärcher, sur l’ensemble du territoire national
et quel que soit le mode de commercialisation de ces produits (vente
en magasin et sur internet), qu’ils fassent l’objet ou non de publicité
diffusée par les distributeurs ; que ces relevés font apparaître un
alignement remarquable des prix pratiqués par les enseignes
appartenant à des types de distribution très différente, comme le fait
valoir l’administration dans sa requête, il est patent que les coûts
logistiques de la distribution par internet sont nettement inférieurs à
ceux de la distribution classique en magasin, ce qui pourra entraîner
une différenciation des prix plus nette ; qu’il ressort de l’examen de
plusieurs publicités d’offre ou de remboursement de garantie que la
société Kärcher conserve la maîtrise de sa politique promotionnelle ;
que la société Kärcher exige du consommateur la communication du
ticket de caisse établi par le distributeur pour pouvoir bénéficier
desdites offres, que cette exigence qui permet d’identifier les prix
pratiqués au stade de la distribution, pourrait s’inscrire dans le cadre
d’une politique de surveillance des prix ; que par procès-verbal de
déclaration de prise de copie de documents en date du 28 avril 2010, M.
Mouysset, coprésident de la société Comptoir général outils (CGO), sise
674 avenue Jean Moulin à Montauban, qui exploite un magasin de vente
au détail d’outillage et de matériels a déclaré que « concernant les
produits Kärcher, nous n’avons qu’un seul tarif de vente en fait. Le tarif
grand public est figé, il s’applique tant aux particuliers qu’aux
professionnels. Normalement CGO ne peut vendre en-deçà de ce prix
11
4156
de vente conseillé. De même, il n’y pas de promotion sur l’outillage
Kärcher, sauf sur décision du fournisseur (…) pour les clients qui
discutent le prix et veulent un rabais, nous offrons autre chose en
compensation, un bidon de détergent par exemple, mais il n’y aura pas
de rabais sur le matériel Kärcher. Et normalement cela est suivi dans
tous les magasins de bricolage » ; que, par procès-verbal de déclaration
et de prise de copie de documents en date du, 8 juin 2010, M. Mouysset
coprésident de la société CGO sise 674 avenue Jean Moulin à
Montauban, a déclaré « les quatre nettoyeurs haute pression de marque
Kärcher disponibles dans notre magasin, sont des références de la
gamme grand public sur lesquels nous avons une remise de 13 % toute
l’année (remise optimisation SAV). Nous proposons également des
produits de la gamme professionnelle, sur lesquels nous avons une
remise de base à l’année de 10 % (…) pour les matériels de la gamme
pro, les prix de revente sont libres. Ponctuellement, nous bénéficions
également soit de promotions soit de gratuité » ; que par procès-verbal
de déclaration de prise de copie de documents, en date du 30 juin 2010,
M. Basso, responsable du pont de vente de matériels d’outillage Comai
à Castel-Sarrazin a déclaré que « en matière de nettoyeurs haute
pression, les produits Kärcher sont leaders du marché et
incontournables. Dans le cas contraire, je ne travaillerai pas avec cette
marque car nous réalisons peu de marge sur les ventes (…) Comai est
adhérent Cofaq ; je bénéficie des conditions commerciales négociées
par cette centrale : en fait, plus vous vendez de références, plus vous
bénéficiez de remises mais derrière, tous les distributeurs vendent au
même prix. Il y a une liste de prix conseillés que tout le monde suit :
c’est un cercle vicieux, les marges étant très faibles, je ne peux
descendre en-deçà des prix conseillés et si je les augmente, je serais
moins bien placé que mes concurrents (…) il n’y a jamais de promotion
sur les appareils sauf celles émanant du fournisseur lui-même, comme
par exemple l’actuelle offre de remboursement de 50 euros. Je vous
remets copie des appareils actuellement en vente en magasin (…), sur
cette dernière facture il y a un appareil gratuit : il y a un gratuit par
vingt-quatre appareils achetés (le gratuit sera la référence la plus
petite) » ; que par procès-verbal de déclaration et de prise de copie de
documents, en date du 5 juillet 2010, M. Bertin, gérant de la société
Lamo, qui exploite un magasin à l’enseigne Brico Marché sise 79, route
des Pigeonniers à Monteils a déclaré que « s’agissant des produits
Kärcher (…) le magasin propose en général six modèles. Ce sont des
produits permanents, qui se vendent très bien et sont incontournables.
