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Jurisprudence
Sociale Lamy
Le préjudice d’anxiété s’arrête
aux marches de la CJUE
Caroline Mo, Avocat, Colbert Avocats
- La demande en résiliation judiciaire, une liberté fondamentale
Jean-Philippe Lhernould, Professeur à la faculté de droit et des sciences sociales, Université de Poitiers
- Principe de responsabilité de l’employeur et faute du salarié
Hélène Tissandier, Maître de conférences à l’Université Paris-Dauphine, Membre de l’Institut Droit Dauphine
- La consultation du CE ne fait pas obstacle à une information directe des salariés
Jean-Benoît Cottin, Avocat, Docteur en droit, Capstan Avocats
406
BIMENSUEL
22 MARS 2016
Table chronologique
DÉCEMBRE 2015
10 février
10 décembre
Cass. soc., n° 14-26.909, n° 324 FS-P+B
Préjudice d’anxiété ...............................................
n° 406-1, p. 4
Cass. soc., n° 14-24.350, n° 319 FS-P+B
Principe de responsabilité de l’employeur et
faute du salarié.......................................................
n° 406-4, p. 15
Cass. soc., n° 15-16.080, n° 325 FS-P+B
CCN Sport ...............................................................
n° 406-14, p. 30
Cass. soc., n° 14-26.147, n° 320 FS-P+B
CCN Football professionnel.................................
n° 406-15, p. 30
Cass. soc., n° 14-26.304, n° 323 FS-P+B
CCN Hôtels, cafés, restaurants ...........................
n° 406-16, p. 31
Cass. soc., n° 14-16.156, n° 351 F-D
Inaptitude/Reclassement .....................................
n° 406-17, p. 32
Cass. soc., n° 14-14.213, n° 344 F-D
Temps de travail effectif/Caractérisation .........
n° 406-18, p. 32
Cass. soc., n° 14-21.852, n° 2143 FS-P+B
Procédure prud’homale ........................................
n° 406-8, p. 19
JANVIER 2016
25 janvier
Cass. soc., n° 14-29.796, n° 169 F-D
Élections professionnelles/Formalisme .............
n° 406-25, p. 32
Cass. soc., n° 14-29.308, n° 162 F-D
Syndicats/Valeurs républicaines .........................
n° 406-26, p. 32
26 janvier
Cass. soc., n° 14-19.002, n° 143 FS-P+B
Libertés individuelles ............................................
n° 406-6, p. 18
Cass. crim., n° 13-82.158, n° 6610 F-P+B
Délit d’entrave........................................................
n° 406-9, p. 20
27 janvier
Cass. soc., n° 14-14.293, n° 198 F-D
Convention de forfait-jours/Validité..................
n° 406-23, p. 32
Cass. soc., n° 13-28.892, n° 217 F-D
Licenciement/Motivation de la lettre ................
n° 406-24, p. 32
28 janvier
Cass. soc., n° 14-26.800, n° 195 F-D
Rupture conventionnelle/Homologation..........
n° 406-22, p. 32
FÉVRIER 2016
3 février
Cass. soc., n° 14-18.600, n° 272 FS-P+B
Résiliation judiciaire .............................................
n° 406-2, p. 8
Cass. soc., n° 14-17.886, n° 266 FS-P+B
Licenciement/Salariés protégés ..........................
n° 406-4, p. 11
Cass. soc., n° 14-17.000, n° 268 FS-P+B
Résiliation judiciaire ..............................................
n° 406-5, p. 18
Cass. soc., n° 14-17.000, n° 268 FS-P+B
Salariés protégés....................................................
n° 406-7, p. 19
Cons. constit., QPC, n° 2015-519
Représentativité patronale ..................................
n° 406-10, p. 20
Cass. soc., n° 14-22.318, n° 278 F-D
Règlement intérieur/Mise à pied ........................
n° 406-21, p. 32
4 février
Cass. soc., n° 14-28.005, n° 259 F-D
Transfert d’entreprise............................................
n° 406-11, p. 21
Cass. soc., n° 14-23.663, n° 265 F-D
Cadre dirigeant/Définition ...................................
n° 406-20, p. 32
5 février
CA Lyon, n° 14/07920
Concours de normes conventionnelles .............
n° 406-13, p. 27
9 février
Cass. crim., n° 12-86.016, n° 6609 F-D
Comité d’entreprise...............................................
n° 406-12, p. 24
Cass. soc., n° 14-18.567, n° 287 F-D
Délégués du personnel/Droit d’alerte................
n° 406-19, p. 32
Éditorial
La santé mentale, nouvelle
marotte du droit du travail ?
« La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une
absence de maladie ou d’infirmité ».
Préambule de la Constitution de l’Organisation mondiale de la Santé
Fany Lalanne
Rédactrice en chef
J
usqu’à présent intimement liée à la santé physique, tout du moins en droit français, la santé mentale semble gagner en autonomie, en témoigne un récent arrêt de la Chambre sociale de la Cour
de cassation qui proclame clairement que « la santé mentale est une composante de la santé ». Le
postulat n’est pas nouveau, il est issu du droit européen dans lequel il puise sa source. Il a également
trouvé écho en droit interne dans la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale. Pour autant, c’est la
première fois que la Cour de cassation le fait sien tel quel. Surtout, érigée en concept autonome, existant
par lui seul et en dehors de la santé physique, la santé mentale devient ainsi pivot de la santé en droit
du travail.
Est-ce à dire que le droit français redécouvre une composante de la santé au travail après l’avoir occulté
des années ? Pas tout à fait, la solution aujourd’hui avancée par la Cour de cassation est plutôt la consécration jurisprudentielle d’un tel principe.
On l’a dit, c’est la loi de 2002 qui a fait apparaître la notion de santé mentale en droit du travail (au côté
de la santé physique, c’est à noter). Mais, ici encore, le concept de santé mentale ne naissait pas de luimême, il était déjà reconnu en droit positif, ou plus exactement sous-tendu. La santé mentale est intrinsèque à la relation de travail. Elle a, comme pierre angulaire, l’obligation de sécurité de résultat pesant sur
l’employeur : l’employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger
la santé des travailleurs. Tout est dit dans ces quelques mots.
Mais là où la solution dégagée par la Cour de cassation se distingue c’est, nous l’avons évoqué, par le fait
qu’elle autonomise la santé mentale. Alors que la loi de 2002 la consacrait au côté de la santé physique,
l’arrêt du 10 février 2016 lui reconnait une existence propre et indépendante de son aînée. La différence
est importante car elle induit une autre approche du salarié. Plus subjective. Autrement dit, le salarié
n’apparaît plus seulement travailleur d’une entreprise lambda sous la subordination d’un chef de service
X ou Y, il devient personne à part entière. Il n'est plus seulement corps, il devient esprit. La santé mentale
(comme la santé physique d’ailleurs, mais dans une autre mesure) induit en effet la prise de conscience
par le droit positif du salarié en tant que personne « réelle ». Lapalissade ? Pas tant que cela. Historiquement, en droit français, il faut bien le reconnaître, la santé au travail s’est longtemps focalisée autour de
la santé physique du salarié.
Ce distinguo, « l’humanisation » du salarié, ou tout au moins son « individualisation », l’évolution de
la santé au travail et la distinction santé physique et santé mentale avec peut-être même aujourd’hui
la prévalence de la seconde sur la première ne sont finalement que le reflet de l’évolution du droit du
travail. C’est en effet l’acception même du travail qui est en pleine mutation et ce, de façon de plus en
plus flagrante.
Les conditions de travail changent, notre rapport au travail aussi, et c’est toute la relation de travail qui
s’en trouve affectée. La difficulté, on le voit bien ici, est de garder une approche juridique de la santé
mentale au travail, de ne pas verser dans une une relation de travail hyper « psychologisée ». Difficulté
accrue par le sens à donner à telle notion. Seul échapatoire : la prévention et, en ce domaine, la France
a encore fort à faire...
Mais, au-delà de la sémantique, ce qu’il faut retenir ici c’est cette mutation du droit du travail, la relation
de travail, purement contractuelle et objective, prend un net tournant subjectif érigeant le salarié en tant
qu’individu et pas seulement en tant que travailleur.
Nº 406 22 MARS 2016
Jurisprudence Sociale Lamy
1
Sommaire
Libertés individuelles
ÉCLAIRAGE
Santé et sécurité au travail
Le préjudice d’anxiété s’arrête
aux marches de la CJUE
Par Caroline Mo, Avocat, Colbert
Avocats
(Cass. soc., 10 févr. 2016, n° 14-26.909 FSP+B) ............................................................... p. 4
Un audit sur la manière dont un salarié assume ses
fonctions n’est pas un élément de preuve obtenu
par un moyen illicite si l’intéressé n’en est pas tenu à
l’écart
(Cass. soc., 26 janv. 2016, n° 14-19.002 FS-P+B) ...........p. 18
Salariés protégés
Plafonnement à 30 mois de l’indemnité pour
violation du statut protecteur d’un conseiller
prud’homme
(Cass. soc., 3 févr. 2016, n° 14-17.000 FS-P+B)............... p. 19
Procédure prud’homale
JURISPRUDENCE COMMENTÉE
Rupture du contrat de travail
La demande en résiliation judiciaire, une liberté
fondamentale
(Cass. soc., 3 févr. 2016, n° 14-18.600 FS-P+B) ................p. 8
Licenciement (salariés protégés)
Omission par l’employeur d’un des mandats détenus
par le salarié protégé dans la demande d’autorisation
préalable de licenciement et droit à indemnisation
en cas d’annulation de l’autorisation
(Cass. soc., 3 févr. 2016, n° 14-17.886 FS-P+B) ...............p. 11
Santé et sécurité au travail
Principe de responsabilité de l’employeur et faute du
salarié
(Cass. soc., 10 févr. 2016, n° 14-24.350 FS-P+B) ............ p. 15
Pourvoi additionnel contre un arrêt d’appel de
sursis à statuer : non-rétroactivité du décret du 6
novembre 2014
(Cass. soc., 10 déc. 2015, n° 14-21.852 FS-P+B) ............. p. 19
Délit d’entrave
La suppression par la loi du 6 août 2015 de la peine
d’emprisonnement pour entrave au fonctionnement
régulier d’un comité d’entreprise s’applique aux
affaires en cours à cette date
(Cass. crim., 26 janv. 2016, n° 13-82.158 F-P+B) ............ p. 20
Représentativité patronale
Les dispositions du Code du travail relatives
à la mesure de la représentativité des
organisations professionnelles d’employeurs sont
constitutionnelles
(Cons. constit., QPC, 3 févr. 2016, n° 2015-519) ............. p. 20
L’INÉDIT
JURISPRUDENCE RÉSUMÉE
Transfert d’entreprise
Résiliation judiciaire
La date de la résiliation judiciaire du contrat de
travail est fixée au jour de la décision qui la prononce
ou au jour de l’arrêt d’appel validant ladite résiliation
(Cass. soc., 3 févr. 2016, n° 14-17.000 FS-P+B)...............p. 18
2
Conséquences sur les contrats de travail de la
résiliation d’un contrat relatif à la gestion d’une
entité économique autonome
(Cass. soc., 4 févr. 2016, n° 14-28.005 F-D) ................... p. 21
Jurisprudence Sociale Lamy
Nº 406 22 MARS 2016
Comité d’entreprise
Football professionnel
La consultation du CE ne fait pas obstacle à une
information directe des salariés
(Cass. crim., 9 février 2016, n° 12-86.016 F-D)...............p. 24
Un club de football ne peut imposer à un joueur une
diminution de sa rémunération en cas de relégation
en ligue 2
(Cass. soc., 10 févr. 2016, n° 14-26.147 FS-P+B) ............. p. 30
Hôtels, cafés, restaurants (HCR)
LES JUGES DU FOND
Concours de normes conventionnelles
La notion de caractère « plus avantageux » doit
s’apprécier de façon globale sur l’ensemble du
personnel
(CA Lyon, 5 févr. 2016, n° 14/07920) .............................p. 27
LES CONVENTIONS COLLECTIVES
Emploi d’un cuisinier au moyen de CDD d’extras sur
plus de 60 jours sur un même trimestre civil : quelles
conséquences ?
(Cass. soc., 10 févr. 2016, n° 14-26.304 FS-P+B) ............ p. 31
EN bREF
........................................................................................p. 32
Sport
La garantie de contrat jusqu’à la fin d’une saison
ne concerne que les joueurs sous contrat à durée
déterminée
(Cass. soc., 10 févr. 2016, n° 15-16.080 FS-P+B) ............. p. 30
Ce numero est accompagné d'un encart publicitaire.
Nº 406 22 MARS 2016
Jurisprudence Sociale Lamy
3
Éclairage
„ SANTÉ ET SÉCURITÉ
Le préjudice d’anxiété s’arrête
aux marches de la CJUE
406-1
Caroline Mo,
Avocat,
Colbert Avocats
Cass. soc., 10 févr. 2016, pourvoi n° 14-26.909, arrêt n° 324 FS-P+B
La question du préjudice d’anxiété, et plus particulièrement des modalités d’engagement de la responsabilité civile de l’employeur dans ce cadre, est au cœur de nombreux débats depuis plusieurs années.
La Cour de cassation adopte une position stricte en la matière, imposant une responsabilité de l’employeur, semblant inéluctable et automatique, dès lors que l’établissement a été classé au titre de l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998.
Cette sévérité de la Haute Juridiction a conduit
les employeurs à tenter de vérifier la compatibilité de cette position avec certains grands principes constitutionnels. Ainsi, dans un arrêt du 27
juin 2013, la Cour de cassation a été interrogée
sur la compatibilité de son interprétation de l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 avec l’article 13 de la Déclaration des droits de l’Homme
et du citoyen affirmant le principe d’égalité devant les charges publiques de tout citoyen (Cass.
soc., 27 juin 2013, QPC, n° 12-29.347).
Dans cette affaire, la société souhaitait que soit
tranchée la question suivante : « L’article 41 de la
loi du 23 décembre 1998 ayant pour objet en son
article III d’organiser, par un fond commun à la
charge de la collectivité, la réparation d’une faute
collective, n’institue-t-il pas une rupture d’égalité devant les charges publiques en méconnaissance de l’article 13 de la Déclaration des droits
de l’Homme et du citoyen lorsque, selon l’inter-
4
prétation que lui donne la Cour de cassation, la
simple inscription d’une entreprise sur la liste des
établissements prévus par ce texte suffirait pour
engager la responsabilité personnelle de celle-ci
au-delà de sa contribution directe ou indirecte au
financement du régime Acaata et à lui faire supporter seule le préjudice d’anxiété découlant de
la même faute collective ? ».
La Cour de cassation a toutefois rejeté cette
demande de question prioritaire de constitutionnalité en indiquant que « la disposition législative en cause telle qu’interprétée ne heurte
aucun des principes constitutionnels invoqués dès
lors que l’indemnisation du préjudice d’anxiété
qui repose sur l’exposition des salariés au risque
créé par leur affectation dans un établissement figurant sur une liste établie par arrêté où était fabriquée ou traitée de l’amiante ou des matériaux
contenant de l’amiante, en premier lieu n’exclut
pas toute cause d’exonération de responsabilité,
Jurisprudence Sociale Lamy
Nº 406 22 MARS 2016
en second lieu ne constitue ni une charge publique ni un avantage
disproportionné ».
À défaut de pouvoir contester la position de la Cour de cassation sur le fondement de son absence de constitutionnalité, les
employeurs ont donc saisi la Haute Juridiction d’une interrogation quant à sa compatibilité avec les principes communautaires
applicables.
Les employeurs se sont toutefois, là encore, heurtés au mur de
la Cour de cassation.
Les faits
Plusieurs salariés ont été employés par la Société nationale des
poudres et explosifs (SNPE) entre 1972 et 1992.
Suivant arrêté ministériel du 25 mars 2003, la SNPE a été inscrite sur la liste des établissements susceptibles d’ouvrir droit à
l’Acaata (allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante).
Les salariés ont saisi le conseil de prud’hommes d’une demande
d’indemnisation au titre de leur préjudice d’anxiété.
Les demandes et argumentations
Le Conseil de prud’hommes de Bergerac a, suivant jugement du
30 octobre 2012, condamné la société SNPE au paiement de la
somme de 7 000 à 12 000 € au titre du préjudice d’anxiété à
chacun des demandeurs.
La société SNPE a interjeté appel de ce jugement en invoquant
l’absence de démonstration par les salariés d’une exposition à
l’inhalation de poussières d’amiante et de l’existence d’un préjudice d’anxiété.
Devant la Cour d’appel de Bordeaux, les salariés maintiennent
leurs demandes et sollicitent la somme de 30 000 € chacun
au titre des « troubles psychologiques », en lieu et place d’une
indemnisation au titre du préjudice d’anxiété et du bouleversement des conditions d’existence.
La Cour d’appel de Bordeaux confirme le jugement du Conseil de
prud’hommes de Bergerac dans son arrêt rendu le 24 septembre
2014 et octroie la somme de 10 000 € à chaque salarié au titre
du préjudice d’anxiété, « étant précisé que cette somme répare
tous les troubles psychologiques y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d’existence ».
La société SNPE forme un pourvoi en cassation contre cet arrêt.
La Haute Juridiction confirme l’arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux dans ses arrêts du 10 février 2016.
La décision, son analyse et sa portée
• Quels sont les éléments de preuve devant être
apportés pour obtenir une indemnisation au
titre du préjudice d’anxiété ?
Devant la Cour d’appel de Bordeaux, la société SNPE invoque
l’absence de démonstration :
- d’un manquement à son obligation de sécurité de résultat ;
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- de l’existence d’un préjudice d’anxiété.
La juridiction d’appel, sans prendre en compte, au moins formellement, un principe de responsabilité automatique des sociétés
du fait de leur classement au titre de l’Acaata, vérifie le respect
des textes applicables en matière de protection de la santé des
salariés potentiellement exposés à l’inhalation de poussières
d’amiante par la société.
Elle applique, pour ce faire, strictement, le raisonnement utilisé en matière de faute inexcusable. Elle indique ainsi que la
société n’a pas pris les mesures nécessaires pour protéger les
salariés contre le risque d’exposition à l’inhalation de poussières
d’amiante (absence de protections individuelle et collective et
absence de contrôles atmosphériques tels que prévus par le décret du 17 août 1977).
En outre, elle estime que la société aurait dû avoir conscience du
danger compte tenu de sa « taille importante » et du fait qu’elle
« disposait d’un département juridique et d’un service de médecine légale ».
Dès lors, l’employeur n’ayant pas pris les mesures nécessaires
pour assurer la santé et la sécurité des salariés alors qu’il avait
conscience du danger a donc manqué à son obligation de sécurité de résultat.
La vérification des preuves fournies par les salariés s’arrête cependant ici pour la juridiction d’appel. Ainsi, s’agissant de la
démonstration du préjudice, la cour d’appel est beaucoup plus
succincte dans son analyse puisqu’elle indique : « - Monsieur X
justifie avoir bénéficié de l’Acaata ;
- Monsieur X justifie donc avoir été victime d’une exposition à la
fois professionnelle et environnementale à l’amiante sans bénéficier d’une protection individuelle et collective efficace.
Il justifie donc se trouver par le fait de l’employeur dans une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout
moment d’une maladie liée à l’amiante et subir de ce fait un préjudice spécifique d’anxiété ».
La position est donc éminemment claire : si le salarié a bénéficié
de l’Acaata, il démontre, par là même, une exposition à l’inhalation de poussières d’amiante et est en droit d’obtenir une indemnisation au titre du préjudice d’anxiété.
Cette position apparaît toutefois également pour le moins paradoxale. Si le simple bénéfice de l’Acaata par le salarié justifie une
exposition à l’inhalation de poussières d’amiante sans bénéficier
d’une protection efficace, pourquoi avoir jugé utile de démontrer la réalité d’un manquement de l’employeur à son obligation
de sécurité de résultat ?
Manifestement, le régime créé de toutes pièces par la Cour de
cassation peine à être compris par les juridictions du fond, lesquelles appliquent dès lors plusieurs raisonnements semblant
pourtant incompatibles entre eux.
• Sur l’application rétroactive de la loi n° 200273 du 17 janvier 2002, de modernisation
sociale
La juridiction d’appel ayant en premier lieu tenté de démontrer
un manquement de la société à son obligation de sécurité de résultat, la société a donc, fort logiquement, tenté de contester
la réalité de la faute qui lui était reprochée. Elle indique ainsi
Jurisprudence Sociale Lamy
5
Éclairage
qu’elle ne pouvait être condamnée au titre de l’article L. 4121-1
du Code du travail.
Pour rappel, l’article L. 4121-1 du Code du travail pose le principe de prévention de la santé et de la sécurité du salarié par
l’employeur en mentionnant notamment les principes généraux
devant être respectés par ce dernier. Or, cet article ne visait pas
initialement la santé mentale du salarié.
Ce n’est que la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 qui a intégré, dans l’article L. 4121-1 du Code du travail, des dispositions
spécifiques sur la santé mentale du salarié. Dès lors, les salariés ayant quitté la société en 1992 et leurs demandes portant
sur la période 1972-1992, la société estime que ces dispositions
n’étaient pas applicables à sa situation et qu’elle ne peut donc
être condamnée sur cette base. La société indique plus spécifiquement qu’aucune faute ne pouvait être retenue à son encontre sur le fondement d’une obligation qui n’était pas encore
née au moment où elle lui était reprochée.
Sur le plan des principes, la position n’est que peu contestable.
Pour autant, la Cour de cassation écarte cette argumentation
sur le fondement de deux éléments :
- la santé mentale est une composante de la santé : peu important que l’article L. 4121-1 du Code du travail n’ait pas initialement fait expressément référence à la santé « mentale »,
la santé comporte nécessairement et implicitement cette composante ;
- les salariés ont travaillé dans un établissement classé au titre
de l’Acaata, ce qui justifie l’octroi d’une indemnisation au titre du
préjudice d’anxiété.
La seconde partie du raisonnement, classique aujourd’hui en
matière de préjudice d’anxiété, confirme la sévérité de la Cour
de cassation en la matière.
Alors que certaines cours d’appel poursuivent leur travail de
vérification de l’existence d’un manquement de l’employeur au
regard notamment du concept de manquement à l’obligation
de sécurité de résultat au sens de la faute inexcusable, la Haute
Juridiction se contente de viser le classement de l’établissement
au titre de l’Acaata. Cette seule inscription démontrerait alors le
manquement de l’employeur.
Face à cette position, les sociétés n’avaient alors d’autres choix
que de chercher l’appui de juridictions supérieures.
• Sur le renvoi préjudiciel
Pour mémoire, le renvoi préjudiciel permet de saisir la CJUE afin
de déterminer le sens devant être donné à un acte communautaire. Ce renvoi a ainsi pour objectif d’obtenir la position de la
juridiction européenne sur une interprétation de l’acte communautaire en cause lorsque cette solution est nécessaire à la résolution du litige devant être tranché par le tribunal.
L’acte communautaire en cause est ici la Directive n° 89/391
CEE du 12 juin 1989, concernant la mise en œuvre de mesures
6
visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé
des travailleurs sur le lieu de travail et, plus spécifiquement, son
article 5.
Cet article 5 pose le principe général selon lequel « l’employeur
est obligé d’assurer la sécurité et la santé des travailleurs dans tous
les aspects liés au travail. (…) La présente directive ne fait pas obstacle à la faculté des États membres de prévoir l’exclusion ou la
diminution de la responsabilité des employeurs pour des faits dus à
des circonstances qui sont étrangères à ces derniers, anormales et
imprévisibles ou à des évènements exceptionnels, dont les conséquences n’auraient pu être évitées malgré toute la diligence déployée ».
La société SNPE sollicite ainsi devant la Cour de cassation que
la CJUE soit interrogée afin de déterminer si « l’article 5 de la
Directive 89/391, tel qu’il est exclusivement applicable aux faits
de l’espèce, doit-il être interprété en ce sens qu’il imposait aux entreprises une obligation de résultat quant à la préservation de la
santé mentale de leurs employés ? ».
La question est légitime. Rappelons, en effet, que la CJUE avait
pu d’ores et déjà être saisie d’une demande d’interprétation de
cet article 5 et de la conformité du dispositif britannique prévoyant une responsabilité de l’employeur « pour autant que ce
soit raisonnablement praticable » à celui-ci.
La CJUE précise sur ce point que cet article 5 pose une obligation générale de sécurité mais ne se prononce pas sur une quelconque forme de responsabilité de l’employeur. Le dispositif britannique analysé ne serait ainsi pas contraire aux dispositions de
l’article 5 de la Directive. Dès lors, si cette Directive n’impose pas
nécessairement une obligation de sécurité de résultat, la société
SNPE pouvait s’interroger sur la compatibilité de la position jurisprudentielle française en matière de préjudice d’anxiété et des
prescriptions de l’article 5.
La Cour de cassation rejette cependant cette demande de renvoi
préjudiciel en précisant que, « selon l’article 1, § 3, la Directive
89/391/CEE ne porte pas atteinte aux dispositions nationales et
communautaires existantes ou futures, qui sont plus favorables à
la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs au travail ; qu’il n’y a pas lieu à saisine préjudicielle de la Cour de Justice
de l’Union Européenne ».
Ainsi, pour la Cour de cassation, peu important que la Directive
ne prévoit pas une obligation de sécurité de résultat de l’employeur, les dispositions nationales peuvent, quant à elles, la
prévoir de sorte que cette question ne nécessite pas un renvoi
préjudiciel.
***
La solution est juridiquement fondée mais pour le moins regrettable en pratique dès lors qu’elle ne permet pas aux employeurs
de disposer de l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne
sur le système extrêmement strict appliqué actuellement en
matière de préjudice d’anxiété et visant à indemniser le salarié
dès lors que celui-ci a travaillé dans un établissement classé au
titre de l’Acaata.
Jurisprudence Sociale Lamy
Nº 406 22 MARS 2016
TExTE DE L’aRRêT
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE
SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois nº P
14-26. 909 à U 14-26. 914 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués (Bordeaux, 24 septembre 2014), que M. X...
et quarante-sept salariés ont été engagés
par la société nationale des poudres et
explosifs (SNPE), aux droits de laquelle
viennent également les sociétés Eurenco, Manuco et Hérakles, au cours de périodes variables de 1972 à 1992 ; que par
arrêté ministériel du 25 mars 2003, pris
en application de l’article 41 de la loi du
23 décembre 1998, le site SNPE, situé à
Bergerac, a été inscrit sur la liste des établissements susceptibles d’ouvrir droit à
l’ACAATA pour la période de 1972 à 1992
; que les salariés ont saisi la juridiction
prud’homale pour obtenir réparation de
leurs préjudices d’anxiété et de trouble
dans leurs conditions d’existence ;
Sur la demande de saisine préjudicielle de
la Cour de justice de l’Union européenne :
Attendu que les employeurs demandent
que soit posée à la Cour de justice de
l’Union européenne la question préjudicielle suivante : « l’article 5 de la directive 89/ 391, tel qu’il est exclusivement
applicable aux faits de l’espèce, doit-il
être interprété en ce sens qu’il imposait
aux entreprises une obligation de résultat
quant à la préservation de la santé mentale de leurs employés ? » ;
Mais attendu que selon son article 1, § 3,
la directive 89/ 391/ CEE ne porte pas atteinte aux dispositions nationales et communautaires existantes ou futures, qui sont
plus favorables à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail ;
qu’il n’y a pas lieu à saisine préjudicielle de
la Cour de justice de l’Union européenne ;
Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et cinquième
branches, et le second moyen des pourvois nº P 14-26. 909 et Q 14-26. 910 :
Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par
une décision spécialement motivée sur les
moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le premier moyen, le deuxième moyen,
pris en ses première et troisième branches,
et le troisième moyen des pourvois nº R
14-26. 911, S 14-26. 912 et T 14-26. 913 et
la quatrième branche du deuxième moyen
du pourvoi nº R 14-26. 911 :
Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par
une décision spécialement motivée sur les
Nº 406 22 MARS 2016
moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
sé l’existence d’un préjudice spécifique
d’anxiété ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le premier moyen, pris en ses première,
deuxième et troisième branches, et le second moyen du pourvoi nº U 14-26. 914 :
Sur le moyen additionnel du pourvoi nº
Q 14-26. 910, concernant MM. Y... et Z... :
Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par
une décision spécialement motivée sur les
moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche, des pourvois nº P 14-26.
909, Q 14-26. 910 et U 14-26. 914, et sur
le deuxième moyen, pris en sa deuxième
branche, des pourvois nº R 14-26. 911, S
14-26. 912 et T 14-26. 913 :
Attendu que les employeurs font grief
aux arrêts de les condamner à verser une
somme à chacun des salariés en réparation d’un préjudice d’anxiété alors, selon le
moyen, que c’est seulement la loi 200273 du 17 janvier 2002 modifiant l’article L.
4121 du code du travail qui a imposé à l’employeur de prendre les mesures nécessaires
à la protection de « la santé mentale » de
ses salariés ; qu’en se fondant sur cette nouvelle obligation pour affirmer qu’ils auraient
manqué à leur obligation de résultat et pour
les déclarer responsables en application de
l’article L. 4121-1 du code du travail, tout en
ayant relevé, par ailleurs, que M. Georges
X... avait quitté l’entreprise le 28 septembre
1992 (pourvoi nº P 14-26. 909), que le
contrat de travail s’est arrêté pour tous
en 1992 (pourvoi nº Q 14-26. 910), que le
site a été classé seulement pour la période
1972-1992 (pourvoi nº R 14-26. 911), que le
site a été classé seulement pour la période
1972-1992 (pourvois nº S 14-26. 912 et T
14-26. 913) ou que les défendeurs au pourvoi avaient quitté l’établissement en 1992
(pourvoi nº U 14-26. 914), la cour d’appel
retient une faute par rapport à une obligation qui n’était pas encore née et viole ainsi,
par fausse application, les textes susvisés
ainsi que l’article 2 du code civil ;
Mais attendu, d’une part que la santé
mentale est une composante de la santé, d’autre part que la cour d’appel, qui a
constaté que les salariés, qui avaient travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi nº 98-1194
du 23 décembre 1998 et figurant sur une
liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués
ou traités l’amiante ou des matériaux
contenant de l’amiante, se trouvaient,
par le fait des employeurs, dans une situation d’inquiétude permanente face
au risque de déclaration à tout moment
d’une telle maladie, a ainsi caractéri-
Jurisprudence Sociale Lamy
Attendu que la SNPE fait grief à l’arrêt de
la condamner à payer à MM. Y... et Z... une
somme en réparation d’un préjudice d’anxiété, alors, selon le moyen, que l’octroi
d’une somme de 10 000 euros à ces deux
défendeurs est en contrariété directe avec
les motifs du jugement et de l’arrêt selon
lesquels les deux intéressés ne sont pas
recevables à agir à l’encontre de la société SNPE du fait de l’accord transactionnel
qui est intervenu le 30 août 1993 ; qu’en
statuant de la sorte, la cour d’appel a violé
l’article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu’une contradiction entre
deux chefs du dispositif d’une décision
pouvant, en application de l’article 461
du code de procédure civile, donner lieu
à une requête en interprétation, ne peut
ouvrir la voie de la cassation ;
Et attendu qu’une contradiction est
avérée tant entre les motifs qu’entre les
chefs du dispositif de l’arrêt ;
D’où il suit que le moyen n’est pas recevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne les sociétés SNPE, Eurenco,
Manuco et Hérakles aux dépens afférents
à leurs pourvois ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société SNPE à payer à
M. X... la somme de 1 000 euros (pourvoi
nº P 14-26. 909) et à M. A... et onze autres
défendeurs (pourvoi nº Q 14-26. 910) également la somme de 1 000 euros ;
Vu l’article 700 du code de procédure
civile, condamne la société Eurenco à
payer MM. B..., C... et D... la somme de
1 000 euros (pourvoi nº R 14-26. 911) et
à M. E... et vingt-cinq autres défendeurs
(pourvoi nº S 14-26. 912) également la
somme de 1 000 euros ;
Vu l’article 700 du code de procédure
civile, condamne la société Manuco à
payer la somme de 1 000 euros à MM. F...
et G... (pourvoi nº T 14-26. 913) ;
Vu l’article 700 du code procédure civile,
condamne la société Hérakles à payer la
somme de 1 000 euros à MM. H... et I...
(pourvoi nº U 14-26. 914) ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation,
chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix
février deux mille seize.
7
Jurisprudence commentée
„ RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL
La demande en résiliation
judiciaire, une liberté
fondamentale
406-2
Jean-Philippe
Lhernould,
Professeur à la
faculté de droit
et des sciences
sociales,
Université de
Poitiers
Cass. soc., 3 févr. 2016, pourvoi n° 14-18.600, arrêt n° 272 FS-P+B
L’employeur qui reproche au salarié, dans la lettre de licenciement, d’avoir saisi la
juridiction prud’homale d’une demande en résiliation de son contrat de travail porte
atteinte à une liberté fondamentale entraînant la nullité du licenciement.
Les faits
Directeur régional d’une grande entreprise de
conseil, le salarié a saisi, le 4 mars 2010, la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation de son contrat de travail. Mis à pied à titre
conservatoire le 23 mars 2010, il a été licencié
pour faute grave par lettre du 7 avril 2010. La
lettre de licenciement était ainsi rédigée : « (…)
il ne pouvait vous échapper que votre position de
Direction de Région vous amenait à jouer un rôle
moteur dans ce projet. Or, loin de nous exprimer
clairement votre désaccord, vous n’avez cessé de
Décoder les
lettres accolées
aux numéros
d'arrêt de
la Cour de
cassation
8
F = Formation
FS = Formation
de section
FP = Formation
plénière
tenter de compromettre les travaux en cours et
avez engagé parallèlement avec moi-même des
discussions en vue de rompre votre contrat de
travail par la voie d’une rupture conventionnelle.
Je n’y ai pas donné suite au regard du fait que je
ne souhaitais pas votre départ et vous nous avez
fait alors parvenir le 17 mars une demande de résiliation judiciaire de contrat de travail aux torts
de KPMG dont j’attends avec intérêt de connaître
exactement les tenants et aboutissants car cette
saisine du conseil de prud’hommes de Nanterre
en cours de contrat de travail n’a été précédée de
votre part d’aucun courrier ou aucune demande
P = Publication
dans le
Bulletin civil
de la
Cour de
cassation
b = Flash dans
le Bulletin
d'Information
de la
Cour de
cassation
Jurisprudence Sociale Lamy
R = Mention
dans le
rapport
de la
Cour de
cassation
I
= Figure
sur le site
Internet
de la
Cour de
cassation
Nº 406 22 MARS 2016
formelle mettant en cause une évolution de votre contrat qui vous
aurait été préjudiciable. Si cette action en tant que telle n’est pas
répréhensible, contrairement aux éléments précédents, cela me
semble en dire long sur l’incompatibilité de nos positions (…) ».
Les demandes et argumentations
L’employeur fait grief à l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles
d’avoir prononcé la nullité du licenciement alors que, lorsque la
lettre de licenciement invoque plusieurs motifs parmi lesquels
l’exercice d’une action en justice, les juges ne pourraient prononcer la nullité qu’après avoir recherché si c’était ladite action
qui était à l’origine de la rupture du contrat. En l’espèce, la lettre
de licenciement reprochait au salarié, indépendamment des
conditions dans lesquelles il avait formé une demande de résiliation judiciaire, l’insuffisance de résultats de sa région depuis
plusieurs exercices, la sous-évaluation volontaire des charges
présentées et la grave méconnaissance des règles internes en
matière de provision. En s’abstenant de rechercher si, en l’état
des autres griefs faits au salarié, c’était l’action intentée devant
les juges prud’homaux qui avait motivé la rupture du contrat de
travail, la cour d’appel aurait privé sa décision de base légale au
regard des articles L. 1232-6, L. 1121-1 du Code du travail, et de
l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
Par ailleurs, l’employeur estimait que les juges du fond avaient
dénaturé les pièces du dossier. En effet, la lettre de licenciement
ne faisait pas grief au salarié d’avoir saisi la juridiction prud’homale mais d’avoir présenté une demande aux fins d’obtenir la
résiliation judiciaire de son contrat de travail sans avoir préalablement avisé la société d’un éventuel désaccord sur quelque
sujet que ce soit.
La décision, son analyse et sa portée
Le moyen de l’employeur est rejeté : « ayant retenu, hors toute
dénaturation, que l’employeur reprochait au salarié dans la lettre
de licenciement d’avoir saisi la juridiction prud’homale d’une demande en résiliation de son contrat de travail, la cour d’appel,
qui a ainsi implicitement mais nécessairement écarté la preuve
d’un abus ou d’une mauvaise foi de ce dernier dans l’exercice de
son droit d’ester en justice, en a exactement déduit que ce grief,
constitutif d’une atteinte à une liberté fondamentale, entraînait à
lui seul la nullité du licenciement, de sorte qu’il n’y avait pas lieu
d’examiner les autres griefs invoqués par l’employeur pour vérifier
l’existence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement ».
• Droit d’ester en justice : une liberté
fondamentale
Ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation érige au
rang de liberté fondamentale le droit d’ester en justice. À propos
d’un employeur qui avait rompu de manière anticipée le CDD
(pour un motif manifestement illégal) suite à une action en requalification d’un CDI initiée par le salarié, elle avait ainsi jugé,
au visa des articles L. 1121-1, L. 1243-1, R. 1455-6 du Code du
travail, ensemble les articles 1315 du Code civil et 6 § 1 de la
Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés
fondamentales, « que le juge des référés peut, même en l’absence
de disposition l’y autorisant, ordonner la poursuite des relations
Nº 406 22 MARS 2016
contractuelles en cas de violation d’une liberté fondamentale par
l’employeur » (Cass. soc., 6 févr. 2013, n° 11-11.740).
Doit-on trouver trop sévère la solution de l’arrêt commenté ?
On serait tenté de la comparer avec celle de l’article L. 1134-4 du
Code du travail selon lequel est nul le licenciement d’un salarié
faisant suite à une action en justice engagée par lui, sur le fondement des principes de non-discrimination, « lorsqu’il est établi
que le licenciement n’a pas de cause réelle et sérieuse et constitue
en réalité une mesure prise par l’employeur en raison de cette action en justice ». La nullité de l’article L. 1134-4 ne pourrait donc
intervenir que sous conditions, en particulier l’absence de cause
réelle et sérieuse.
Dans l’espèce commentée, la Cour de cassation suit une voie autrement plus radicale et approuve les juges du fond d’avoir considéré que les autres griefs invoqués par l’employeur n’avaient pas
à être étudiés, autrement dit qu’il importait peu que le licenciement puisse reposer sur une cause réelle et sérieuse. La Haute
Juridiction pouvait-elle faire autrement dès lors qu’était en jeu
une liberté fondamentale ? Il est difficile de le croire. L’arrêt du
3 février 2016 rejoint ainsi une jurisprudence bien établie selon
laquelle une cause de nullité agit par voie de contamination : la
rupture du contrat de travail est nécessairement nulle, peu importe qu’elle puisse par ailleurs avoir une justification et quand
bien même celle-ci serait déterminante. La seule exception à la
nullité serait la preuve d’un abus ou d’une mauvaise foi du salarié
dans l’exercice de son droit d’ester en justice.