Kärcher est la marque la plus demandée par la clientèle ; l’an passé,
j’avais des nettoyeurs Ryobi et Bosch mais ils se sont mal vendus ;
actuellement, je propose la marque Elem afin de pouvoir faire des
promotions sur les prix, car avec Kärcher il n’y a pas de promotion
tarifaire ; grâce à leur notoriété, ils sont très rigides sur les conditions
commerciales. De ce fait, je n’arrive pas « décrocher » par rapport à la
concurrence. D’ailleurs Brico Marché essaie de développer sa propre
12
4156
marque, de qualité équivalente à Kärcher, mais avec un décrochage de
prix. Chez Kärcher, nous avons une remise à l’année de 13 % ; ensuite
il y a un système de remises « centrales » qui ne sont pas sur les
factures d’achat des points de vente » ; qu’il ressort des déclarations
de plusieurs responsables de point de vente de matériels de bricolage,
qu’ils vendent aux prix conseillés par le fabricant Kärcher ; qu’il est
établi que la société Kärcher évoque ces prix par le biais des tarifs
qu’elle diffuse annuellement auprès de ses distributeurs ; que la faible
remise sur facture (13 %) accordée par la société Kärcher à ses
distributeurs, sa politique de remises arrières et d’offres de produits
gratuits n’incitent pas en terme de trésorerie lesdits distributeurs à
pratiquer des prix inférieurs aux prix conseillés ; qu’en effet,
considérant que les remises arrières ne sont accordées qu’en fin de
trimestre, voire en fin d’année, cette pratique de prix de vente inférieur
aux prix conseillés obligerait les distributeurs à faire une avance de
trésorerie sur plusieurs mois avant de percevoir éventuellement les
remises arrières ; que, par ailleurs, l’existence de remises de fin
d’année qui récompensent le respect de la politique tarifaire des
marques, peut permettre de ne pas recourir directement à l’arme des
représailles, le non-reversement de ces remises équivalant, dans les
faits, à des sanctions de nature financière ; que selon la pratique
décisionnelle du conseil puis de l’autorité de la concurrence, trois
critères permettent de caractériser une entente verticale sur les prix à
savoir un accord entre le fabricant et ses distributeurs, une application
significative des prix souhaités par le fournisseur, et connue des
distributeurs et une police des prix ; qu’il ressort des déclarations de
plusieurs responsables de point de vente de matériels de bricolage que
les nettoyeurs de marque Kärcher sont leaders du marché et
incontournables au regard de la demande des consommateurs ; qu’il
ressort des déclarations de ces mêmes responsables que la volonté
d’homogénéiser les prix de vente au détail semble concerner toute la
gamme grand public de la marque Kärcher qui comprend des
nettoyeurs haute pression mais également des aspirateurs, des
pompes, des systèmes d’arrosage et divers autres matériels ; que les
points de vente de matériels Kärcher cités supra sont susceptibles de
commercialiser lesdits produits auprès d’une clientèle constituée de
professionnels, que la politique de prix du fournisseur est également
susceptible de concerner ces ventes ; qu’il résulte de l’arrêt
Volkswagen (TPI CE 3 décembre 2003, affaire T 208-01) que, dès lors
que la politique faisant l’objet d’une incitation adressée par le fabricant
aux distributeurs est effectivement acceptée par les distributeurs,
l’accord de volonté de ces derniers est démontré ; qu’en matière de
politique tarifaire, la démonstration de cet accord peut être faite en
établissant le respect effectif des prix conseillés à partir de relevés de
prix montrant un alignement significatif des prix pratiqués sur les prix
publics indicatifs préconisés par le fournisseur ; que les relevés de prix
réalisés par la Direction générale de la concurrence, de la
13
4156
consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) font
apparaître une concentration anormale de prix de vente des
distributeurs autour des prix conseillés par la société Kärcher ; qu’en
l’absence de preuve de l’existence d’une « police des prix » ces