• Enjeux
Le principe est connu : « le juge ne peut, en l’absence de disposition le prévoyant et à défaut de violation d’une liberté fondamentale, annuler un licenciement » (Cass. soc., 13 mars 2001, n° 9945.735). À côté des nullités textuelles (violation du droit de
grève, mesure discriminatoire, atteinte aux femmes enceintes,
harcèlement…), le droit d’ester en justice dispose désormais
d’une place solide parmi les libertés fondamentales, au sein desquelles on compte également la liberté de témoigner en justice
(Cass. soc., 29 oct. 2013, n° 12-22.447).
La conséquence pratique à tirer de l’arrêt du 3 février 2016 est
la suivante : s’il n’est pas interdit en soi de licencier un salarié
après que ce dernier aura exercé une demande en résiliation
judiciaire (il faudra alors motiver le licenciement sur une cause
réelle et sérieuse), en revanche constitue une atteinte à une liberté fondamentale le fait de licencier le salarié en raison d’une
telle demande. L’employeur devra donc être vigilant et éviter
tout comportement qui permettrait de laisser croire que le licenciement exprime un reproche adressé au salarié, celui d’avoir
agi en résiliation judiciaire.
Le fait pour l’employeur de procéder au licenciement dans la
foulée de la demande en résiliation judiciaire pourrait-il être
un indice de l’atteinte à la liberté fondamentale du salarié ? Pas
nécessairement car il convient de distinguer le comportement
(licite) de l’employeur consistant à réagir à une action du salarié
de celui (illicite) consistant à faire grief au salarié d’avoir engagé
une action judiciaire et d’en tirer comme conséquence le licenciement. En somme, l’atteinte à la liberté fondamentale serait
établie dès lors que le licenciement prendrait les allures d’une
mesure de rétorsion.
Jurisprudence Sociale Lamy
9
Jurisprudence commentée
TExTE DE L’aRRêT
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE
SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles,
9 avril 2014), qu’engagé le 9 décembre
1983 par la société KPMG en qualité de
responsable mission révision pour occuper en dernier lieu les fonctions de directeur régional, M. X... a saisi, le 4 mars
2010, la juridiction prud’homale d’une
demande de résiliation de son contrat
de travail ; que mis à pied à titre conservatoire le 23 mars 2010, il a été licencié
pour faute grave par lettre du 7 avril 2010
;
Sur le premier moyen :
Attendu que l’employeur fait grief à
l’arrêt de prononcer la nullité du licenciement et de le condamner à payer au
salarié diverses sommes au titre de la
rupture du contrat de travail, alors, selon
le moyen :
1º/ que le juge ne peut, en l’absence de
disposition le prévoyant et à défaut de
violation d’une liberté fondamentale,
annuler un licenciement ; que le licenciement échappe à la nullité si le comportement qui le motive constitue, de la
part du salarié, un abus dans l’exercice
de cette liberté ; que la lettre de licenciement reprochait au salarié d’avoir, en
sa qualité de directeur de région appelé
à jouer un rôle déterminant dans le projet « AK », cherché à compromettre ledit
projet et, après avoir en vain tenté d’obtenir une rupture négociée, saisi directement le juge prud’homal d’une demande
de résiliation judiciaire, sans l’avoir jamais avisé du moindre désaccord sur le
projet ni sur l’exécution de son contrat ;
qu’au soutien de ses écritures, la société
avait souligné que cette demande de résiliation judiciaire, fondée sur une prétendue perte de responsabilités résultant de
la mise en place du projet « AK », avait
été formulée avec la plus parfaite mauvaise foi, dans la mesure où l’intéressé,
qui était sur le point de créer sa propre
entreprise, au demeurant avec d’autres
salariés de la société KPMG, n’avait saisi
le juge prud’homal qu’après son échec à
obtenir une rupture négociée et conco-
10
mitamment à un départ qui, en tout état
de cause, était acquis ; que la cour d’appel
a estimé que les griefs qui étaient formulés à l’appui de la demande de résiliation
judiciaire n’étaient pas fondés et que le
salarié avait bien commencé à travailler
à la création de sa société plusieurs mois
avant son licenciement ; qu’en s’abstenant néanmoins de rechercher si sa demande de résiliation judiciaire n’avait pas
été formée de mauvaise foi et ne révélait
pas, en conséquence, l’exercice abusif
par le salarié de son droit de saisir le juge
prud’homal d’une demande en résiliation
judiciaire de son contrat de travail, la
cour d’appel a privé sa décision de base
légale au regard de l’article L. 1121-1 du
code du travail et de l’article 6, § 1 de la
Convention européenne de sauvegarde
des droits de l’homme et des libertés
fondamentales ;
2º/ que les juges ne peuvent dénaturer
les pièces du dossier ; que la lettre de licenciement ne faisait pas grief au salarié
d’avoir saisi la juridiction prud’homale
mais d’avoir présenté une demande aux
fins d’obtenir la résiliation judiciaire de
son contrat de travail, alors qu’il était responsable d’un projet capital, sans avoir
préalablement avisé la société KPMG
d’un éventuel désaccord sur quelque
sujet que ce soit, en particulier sur ledit projet ; que la lettre de licenciement
soulignait cette demande n’était pas «
répréhensible en elle-même » ; qu’en
considérant que la lettre de licenciement
aurait reproché au salarié d’avoir saisi la
juridiction prud’homale, la cour d’appel
l’a dénaturée en violation du principe
susvisé et de l’article L. 1232-6 du code
du travail ;
3º/ que lorsque la lettre de licenciement
invoque plusieurs motifs parmi lesquels
l’exercice d’une action en justice, les
juges ne peuvent prononcer la nullité
qu’après avoir recherché si c’était ladite
action qui était à l’origine de la rupture
du contrat ; qu’en l’espèce la lettre de
licenciement reprochait au salarié, indépendamment des conditions dans
lesquelles il avait formé une demande
de résiliation judiciaire, l’insuffisance de
résultats de sa région depuis plusieurs
exercices, la sous-évaluation volontaire
Jurisprudence Sociale Lamy
des charges présentées et la grave méconnaissance des règles internes en matière de provision ; qu’elle lui reprochait
aussi de n’avoir « cessé de compromettre
» le projet « AK », destiné à répondre
aux normes d’expertise comptable et de
commissariat aux comptes, ce alors qu’il
avait été investi de responsabilités particulières à ce titre ; qu’en s’abstenant de
rechercher si, en l’état des autres griefs
faits au salarié, c’était l’action intentée
devant les juges prud’homaux qui avait
motivé la rupture du contrat de travail, la
cour d’appel a privé sa décision de base
légale au regard des articles L. 1232-6, L.
1121-1 du code du travail, et de l’article
6, § 1 de la convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales ;
Mais attendu qu’ayant retenu, hors toute
dénaturation, que l’employeur reprochait
au salarié dans la lettre de licenciement
d’avoir saisi la juridiction prud’homale
d’une demande en résiliation de son
contrat de travail, la cour d’appel, qui a
ainsi implicitement mais nécessairement
écarté la preuve d’un abus ou d’une mauvaise foi de ce dernier dans l’exercice de
son droit d’ester en justice, en a exactement déduit que ce grief, constitutif
d’une atteinte à une liberté fondamentale, entraînait à lui seul la nullité du licenciement, de sorte qu’il n’y avait pas
lieu d’examiner les autres griefs invoqués
par l’employeur pour vérifier l’existence
d’une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que le moyen n’est pas fondé ;
Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer
par une décision spécialement motivée
sur le second moyen annexé qui n’est
manifestement pas de nature à entraîner
la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société KPMG aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société KPMG à payer
la somme de 3 000 euros à M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation,
chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois
février deux mille seize.
Nº 406 22 MARS 2016
„ LICENCIEMENT (SALARIÉS PROTÉGÉS)
Omission par l’employeur
d’un des mandats détenus
par le salarié protégé dans
la demande d’autorisation
préalable de licenciement et
droit à indemnisation en cas
d’annulation de l’autorisation
406-3
Philippe Pacotte,
Avocat associé,
Delsol Avocats
Julie LayatLe bourhis
Avocat,
Delsol Avocats
Cass. soc., 3 févr. 2016, pourvoi n° 14-17.886, arrêt n° 266 FS-P+B
Le fait pour l’employeur d’omettre l'indication d'un mandat détenu par un salarié protégé dans la demande d’autorisation de licenciement auprès de l’Inspection du travail
emporte annulation de l’autorisation de licencier mais n’ouvre pas droit aux indemnités prévues en cas de licenciement en l’absence d’autorisation administrative.
Les faits
Le mandataire liquidateur d’une société placée
en liquidation judiciaire a sollicité l’autorisation
préalable de licencier un salarié protégé, titulaire de plusieurs mandats électifs et syndicaux.
Après obtention de l’autorisation de l’inspection
du travail, le licenciement pour motif économique a été prononcé.
Les demandes et argumentations
Sur recours hiérarchique du salarié protégé,
l’autorisation de l’inspection du travail a été annulée, notamment en raison de l’omission, par
l’employeur, dans sa demande, de la mention
de l’un des mandats dont était titulaire le salarié, à savoir le mandat de conseiller de salarié.
L’autorisation de licenciement a finalement été
refusée par le ministère du Travail.
Nº 406 22 MARS 2016
Le salarié protégé a saisi la juridiction prud’homale aux fins de faire inscrire la créance au passif
de la liquidation judiciaire de la société au titre
de l’indemnité pour violation du statut protecteur au titre du mandat de conseiller du salarié,
de l’indemnité pour licenciement nul.
Débouté de ses demandes par la cour d’appel,
qui a retenu que le licenciement n’était pas nul
mais sans cause réelle et sérieuse, le salarié protégé a formé un pourvoi en cassation.
La décision, son analyse et sa
portée
La Chambre sociale de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi du salarié au motif que :
« si l’omission, dans la demande présentée par
l’employeur, de l’un des mandats exercé par le
salarié, dès lors qu’elle n’a pas mis l’inspecteur
du travail à même de procéder aux contrôles qu’il
était tenu d’exercer au regard des exigences de
Jurisprudence Sociale Lamy
11
Jurisprudence commentée
ce mandat, emporte annulation de la décision d’autorisation du
licenciement, cette annulation n’a pas pour effet de placer le salarié dans une situation identique à celle d’un salarié licencié en
l’absence d’autorisation administrative ».
quel le salarié bénéficie d’une protection et dont l’employeur
a omis de faire état, il est tenu de le prendre en compte pour
porter son appréciation, en vérifiant notamment si l’omission de
l’employeur ne révèle pas une discrimination(2) ;
Elle précise, dans un second attendu, les conséquences de cette
omission en matière d’indemnisation pour le salarié :
- lorsque l’administration a eu connaissance de chacun des
mandats détenus par l’intéressé, la circonstance que la demande
d’autorisation de licenciement ou la décision autorisant le licenciement ne fasse pas mention de l’un de ces mandats ne suffit
pas, à elle seule, à établir que l’administration n’a pas, comme
elle le doit, exercé son contrôle en tenant compte de chacun des
mandats détenus par le salarié protégé(3).
« Et attendu que la cour d’appel a exactement décidé que le défaut de mention de l’une des fonctions représentatives du salarié
ayant justifié l’annulation de la décision autorisant le licenciement, ne caractérise pas une violation de son statut protecteur et
que le salarié a droit, d’une part, à l’indemnisation de son préjudice
depuis le licenciement et jusqu’à l’expiration du délai de deux mois
suivant la notification de la décision annulant l’autorisation de licenciement, d’autre part, au paiement des indemnités de rupture,
s’il n’en a pas bénéficié au moment du licenciement et s’il remplit
les conditions pour y prétendre, et enfin au paiement de l’indemnité prévue par l’article L. 1235-3 du Code du travail, s’il est établi
que son licenciement était, au moment où il a été prononcé, dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le moyen, inopérant dans
sa seconde branche, n’est pas fondé pour le surplus ».
Par cette décision, la Chambre sociale confirme sa jurisprudence,
laquelle est de surcroît en cohérence avec la jurisprudence du
Conseil d’État.
• Liste complète des mandats et contrôle de
l’administration
L’employeur doit joindre à l’inspection du travail toutes les
pièces permettant de justifier de la nature des mandats détenus
par le salarié protégé. Cette exigence se justifie par l’étendue
du contrôle de l’inspection du travail. En effet, l’inspecteur du
travail doit :
- exercer son contrôle au regard des exigences propres à chaque
mandat détenu par le salarié, et ainsi apprécier si le motif invoqué par l’employeur justifie la rupture du contrat de travail ;
- contrôler l’absence de lien entre le projet de rupture du contrat
de travail et la détention de chacun des mandats détenus ;
- vérifier qu’il n’existe pas un motif d’intérêt général rendant inopportune la rupture du contrat de travail.
• Liste incomplète des mandats et cause
d’annulation de l’autorisation de licenciement
Le Conseil d’État a eu l’occasion de juger à plusieurs reprises que
l’omission de cette mention entraînait l’annulation de l’autorisation de licencier et ce, même si l’employeur faisait valoir qu’il
n’avait pas connaissance de ce mandat(1).
Toutefois, cette cause d’annulation n’est pas automatique. Ainsi, le Conseil d’État a eu l’occasion d’adopter les solutions suivantes :
En l’espèce, le mandataire liquidateur n’avait manifestement
pas fait état de ce mandat dans sa demande d’autorisation et
il ressortait des éléments du dossier que (i) non seulement, la
décision d’autorisation ne faisait pas référence à ce mandat,
(ii) mais en outre, l’inspecteur du travail n’avait pas pu avoir
connaissance de l’existence de ce mandat aux travers des éléments du dossier.
Ainsi, l’annulation de l’autorisation de licencier se justifiait en
l’espèce, l’administration n’ayant pas été mise en mesure d'exercer son contrôle de manière satisfaisante.
• Annulation d’une autorisation de licenciement
et licenciement sans autorisation : des
sanctions différentes
Si le droit à réintégration est ouvert au salarié protégé licencié
sans autorisation ou sur une autorisation annulée, les règles
d’indemnisation ne sont pas les mêmes dans chacune des deux
hypothèses, en l’absence de réintégration.
Ainsi, en cas de licenciement d’un salarié protégé sans autorisation, le licenciement est nécessairement nul et le salarié a droit
à une indemnité pour le préjudice nécessairement subi, qui est
au moins égale à l’indemnité prévue à l’article L. 1235-3 du Code
du travail, c’est-à-dire six mois de salaire.
Le salarié a également droit à une indemnité forfaitaire pour méconnaissance du statut protecteur. Cette indemnisation due au
titre de la violation du statut protecteur correspond aux salaires
qui auraient été perçus à compter de la date de licenciement
jusqu’à l’expiration de la période de protection en cours au jour
de la rupture, ce qui inclut la période de protection dont le salarié est susceptible de bénéficier en qualité d’ancien représentant
du personnel. Il s’agit toutefois, d’une indemnité plafonnée à
hauteur de 30 mois par la Cour de cassation s’agissant des représentants du personnel élus(4).
Lorsque l’autorisation de licenciement a été donnée et est ensuite annulée, les dispositions de l’article L. 2422-4 du Code du
travail trouvent à s’appliquer.
Selon ces dispositions, lorsque l’annulation d’une décision d’autorisation est devenue définitive, le salarié a droit au paiement
- si, en cours d’instruction de la demande d’autorisation, l’inspecteur du travail prend connaissance d’un mandat au titre du-
(2)
(3)
(1)
12
CE, 22 juill. 1992, n° 109709 ; CE, 13 déc. 2005, n° 277748 ; CE, 20
mars 2009, n° 309195.
(4)
CE, 22 mai 2013, n° 340111.
CE, 15 oct. 2014, n° 370620.
Cass. soc., 15 avr. 2015, n° 13-24.182 et n° 13-27.211 ; Cass. soc., 14
oct. 2015, n° 14-12.193.
Jurisprudence Sociale Lamy
Nº 406 22 MARS 2016
d’une indemnité correspondant aux salaires non versés entre la
date de licenciement et l’expiration du délai de deux mois suivant la notification de l’annulation, s’il n’a pas demandé sa réintégration.
Contrairement à l’indemnité due en cas de non-respect du statut protecteur, cette indemnité, qui constitue un complément
de salaire, implique le versement des cotisations et contributions correspondantes.
De plus, le salarié n’est pas fondé à cumuler cette somme avec
les allocations chômage et les revenus d’activité professionnelle
qu’il a perçus pendant cette période(5). Il en est de même de la
pension d’invalidité perçue(6).
Enfin, le salarié ne peut se prévaloir de la nullité de son licenciement.
• Nature de l’indemnisation à laquelle le salarié
peut prétendre
En l’espèce, le salarié soutenait que dès lors que l’inspecteur du
travail n’avait pas eu connaissance de son mandat de conseiller
de salarié, aucune autorisation de licencier n’avait été donnée au
titre de ce mandat. En conséquence, le salarié protégé sollicitait
une indemnité au titre de la nullité de son licenciement et une
indemnité au titre de la violation du statut protecteur.
La Cour de cassation en a décidé autrement considérant qu’en
cas d’omission de la mention d’un mandat dans la demande
d’autorisation, le salarié protégé ne se trouve pas dans la situation dans laquelle aucune autorisation n’a été donnée, mais bien
dans le cadre d’une annulation d’autorisation. Elle en tire donc
les conséquences sur le plan de l’indemnisation.
Ainsi, alors que le salarié avait chiffré sa demande d’indemnité
pour violation du statut protecteur à hauteur de 51 437,28 euros,
la Cour de cassation a confirmé la décision de la cour d’appel
lui ayant alloué la somme de 5 000 euros correspondant aux
salaires qu’il aurait perçus entre la date de son licenciement et
l’expiration du délai de deux mois suivant la notification de la
décision définitive, déduction faite des indemnités perçues au
titre de l'assurance chômage.
administrative pour un motif dit de légalité externe(7), le juge judiciaire est compétent pour apprécier le caractère réel et sérieux
de la cause de licenciement(8).
Dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionalité
transmise à la Cour de cassation, la question se posait de savoir
si cette jurisprudence ne portait pas une atteinte excessive :
- au droit d’égalité devant la loi de tous les citoyens ;
- au principe de la séparation des pouvoirs ;
- au principe d’indépendance de la juridiction administrative ;
- au principe de la compétence exclusive de la juridiction administrative pour l’annulation ou la réformation des décisions
prises dans l’exercice des prérogatives de puissance publique.
La Cour de cassation a jugé qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer
cette question devant le Conseil constitutionnel au motif que :
« la situation du salarié bénéficiant de la protection exceptionnelle
instituée par le législateur en raison de l’exercice de fonctions représentatives qui, licencié sur le fondement d’une autorisation
administrative ultérieurement annulée pour un motif de légalité
externe par le juge administratif, est différente de celle du salarié
licencié en violation de son statut protecteur et de celle du salarié
dont le licenciement a été déclaré par le juge administratif comme
ne reposant pas sur un motif de nature à le justifier. Il s’ensuit que,
sans porter atteinte au principe de valeur constitutionnelle de la
compétence et de l’indépendance de la juridiction administrative,
le juge judiciaire est fondé à apprécier si l’intéressé, dont le licenciement n’était pas illicite lorsqu’il a été prononcé, remplit les
conditions pour bénéficier de l’indemnité prévue en l’absence de
cause réelle et sérieuse »(9).
Ainsi, en l’espèce, l’annulation de l’autorisation portant sur un
motif de légalité externe, à savoir l’omission d’un mandat dans
la demande d’autorisation, il appartenait au juge judiciaire de
statuer sur la cause réelle et sérieuse du licenciement du salarié
protégé, qui ne pouvait se prévaloir automatiquement du versement de l’indemnité forfaitaire prévue à l’article L. 1235-3 du
Code du travail.