éléments ne sont pas suffisants pour caractériser la mise en oeuvre
d’une pratique anticoncurrentielle ; mais ils constituent en revanche un
faisceau d’indices précis et concordants qui peuvent laisser présumer
l’existence d’une telle pratique ; qu’il résulte de tout ce qui précède que
les faits décrits pourraient s’analyser comme autant d’actions
concertées entre la société Kärcher et l’ensemble de ses distributeurs
visant à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché ou
le libre exercice de la concurrence pour d’autres entreprises, et ce en
violation des dispositions de l’article L. 420-1, 1o et 2o, du code
commerce ; qu’en effet, on peut déduire de la quasi uniformité des
ventes au détail des nettoyeurs haute pression de marque Kärcher,
l’existence d’un accord entre le fabricant et ses distributeurs, la police
des prix étant en partie assurée par les modalités de la politique
promotionnelle pratiquée par la société Kärcher ; que les pratiques
ci-dessus décrites pourraient également s’inscrire dans le cadre d’un
abus de position dominante de la part de la société Kärcher, et ce, au
sens des dispositions de l’article L. 420-2 du code de commerce ; que
ces pratiques pourraient tout autant s’inscrire dans le cadre des
dispositions de l’article L. 442-5 du code de commerce qui sanctionne
« le fait par toute personne d’imposer, directement ou indirectement, un
caractère minimal au prix de revente d’un produit ou d’un bien, au prix
d’une prestation de service ou à une marge commerciale » ; qu’ainsi la
portée de nos présomptions est suffisante au regard des qualifications
prévues aux articles L. 420-1.1 et 2, et L. 420-2 et L. 442-5 du code de
commerce ; que la recherche de la preuve de ces pratiques nous
apparaît justifiée ; que, par ailleurs, l’utilisation des pouvoirs définis à
l’article L. 450-3 du code de commerce ne paraît pas suffisante pour
permettre à l’administration de corroborer les présomptions de
comportement anticoncurrentiel ; qu’en effet, les actions concertées
convention ou entente qui ont pour objet ou pour effet de faire obstacle
à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant
artificiellement leur hausse sont établies suivant des modalités
secrètes, et des documents nécessaires à la preuve desdites pratiques
sont vraisemblablement conservés dans des lieux et sous une forme
qui facilite leur dissimulation ou leur destruction en cas de vérification ;
que le recours au pouvoir de l’article L. 450-4 du code de commerce
constitue donc le seul moyen d’atteindre les objectifs recherchés ;
qu’en outre, les opérations de visite et de saisie sollicitées ne sont pas
disproportionnées compte tenu du fait que les intérêts des entreprises
concernées sont garantis, dès lors que, les pouvoirs de l’administration
sont utilisés sous notre contrôle ; que les documents utiles à la preuve
recherchée se trouvent vraisemblablement dans les locaux de la société
Kärcher ; que de ce qui précède, les documents utiles à la preuve d’un
14
4156
accord entre le fabricant et les distributeurs se trouve
vraisemblablement également dans les locaux des sociétés assurant la
distribution des produits Kärcher ; qu’il est matériellement impossible
aux enquêteurs de visiter les locaux de l’ensemble des distributeurs
desdits produits, qu’il convient donc de cibler les sièges des opérateurs
réalisant les chiffres d’affaires les plus élevés dans leur catégorie de
clientèle visée ; que les sociétés Leroy Merlin France, Brico dépôt et
Cdiscount visent des clientèles différentes de par leur lieu de résidence
et leur mode de consommation ; qu’ainsi il convient d’autoriser la visite
des locaux des sociétés Leroy Merlin France, Brico dépôt et Cdiscount,
présumées participer aux pratiques et dont les coordonnées sont
portées dans les documents figurant en annexe à la requête ; que, dès
lors que l’ensemble de ces locaux sont situés en des lieux différents,
il est nécessaire de permettre aux agents mentionnés à l’article L. 450-1