***
En outre, selon la Haute Juridiction, le salarié ne peut prétendre à
une indemnité pour licenciement nul, mais seulement à l’indemnité prévue en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
s’il est établi que son licenciement était infondé au moment où
il a été prononcé.
Le salarié protégé n’a donc pas nécessairement droit à l’indemnité prévue à l’article L. 1235-3 du Code du travail dans cette
hypothèse, contrairement au salarié protégé licencié sans autorisation de l’inspection du travail.
• La compétence du juge judiciaire
Selon la Cour de cassation et sur le fondement de l’article
L. 2422-4 du Code du travail, en cas d’annulation de la décision
(7)
(8)
(5)
(6)
Cass. soc., 13 nov. 2008, n° 07-41.331.
Cass. soc., 29 sept. 2014, n° 13-15.733.
Nº 406 22 MARS 2016
(9)
Un motif de légalité externe de l’acte correspond à un motif relatif
à la compétence de son auteur, à sa motivation ou à une irrégularité
de procédure administrative.
Cass. soc., 22 mai 1995, n° 92-45.243 ; Cass. soc., 5 févr. 2002,
n° 99-43.896.
Cass. soc., QPC, 11 juin 2012, n° 12-40.024.
Jurisprudence Sociale Lamy
13
Jurisprudence commentée
TExTE DE L’aRRêT
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE
SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai,
28 mars 2014), que M. X... a été engagé
le 10 mai 1985 par la société Plovier en
qualité de tresseur ; que la société a été
placée en liquidation judiciaire le 3 octobre 2011, M. Y... étant désigné mandataire-liquidateur ; que M. X..., titulaire de
plusieurs mandats électifs et syndicaux,
a été licencié pour motif économique le
29 novembre 2011, après autorisation de
l’inspecteur du travail du 23 novembre
2011 ; que le 24 mai 2012, sur recours
hiérarchique, cette décision a été annulée, notamment en raison de l’omission
par l’employeur dans sa demande de la
mention de l’un des mandats dont était
titulaire le salarié, et l’autorisation de licenciement refusée ; que M. X... a saisi la
juridiction prud’homale pour fixation au
passif de la liquidation de la société des
créances liées à la nullité de son licenciement et à la violation du statut protecteur attaché au mandat omis ;
Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de refuser de juger son licenciement
nul pour défaut d’autorisation et de le
débouter de sa demande visant à fixer
sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société à titre d’indemnité
pour violation de son statut protecteur,
d’indemnité pour licenciement nul et de
l’indemnité couvrant la période de protection du mandat de conseiller du salarié, alors, selon le moyen :
1º/ que lorsqu’elle statue sur une demande d’autorisation de licenciement,
l’autorité administrative doit prendre
en compte toutes les fonctions représentatives du salarié, si bien que lorsque
l’employeur a licencié le salarié après
autorisation de l’inspecteur du travail,
14
mais sans avoir préalablement porté à
la connaissance de celui-ci l’ensemble
des mandats détenus par le salarié, le
licenciement de ce dernier doit nécessairement être considéré comme nul pour
avoir été prononcé sans autorisation par
rapport à ces mandats ; qu’alors qu’il
n’était pas contesté que ni la demande
d’autorisation ni la décision de l’inspecteur ne visait le mandat de conseiller du
salarié de M. X..., la cour d’appel a affirmé, pour le débouter de sa demande de
nullité de son licenciement, qu’une autorisation a été demandée pour ses autres
mandats, de telle sorte que M. X... a bénéficié de la même protection que celle
que lui confère le statut que le mandataire liquidateur a omis de mentionner
; que ce faisant, la cour d’appel a statué
par des motifs inopérants au regard du
principe susvisé et a violé l’article L. 241121 du code du travail, ensemble l’article L.
2411-3 du même code ;
2º/ que les juges du fond sont tenus de
répondre aux conclusions des parties ;
que dans ses conclusions d’appel, M. X... a
clairement et précisément fait valoir, éléments de preuve à l’appui, que son employeur, et donc M. Y... qui s’y était substitué, avaient connaissance de son mandat de conseiller salarié avant d’engager
la procédure de licenciement ; que pour
débouter M. X... de sa demande de nullité
de son licenciement pour défaut d’autorisation, les premiers juges ont également affirmé, de façon surabondante,
qu’il n’est pas contesté par M. X... que M.
Y..., ès qualités, ignorait l’existence de ce
troisième mandat ; que même à supposer, par impossible, que la cour d’appel a
adopté ces motifs, elle a alors violé l’article 455 du code de procédure civile en
s’abstenant de toute réponse aux conclusions de M. X... sur ce point ;
Mais attendu que si l’omission, dans la
demande présentée par l’employeur,
de l’un des mandats exercé par le sala-
Jurisprudence Sociale Lamy
rié, dès lors qu’elle n’a pas mis l’inspecteur du travail à même de procéder aux
contrôles qu’il était tenu d’exercer au
regard des exigences de ce mandat, emporte annulation de la décision d’autorisation du licenciement, cette annulation
n’a pas pour effet de placer le salarié dans
une situation identique à celle d’un salarié licencié en l’absence d’autorisation
administrative ;
Et attendu que la cour d’appel a exactement décidé que le défaut de mention de
l’une des fonctions représentatives du salarié ayant justifié l’annulation de la décision autorisant le licenciement, ne caractérise pas une violation de son statut
protecteur et que le salarié a droit, d’une
part, à l’indemnisation de son préjudice
depuis le licenciement et jusqu’à l’expiration du délai de deux mois suivant la
notification de la décision annulant l’autorisation de licenciement, d’autre part,
au paiement des indemnités de rupture,
s’il n’en a pas bénéficié au moment du
licenciement et s’il remplit les conditions
pour y prétendre, et enfin au paiement de
l’indemnité prévue par l’article L. 1235-3
du code du travail, s’il est établi que son
licenciement était, au moment où il a été
prononcé, dépourvu de cause réelle et
sérieuse ; que le moyen, inopérant dans
sa seconde branche, n’est pas fondé pour
le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation,
chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois
février deux mille seize.
Nº 406 22 MARS 2016
„ SANTÉ ET SÉCURITÉ
Principe de responsabilité de
l’employeur et faute du salarié
406-4
Hélène
Tissandier,
Cass. soc., 10 févr. 2016, pourvoi n° 14-24.350, arrêt n° 319 FS-P+B
Les obligations des travailleurs dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail
n’affectent pas le principe de responsabilité de l’employeur.
Les faits
Le lieu de travail d’une salariée était contractuellement fixé à Marseille, le contrat restant muet
sur l’ampleur des déplacements qu’elle était
contrainte d’effectuer, son activité n’engendrant
que des déplacements ponctuels sur l’ensemble du
territoire national. Jusqu’en janvier 2008, ces déplacements demeurèrent occasionnels et exécutés
sans contestation, mais, par la suite, et en raison
de la conclusion d’un nouveau contrat, la salariée
a vu son temps de travail partagé entre le Bourget et Marseille. Elle a dans le même temps été
mise à disposition de la Direction régionale d’Îlede-France, pour une durée initialement prévue
jusqu’en mars 2010. Pour autant, aucun avenant
au contrat n’a été signé, malgré ses réclamations.
La multitude des trajets, la pression engendrée
et le rythme de travail soutenu ainsi que la
double autorité à laquelle elle devait rendre des
comptes la conduisirent à alerter ses supérieurs
des conséquences sur sa vie personnelle et sur
sa santé. La société n’a cependant pas pris de
mesures concrètes pour y mettre fin.
À la suite de plusieurs arrêts maladie, elle a été
déclarée inapte à tout poste comportant des déplacements répétés à l’échelon national. Elle a
été licenciée.
Les demandes et argumentations
La cour d’appel reconnaît que le licenciement est
sans cause réelle et sérieuse du fait du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat et pour inexécution déloyale du
contrat de travail. Toutefois, après avoir relevé
que la salariée a elle-même concouru à son dommage en acceptant un risque qu’elle dénonçait
Nº 406 22 MARS 2016
Maître de
conférences à
l’Université
Paris-Dauphine,
Membre de
l’Institut Droit
Dauphine
dans le même temps, s’il correspondait à une
augmentation de salaire, la cour d’appel limité le
montant des dommages-intérêts alloués. La salariée saisit donc la Cour de cassation.
La décision, son analyse et sa
portée
La Cour de cassation rend un arrêt de cassation
pour violation de la loi, au visa de l’article L. 41211 du Code du travail : « les obligations des travailleurs dans le domaine de la sécurité et de la santé
au travail n’affectent pas le principe de responsabilité de l’employeur ». On peut s’interroger sur le
sens et la pertinence de cette affirmation.
• Le principe de responsabilité de
l’employeur ? La logique du droit
du travail
La formule retenue par la Cour de cassation est
l’exacte reprise de l’article L. 4122-1 du Code
du travail qui impose à « chaque travailleur de
prendre soin, en fonction de sa formation et selon
ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi
que de celles des autres personnes concernées par
ses actes ou ses omissions au travail », avant de
préciser que « les dispositions du premier alinéa
sont sans incidence sur le principe de la responsabilité de l’employeur ». L’arrêt doit donc être
compris comme se fondant sur une articulation
entre ce texte et celui visé par la décision.
Aux termes de l’article L. 4121-1 du Code du
travail (interprété à la lumière de la Directive CEE n° 89-391 du 12 juin 1989, visant à
promouvoir l’amélioration de la sécurité et de
la santé des travailleurs au travail), l’employeur
est tenu envers le salarié d’une obligation de sé-
Jurisprudence Sociale Lamy
15
Jurisprudence commentée
curité et, conformément à l’article L. 4122-1 du Code du travail,
il ne peut s’exonérer, même partiellement, des conséquences
de sa responsabilité en invoquant les manquements du salarié
à sa propre obligation de veiller à sa santé et sa sécurité. Ainsi
doit être entendue la quelque peu énigmatique formule légale
évoquant le « principe de la responsabilité de l’employeur » - une
responsabilité pour risques, instaurant l’idée d’une obligation de
sécurité de résultat de l’employeur.
Le salarié ne supportant pas les risques de l’activité (et parce que
l’employeur a un pourvoir de direction et d’organisation du travail,
v. F. Héas, « Le devenir de l’obligation de sécurité de résultat », Dr.
ouvr. 2016, p. 10 : « Ce sont à titre principal les choix qu’ils opèrent,
les décisions qu’il prend et les mesures qu’il met en oeuvre qui
contribuent en premier lieu à une organisation sécurisée (ou pas, ou
peu) du travail dans l’entreprise »), la responsabilité de principe de
l’employeur se justifie. Aussi la Cour de cassation reproche-t-elle
aux juges du fond d’avoir limité la réparation due à la salariée au
prétexte qu’ « elle avait accepté un risque qu’elle dénonçait dans
le même temps » - l’acceptation résultant de la demande d’augmentation de salaire corrélative. La solution est respectueuse tant
de la lettre de la loi qui écarte tout effet exonératoire pour l’employeur des manquements des salariés, que de la jurisprudence
antérieure (v., par ex., dans cette logique, Cass. soc., 12 janv. 2011,
n° 09-70.838, mais peu d’arrêts invoquent ce principe ; v. Cass.
soc., 24 sept. 2002, n° 08-18.291, non publié).
• Quelle exonération pour l’employeur ? La
logique du droit civil
Rappelons d’abord qu’en l’espèce est en jeu la responsabilité
contractuelle : or la Cour de cassation a soustrait, sauf faute
lourde, la responsabilité du salarié envers son employeur aux
règles communes de la responsabilité contractuelle, depuis l’arrêt du 27 novembre 1958 (Cass. soc., 27 nov. 1958, Bull. civ. IV,
n° 1259 ; sur ces développements, v. F. Favennec-Héry, « L’obligation de sécurité du salarié », Dr. soc. 2007, 687). De même,
en ce domaine, le principe de la réparation intégrale est écarté
par le jeu de l’article 1150 du Code civil qui limite la réparation
au dommage prévisible. Toutefois, c’est davantage sur les règles
encadrant l’exonération du débiteur qu’il faut se pencher.
TExTE DE L’aRRêT
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE
SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu selon l’arrêt attaqué, que Mme
X..., engagée par la société SCET le 17
février 2003 en qualité de consultante
a fait l’objet de plusieurs arrêts maladie
successifs ; qu’à l’issue d’une période de
maladie, elle a été déclarée inapte à tout
poste de travail comportant des déplacements répétés à l’échelon national ;
qu’elle a été licenciée ;
Sur les premier et second moyens du
pourvoi principal de l’employeur :
Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer
par une décision spécialement motivée
16
Car, quoique la solution doive être approuvée, elle incite à s’interroger sur les possibilités qu’a l’employeur de s’exonérer de sa
responsabilité, spécialement à l’aune des évolutions récentes et
discutées de la jurisprudence sur l’obligation de sécurité de résultat. Cette qualification implique de ne retenir comme cause
d’exonération que les faits (y compris le fait de la victime ou le
fait du tiers) constitutifs d’un événement de force majeure –
donc un événement imprévisible, irrésistible et extérieur. Tandis
que la qualification d’obligation de moyens, impliquant la démonstration d’une faute contractuelle, soit que le débiteur de
l’obligation n’a pas mis en œuvre tous les moyens pour atteindre
un résultat identifié, permet une exonération par la preuve de
l’absence de faute et une limitation du droit à réparation de la
victime a due proportion de sa faute ayant participé à la réalisation du dommage (lorsque celle-ci ne présente par les caractéristiques de la force majeure).
En l’espèce, la cour d’appel a manifestement été sensible à l’idée
d’une participation active de la victime à la réalisation de son
dommage, ce qui ne s’entend que si l’employeur n’est tenu que
d’une obligation de moyens. La solution rendue par la Cour de
cassation invalide fermement ce raisonnement. On ne peut
s’empêcher cependant d’y voir l’écho des discussions doctrinales
en interprétation de l’arrêt rendu le 25 novembre 2015 (Cass.
soc., 25 nov. 2015, n° 14-24.444 ; v. F. Héas, préc. ; E. Wurtz,
D. 2016, 144) qui insiste sur l’appréciation du comportement de
l’employeur et qui peut être lu comme qualifiant l’obligation de
sécurité de l’employeur d’obligation de moyen renforcée – ou
d’obligation de résultat atténuée.
La décision rendue le 10 février 2016 montre clairement qu’en
tout état de cause, la faute de la victime ne suffit pas à limiter son droit à réparation. Reste à apprécier si c’est parce que
le texte de la loi peut être interprété en ce sens, ou parce que
l’intensité de l’obligation de l’employeur n’est pas remise en
cause par l’arrêt du 25 novembre 2015. À tout le moins, il paraît souhaitable que le comportement du salarié, son éventuelle
acceptation du risque (spécialement contre un avantage salarial
alors que la situation de l’entreprise peut le contraindre à cette
acceptation) ne puisse justifier une atténuation du « principe de
responsabilité de l’employeur ».
sur ces moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la
cassation ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi incident de la salariée :
Vu l’article L. 4121-1 du code du travail ;
Attendu que pour limiter le montant des
dommages-intérêts alloués pour manquements de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat et pour inexécution déloyale du contrat de travail, l’arrêt, après avoir relevé, que les certificats
médicaux joints aux débats attestent
des conséquences des conditions de travail de l’intéressée sur sa santé et que la
société est manifestement fautive pour
n’avoir pas pris en compte les risques
Jurisprudence Sociale Lamy
d’un état de fait qu’elle connaissait, que
pour autant, l’indemnisation due doit
également inclure la propre attitude de la
salariée, laquelle a elle-même concouru
à son dommage en acceptant un risque
qu’elle dénonçait dans le même temps,
s’il correspondait à une augmentation de
son salaire, et que si elle était dans son
droit de le faire, il est néanmoins juste
qu’elle en supporte également les incidences ;
Qu’en statuant ainsi, alors que les obligations des travailleurs dans le domaine de
la sécurité et de la santé au travail n’affectent pas le principe de responsabilité
de l’employeur, la cour d’appel a violé le
texte susvisé ;
Nº 406 22 MARS 2016
Et sur le second moyen du pourvoi incident de la salariée :
Vu l’article 455 du code de procédure
civile ;
Attendu que pour débouter la salariée de
sa demande en paiement d’une somme à
titre de congés payés, l’arrêt retient que
dès lors que celle-ci a réclamé et obtenu dix jours de congés décomptés sur la
période du 3 au 14 janvier 2011, l’employeur était en droit d’en décompter le
montant, les principes juridiques rappelés par l’intéressée étant sans incidence
sur cette opération ;
Qu’en statuant par cette seule affirmation, sans préciser ces principes ni expliciter en quoi ils auraient été dépourvu d’incidence, alors que la salariée invoquait
expressément les dispositions de l’article
L. 1226-4 du code du travail, la cour d’appel, dont il résultait de ses constatations
que la période avait couru à l’expiration
du délai d’un mois prévu par ce texte n’a
pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
vence ; remet, en conséquence, sur ces
points, la cause et les parties dans l’état
où elles se trouvaient avant ledit arrêt et,
pour être fait droit, les renvoie devant la
cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée ;
PAR CES MOTIFS :
Condamne la société SCET aux dépens ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement,
d’une part, en ce qu’il condamne la société SCET à payer à Mme X... la somme
de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de
sécurité de résultat et la somme de 1 000
euros à titre de dommages-intérêts pour
exécution déloyale du contrat de travail,
d’autre part en ce qu’il la déboute de sa
demande en paiement de la somme de
1 833,90 euros à titre de congés payés,
l’arrêt rendu le 4 juillet 2014, entre les
parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Pro-
Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la
somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur
général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation,
chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix
février deux mille seize.
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Jurisprudence Sociale Lamy
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17
Jurisprudence résumée
„ RÉSILIATION JUDICIAIRE
La date de la résiliation judiciaire
du contrat de travail est fixée au jour
de la décision qui la prononce ou au
jour de l’arrêt d’appel validant ladite
résiliation
406-5
Cass. soc., 3 févr. 2016, pourvoi n° 14-17.000, arrêt n° 268
FS-P+B
Une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail,
contrairement à une prise d’acte de la rupture, ne rompt pas
immédiatement le contrat de travail. Une telle demande vise à
demander au juge de se prononcer sur la gravité des manquements mis en avant par le salarié (et lui seul : l’employeur n’est
pas admis à demander la résiliation du contrat de travail, il ne
peut que licencier). En attendant la décision judiciaire, le contrat
de travail se poursuit.
Si le juge estime les faits présentés suffisamment graves, il prononcera la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l’employeur, et cette résiliation produira alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 7 avr. 1999,
n° 97-40.391, JSL n° 37-10 du 1er juin 1999).
Sinon, le contrat de travail n’est pas rompu, il continue : le salarié est simplement débouté de sa demande ; une demande de résiliation rejetée ne vaut pas démission (Cass. soc., 26 sept. 2007,
n° 06-42.551, JSL n° 220-3 du 23 oct. 2007).
Invoquant des manquements de son employeur, un salarié protégé saisit les prud’hommes afin d’obtenir la résiliation judiciaire
de son contrat de travail. Il obtient satisfaction : la résiliation
est prononcée aux torts de l’employeur avec effet à la date du
jugement prud’homal.
Mais la Cour de cassation a censuré ce jugement, en énonçant :
« la date de la résiliation du contrat de travail ne peut être fixée
qu’au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n’a
pas été rompu avant cette date ; que si, en cas de confirmation en
appel du jugement prononçant la résiliation, la date de la rupture
est celle fixée par le jugement, il en va autrement lorsque l’exécution du contrat de travail s’est poursuivie après cette décision ».
Avant de fixer la date de résiliation judiciaire au jour du jugement
prud’homal, la cour d’appel aurait donc dû vérifier si l’exécution
du contrat de travail ne s’était pas poursuivie postérieurement
au jugement. La date de résiliation judiciaire sera alors fixée au
jour de l’arrêt d’appel validant ladite résiliation, et non au jour
du jugement prud’homal (Cass. soc., 21 janv. 2014, n° 12-28.237,
JSL n° 362-6 du 24 mars 2014).
Soulignons aussi, ainsi que l’évoque la Cour de cassation dans
cet arrêt, que si le salarié est licencié avant d’avoir obtenu la résiliation de son contrat de travail, c’est à la date d’envoi de la
lettre de licenciement qu’il convient de fixer la date de rupture
du contrat de travail, et non à date de la demande de résiliation
judiciaire présentée par le salarié (Cass. soc., 15 mai 2007, n° 0443.663, JSL n° 216-5 du 31 juill. 2007).
18
D’ailleurs, ce n’est jamais à la date de demande de résiliation que
cette dernière prend effet, mais à la date de la décision judiciaire
la prononçant (Cass. soc., 19 mai 2010, n° 08-45.090).
D.J.-P.
„ LIbERTÉS INDIVIDUELLES
Un audit sur la manière dont un
salarié assume ses fonctions n’est pas
un élément de preuve obtenu par un
moyen illicite si l’intéressé n’en est pas
tenu à l’écart
406-6
Cass. soc., 26 janv. 2016, pourvoi n° 14-19.002, arrêt n° 143
FS-P+B
Après un avertissement pour refus d’exécuter les instructions
émanant de sa hiérarchie, une responsable administrative est
licenciée à la suite d’un rapport d’audit réalisé par un cabinet
d’expertise comptable faisant apparaître qu’elle outrepassait
largement ses fonctions.
Elle invoque alors l’article L. 1222-4 du Code du travail qui stipule qu’aucune information concernant personnellement un
salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été
préalablement porté à sa connaissance. Or elle expose qu’elle
n’avait pas été avertie de la mise en œuvre de cet audit au sein
de l’entreprise alors que le but était de permettre à l’employeur
de mieux appréhender ses fonctions et de vérifier qu’elle n’exerçait pas un pouvoir excédant ce que son poste lui permettait, ce
qui nécessitait de l’en informer.
Pour la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, la réalisation d’un tel
audit constituait une manifestation du pouvoir de direction de
l’employeur, lequel comprend le pouvoir d’organiser et de commander la prestation de travail : il n’y avait pas de violation des
libertés individuelles.
Le raisonnement de la salariée n’a pas convaincu les Hauts
Magistrats : « Mais attendu qu’ayant relevé, que si la salariée
n’avait pas été préalablement informée de la mission confiée par
l’employeur à une société d’expertise comptable et de commissariat aux comptes, elle n’avait pas été tenue à l’écart des travaux
réalisés dans les locaux de la mutuelle, les 6 et 25 juin 2012, aux
fins d’entretiens avec l’intéressée et de sondage sur des pièces
comptables ou juridiques, la cour d’appel a pu en déduire que la
réalisation de cet "audit" ne constituait pas un élément de preuve
obtenu par un moyen illicite ». Les auditeurs étaient intervenus
à deux reprises dans les locaux où travaillait la salariée, qui avait
d’ailleurs des entretiens avec eux : la démarche ne lui avait donc
pas été cachée.
Une solution qui ne surprendra pas. Selon la jurisprudence, un
audit occasionnel visant à analyser l’organisation du travail en
vue de faire des propositions d’amélioration d’un service n’est
pas nécessairement un moyen de contrôle des salariés et n’impose donc pas toujours de se soumettre aux obligations d’information préalable du personnel et du comité d’entreprise (Cass.
soc., 12 juill. 2010, n° 09-66.339, JSL n° 285-2 du 13 oct. 2010).
Jurisprudence Sociale Lamy
D.J.-P.
Nº 406 22 MARS 2016
„ SALARIÉS PROTÉGÉS
tion, et non au jour du jugement prud’homal (Cass. soc., 21 janv.
2014, n° 12-28.237, JSL n° 362-6 du 24 mars 2014).
Plafonnement à 30 mois de
l’indemnité pour violation du statut
protecteur d’un conseiller prud’homme
D.J.-P.
406-7
Cass. soc., 3 févr. 2016, pourvoi n° 14-17.000, arrêt n° 268
FS-P+B
Un responsable des ressources humaines, par ailleurs conseiller
prud’homal, demande la résiliation judiciaire de son contrat de
travail en raison de manquements de son employeur. Le Conseil
de prud’hommes de Vannes fait droit à cette requête : il prononce la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur avec effet à la date du jugement prud’homal et condamne l’employeur
au paiement d’indemnités de rupture, de dommages et intérêts
pour licenciement nul et d’une indemnité pour violation du statut protecteur égale à 49 mois de salaire.
Les conseillers prud’homaux ont, en effet, considéré que les
manquements graves de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat ont largement contribué à la dégradation des
conditions de travail du salarié, en lui imposant notamment une
modification substantielle de son contrat de travail alors qu’il
était en arrêt maladie à la suite d’un accident du travail. Pour
chiffrer l’indemnité pour violation de son statut protecteur lié
à son mandat de conseiller prud’homal, les juges ont pris en
compte les salaires qu’il aurait dû percevoir depuis la date de la
rupture du contrat de travail, fixée à la date du prononcé du jugement du conseil de prud’hommes, jusqu’à la fin de la période
de protection (durée du mandat de conseiller aux prud’hommes
augmentée de six mois : C. trav., art. L. 2411-1 ; C. trav., art.
L. 2411-22).
Ce jugement a été réformé : « attendu ensuite, que le conseiller
prud’homme dont la demande de résiliation judiciaire est accueillie a droit, au titre de la violation de son statut protecteur, au paiement d’une indemnité égale à la rémunération qu’il aurait dû percevoir depuis la date de prise d’effet de la résiliation jusqu’à l’expiration de la période de protection résultant du mandat en cours à
la date de la demande, dans la limite de deux ans, durée minimale
légale du mandat des représentants élus du personnel, augmentée
de six mois », c’est-à-dire 30 mois. Notons que ce plafond de
deux ans et demi s’applique aussi à d’autres catégories de salariés protégés, tels que les délégués du personnel (Cass. soc., 15
avr. 2015, n° 13-24.182, JSL n° 389-5 du 10 juin 2015).
La Cour de cassation a par ailleurs également énoncé que « la
date de la résiliation du contrat de travail ne peut être fixée qu’au
jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n’a pas
été rompu avant cette date ; que si, en cas de confirmation en appel du jugement prononçant la résiliation, la date de la rupture est
celle fixée par le jugement, il en va autrement lorsque l’exécution
du contrat de travail s’est poursuivie après cette décision ».
Avant de fixer la date de résiliation judiciaire au jour du jugement
prud’homal, la cour d’appel aurait donc dû vérifier si l’exécution
du contrat de travail ne s’était pas poursuivie postérieurement
au jugement. Dans une telle hypothèse, la date de résiliation judiciaire sera fixée au jour de l’arrêt d’appel validant ladite résilia-
Nº 406 22 MARS 2016
„ PROCÉDURE PRUD’HOMALE
Pourvoi additionnel contre un
arrêt d’appel de sursis à statuer : nonrétroactivité du décret du 6 novembre
2014
406-8
Cass. soc., 10 déc. 2015, pourvoi n° 14-21.852, arrêt n° 2143
FS-P+B
Avant le décret n° 2014-1338 du 6 novembre 2014, relatif à la
procédure civile applicable devant la Cour de cassation, l’article
608 Code de procédure civile était interprété comme suit : un
pourvoi contre une décision avant-dire droit, telle qu’un sursis à
statuer, devait être formé le même jour ou dans le même acte
que le pourvoi dirigé contre le jugement statuant au fond. Après
l’intervention de ce décret modifiant l’article 608 susvisé, il est
devenu possible de former ce pourvoi dans le délai de remise au
greffe du mémoire affèrent au pourvoi contre le jugement sur le
fond. Le délai pour former un pourvoi additionnel est donc allongé (Circ. du 12 nov. 2014 de présentation du décret n° 20141338 du 6 nov. 2014). Mais cet assouplissement n’a pas d’effet
rétroactif, comme le démontre l’affaire ici rapportée.
Un chef de chantier a été congédié en 2002 et a contesté son
licenciement. En 2006, la cour d’appel a sursis à statuer jusqu’à
ce qu’il soit prononcé définitivement sur la plainte pénale déposée par la société à l’encontre du salarié. En mai 2014, la cour
d’appel juge que le licenciement reposait sur une cause réelle et
sérieuse et déboute le salarié de ses demandes.
Le 28 juillet 2014, le salarié forme un pourvoi à l’encontre de l’arrêt d’appel du 28 mai 2014, puis présente un pourvoi additionnel
contre l’arrêt d’appel du 20 novembre 2006, ce dernier étant joint
au mémoire ampliatif déposé conformément à l’article 978 du Code
de procédure civile, lequel prévoit que dans un délai de quatre mois
à compter du pourvoi, le demandeur en cassation doit remettre au
greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de
droit invoqués contre la décision attaquée.
Il s’est heurté à un refus de la Cour de cassation : « attendu que les
voies de recours dont un arrêt est susceptible sont régies par la loi en
vigueur à la date de celui-ci, de sorte que l’arrêt rendu le 20 novembre
2006, qui n’avait pas fait l’objet du recours prévu par l’article 380-1
du Code de procédure civile, ne pouvait être frappé d’un pourvoi en
cassation indépendamment de l’arrêt sur le fond, en application de
l’article 608 du Code de procédure civile dans sa rédaction alors applicable ; qu’il s’ensuit que le pourvoi n’est pas recevable ».
L’article 380-1 du Code de procédure civile énonce que la décision de sursis rendue en dernier ressort peut être attaquée par la
voie du pourvoi en cassation, mais seulement pour violation de
la règle de droit. En l’espèce, au regard de règles antérieures au
décret du 6 novembre 2014 précité, le pourvoi additionnel avait
été déposé trop tard.
Jurisprudence Sociale Lamy
D.J.-P.
19
Jurisprudence résumée
„ DÉLIT D’ENTRAVE
La suppression par la
loi du 6 août 2015 de la peine
d’emprisonnement pour entrave au
fonctionnement régulier d’un comité
d’entreprise s’applique aux affaires en
cours à cette date
406-9
Cass. crim., 26 janv. 2016, pourvoi n° 13-82.158, arrêt n°
6610 F-P+B
Deux dirigeants se voient condamnés à quatre mois d’emprisonnement avec sursis et 3 750 euros d’amende en appel pour
entrave au fonctionnement du comité d’entreprise. Il leur est
reproché ne pas avoir élaboré l’ordre du jour d’une réunion en
concertation avec le secrétaire du CE, de ne pas avoir organisé toutes les réunions obligatoires, de ne pas avoir donné au CE
toutes les informations adéquates et de ne pas avoir consulté
le CE au sujet du dépôt de l’état de cessation des paiements de
l’entreprise.
La Cour de cassation a considéré que le délit d’entrave était établi : « la cour d’appel, […], a caractérisé en tous ses éléments, tant
matériel qu’intentionnel, le délit d’entrave au fonctionnement du
comité d’entreprise dont elle a déclaré les prévenus coupables, et
a ainsi justifié l’allocation, au profit de la partie civile, de l’indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ».
Mais l’intérêt de cet arrêt est ailleurs : il est de déterminer l’articulation des procédures judiciaires en cours avec l’une des dispositions de la loi Macron n° 2015-990 du 6 août 2015 (article 262,
traduit dans l’article L. 2328-1 du Code du travail), qui a supprimé la peine de prison qui était jusqu’alors attachée au délit
d’entrave au fonctionnement régulier d’un comité d’entreprise.
Pour les prévenus, cette disposition était d’application immédiate, ce qu’a confirmé la Cour de cassation : « attendu que les
dispositions d’une loi nouvelle s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une
condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elles sont
moins sévères que les dispositions anciennes ; Attendu que, si les
juges [NDLR : les juges d’appel dans leur arrêt du 15 janvier 2013]
avaient la faculté de prononcer contre M. X... et M. Y... une peine
de quatre mois d’emprisonnement avec sursis, en vertu de l’article
L. 2328-1 du Code du travail, dans sa version alors applicable, ce
texte, modifié par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 a supprimé,
en matière d’entrave au fonctionnement régulier d’un comité
d’entreprise ou d’un comité central d’entreprise, la peine d’emprisonnement ; d’où il suit que l’annulation est encourue de ce chef ».
Rappelons que la loi Macron a fait passer l’amende pour entrave
au fonctionnement régulier d’un comité d’entreprise de 3 750
euros à 7 500 euros et que la peine d’emprisonnement d’un an
demeure pour entrave soit à la constitution d’un comité d’entreprise, soit à la libre désignation de ses membres.
„ REPRÉSENTATIVITÉ
PATRONALE
Les dispositions du Code du travail
relatives à la mesure de la représentativité
des organisations professionnelles
d’employeurs sont constitutionnelles
406-10
Cons. constit., QPC, 3 févr. 2016, n° 2015-519
Le Conseil constitutionnel avait été saisi par le Conseil d’État
(CE, 9 nov. 2015, n° 392476) d’une question prioritaire de
constitutionnalité relative à la conformité à la Constitution du
6° de l’article L. 2151-1, du 3° de l’article L. 2152-1 et du 3° de
l’article L. 2152-4 du Code du travail, dans leur rédaction issue
de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014, relative à la formation
professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.
Rappelons, pour mémoire, que ces dispositions traitent de la représentativité des organisations professionnelles d’employeurs.
Leur audience se mesure en fonction du nombre d’entreprises
adhérentes au niveau de la branche professionnelle ou au niveau
national et interprofessionnel. Sont représentatives les organisations professionnelles d’employeurs dont les entreprises adhérentes, à jour de leurs cotisations, représentent au moins 8 %
de l’ensemble des entreprises adhérentes.
Les auteurs de la question prioritaire de constitutionnalité soutenaient principalement que ces dispositions méconnaissaient les
exigences du Préambule de la Constitution et le principe d’égalité devant la loi, notamment en ne pondérant pas les mesures
d’audience en fonction du nombre des salariés ou du chiffre d’affaires des entreprises. Pour eux, le législateur a aussi méconnu
la liberté syndicale, ce mode de mesure ne garantissant pas la
participation des employeurs à la négociation collective.
Mais le Conseil constitutionnel n’a pas invalidé les articles critiqués :
« Considérant, d’une part, qu’en prévoyant que l’audience de ces
organisations se mesure en fonction du nombre des entreprises adhérentes, le législateur a entendu assurer un égal accès à la représentativité des organisations professionnelles d’employeurs quel que soit le
nombre des salariés employés par les entreprises adhérentes ou leur
chiffre d’affaires ; qu’en outre, en vertu du troisième alinéa de l’article
L. 2261-19 du Code du travail, le nombre de salariés des entreprises
adhérant aux organisations professionnelles d’employeurs est pris en
compte en matière de négociation collective ».
Les Sages ont ajouté que « d’autre part, (…) la liberté d’adhérer au
syndicat de son choix, prévue par le sixième alinéa du Préambule de
1946, n’impose pas que toutes les organisations professionnelles d’employeurs soient reconnues comme étant représentatives indépendamment de leur audience ; qu’en fixant à 8 % le seuil minimum d’audience
permettant l’accès à la représentativité des organisations professionnelles d’employeurs, le législateur a entendu éviter la dispersion de la
représentativité patronale et n’a pas fait obstacle au pluralisme ».
Il en résultait que le législateur n’avait pas méconnu les exigences du Préambule de la Constitution ni d’ailleurs le principe
de la liberté syndicale.
D.J.-P.
20
Jurisprudence Sociale Lamy
D.J.-P.
Nº 406 22 MARS 2016
L'inédit
„ TRANSFERT D’ENTREPRISE
Conséquences sur les
contrats de travail de la
résiliation d’un contrat relatif
à la gestion d’une entité
économique autonome
406-11
Clémence
Souchon,
Avocat à la Cour,
Associée,
Vivant Chiss
Cass. soc., 4 févr. 2016, pourvoi n° 14-28.005, arrêt n° 259 F-D
ayant constaté que l’entité économique, dont la gestion avait été confiée à une société
en vertu d’un contrat de prestations de services, avait été transférée à la commune à
la suite de la résiliation de cette convention, dans des conditions qui n’empêchaient
pas la continuation de son exploitation, la cour d’appel en a exactement déduit que
cette dernière était légalement tenue de poursuivre les contrats de travail.
Les faits
La commune de Freyming-Merlebach avait
confié la gestion d’une halte-garderie à la société People and Baby par le biais d’une convention
dénommée « contrat de prestations de services
pour la gestion de la halte-garderie ».
Aux termes de cette convention, l’ensemble du
matériel, mobilier, et locaux nécessaires à l’exploitation de la halte-garderie avait été mis à
disposition de la société People and Baby par
la commune. De même, la société avait repris
le personnel employé par le précédent gestionnaire de la halte-garderie. La convention passée
entre la commune et la société People and Baby
prévoyait également les modalités et les conséquences de sa résiliation, et notamment qu’ « en
cas de reprise en gestion directement par la ville,
celle-ci s’engage soit à reprendre le personnel de
la structure, soit à verser les indemnités qui sont
dues au personnel ».
Or, après la résiliation de ce contrat par la société People and Baby, la halte-garderie n’a finalement été reprise ni par la commune, ni par
Nº 406 22 MARS 2016
Emmanuel de
Montalembert,
Avocat à la Cour,
Vivant Chiss
aucun autre repreneur, et les salariés ont saisi la
juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de leurs contrats de travail aux
torts exclusifs de la société.
La Cour d’appel de Metz a prononcé la résiliation judicaire des contrats de travail aux torts
de la commune, après avoir constaté que lesdits contrats de travail avaient été transférés à
la commune en application de l’article L. 1224-1
du Code du travail. Selon elle, « la décision de
la société People and Baby de résilier la convention passée avec la commune n’a pas eu pour
effet de faire disparaître totalement l’activité de
halte-garderie puisque des éléments d’actifs dont
la commune était propriétaire lui sont revenus, de
sorte que ladite activité était susceptible d’être
poursuivie. Dès lors, le retour à la commune des
éléments corporels nécessaires à l’exploitation
de la halte-garderie et la possibilité de continuer
l’activité créaient les conditions du transfert de
l’entité économique constituée par la halte-garderie et par voie de conséquence emportait
transfert des contrats de travail des salariées
affectées à celle-ci » (CA Metz, 1er oct. 2014,
n° 12/02423).
Jurisprudence Sociale Lamy
21
L'inédit
Les demandes et argumentations
que la même activité s’est poursuivie chez le repreneur avec les
mêmes moyens.
Au soutien de son pourvoi, la commune faisait valoir que la résiliation du contrat de prestation de service par la société n’entraînait pas le transfert d’une entité économique autonome
conservant son identité et dont l’activité était poursuivie ou
reprise. En effet, selon la commune, l’activité de halte-garderie
avait été arrêtée par la société du fait de la résiliation du contrat
de prestation de services. La restitution des seuls moyens d’exploitation de cette activité à la commune n’avait donc pu à elle
seule, entraîner le transfert d’une entité économique autonome,
ce d’autant que la commune avait choisi de ne pas reprendre, ni
poursuivre, cette activité.