II du code de commerce d’intervenir simultanément dans ceux-ci afin
d’éviter la disparition ou la dissimulation d’éléments matériels ; que la
pluralité des locaux à visiter nécessite la désignation de plusieurs
enquêteurs habilités par l’article L. 450-1 du code de commerce et
l’arrêté du 22 janvier 1993 complété par celui du 11 mars 1993 modifié
; que la collaboration des effectifs de la brigade inter régionale
d'enquête concurrence (BIEC) Ile-de-France, Haute et Basse-Normandie,
Réunion Saint-Pierre-et-Miquelon, de la BIEC Rhône-Alpes, Bourgogne,
Franche-Comté, Auvergne, de la BIEC Alsace, Lorraine,
Champagne-Ardenne, et de la BIEC Nord, Pas-de-Calais, Picardie est
nécessaire ; que certaines de ces opérations doivent avoir lieu en
dehors du ressort territorial de ce tribunal ; qu’il échoit de délivrer une
commission rogatoire aux juges des libertés et de la détention aux
tribunaux des grandes instances de Lille, Evry et Créteil dans le ressort
desquels lesdites opérations auront lieu afin qu’ils puissent désigner
les chefs de service territorialement compétents pour nommer les
officiers de police judiciaire à exercer le contrôle prévu par l’article L.
450-4 du code de commerce ; que le chef de brigade précité occupe
l’emploi de directrice régionale adjointe, tel que prévu par le décret
2009-377 du 10 novembre 2009, relatif à l’organisation et aux missions
des directions régionales des entreprises, de la concurrence, du travail
et de l’emploi ; qu’elle est en conséquence fonctionnaire de catégorie
A et habilitée à procéder aux opérations prévues par l’article L. 450-4 du
code de commerce, en application des articles L. 450-1 II et A. 450-2 du
code précité ; que la requête de Mme Lucile Al Rifai, directrice régionale
adjointe des entreprises de la concurrence, de la consommation, du
travail et de l’emploi, Aquitaine, responsable du pôle concurrence,
consommation et répression des fraudes et métrologie, chef de la
brigade interrégionale d’enquêtes de concurrence Aquitaine
Midi-Pyrénées, Limousin-Poitou-Charente, nous apparaît fondée ;
“1o) alors qu’il ne peut être dérogé au principe de
l’inviolabilité du domicile en raison de nécessités tirées de l’intérêt
15
4156
général, qu’à la condition que ces dérogations soient proportionnées
au but recherché et, dans le cas des visites domiciliaires, qu’il soit
offert aux personnes concernées des garanties suffisantes contre les
abus ; que si l’existence d’une autorisation judiciaire préalable à la
visite domiciliaire constitue une garantie pertinente, c’est à la condition
qu’elle soit accordée après vérification effective et concrète par le juge
du bien fondé de la demande qui lui est soumise ; que dans le cadre du
recours de plein contentieux, le juge du recours doit lui-même procéder
concrètement à la même vérification que celle à laquelle est censé avoir
procédé le juge de l’autorisation, indépendamment de la valeur qu’il
confère aux preuves et allégations de la personne concernée par la
visite domiciliaire ; qu’une telle preuve, qui ne résulterait pas même de
l’existence d’une ordonnance pré-rédigée par l’administration
requérante, signée par le juge peu de temps après le dépôt de la
requête et assortie de productions volumineuses, de manière
incompatible avec l’exercice réel par le juge de ses prérogatives, est
impossible à rapporter pour la personne visée, absente de la procédure
lors de la délivrance de l’autorisation ; que cette exigence rend, en
réalité, inexistant tout contrôle juridictionnel effectif ; qu’en retenant
que, faute pour la société Brico dépôt d’avoir démontré que le juge des
libertés et de la détention n’avait pas vérifié le bien fondé de la requête,
le moyen relatif aux circonstances de l’établissement de l’ordonnance
autorisant la visite domiciliaire manquait en fait, le premier président de
la cour d'appel a méconnu l’étendue de ses pouvoirs, en violation des
textes visés au moyen et l’exigence de proportionnalité de l’atteinte au