En revanche, l’identité n’existe plus en cas de changement d’activité, de disparition de l’entité, ou de cessation pure et simple de
l’activité sans reprise de son exploitation par un successeur (Cass.
soc., 3 mars 1988, n° 84-43.596 ; Cass. soc., 30 mars 2011, n° 0972.260). En effet, si la CJUE et la Cour de cassation admettent
qu’une suspension temporaire d’activité ne peut faire échec au
maintien des contrats de travail (CJCE, 2 déc. 1999, aff. C-234/98,
Allen c/ Amalgamated Construction Co. Ltd ; Cass. soc., 12 oct.
1999, n° 97-42.850 ; Cass. soc., 19 janv. 2011, n° 09-72.317), il en
va différemment en cas de cessation définitive de l’activité.
La décision, son analyse et sa portée
De façon pour le moins lapidaire, la Cour de cassation rejette le
pourvoi de la commune. Selon la Haute Juridiction, la halte-garderie constituait une entité économique autonome dont la gestion avait été confiée à la société People and Baby, en vertu d’un
contrat de prestations de services. Suite à la résiliation de cette
convention, l’entité avait été transférée à la commune dans des
conditions qui n’empêchaient pas la continuation de son exploitation et, dès lors, cette dernière était légalement tenue de
poursuivre les contrats de travail.
On peut noter, même si le principe en est désormais admis depuis longtemps (Cass. soc., 25 juin 2002, n° 01-43.467 ; Cass.
soc., 14 janv. 2003, n° 01-43.676), qu’en l’espèce, il y avait transfert des contrats de travail d’une personne privée à une personne
publique en application de l’article L. 1224-1 du Code du travail.
À cet égard, il a notamment été jugé que la résiliation d’un
contrat de concession ou d’affermage liant une collectivité publique à une personne privée chargée de l’exploitation d’une entité économique entraîne le transfert des contrats de travail des
salariés affectés à cette entité à la collectivité publique qui en
reprend l’exploitation à son propre compte (Cass. soc., 24 févr.
2004, n° 01-40.714 ; Cass. soc., 13 juin 2006, n° 04-44.087).
Mais qu’en est-il lorsque la personne publique décide, lors de la
résiliation d’un tel contrat, de ne pas poursuivre, ni reprendre
cette activité ? Le sort des contrats de travail peut-il être prévu/
fixé par le contrat de prestation ?
C’est précisément les questions qui étaient posées à la Cour
dans l’affaire « People and Baby ».
• La décision de la commune de ne pas
poursuivre ou reprendre l’activité de haltegarderie ne fait pas échec à l’application de
l’article L. 1224-1 du Code du travail
Selon une jurisprudence constante, l’article L. 1224-1 du Code du
travail, interprété à la lumière de la Directive n° 2001/23/CE du
12 mars 2001, ne s’applique qu’en cas de transfert d’une entité
économique autonome qui conserve son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise (Cass. soc., 2 mars 2010, n° 0941.080 ; Cass. soc., 30 janv. 2007, n° 05-43.447).
Pour que le transfert des contrats de travail s’opère par l’effet de
la loi, il est donc nécessaire de constater qu’après le transfert,
l’entité économique reprise a conservé son identité, c’est–à-dire
22
En l’espèce, la commune se prévalait notamment de l’absence
de poursuite de l’activité de la halte-garderie pour contester
l’application de l’article L. 1224-1 du Code du travail. Cet argument est écarté par la Haute Juridiction. Partant du principe que
la résiliation de la convention de gestion de la halte-garderie a
entraîné le transfert de l’entité économique autonome à la commune dans des conditions qui n’empêchaient pas la continuation de son exploitation, elle en déduit que la commune était
légalement tenue de poursuivre les contrats de travail, peu important que cette dernière ne poursuive pas l’activité transférée.
La solution posée ici n’est pas nouvelle. On retrouve d’ailleurs
une formulation en tout point identique dans deux arrêts précédents dont les faits étaient proches de ceux de l’espèce (Cass.
soc., 4 juill. 2006, n° 04-46404 et Cass. soc., 30 janv. 2007,
n° 05-43.441), à savoir la résiliation d’un contrat d’affermage
liant une collectivité publique à une personne privée chargée
de l’exploitation d’un centre aquatique. Néanmoins, dans ces
deux affaires, il n’y avait pas eu de réelle cessation de l’activité
exploitée. Suite à la résiliation du contrat d’affermage, l’activité
du centre aquatique n’avait été que temporairement interrompue, l’exploitation de l’entité économique ayant par la suite été
confiée à un nouvel exploitant privé.
La solution retenue ici par la Cour de cassation est pour le moins
logique et cohérente, tant sur le plan économique que juridique.
L’idée sous jacente étant que la commune reste « propriétaire »
de l’entité économique dont elle a confié la gestion à un tiers
par un contrat ; à l’échéance de ce dernier, l’entité économique
a donc vocation à revenir à la commune, ce qui entraîne le transfert des contrats de travail des salariés qui y sont affectés dès
lors que celle-ci n’a pas été transformée et que son exploitation
reste donc possible.
Admettre que l’absence de poursuite de l’activité par la commune est de nature à faire échec à l’article L. 1224-1 reviendrait
à lui permettre de faire obstacle par sa seule volonté à l’application de cette disposition d’ordre public, alors même que les
conditions permettant la poursuite de l’activité sont réunies.
Il en va différemment lorsqu’avant même la résiliation de la
convention d’exploitation passée avec la personne publique,
l’entité économique perd son identité, notamment en cas de
changement d’activité par suite des la cession des éléments
d’actifs nécessaires à celle-ci (par exemple, la vente des animaux
d’un parc animalier exploité dans le cadre d’un contrat d’affermage ; Cass. soc., 4 juill. 2012, n° 10-28.229).
On pourrait conclure de ce dernier arrêt que seules les transformations ou modifications affectant l’entité avant la résiliation du
contrat conclue pour l’exploiter ou la gérer doivent être prises en
compte pour apprécier s’il y a ou non maintien de son identité à
Jurisprudence Sociale Lamy
Nº 406 22 MARS 2016
l’occasion du transfert. Ce n’est pourtant pas la solution qu’a retenue la Cour de cassation dans un arrêt du 25 novembre 2015 (Cass.
soc., 25 nov. 2015, n° 14-19.086). Cet arrêt a été rendu à propos
de la résiliation d’un contrat d’affermage par lequel une commune avait confié l’exploitation d’une salle de cinématographe à
une société. Suite à la résiliation de la convention, la commune a
immédiatement engagé des travaux remaniant les locaux tout en
changeant les moyens d’exploitation. Selon la Haute Juridiction, il
résultait des travaux et changements opérés par la commune que
l’entité économique autonome dont la société assurait la gestion
n’avait pas conservé son identité.
De façon générale, la solution retenue par la Cour de cassation
dans l’arrêt du 4 février 2016 nous semble pouvoir être rapprochée de celle dégagée en matière de contrat de location-gérance
d’un fonds de commerce entre personnes privées. En effet, de jurisprudence constante, à l’expiration du contrat de location-gérance (quelle qu’en soit la cause : échéance du contrat, résiliation
décès du locataire-gérant, etc.), le fonds de commerce retourne
en principe au propriétaire à qui les contrats de travail sont transférés en application de l’article L. 1224-1 du Code du travail sauf
lorsque le fonds est devenu inexploitable ou a disparu au jour de
sa restitution (Cass. soc., 14 mars 2012, n° 11-12.883).
Ainsi, dès lors que le fonds est toujours exploitable, les contrats
de travail des salariés se poursuivent avec le propriétaire du
fonds qui doit alors assumer les conséquences de la cessation
d’activité à l’égard des salariés dès lors que qu’il décide pour des
raisons qui lui sont propres, d’en cesser l’exploitation (Cass. soc.,
23 janv. 1985, n° 83-15.270. )
TExTE DE L’aRRêT
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE
SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois nº E
14-28. 005, F 14-28. 006, G 14-28. 008,
J 14-28. 009 et K 14-28. 010 ;
Sur le moyen unique :
Attendu selon les arrêts attaqués (Metz,
1er octobre 2014) que la société People
and Baby ayant pour activité la gestion
de halte-garderie et de crèches pour le
compte d’entreprises ou de collectivités publiques s’est vu confier à compter du 1er janvier 2008 la gestion d’une
halte-garderie en vertu d’un contrat de
prestations de services conclu le 14 décembre 2007 par la commune de Freyming-Merlebach ; qu’à la suite de la
dénonciation du contrat de prestations
avec effet au 31 mars 2012, elle a informé ses salariées que leurs contrats de
travail étaient transférés à la commune
à compter du 1er avril 2012 ; que Mmes
X..., Y..., Z...A...et B...ont saisi la juridiction
prud’homale ;
Nº 406 22 MARS 2016
Le principe du transfert des contrats de travail au propriétaire-bailleur s’applique à alors tous les contrats en cours ; il ne se
limite pas aux salariés engagés par le propriétaire du fonds avant
la location-gérance, mais concerne aussi ceux embauchés par le
locataire-gérant (Cass. soc., 2 mai 1989, n° 86-42.260).
De la même façon, même si l’arrêt du 4 février 2016 n’en fait pas
directement état, le transfert des contrats de travail du personnel
de la halte-garderie à la commune de Freyming-Merlebach concernait tous les salariés qui y étaient affectés, c’est-à-dire ceux que la
société People and Baby avaient repris auprès de l’ancien exploitant,
mais aussi ceux qu’elle avait embauchés par la suite.
• Les clauses du contrat de prestations de
services ne peuvent faire échec à l’application
de l’article L. 1224-1 du Code du travail
L’arrêt du 4 février 2016 rappelle également que le contrat
conclu entre la commune et l’exploitant de l’entité ne peut empêcher la mise en œuvre des dispositions d’ordre public de l’article L. 1224-1 du Code du travail ou en restreindre les conditions
d’application. En l’espèce, la reprise du personnel n’était prévue
qu’en cas de reprise en gestion directe de la halte-garderie par
la ville. Cette clause ne pouvait évidemment faire échec à l’application de l’article L. 1224-1 du Code du travail en dehors des
prévisions des parties au contrat, dès lors que les conditions de
son application étaient réunies.
La Cour de cassation a déjà eu l’occasion de rappeler ce principe
à plusieurs reprises (voir, notamment, Cass. soc., 15 mars 2011,
n° 09-67.825).
Attendu que la commune de Freyming-Merlebach fait grief aux arrêts de
la condamner au paiement de diverses
sommes aux salariées et à Pôle emploi
alors, selon le moyen, que les contrats de
travail en cours sont maintenus entre le
nouvel employeur et le personnel de l’entreprise en cas de transfert d’une entité
économique conservant son identité et
dont l’activité est poursuivie ou reprise ;
que constitue une entité économique un
ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique
qui poursuit un objectif propre ; qu’en
statuant comme elle l’a fait, au motif que
les éléments d’actif nécessaires à l’activité de halte-garderie étaient revenus à la
commune de Freyming-Merlebach par
l’effet de la résiliation du contrat de prestations de services par la société qui exploitait cette activité, laquelle était ainsi
« susceptible d’être poursuivie » quand,
selon ses propres constatations, la commune n’avait pas effectivement poursuivi ni repris cette activité, la convention
lui ayant laissé une simple faculté non
exercée de reprendre l’activité en gestion
directe, la cour d’appel, qui a néanmoins
Jurisprudence Sociale Lamy
retenu un transfert des contrats de travail à la charge de la commune, a violé
l’article L. 1224-1 du code du travail ;
Mais attendu qu’ayant constaté que l’entité économique dont la gestion avait été
confiée à la société People and Baby, en
vertu d’un contrat de prestations de services, avait été transférée à la commune
à la suite de la résiliation de cette convention, dans des conditions qui n’empêchaient pas la continuation de son exploitation, la cour d’appel en a exactement
déduit que cette dernière était légalement
tenue de poursuivre les contrats de travail
; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la commune de
ming-Merlebach aux dépens ;
Frey-
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par
le président en son audience publique du
quatre février deux mille seize.
23
L'inédit
„ COMITÉ D’ENTREPRISE
La consultation du CE ne fait
pas obstacle à une information
directe des salariés
406-12
Jean-benoît
Cottin,
Avocat, Docteur
en droit,
Capstan Avocats
Cass. crim., 9 février 2016, pourvoi n° 12-86.016, arrêt n° 6609 F-D
Rien ne s’oppose à ce que, parallèlement à la consultation du comité d’entreprise,
l’employeur procède à l’information directe du personnel sur un projet qui le concerne,
dès lors que ce projet n’est pas définitivement arrêté et que les discussions devant les
institutions représentatives du personnel permettent à leurs organes d’exercer pleinement leurs attributions.
Les faits
En l’espèce, un projet de réorganisation de l'un
des départements de la structure ayant été envisagé, sa direction a organisé des rencontres
avec les salariés, parallèlement aux premières
consultations des instances représentatives.
Le comité d’entreprise et le comité d’hygiène,
de sécurité et des conditions de travail (CHSCT)
ont fait citer, devant le tribunal correctionnel,
la directrice générale de la structure, le président du CHSCT et le directeur des ressources
humaines, pour entrave au fonctionnement du
comité d’entreprise et du CHSCT.
Au stade de la cassation n’était débattue que
la question de l’entrave au comité d’entreprise.
Les demandes et argumentations
En l’espèce, le comité d’entreprise considérait
que les salariés avaient été consultés sur le
projet en cause, puisqu’ils avaient émis un avis
avant lui, fait part de leurs préoccupations, voire
de leur hostilité, éléments constitutifs, selon lui,
du délit d’entrave à son fonctionnement.
La décision, son analyse et sa
portée
Caractère préalable de la consultation du comité. - On sait que les décisions de l’employeur
24
sont, dans le domaine d’intervention du comité
d’entreprise, précédées de la consultation de
celui-ci, sauf, en application de l’article L. 232342 du Code du travail, avant le lancement
d’une offre publique d’acquisition (C. trav., art.
L. 2323-2). Une décision s’entend d’une manifestation de la volonté d’un organe dirigeant qui
oblige l’entreprise, il ne s’en déduit pas qu’elle
implique nécessairement des mesures précises
et concrètes. Un projet, même formulé en
termes généraux, doit être soumis à consultation du comité d’entreprise lorsque son objet
est assez déterminé pour que son adoption ait
une incidence sur l’organisation, la gestion et la
marche générale de l’entreprise, peu important
qu’il ne soit pas accompagné de mesures précises et concrètes d’application dès lors que la
discussion ultérieure de ces mesures n’est pas de
nature à remettre en cause, dans son principe, le
projet adopté (Cass. soc., 12 nov. 1997, n° 9612.314 ; Cass. soc., 18 juin 2003, n° 01-21.424.
Pour un exemple récent : TGI Paris, ord. réf., 12
nov. 2015, n° 15/59476).
absence de monopole de l’information pour
le comité d’entreprise. - Cette antériorité de la
consultation par rapport à la prise de décision
n’offre pas un droit à information exclusif au comité d’entreprise. Il a par exemple été jugé que
« les institutions représentatives du personnel ne
peuvent prétendre au monopole de l’information
sociale, au mépris de l’information directe du personnel de l’entreprise » (CA Paris, 2 juill. 1999,
AGME ; Dr. ouvr., déc. 1999, p. 494) ou que « les
Jurisprudence Sociale Lamy
Nº 406 22 MARS 2016
salariés disposent eux-mêmes, autant que le comité d’entreprise,
du droit d’être informés sur les projets pouvant avoir d’importantes répercussions sur la vie de l’entreprise » (TGI Versailles, 24
nov. 2003, 5ème ch. correct. n° 0309380014 ; JSL 2004, n° 142 ;
v., globalement, sur la question, A. Teissier, Le comité d’entreprise dispose-t-il du monopole de l’information dans l’entreprise
?, TPS, mai 2000).
Des tiers à la relation de travail peuvent également bénéficier
d’une telle information : les clients, l’administration, les milieux
financiers (A. Teissier, préc.), la presse, les collectivités locales
peuvent également en être destinataires. La seule information
de tiers ou de salariés concomitamment ou antérieurement au
comité d’entreprise n’est pas constitutive d’une entrave, à plus
forte raison quand l’annonce faite par l’employeur à la presse
d’un projet de licenciement économique, en l’absence de consultation du comité d’entreprise procède d’une simple déclaration
d’intention du chef d’entreprise et non d’un projet supposant
une telle consultation (Cass. crim., 4 avr. 1995, n° 93-80.312).
Condition : caractère non définitif du projet. - L’arrêt du 9
février relève que « rien ne s’oppose à ce que, parallèlement à
la consultation du comité d’entreprise, l’employeur procède à
l’information directe du personnel sur un projet qui le concerne,
dès lors que ce projet n’est pas définitivement arrêté et que les discussions devant les institutions représentatives du personnel permettent à leurs organes d’exercer pleinement leurs attributions ».
En d’autres termes, la consultation du comité doit présenter un
effet utile.
Ainsi, « seule peut être sanctionnée l’information tardive du comité quand il s’avère que celle donnée à l’ensemble des salariés
porte sur un projet définitif ou une décision déjà arrêtée par la
direction » (Lamy social 2015, n° 4812). Tel n’était pas le cas
en l’espèce, puisque la suite des discussions a été réservée aux
membres des institutions représentatives, seuls à connaître de
l’évolution du projet jusqu’à sa mise en œuvre. De même n’est
pas constitutive d’entrave l’annonce faite à la presse et au personnel de l’entreprise après l’information donnée au comité
d’entreprise d’un projet de cession, qui n’a pas pour effet de
transformer ce projet en décision définitive (Cass. crim., 29 mai
1990, n° 89-84.747 : en l’espèce, le comité avait été informé
plus de 2 mois et consulté plus de 1 mois avant la signature de
l’accord de cession ; Cass. crim., 6 avr. 1993, n° 92-80.864 :
le fait que l’employeur, avant la fin de la consultation du comité, informe les salariés concernés de la suppression éventuelle de leurs postes et de la possibilité d’une réaffectation,
n’est pas de nature à entraver le fonctionnement du comité
d’entreprise ; Cass. crim., 12 oct. 1993, n° 92-84.363 dans le
même sens). L’information des salariés concernés par une perspective de mise en location gérance de l’établissement dans
lequel ils sont employés, effectuée préalablement à la consultation du comité d’entreprise, ne constitue pas non plus une
décision définitivement arrêtée, prise en méconnaissance des
dispositions légales (CA Paris, 24 avr. 1998, n° 97/06604). Enfin, l’annonce au maire de la commune d’un projet susceptible
de porter atteinte à la situation de l’emploi dans sa commune
n’a pas pour effet de transformer ce projet en décision définitive, quelle que soit la perception subjective de l’intéressé sur
la situation (Cass. crim., 8 juin 2004, n° 03-87.795 : absence
d’entrave, dès lors que la consultation du comité a bien eu lieu,
Nº 406 22 MARS 2016
et ce préalablement à la décision définitive, conformément aux
dispositions légales).
L’absence de caractère irrémédiable de la décision résultera sans
doute de l’emploi - et du rappel - du terme projet, de son caractère peu abouti, de l’emploi du conditionnel, de la présentation
simultanée de plusieurs scénarios/hypothèses, etc.. La multiplication des interlocuteurs autres que le comité d’entreprise est
évidemment une source d’accroissement du risque de perte de
maîtrise de l’information communiquée.
absence de priorité dans l’accès à l’information. - « Le caractère préalable de l’information due au comité d’entreprise implique que celle-ci lui soit communiquée avant l’adoption définitive d’une décision, mais pas nécessairement avant la diffusion au
public de l’annonce d’un simple projet dont le contenu n’est pas
encore définitivement arrêté » (Y. Pagnerre, J.-Cl. Travail Traité,
Fasc. 15-21, 2009, n° 122). En d’autres termes, il « n’existe aucun
impératif qui imposerait de respecter une chronologie particulière
à l’occasion de la diffusion d’information sur un projet d’entreprise à d’autres interlocuteurs que le comité » (Lamy social 2015,
n° 4812). Sous réserve de respecter l’obligation de consulter les
représentants du personnel préalablement à la prise de décision,
le chef d’entreprise peut organiser comme il l’entend la diffusion
de l’information (A. Teissier, préc.).
absence de substitution à la consultation du comité d’entreprise. - En tout état de cause, cette information directe du personnel ne peut se substituer à l’information des représentants
du personnel (TGI Strasbourg, 20 mars 1987 ; Dr. ouvrier 1987,
p. 348 : signature d’une note d’information par chaque salarié).
Elle ne doit pas non plus « se transformer en une véritable consultation ou référendum du personnel qui pourrait aboutir à rendre
sans effet utile la consultation ultérieure du comité d’entreprise »
(M.-C. Haller, JSL 2004, n° 142). Tel n’était pas le cas en l’espèce.
La Cour de cassation relève que si, au cours de ces réunions, les
salariés ont exprimé leurs préoccupations ou leur hostilité, ces
réactions ainsi que les réponses de la direction ont consisté en
échanges spontanés et informels destinés à informer les salariés
et non à les consulter. Selon elle, les représentants du personnel n’ont pas été évincés ni surpris et l’employeur n’a pas usé
de moyens ayant pour but d’entraver leur fonctionnement. On
rappellera que la suite des discussions a été réservée aux représentants du personnel.
À l’inverse, il a été jugé que se rend coupable d’entrave un employeur ayant consulté directement les salariés de l’entreprise
sur une modification de l’horaire de travail, alors, d’une part, que
cette consultation n’avait d’autre objet que d’exercer des pressions sur le comité d’établissement pour l’amener à se désister
d’une action judiciaire engagée contre l’employeur et, d’autre
part, que, lors de la consultation, l’employeur a présenté comme
définitivement acquises les modifications de l’organisation du
travail et la diminution de rémunération qu’impliquerait la modification envisagée alors que ces questions n’avaient fait l’objet d’aucune consultation préalable du comité d’établissement
(Cass. crim., 11 janv. 2000, n° 99-80.229). Il a également été
considéré que le recours systématique à l’information directe du
personnel joint à une fourniture tardive ou parcellaire des renseignements nécessaires à l’information du comité d’entreprise,
« traduit (...) la volonté de porter atteinte au fonctionnement régulier de cet organisme » (CA Paris, 2 juill. 1999, AGME ; Dr. ouvr.,
déc. 1999, p. 494).
Jurisprudence Sociale Lamy
25
L'inédit
TExTE DE L’aRRêT (ExTRaITS)
(…) Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et du jugement qu’il confirme qu’un
projet de réorganisation d’un des départements de la caisse d’allocation familiale
des Yvelines (CAFY) ayant été envisagé,
sa direction a organisé des rencontres
avec les salariés, parallèlement aux premières consultations des instances représentatives ; que le comité d’entreprise et
le comité d’hygiène, de sécurité et des
conditions de travail (CHSCT) ont fait
citer, devant le tribunal correctionnel,
Mme X..., directrice générale de la CAFY,
M. Y..., président du CHSCT, et M. Z...,
directeur des ressources humaines, pour
entraves au fonctionnement du comité
d’entreprise et du comité d’hygiène, de
sécurité et des conditions de travail ; que
les juges du premier degré ont mis hors
de cause M. Z... et relaxé les autres prévenus ; que seules les parties civiles ont
relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour débouter les parties
civiles de leurs demandes, l’arrêt énonce
que rien ne s’oppose à ce que, parallèlement à la consultation du comité d’entreprise, l’employeur procède à l’information directe du personnel sur un projet qui le concerne, dès lors que ce projet
n’est pas définitivement arrêté et que les
de contradiction et procédant de son
appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, ainsi que des
éléments de preuve contradictoirement
débattus, la cour d’appel, qui a répondu
comme elle le devait aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ;
discussions devant les institutions représentatives du personnel permettent à
leurs organes d’exercer pleinement leurs
attributions ; que les juges retiennent,
qu’après un premier message de la direction aux cadres le 28 janvier 2010 annonçant des rencontres avec les salariés, un
courriel du 17 février suivant invitait ces
derniers à une réunion, organisée les 22,
23 et 24 février et précisait que le projet, présenté au comité d’entreprise le 19
février 2010, était susceptible d’évoluer
en fonction des avis formulés par cette
instance ; qu’ils relèvent que si, au cours
de ces réunions, les salariés ont exprimé
leurs préoccupations ou leur hostilité,
ces réactions ainsi que les réponses de la
direction ont consisté en échanges spontanés et informels destinés à informer
les salariés et non à les consulter ; qu’ils
ajoutent que la suite des discussions a
été réservée aux membres des institutions représentatives, seuls à connaître
de l’évolution du projet jusqu’à sa mise
en oeuvre ; qu’ils en déduisent que ces
instances n’ont pas été évincées ni surprises et que l’employeur n’a pas usé de
moyens ayant pour but d’entraver leur
fonctionnement ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être
accueilli ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la
forme ;
REJETTE le pourvoi ;
DIT n’y avoir lieu à application de l’article
618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation,
chambre criminelle, et prononcé par le
président le neuf février deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé
par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
SCP Foussard et Froger, SCP Lyon-Caen
et Thiriez
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, dépourvues d’insuffisance comme
M. Guérin (président)
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Nº 406 22 MARS 2016
Les juges du fond
„ CONCOURS DE NORMES CONVENTIONNELLES
La notion de caractère « plus
avantageux » doit s’apprécier de
façon globale sur l’ensemble du
personnel
406-13
Zora Villalard,
Avocat associé,
Fromont Briens
CA Lyon, 5 févr. 2016, n° 14/07920
En cas de concours de conventions collectives, les avantages ayant le même objet ou
la même cause ne peuvent, sauf stipulations contraires, se cumuler, le plus favorable
d'entre eux pouvant seul être accordé. La détermination du régime le plus favorable
doit résulter d'une appréciation globale avantage par avantage. Le caractère plus
avantageux doit être apprécié globalement pour l'ensemble du personnel et non en
fonction de la situation particulière de chaque salarié.
Florian Carrière,
Les faits
Un salarié engagé en 1982 en qualité de « Technicien d’Atelier », statut ouvrier, par une entreprise implantée dans le département de l’Ain,
part à la retraite le 31 décembre 2012. À cette
occasion, il bénéficie d’une indemnité de départ
à la retraite(1), dont le montant est calculé par
(1)
Rappelons que l’article L. 1237-9 du Code du travail prévoit que « tout salarié quittant l’entreprise
pour bénéficier d’une pension de vieillesse a droit
à une indemnité de départ à la retraite. Le taux de
cette indemnité varie en fonction de l’ancienneté
Nº 406 22 MARS 2016
l’employeur à l’aune des dispositions de l’article 11 de l’Accord National du 10 juillet 1970
sur la mensualisation du personnel ouvrier de la
Branche de la Métallurgie.
Avocat,
Fromont Briens
Par courrier du 25 janvier 2013, celui qui est désormais fraîchement retraité, sollicite, par l’intermédiaire de son avocat, un rappel d’indemnité de départ à la retraite, arguant du fait que
l’entreprise aurait dû calculer son indemnité sur
du salarié dans l’entreprise. Ses modalités de calcul
sont fonction de la rémunération brute dont il bénéficiait antérieurement […] ».
Jurisprudence Sociale Lamy
27
Les juges du fond
la base de l’article 54 de la Convention collective de la Métallurgie de l’Ain, laquelle lui serait plus favorable.
L’employeur lui oppose une fin de non-recevoir au motif initial
que l’article 11 de l’Accord national du 10 juillet 1970 aurait un
caractère impératif au sens des dispositions de l’article L. 2252-1
du Code du travail.
Après avoir été débouté de sa demande de rappel d’indemnité
de départ à la retraite par le Conseil de prud’hommes d’Oyonnax, le salarié interjette appel du jugement intervenu.
Les demandes et argumentations
Devant la Cour d’appel de Lyon, le salarié sollicite l’infirmation
du jugement entrepris en soutenant que les dispositions de la
Convention collective de la Métallurgie de l’Ain, prévoyant une
formule de calcul de l’indemnité de départ à la retraite plus favorable, doivent prévaloir sur celles de l’Accord national du 10
juillet 1970.
De son côté, l’employeur fait notamment valoir, en cause d’appel, qu’en cas de conflit entre deux avantages ayant le même
objet ou la même cause, la détermination du régime le plus
favorable doit résulter d’une appréciation globale avantage
par avantage et non en fonction de la situation individuelle de
chaque salarié.
Se livrant à cette comparaison, globale et in abstracto des deux
textes, l’Accord national du 10 juillet 1970 se révélait plus avantageux selon l’employeur.
La décision, son analyse, sa portée
Par un arrêt rendu le 5 février 2016, la Cour d’appel de Lyon
confirme le rejet des prétentions du salarié. Pour ce faire, les
juges du fond opèrent une analyse en deux temps.
 En premier lieu, il est répondu à l’argumentaire initial de l’employeur consistant à soutenir que l’article 11 de l’Accord national
du 10 juillet 1970 aurait un caractère impératif et devrait donc
prévaloir sur les dispositions de l’article 54 de la Convention collective de la Métallurgie de l’Ain, dont le champ d’application
territorial est inférieur, indépendamment de l’application de la
règle du plus favorable.
Néanmoins, la Cour retient que l’article L. 132-13 du Code du
travail, en vigueur à la date de l’avenant précité(2), disposait que :
« Une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel ne peut comporter des dispositions moins favorables aux salariés que celles qui leur sont applicables en vertu
d’une convention ou d’un accord couvrant un champ territorial ou
professionnel plus large, à la condition que les signataires de cette
convention ou de cet accord aient expressément stipulé qu’il ne
pourrait y être dérogé en tout ou en partie.
S’il vient à être conclu une convention ou un accord de niveau
supérieur à la convention ou à l’accord intervenu, les parties
adaptent celles des clauses de leur convention ou accord antérieur qui seraient moins favorables aux salariés si une disposition de la convention ou de l’accord de niveau supérieur le
prévoit expressément ».
Certes, cet article instaurait une primauté du texte de champ ou
de niveau supérieur, mais uniquement par rapport aux dispositions moins favorables contenues dans le texte de champ ou de
niveau inférieur.
De cette façon, en cas de conflit de normes conventionnelles,
l’objectif du législateur n’était pas de faire prévaloir en tout état
de cause la norme supérieure, mais bien de privilégier le principe
de faveur comme « instrument de résolution du conflit ».
C’est donc à juste titre et dans le prolongement d’une jurisprudence constante(3) que la cour d’appel rejette ce premier argument en considérant que :
« Le caractère impératif attaché à une convention ou un accord
professionnel ou interprofessionnel couvrant un champ d’application territorial ou professionnel plus large n’emporte donc pas
abrogation des dispositions plus favorables aux salariés d’une
convention ou d’un accord collectif antérieur ayant le même objet ou la même cause qui, en l’absence d’accord de révision, demeurent applicables ».
À toutes fins utiles, il sera rappelé que la loi du 4 mai 2004 a
modifié l’articulation entre les différents niveaux de négociation
avec l’apparition d’une règle de subsidiarité. Ainsi, un accord de
branche peut désormais déroger, y compris de manière moins
favorable, à une convention ou un accord d’un niveau supérieur
dès lors que le texte de niveau supérieur n’a pas prévu son impérativité (C. trav., art. L. 2252-1).
 En second lieu, après avoir considéré que l’Accord national du
10 juillet 1970 ne devait pas nécessairement prévaloir sur les
dispositions potentiellement plus favorables de la Convention
collective de la Métallurgie de l’Ain, dont le champ d’application
territorial lui est inférieur, la Cour s’attache à rappeler la définition et les modalités d’application du principe de faveur.
Profitons de l’occasion pour rappeler que ce principe qualifié de
« fondamental en droit du travail » par la Cour de cassation(4) et,
plus récemment, consacré au rang des « principes essentiels du
droit du travail » par la Commission Badinter, a néanmoins des
origines particulièrement floues et n’a jamais été reconnu par
le Conseil constitutionnel comme revêtu d’une valeur constitutionnelle(5).
D’ailleurs, c’est justement parce que cette règle, pivot de la
construction du droit du travail, n’a jamais fait l’objet d’un véritable encadrement qu’elle s’avère parfois difficile à mettre en
œuvre.
(3)
(2)
28
Abrogé depuis par une ordonnance du 12 mars 2007 (n° 2007-329)
avec prise d’effet au 1er mars 2008 et dont les dispositions sont en
partie reprises dans l’actuel article L. 2252-1 du Code du travail.
(4)
(5)
Cass. soc., 5 juill. 2008, n° 07-40.226.
V. not. Cass. soc., 17 juill. 1996, n° 95-41.313.
V. not. V. Ogier-Bernaud, « Le Conseil constitutionnel et l’embarrassant principe de faveur », SSL, 2003 n° 1111.
Jurisprudence Sociale Lamy
Nº 406 22 MARS 2016
Les juges du fond
En l’espèce, la cour d’appel relève que l’avantage prévu dans les
deux textes litigieux a un caractère collectif. En conséquence,
la détermination de la norme la plus favorable ne doit pas se
faire en fonction des intérêts particuliers de l’appelant, mais en
prenant en compte l’intérêt collectif de l’ensemble des salariés
concernés par les deux normes.
Conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation(6), l’avantage le plus favorable est alors déterminé par une
comparaison objective et globale des textes, sans considération
de l’intérêt personnel du salarié.
Ce premier critère relève du bon sens, une comparaison subjective des textes en fonction de l’intérêt particulier de chaque
bénéficiaire serait, d’une part, contraire à l’idée selon laquelle le
statut collectif est un instrument de protection de la collectivité
des travailleurs et, d’autre part, impraticable pour l’employeur
qui devrait à chaque fois procéder à une comparaison in concreto des différents textes applicables en fonction des intérêts particuliers de chaque salarié(7).
Le second critère signifie que la comparaison doit s’opérer entre
avantages ou groupes d’avantages ayant le même objet ou la
même cause. La principale difficulté est donc de caractériser
l’identité d’objet ou de cause entre différents avantages, ce qui
n’est pas toujours aisé. Ceci étant, dans l’affaire présentée à la
Cour d’appel de Lyon, cet exercice de détermination de l’objet ou
de la cause des avantages litigieux n’appelait pas, une fois n’est
pas coutume, de difficultés particulières. En effet, il s’agissait
dans les deux cas d’une indemnité de départ à la retraite dont
seules les modalités de calcul étaient différentes.
Ensuite, en procédant à une comparaison globale et objective
des deux textes, la cour d’appel procède à une comparaison incluant la condition d’ouverture du droit à l’indemnité de départ
à la retraite ainsi que le montant de cette indemnité résultant
de l’ancienneté.
TExTE DE L’aRRêT (ExTRaITS)
(...) Attendu que selon l'article L 132-13
du code du travail, en vigueur à la date de
l'avenant du 19 décembre 2003 à l'Accord
national du 10 juillet 1970, s'il vient à être
conclu une convention ou un accord de
niveau supérieur à la convention ou à
l'accord intervenu, les parties adaptent
celles des clauses de leur convention ou
accord antérieur qui seraient moins favorables aux salariés ;
Qu'il en résulte que le législateur n'a pas
entendu régler les conflits entre des dispositions de conventions collectives ou
(6)
(7)
L’Accord national du 10 juillet 1970 est donc collectivement plus
avantageux en ce qu’il n’impose pas une condition d’âge pour
bénéficier de l’indemnité de départ à la retraite prévue conventionnellement. Or, la Convention collective de l’Ain impose au
salarié, qui demande la liquidation de sa pension de vieillesse à
taux plein, d’avoir au minimum 60 ans : « En 2012, le nombre de
bénéficiaires potentiels de l’indemnité de départ à la retraite prévue par l’Accord national était plus important dans la mesure où :
- l’avenant du 3 mars 2006 à l’Accord National du 10 juillet 1970
a réduit de 10 ans à 2 ans l’ancienneté requise pour l’ouverture du
droit ; - l’avenant du 21 juin 2010 a fait disparaître toute référence
à un âge déterminé à la retraite, tandis que la Convention collective de la métallurgie de l’Ain, qui exige aussi une ancienneté de 2
ans, impose que le salarié qui demande la liquidation de sa pension
de vieillesse à taux plein ait au moins 60 ans. Qu’en présence de
deux dispositions conventionnels ayant le même objet, l’un ouvert
au plus grand nombre de salariés, l’autre plus généreux pour des
salariés moins nombreux, il est conforme au caractère collectif du
statut en résultant de considérer que l’avantage le plus favorable
est celui dont le plus grand nombre de salariés a vocation à bénéficier ».
Autrement dit, l’Accord national du 10 juillet 1970 est certes
moins avantageux quant aux modalités de calcul de l’indemnité
de départ à la retraite, mais moins sélectif quant aux conditions
d’ouverture du droit à cette indemnité. La Cour en déduit que,
s’agissant d’un avantage à caractère collectif, c’est la norme bénéficiant au plus grand nombre qui doit trouver à s’appliquer.
Le salarié est donc une nouvelle fois débouté de sa demande au
nom d’une appréciation égalitariste de la notion de « caractère
plus avantageux », la cohérence du droit et son application uniforme à l’ensemble des justiciables en sortent renforcées.
d'accords de niveaux différents en conférant une autorité supérieure à la convention de branche ou à l'accord professionnel dont le champ d'application territorial ou professionnel est le plus étendu ;
qu'il a choisi le principe de faveur comme
instrument de résolution des conflits ;
que le caractère impératif attaché à une
convention ou à un accord professionnel
ou interprofessionnel couvrant un champ
d'application territorial ou professionnel
plus large n'emporte donc pas abrogation
des dispositions plus favorables aux salariés d'une convention ou d'un accord collectif antérieur ayant le même objet ou la
même cause qui, en l'absence d'accord de
révision, demeurent applicables ;
Attendu qu'en cas de concours de
conventions collectives, les avantages
ayant le même objet ou la même cause
ne peuvent, sauf stipulations contraires,
se cumuler, le plus favorable d'entre eux
pouvant seul être accordé ; que la détermination du régime le plus favorable
doit résulter d'une appréciation globale
avantage par avantage ; que le caractère
plus avantageux doit être apprécié globalement pour l'ensemble du personnel et
non en fonction de la situation particulière de chaque salarié ; (...).
V. not. Cass. soc., 12 nov. 2008, n° 06-45.348 ; Cass. soc., 11 juill.
2007, n° 05-46.048.
Surtout pour les entreprises relevant du « mille-feuille » de la Métallurgie, comme c’est le cas dans la présente affaire.
Nº 406 22 MARS 2016
Jurisprudence Sociale Lamy
29
Les conventions collectives
„ SPORT
„ FOOTbALL PROFESSIONNEL
La garantie de contrat jusqu’à
la fin d’une saison ne concerne que
les joueurs sous contrat à durée
déterminée
406-14
Cass. soc., 10 févr. 2016, pourvoi n° 15-16.080, arrêt n° 325
FS-P+B
Convention collective nationale du sport du 7 juillet 2005.