principe d’inviolabilité du domicile ;
“2o) alors que la demande d’autorisation de visite et saisie
ne peut se fonder que sur des indices permettant de présumer
l’existence de pratiques dont la preuve est recherchée, qui seraient
commises par la personne visée par les opérations pour lesquelles
l’autorisation est demandée ; qu’en se fondant sur des indices
généraux relatifs à une politique tarifaire de la société Kärcher, qui
serait pratiquée à l’égard de tous les distributeurs, sans relever d’indice
concernant particulièrement et spécialement la société Brico dépôt, le
premier président de la cour d’appel n’a pas donné à sa décision des
motifs suffisants ;
“3o) alors que l’atteinte par une autorité publique au droit
à l’inviolabilité du domicile doit être admise de manière restreinte,
lorsque sa nécessité est caractérisée de manière convaincante ; que le
seul caractère secret des pratiques anticoncurrentielles soupçonnées
ne justifie pas qu’une telle atteinte soit portée au droit fondamental
susvisé dès lors que, sans avoir recours aux opérations de visite et
saisie, les agents compétents pour enquêter sur de telles pratiques
« peuvent accéder à tous locaux, terrains ou moyens de transport à
usage professionnel, demander la communication des livres, factures
16
4156
et tous autres documents professionnels et en obtenir ou prendre copie
par tous moyens et sur tous supports, recueillir sur convocation ou sur
place les renseignements et justifications », sans que le secret puisse
leur être opposé ; qu’en se contentant d’affirmer que le recours aux
opérations de visite et saisie était justifié, compte tenu du secret gardé
en cas de commission de telles pratiques que seules ces opérations
pouvaient mettre à jour, le premier président de la cour d’appel n’a pas
caractérisé la proportionnalité de l’atteinte à l’inviolabilité du domicile
de la société Brico dépôt ;
“4o) alors que l’autorité qui demande l’autorisation de
procéder à des opérations de visite et de saisie visant à permettre la
constatation d’infractions présumées ne peut se fonder sur des indices
collectés au préalable de manière incidente dans le cadre d’une autre
enquête ; qu’en jugeant qu’il était indifférent que les catalogues de prix
aient été obtenus par l’administration à l’occasion d’autres
investigations, dès lors qu’il apparaissait que l’origine de ces
documents était licite, sans rechercher si l’obtention de tels éléments,
de manière incidente, les rendait irrecevables en tant qu’indices
permettant de présumer la commission d’une infraction aux
dispositions du livre IV du code de commerce et justifiant d’autoriser
une opération de visite et de saisie, le premier président de la cour
d’appel a violé les textes susvisés” ;
Sur le moyen, pris en sa première branche :
Attendu que, par application de l’article 561 du code de
procédure civile, le premier président qui annule l’ordonnance du juge des
libertés et de la détention autorisant des opérations de visite et saisie doit se
prononcer lui-même sur le bien-fondé de la requête de l’administration ;
Qu’il s’ensuit que le moyen, en ce qu’il fait grief à l’ordonnance
attaquée de ne pas avoir annulé la décision du premier juge, alors qu’au
surplus la reproduction, dans cette décision, de la requête de l’administration,
est sans effet sur sa validité, est inopérant ;
Sur le moyen, pris en ses autres branches :
Attendu que les énonciations de l'ordonnance attaquée mettent
la Cour de cassation en mesure de s'assurer que le premier président de la
cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs
péremptoires des conclusions dont il était saisi et caractérisé, s'étant référé,
en les analysant, aux éléments d'information fournis par l'administration, dont
elle a constaté l’origine licite, l'existence de présomptions de pratiques
anticoncurrentielles justifiant la mesure autorisée ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
17
4156
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des
articles L. 450-3, L. 450-4, R. 450-2 du code de commerce, 6, § 1, 8 et 13,
de la Convention européenne des droits de l’homme, 56 et 593 du code
de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
“en ce que l’ordonnance attaquée a déclaré régulières et
valides les opérations de saisies pratiquées par la direction régionale
des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et
de l'emploi (DIRECCTE) dans les locaux de la société Brico dépôt le
20 décembre 2012 en exécution de l’ordonnance du 7 décembre 2012 ;
“aux motifs que sur l’inventaire, la société Brico dépôt
reproche à l’administration de ne pas avoir inventorié en annexe tous
les documents saisis ; que ce faisant, la société Brico dépôt introduit
une confusion, qui en réalité n’existe pas, entre inventaire des saisies
et inventaire des scellés ; que l’inventaire des documents saisis figure
sous forme d’un tableau en avant-dernière page du procès-verbal de
visite et saisie qui identifie le contenu de quatre scellés (deux scellés
informatiques 1 et 2 et deux scellés papiers 3 et 4) et, au procès-verbal
de visite et saisie, sont annexés cinq documents dont les inventaires
des scellés 1 et 2 (annexes 3 et 4) :
- l’organigramme fonctionnel de la société Brico dépôt (cf. p. 2 du PV
de visite) ;
- le mandat de représentation conféré par Mme I. Kessler (cf. p. 2 du PV
de visite) ;
- l’inventaire informatique du scellé 1 (cf. p. 4 du PV de visite) ;
- l’inventaire informatique du scellé 2 (cf. p. 5 du PV de visite) ;
- la déclaration des consorts Kessler et Heitzmann (cf. p. 7 du PV de
visite) ;
qu’aussi, contrairement à ce que prétend la société Brico dépôt, le
procès-verbal est particulièrement clair à cet égard et se suffit à
lui-même ; que la société Brico dépôt prétend également que
l’inventaire ne lui permettrait pas de prendre connaissance des
documents informatiques saisis ; que toutefois, comme elle le rappelle
elle-même, ont été inventoriés comme saisies, les messageries de
quatre de ses collaborateurs (les boites électroniques de ses
conclusions p. 5) et les données saisies sur le serveur à partir du poste
de M. Emmanuel Leroy constituant le scellé 2 dont l’inventaire se trouve
à l’annexe 4, et il lui a été remis avant la clôture du procès-verbal de
saisi une copie des documents saisis (cf. p. 7 du PV de visite (…) à leur
demande, nous avons communiqué à Mme Kessler Isabelle, occupant
des lieux et M. Heitzmann Jonathan, représentant de l’occupant des
lieux, copie de l’ensemble des documents) ; qu’aussi, contrairement à
ce qu’elle prétend et à l’encontre de l’attestation de ses préposés
(annexe 5 du PV de visite et de saisies), la société Brico dépôt a bien
été à même de prendre connaissance des documents saisis ; que les
inventaires informatiques doivent permettre de dénombrer et
18
4156
d’identifier les documents saisis ; que la société Brico dépôt prétend
que les inventaires des saisis des documents informatiques ne sont
pas conformes aux obligations légales ; que s’agissant de l’inventaire
des messageries électroniques, quand on aura précisé que les
messageries saisies, du fait de leur caractère insécable, sont
appréhendées dans leur intégralité (il s’agit d’un seul fichier),
l’inventaire consiste simplement à les identifier en donnant le chemin
d’accès informatique qui permet de les retrouver ; quant à l’inventaire
des fichiers informatiques saisis chez M. Emmanuel Leroy, il est
contenu sur un DVD, annexe 4 du PV de visite et de saisie, dont la
société Brico dépôt a reçu un exemplaire ; que la société Brico dépôt
prétend que la dispersion des données recueillies sur quatre DVD rend
la recherche impossible et s’étonne de retrouver des messageries dans
le scellé no 2 ; que l’administration fait valoir que pour faciliter les
recherches, il convient de remettre le contenu des DVD sur un seul
disque dur et d’activer la fonction recherche et qu’elle n’a jamais
prétendu qu’il n’y avait pas de messagerie parmi les fichiers saisis dans