IDCC 2511
article 12.3.3. Durée du contrat de travail (extrait) :
« Les contrats sont conclus pour une ou plusieurs saisons sportives. Ils s’achèvent impérativement la veille
à minuit du début d’une saison sportive (la date du début de la saison sportive est arrêtée par l’autorité sportive compétente selon les cas la fédération nationale,
la ligue professionnelle, ou autre). La durée d’un même
contrat ne peut être supérieure à 5 saisons sportives (60
mois), y compris renouvellement tacite prévu contractuellement. Cette durée maximum n’exclut pas le renouvellement explicite du contrat ou la conclusion d’un
nouveau contrat avec le même employeur. Si le contrat
commence à s’exécuter en cours de saison, il doit courir
au minimum jusqu’à la veille de la saison suivante ».
Un club de rugby engage sous contrat à durée indéterminée un
joueur pour exercer les fonctions d’entraîneur de l’équipe espoir,
d’intervenant sur les équipes professionnelles, d’intervenant au
centre de formation de haut niveau et d’intervenant coordinateur pour la détection des jeunes.
Le club ayant été placé en liquidation judiciaire, le sportif est
licencié. Il réclame alors des dommages et intérêts pour rupture
abusive, faisant valoir que l’article 12.3.3 de la Convention collective du sport prévoit que si le contrat commence à s’exécuter
en cours de saison, il doit courir au minimum jusqu’à la veille de
la saison suivante. Selon lui, cette clause est applicable à tout
contrat de travail conclu entre une société sportive et un entraîneur, quelle que soit la nature du contrat de travail.
La Cour d’appel de Grenoble lui rétorque que l’article en question n’est applicable qu’aux contrats à durée déterminée, mais
il maintient que le champ d’application de cette disposition ne
contient aucune restriction de ce type.
30
Un club de football ne peut
imposer à un joueur une diminution de
sa rémunération en cas de relégation
en ligue 2
406-15
Cass. soc., 10 févr. 2016, pourvoi n° 14-26.147, arrêt n° 320
FS-P+B
Charte du football professionnel. article 761. Relégation : « Pour les joueurs professionnels : en cas de relégation en division inférieure, le club a la faculté de diminuer le montant des contrats de ses joueurs professionnels, sous réserve du respect du salaire mensuel brut
minimum prévu à l’article 759 de la présente annexe.
Pour les contrats conclus avant le 1er juillet 2003 et au
titre des saisons 2003/2004 et suivantes, cette diminution est égale à : 20 % pour un club relégué en Ligue 2 ;
[…]. au-delà de ce pourcentage, les clubs peuvent proposer individuellement à leurs joueurs, par écrit avant
le 30 juin […] une diminution de leur rémunération selon la grille ci-dessous : 1/ 30 % pour les salaires (brut
mensuels) inférieurs ou égaux à 34 846 euros ; 2/ 40 %
pour les salaires (brut mensuels) compris entre 34 847
et 52 136 euros ; […] ».
L’article 761 de la charte du football professionnel, laquelle a valeur de convention collective sectorielle, prévoit que le joueur
à qui est proposée une diminution de rémunération en cas de
relégation devra donner sa réponse sous 8 jours. Il pourra soit
l’accepter soit être libéré de son contrat au 30 juin sans indemnités s’il la refuse.
Engagé en contrat à durée déterminée par le Football Club de
Nantes en qualité de joueur professionnel pour trois saisons successives, un sportif se voit informé qu’en raison de la relégation
du club en ligue 2 sa rémunération contractuelle ne peut être
maintenue. Il revendique un rappel de salaire, que lui refuse la
Cour d’appel de Rennes au motif qu’il n’avait pas contesté la
baisse de sa rémunération dans les 8 jours prévus par l’article
761 précité, mais plus d’un an plus tard.
La Cour de cassation ne lui a pas donné raison : « mais attendu
que l’article 12.3.3 de la Convention collective nationale du sport
régissant la durée des contrats à durée déterminée des sportifs
professionnels et de leurs entraîneurs ne s’applique pas aux titulaires de contrats à durée indéterminée ; Et attendu que la cour
d’appel ayant, par des motifs non critiqués par le moyen, constaté que le salarié, avait été engagé en qualité d’entraîneur, par un
contrat à durée indéterminée, en a exactement déduit que ce salarié ne pouvait se prévaloir de ces dispositions ». La clause attaquée stipule en effet que « les contrats sont conclus pour une ou
plusieurs saisons sportives », ce qui concerne donc les contrats
conclus pour une durée limitée.
Mais peu importait le délai, la Cour de cassation a énoncé que,
« sauf disposition légale contraire, une convention collective ne
peut permettre à un employeur de procéder à la modification du
contrat de travail sans recueillir l’accord exprès du salarié ». Il en
résultait qu’ « en statuant comme elle l’a fait, sans constater que
le joueur avait donné son accord exprès à la réduction de rémunération décidée par le club de football, la cour d’appel a violé [l’article 1134 du Code civil et l’article 761 de la charte du football
professionnel] ».
D.J.-P.
D.J.-P.
Jurisprudence Sociale Lamy
Nº 406 22 MARS 2016
„ HÔTELS, CAFÉS, RESTAURANTS
(HCR)
Emploi d’un cuisinier au moyen
de CDD d’extras sur plus de 60 jours
sur un même trimestre civil : quelles
conséquences ?
406-16
Cass. soc., 10 févr. 2016, pourvoi n° 14-26.304, arrêt n° 323
FS-P+B
Convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants
(HCR) du 30 avril 1997. IDCC 1979
article 14. Contrat à durée déterminée (extrait) : « Les
contrats à durée déterminée sont établis conformément à la législation en vigueur. Les conditions d’emploi
des extra et des saisonniers sont précisées comme suit :
1. Extra : L’emploi d’extra qui, par nature, est temporaire
est régi par les dispositions légales en vigueur.
Un extra est engagé pour la durée nécessaire à la réalisation de la mission. Il peut être appelé à être occupé
dans un établissement quelques heures, une journée entière ou plusieurs journées consécutives dans les limites
des durées définies par l’article 21-2 c. Un extra qui se
verrait confier par le même établissement des missions
pendant plus de 60 jours dans un trimestre civil pourra
demander la requalification de son contrat en contrat à
durée indéterminée ».
Engagé sous contrat à durée déterminée à temps partiel, un cuisinier enchaîne ensuite d’autres contrats à durée déterminée en
qualité d’extra pendant 4 ans. Son employeur ayant cessé de lui
proposer des contrats, il saisit les prudhommes.
Ce dernier a considéré que le recours à de multiples contrats
d’extra sur des périodes de travail régulières et sur une longue
période (4 ans) démontre un comportement abusif de l’employeur et un détournement de la finalité des contrats à durée
déterminée. Il a, en outre, accueilli favorablement la demande
d’une organisation syndicale qui invoquait une atteinte à l’intérêt collectif de la profession.
• Conséquences pour le salarié
L’article 14 énonce que « l’emploi d’extra qui, par nature, est temporaire est régi par les dispositions légales en vigueur ». En outre,
l’article D. 1242-1 du Code du travail place l’hôtellerie et la restauration dans la liste des secteurs d’activité dans lesquels des
CDD peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est
d’usage constant de ne pas recourir au CDI en raison de la nature
de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de
ces emplois.
Mais, pour la Cour de cassation, la seule qualification conventionnelle de « contrat d’extra » n’établit pas qu’il peut être
Nº 406 22 MARS 2016
conclu dans le secteur de l’hôtellerie-restauration des contrats
à durée déterminée d’usage successifs pour ce type de contrats,
pour tout poste et en toute circonstance : il appartient au juge
de vérifier si le recours répété à ce type de contrat est justifié
par des raisons objectives, qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire
de l’emploi (Cass. soc., 24 sept. 2008, n° 06-43.529, JSL n° 24731 du 14 janv. 2009 rendu à propos d’un chef de rang et d’une
femme de chambre ; Cass. soc., 2 déc. 2009, n° 08-40.901 à
propos d’un maître d’hôtel, les deux affaires mettant en cause
un grand hôtel).
Si ce n’est pas le cas, la requalification en contrat à durée indéterminée des contrats à durée déterminée peut être prononcée,
avec des indemnités de rupture.
En l’espèce, la Cour de cassation a retenu « qu’ayant constaté
que l’employeur n’avait pas respecté les dispositions de la convention collective des hôtels, cafés et restaurants limitant à soixante
jours sur un même trimestre civil la durée des contrats à durée
déterminée, le conseil de prud’hommes a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision », en sanctionnant l’employeur pour
recours abusif au CDD.
• Possibilité d’une action syndicale
Une union locale CGT a plaidé dans cette affaire que les agissements de l’employeur constituaient une atteinte grave aux
intérêts individuels et collectifs des salariés en recourant à des
contrats précaires pour pourvoir un emploi durable dans l’établissement. Elle s’appuie sur l’article L. 2132-3 du Code du travail, lequel permet aux organisations syndicales d’intervenir en
justice aux côtés du salarié pour faire sanctionner par une indemnisation spécifique l’attitude de l’employeur, à condition de
démontrer que le litige porte atteinte aux intérêts collectifs de
la profession.
Le Conseil de prud’hommes de Nantes lui a accordé 1 000 euros
à titre de dommages et intérêts à ce titre.
L’employeur, dans son pourvoi en cassation, a rétorqué que la
requalification de CDD en un CDI et ses conséquences sur la rupture des relations contractuelles ne concernent que les intérêts
personnels du salarié et non l’intérêt collectif de la profession,
reprenant ainsi les termes de la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. soc., 18 déc. 2013, n° 12-15.454).
Mais, pour la Haute Juridiction, « si seul le salarié a qualité pour
demander la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, le défaut de respect des
dispositions conventionnelles encadrant le recours au contrat à
durée déterminée constitue une atteinte à l’intérêt collectif de la
profession ». Il faut, en effet, bien distinguer une demande en
requalification de CDD de la violation des dispositions relatives
au contrat à durée déterminée, cette dernière étant de nature à
porter préjudice à l’intérêt collectif de la profession et à justifier
une action syndicale (Cass. soc., 28 sept. 2011, n° 09-71.139).
Jurisprudence Sociale Lamy
D.J.-P.
31
En bref
406-17
Inaptitude/Reclassement
Il résulte de l’article L. 1226-10 du Code du travail que l’employeur doit proposer au salarié déclaré inapte un autre emploi
approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à
l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre
de mesures telles que mutations, transformations de poste ou
aménagement du temps de travail. Dès lors, après avoir relevé
que l’employeur avait indiqué que le seul poste administratif
disponible, basé à Bordeaux, avait été pourvu par un contrat à
durée déterminée du 1er août au 31 octobre 2011, la cour d’appel, qui, sans modifier l’objet du litige, a souverainement retenu
que cet employeur ne justifiait pas avoir proposé ce poste a, peu
important qu’il eut été disponible seulement pour cette durée
limitée, pu décider qu’il avait manqué à son obligation de reclassement. Cass. soc., 10 févr. 2016, n° 14-16.156, n° 351 F-D
406-18 Temps
de travail effectif
Constitue un travail effectif au sens de l’article L. 3121-1 du Code
du travail, le temps pendant lequel le salarié est à la disposition
de l’employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. Dès lors,
ayant constaté que le salarié n’avait pas l’obligation de participer aux voyages d’accompagnement organisés chaque année à
l’étranger, qu’au cours de ceux-ci il ne lui avait été confié aucune
mission particulière d’encadrement ou de prise en charge des
clients, qu’il était libre de se faire accompagner de son conjoint
et pouvait vaquer durant ces voyages à des occupations personnelles sans se trouver à la disposition de l’employeur, la cour
d’appel a décidé à bon droit que ces voyages ne constituaient
pas du temps de travail effectif. Cass. soc., 10 févr. 2016, n° 1414.213, n° 344 F-D
406-19 Droit d’alerte
L’exercice du droit d’alerte conféré aux délégués du personnel ne
saurait avoir pour objet de faire annuler une sanction disciplinaire
pour laquelle le salarié concerné dispose d’une voie de recours spécifique. Cass. soc., 9 févr. 2016, n° 14-18.567, n° 287 F-D
406-20
Cadre dirigeant/Définition
Sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels
sont confiées des responsabilités dont l’importance implique
une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du
temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant
dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération
pratiqués dans leur entreprise ou établissement. Ces critères
cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les
cadres participant à la direction de l’entreprise. Dès lors, en ne
caractérisant pas la participation du salarié à la direction de l’entreprise, la cour d’appel a violé l’article L. 3111-2 du Code du travail. Cass. soc., 4 févr. 2016, n° 14-23.663, n° 265 F-D
32
406-21
Règlement intérieur/Mise à pied
La cour d’appel, ayant relevé que le règlement intérieur de
l’entreprise ne fixait pas la durée maximale de la mise à pied
disciplinaire, a fait une exacte application des articles L. 13211 et L. 1331 du Code du travail en déclarant cette sanction
illicite. Cass. soc., 3 févr. 2016, n° 14-22.318, n° 278 F-D
406-22
Rupture conventionnelle
L’erreur commune de date fixée par les parties antérieurement
au lendemain de l’homologation n’entraîne pas en elle-même la
nullité de la convention de rupture. Cass. soc., 28 janv. 2016, n°
14-26.800, n° 195 F-D
406-23
Convention de forfait-jours
Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que des
repos, journaliers et hebdomadaires. Cass. soc., 27 janv. 2016, n°
14-14.293, n° 198 F-D
406-24
Lettre de licenciement
La seule référence dans la lettre de licenciement à l’autorisation de licencier constitue une motivation suffisante de celleci. Cass. soc., 27 janv. 2016, n° 13-28.892, n° 217 F-D
406-25
Élections professionnelles
Pour rejeter la demande d’annulation des élections, le tribunal,
après avoir constaté, pour le siège de délégué du personnel titulaire,
qu’au premier tour le nombre d’électeurs était de 22, le nombre de
votants de 13, retient qu’il est mentionné au procès-verbal 3 bulletins blancs ou nuls, que le procès verbal ne mentionne pas que
ces bulletins lui sont annexés, que cependant l’entreprise a conservé
en original les trois enveloppes signées des membres du bureau de
vote, qu’il y a lieu de considérer que l’annexion a eu lieu, que le motif de l’annexion n’est pas porté sur l’enveloppe, qu’il est plaidé en
défense que les enveloppes ont été trouvées vides, mais que ce défaut de mention n’est pas sanctionné de nullité par le texte, et que
rien ne permet de penser que les mentions portées au procès verbal
seraient fausses.En statuant ainsi, alors qu’il était soutenu par le
syndicat qu’un seul vote valable supplémentaire aurait permis d’atteindre le quorum au premier tour et qu’il résultait de ses constatations que les enveloppes des bulletins blancs ou nuls n’avaient pas
été annexées au procès verbal, mais conservées par l’employeur, et
qu’elles ne portaient aucune indication des causes de l’annulation,
de sorte qu’il n’était pas en mesure d’exercer son contrôle, le tribunal a violé les articles L. 65 et L. 66 du Code électoral. Cass. soc., 25
janv. 2016, n° 14-29.796, n° 169 F-D
406-26
Syndicats/Valeurs républicaines
La référence à la lutte des classes et à la suppression de l’exploitation capitaliste dans les statuts d’un syndicat ne méconnaît aucune valeur républicaine. Cass. soc., 25 janv. 2016,
n° 14-29.308, n° 162 F-D
Jurisprudence Sociale Lamy
Nº 406 22 MARS 2016
Table alphabétique
CADRE DIRIGEANT
RÈGLEMENT INTÉRIEUR
Définition ............................................................................. n° 406-20, p. 32
Mise à pied disciplinaire ..................................................... n° 406-21, p. 32
COMITÉ D’ENTREPRISE
RÉMUNÉRATION
Consultation ........................................................................ n° 406-12, p. 24
Délit d’entrave..................................................................... n° 406-9, p. 20
Diminution en cas de relégation
CCN Football professionnel.............................................. n° 406-15, p. 30
CONCOURS DE NORMES CONVENTIONNELLES
RÉSILIATION JUDICIAIRE
Notion de caractère « plus avantageux » ..................... n° 406-13, p. 27
Date de la résiliation judiciaire du contrat de travail ..
Licenciement personnel.....................................................
CONTRAT DE TRAVAIL
Transfert d’entreprise.........................................................
n° 406-11, p. 21
n° 406-5, p. 18
n° 406-2, p. 8
RUPTURE CONVENTIONNELLE
CONVENTIONS COLLECTIVES
Homologation ..................................................................... n° 406-22, p. 32
Football professionnel ....................................................... n° 406-15, p. 30
Hôtels, cafés, restaurants ................................................. n° 406-16, p. 31
Sport...................................................................................... n° 406-14, p. 30
RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL
DÉLÉGUÉS DU PERSONNEL
Résiliation judiciaire ...........................................................
n° 406-2, p. 8
................................................................................................ n° 406-5, p. 18
Rupture conventionnelle ................................................... n° 406-22, p. 32
Droit d’alerte ....................................................................... n° 406-19, p. 32
SALARIÉS PROTÉGÉS
DURÉE DU TRAVAIL
Indemnité pour violation du statut protecteur ............
Convention de forfait-jours/Validité............................... n° 406-23, p. 32
Temps de travail effectif .................................................... n° 406-18, p. 32
SANCTION DISCIPLINAIRE
ÉLECTIONS PROFESSIONNELLES
SANTÉ ET SÉCURITÉ
Formalisme .......................................................................... n° 406-25, p. 32
Obligation de sécurité/Responsabilité de l’employeur
Préjudice d’anxiété ............................................................
FORFAIT-JOURS
n° 406-7, p. 19
Mise à pied disciplinaire ..................................................... n° 406-21, p. 32
n° 406-4, p. 15
n° 406-1, p. 4
Validité.................................................................................. n° 406-23, p. 32
SYNDICATS
INAPTITUDE
Valeurs républicaines ......................................................... n° 406-26, p. 32
Reclassement.......................................................................
n° 406-17, p. 32
Résiliation d’un contrat relatif à la gestion d’une
entité économique autonome ........................................
LIBERTÉS INDIVIDUELLES
Audit sur la manière dont un salarié assume ses
fonctions .............................................................................
TRANSFERT D’ENTREPRISE
n° 406-11, p. 21
n° 406-6, p. 18
LICENCIEMENT (PROCÉDURE)
Motivation de la lettre de licenciement ......................... n° 406-24, p. 32
LICENCIEMENT (SALARIÉS PROTÉGÉS)
Demande d’autorisation préalable de licenciement ...
Droit à indemnisation en cas d’annulation de
l’autorisation .......................................................................
n° 406-3, p. 11
n° 406-3, p. 11
PROCÉDURE PRUD’HOMALE
Pourvoi additionnel contre un arrêt d’appel de sursis
à statuer ..............................................................................
n° 406-8, p. 19
QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
Mesure de la représentativité des organisations
professionnelles d’employeurs.........................................
n°406-10, p. 20
Rédactrice en chef : Fany Lalanne ([email protected]) n Ont collaboré à ce numéro : le Cabinet Capstan - le Cabinet Colbert Avocats - le Cabinet Delsol Avocats - le Cabinet Fromont Briens - le Cabinet Vivant Chiss - Delphine Julien-Paturle - Jean-Philippe Lhernould - Hélène Tissandier - Claire
Touffait n Imprimerie de Champagne – ZI Les Franchises 52 200 LANGRES n Éditeur : WOLTERS KLUWER FRANCE - SAS au capital de 155 000 000 €
n Siège social : 14, rue Fructidor - 75 814 Paris cedex 17 n N° Indigo : 0 825 08 08 00 - www.wkf.fr - RCS Paris 480 081 306 - TVA FR 55 480 081 n
Associé unique : Holding Wolters Kluwer France n Président-directeur général : Hubert Chemla n Directrice des Éditions sociales : Sylvie Duras n N° Commission paritaire : 1117 T 89301
- Dépôt légal : à parution - N° ISSN : 1279-8282 n Abonnement annuel : 519,69 € TTC n Périodicité : bimensuelle
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