le bureau ; que, dès lors que la société Brico dépôt n’établit pas que la
manipulation proposée qui consiste à rassembler le contenu des DVD
sur un disque dur externe pour faciliter la recherche des fichiers ne
fonctionne pas, elle ne peut prétendre à quelque irrégularité que ce soit
de ce chef ; que, par ailleurs, la présence de messageries dans le scellé
no 2 ne serait anormale que si dans l’inventaire correspondant ces
fichiers n’étaient pas répertoriés, ce que ne prétend pas la société Brico
dépôt ; que, par voie de conséquence, la société Brico dépôt, qui a reçu
une copie dématérialisée des fichiers saisis et des inventaires a une
connaissance exhaustive de la nature des documents appréhendés ;
que sur le caractère disproportionné des saisies, la société Brico dépôt
reproche à l’administration une saisie massive et disproportionnée de
documents ; qu’une fois posé que les messageries constituent des
fichiers insécables, si l’on considère le nombre limité de bureaux et
d’ordinateurs visités (6), le nombre d’ordinateurs effectivement fouillés
(4), le nombre de fichiers finalement retenus (1. 640 sur plus de 222 000
examinés) et les fichiers après analyse qui sont, soit illisibles (19), soit
hors champ (78), la sélection opérée par l’administration à l’aide des
mots clés dont elle n’a d’ailleurs pas à rendre compte, apparaît
sélective et mesurée ; que sur l’illégalité de la saisie, Mme Isabelle
Kessler et M. Jonathan Heitzmann ont fait annexer au procès-verbal une
déclaration selon laquelle ils n’ont pas pris connaissance des scellés
fermés ; que, mais alors qu’il ressort du procès-verbal de saisie, ce que
ne contestent pas les intéressés, qu’il leur a été remis avant leur
placement sous scellé des copies des disques contenant les fichiers
saisis, les intéressés ont bien été mis en capacité de prendre
connaissance des scellés fermés ;
“1o) alors que l’appréhension de l’intégralité de la
messagerie électronique d’un ordinateur confère à la saisie un
19
4156
caractère massif et indifférencié prohibé par l’article 8 de la Convention
eurepéenne des droits de l’homme ; qu’en retenant que la messagerie
électronique, du fait de son caractère insécable, doit être appréhendée
dans son intégralité, son inventaire consistant simplement à l’identifier
en donnant le chemin d’accès informatique permettant ainsi la saisie
globale de la totalité des messages contenus, sans distinction selon le
rapport entre leur objet ou leur nature et le but poursuivi par les
opérations de visite et de saisie, le premier président de la cour d’appel
a méconnu le principe de proportionnalité découlant du texte susvisé ;
“2o) alors que les procès-verbaux dressés en application
de l’article L. 450-4 du code de commerce doivent comporter un
inventaire des documents saisis réalisé conformément aux dispositions
de l’article 56 du code de procédure pénale, afin de permettre aux
personnes visitées de connaître avec précision les pièces saisies
pouvant être retenues à charge contre elles par l’administration pour
exercer utilement leur droit de se défendre et de mettre le juge en
mesure de contrôler l’adéquation des documents saisis au champ de
l’autorisation ; que ne répond pas à cette exigence un inventaire de
données informatiques citant les fichiers saisis sans identifier et
dénombrer les documents contenus dans ces fichiers ; qu’en retenant
que les inventaires réalisés étaient réguliers, puisqu’il n’était pas
prétendu que les fichiers n’étaient pas répertoriés et n’étaient pas
contenus dans les DVD collectant l’ensemble des informations, quand
l’inventaire de documents informatiques par le seul nom des fichiers,
leur extension, leur chemin et leur empreinte numérique ne permettait
pas d’identifier avec précision et certitude, dans des conditions
raisonnables d’accès par la société Brico dépôt, les éléments qui
avaient été effectivement saisis, le premier président de la cour d’appel
a méconnu les textes susvisés, ensemble les droits de la défense ;
“3o) alors que l’administration ne peut appréhender que des
documents se rapportant aux agissements retenus par l’ordonnance
autorisant les opérations de visite et de saisie ; qu’en l’espèce, la
DIRECCTE d’Aquitaine avait été autorisée à rechercher la preuve
d’agissements entrant dans le champ des pratiques prohibées par les
articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 442-5 du code de commerce susceptibles
d’être relevées dans le réseau de distribution de la marque Kärcher par
les produits de la gamme grand public, ainsi que toute manifestation de
cette concertation prohibée ; qu’en conséquence, la recherche de
documents informatiques se rapportant aux agissements retenus par
l’ordonnance d’autorisation de visite et de saisie et respectant l’étendue
limitée de ces opérations ne pouvait se faire que par la recherche du
mot-clé « Kärcher » ; qu’en se fondant sur le nombre de fichiers
finalement retenus pour considérer que la recherche par mot-clé était
sélective et mesurée, sans rechercher si, compte tenu de l’étendue de
l’opération autorisée, tout mot-clé relatif aux pratiques prohibées ne
20
4156
pouvait être admis, mais qu’il fallait seulement employer le mot-clé «
Kärcher », lequel était suffisamment sélectif et permettait seul une
saisie proportionnée de fichiers, le premier président de la cour d’appel
a violé les textes susvisés, ensemble le principe de proportionnalité tel
que consacré par l’article 8 de la Convention européenne des droits de
l’homme ;
“4o) alors que l’occupant des lieux ou son représentant
peut seul, avec les agents mentionnés à l’article L. 450-1, prendre
connaissance des pièces et documents avant leur saisie ; que cette
connaissance doit être effective et préalable à la saisie ; qu’en retenant
que Mme Isabelle Kessler et de M. Jonathan Heitzmann, représentants
de la société Brico dépôt, qui avaient fait annexer au procès-verbal une
déclaration selon laquelle ils n’avaient pas pris connaissance de scellés
fermés, ne justifiaient pas d’une atteinte à la régularité des opérations
de visite et saisie, au motif que le procès-verbal de saisie non contesté
mentionnait la remise avant leur placement sous scellés de copies de
disques contenant les fichiers saisis, de sorte que les intéressés
avaient été mis en capacité de prendre connaissance de ces scellés
fermés, quand cette seule possibilité ne suffisait pas à justifier le
respect du droit de prendre effectivement connaissance de ces
éléments avant leur saisie, ce que n’avaient pu faire les deux
représentants auxquels il avait été demandé de signer le procès-verbal
après cette simple remise, sans vérification du contenu des disques, et
que cette vérification leur avait été refusée puisqu’il leur avait fallu
établir une déclaration à annexer au procès-verbal, la cour d’appel a
violé les textes susvisés” ;
Attendu que, pour rejeter le recours formé contre les opérations
de visite, l’ordonnance prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, d’où il résulte que,
d’une part, les agents de l’administration ont procédé à une saisie sélective
de certains fichiers à partir de mots-clés dont ils n’avaient pas à rendre
compte, d’autre part, les représentants de l’occupant des lieux ont reçu une
copie des fichiers avant leur saisie et ont ainsi été mis en mesure d’en
prendre connaissance, enfin, l’inventaire des pièces saisies permettait à la
société Brico dépôt, qui en avait conservé une copie, d’en connaître
précisément la teneur et d’invoquer, dans le cadre de son recours, le cas
échéant, les éléments de nature à établir que certaines d’entre elles ne
pouvaient être saisies, le premier président a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l’ordonnance est régulière en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
21
4156
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle,
et prononcé par le président le quatorze octobre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le
rapporteur et le greffier de chambre.