(I) : Contrôles et vérification d`identité

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(I) : Contrôles et vérification d`identité
UNIVERSITE EVRY-VAL-D’ESSONNE
FACULTE DE DROIT
COURS DE CLAIRE BRICE-DELAJOUX
TD DE S. SLAMA, D. RICCARDI ET C. GONZALEZ
PALACIOS
LICENCE DROIT, 3E ANNÉE, 2010-2011 (2ÈME SEMESTRE)
Fascicule 7 : Sécurité et libertés (I) :
Contrôles et vérification d’identité
Droit des
libertés
fondamentales
i
D O C U M E N T S
Les contrôles d’identité
1. CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Législative) Chapitre III : Des
contrôles, des vérifications et des relevés d'identité, 78-2 et s.
Cass. Crim 5 janvier 1973 FRIEDEL
Cass. Crim. 4 octobre 1984 KANDE
Cass. Crim. 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
Cass. Crim 10 novembre 1992 BASSILIKA
Cons. constit. décision n° 93-323 DC du 5 août 1993 Loi relative aux contrôles et vérifications d'identité
Cass. 2ème civ. 14 décembre 2000 DAKA
Cass. Crim 15 janvier 2003 IBRAHIMA X.
J O I N T S
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
v. aussi sur la Fouille des véhicules CC 12 janvier 1977, « Fouille des véhicules » ; CC 18 janvier
1995, Loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité (sur l’article 10) ; CC 13 mars 2003, Loi
pour la sécurité intérieure
9.
Nicolas Hervieu et Serge Slama, « QPC: la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et
explose les contrôles de la bande “Schengen” (CJUE, 22 juin 2010, A. Melki et S. Abdeli) », CPDH
23 juin 2010
10. Cour de cassation chambre civile 1 23 février 2011 XX
11. Olivier Bachelet, « Confirmation de l’illégalité des contrôles de la bande des 20 km “Schengen”
jusqu’à… la LOPPSI 2 (Cass, 1ère civ., 23 février 2011) », CPDH 03 mars 2011
12. Article 78-2 Modifié par LOI n°2011-267 du 14 mars 2011 - art. 69
DOCUMENT
D’OUVERTU
13. Fabien JOBARD ET René LEVY, Police et minorités visibles: les contrôles d’identité
à Paris, Open society Justice initiative, 2009
14. Nicolas Hervieu, « Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier
d’un mineur en vérification d’identité pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010,
Darraj c. France) » CPDH, 05 novembre 2010
15. Nicolas Hervieu, « Législation antiterrorisme: fouille à l’entrée des lieux publics, brève
arrestation à cette fin (« Stop and Search ») (CEDH, 12 janvier 2010, Gillan et Quinton c.
Royaume-Uni) » CPDH 14 janvier 2010
RE
BIBLIOGRAPHIE
Sur les contrôles d’identité
- GISTI, « Le contrôle d’identité des étrangers », Les notes pratiques, 2010.
- M. MARCUS, Essai d'identification du débat sur les contrôles d'identité, Revr. sc. crim. 1985, p.
153.
- A. MARON, Contrôles et vérifications d'identité. RD pén., févr. 1992.
- D. MAYER, Prévention et répression en matière de contrôle d'identité : une distinction dangereuse.
D. 1993, chron. p. 273.
- J. PRADEL, Les recherches d'identité et la poursuite des flagrants délits depuis la loi du 10 juin 1983,
D. 1984, chron., p. 75.
- D. THOMAS, Les contrôles d'identité préventifs depuis les arrêts de la chambre criminelle des 4
octobre 1984 et 25 avril 1985 : la nécessité d'une nouvelle réforme, D. 1985, chron., p. 181.
2
Article 78-1
(Loi
nº
83-466
du
10 juin 1983 art. 21 Journal
1. CODE DE
Officiel du 11 juin 1983 en vigueur le 27 juin
PROCEDURE PENALE
1983)
(Partie Législative)
(Loi nº 86-1004 du 3 septembre 1986 art. 1 Journal
Officiel du 4 septembre 1986)
Chapitre III : Des
(Loi nº 93-992 du 10 août 1993 art. 2 Journal
contrôles, des vérifications
Officiel du 11 août 1993)
et des relevés d'identité
(Loi nº 99-291 du 15 avril 1999 art. 15 Journal
Officiel du 16 avril 1999)
L'application des règles prévues par le présent
chapitre est soumise au contrôle des autorités judiciaires mentionnées aux articles 12 et
13.
Toute personne se trouvant sur le territoire national doit accepter de se prêter à un contrôle
d'identité effectué dans les conditions et par les autorités de police visées aux articles
suivants.
Article 78-2
(Loi nº 83-466 du 10 juin 1983 art. 21 Journal Officiel du 11 juin 1983 en vigueur le 27 juin 1983)
(Loi nº 86-1004 du 3 septembre 1986 art. 2 Journal Officiel du 4 septembre 1986)
(Loi nº 93-992 du 10 août 1993 art. 1 et 2 Journal Officiel du 11 août 1993)
(Loi nº 93-1027 du 24 août 1993 art. 34 Journal Officiel du 29 août 1993)
(Loi nº 97-396 du 24 avril 1997 art. 18 Journal Officiel du 25 avril 1997)
(Loi nº 99-291 du 15 avril 1999 art. 15 Journal Officiel du 16 avril 1999)
(Loi nº 2003-239 du 18 mars 2003 art. 10 Journal Officiel du 19 mars 2003)
(Loi nº 2003-239 du 18 mars 2003 art. 143 Journal Officiel du 19 mars 2003)
(Loi nº 2003-1119 du 26 novembre 2003 art. 81 Journal Officiel du 27 novembre 2003)
(Loi nº 2006-64 du 23 janvier 2006 art. 3 Journal Officiel du 24 janvier 2006)
(Loi nº 2006-911 du 24 juillet 2006 art. 113 I Journal Officiel du 25 juillet 2006)
Les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les
agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux
articles 20 et 21-1º peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute
personne à l'égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de
soupçonner :
qu'elle
a
commis
ou
tenté
de
commettre
une
infraction ;
- ou qu'elle se prépare à commettre un crime ou un délit ;
- ou qu'elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l'enquête en cas de
crime
ou
de
délit ;
- ou qu'elle fait l'objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire.
Sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de
poursuite d'infractions qu'il précise, l'identité de toute personne peut être également
contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps
déterminés par ce magistrat. Le fait que le contrôle d'identité révèle des infractions autres
que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une
cause
de
nullité
des
procédures
incidentes.
L'identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut également être
contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, pour prévenir une atteinte à
l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens.
3
[NB cet alinéa 4 a été modifié par la Loppsi 2 suite à l’affaire Melki et Abdeli – v. infra]
Dans une zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec les Etats parties à la
convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et une ligne tracée à 20 kilomètres en deçà,
(Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par décision du Conseil
constitutionnel nº 93-323 DC du 5 août 1993) ainsi que dans les zones accessibles au
public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international
et désignés par arrêté (Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par
décision du Conseil constitutionnel nº 93-323 DC du 5 août 1993) l'identité de toute
personne peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, en
vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres
et documents prévues par la loi. Lorsque ce contrôle a lieu à bord d'un train effectuant
une liaison internationale, il peut être opéré sur la portion du trajet entre la frontière et le
premier arrêt qui se situe au-delà des vingt kilomètres de la frontière. Toutefois, sur celles
des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et présentant des
caractéristiques particulières de desserte, le contrôle peut également être opéré entre cet
arrêt et un arrêt situé dans la limite des cinquante kilomètres suivants. Ces lignes et ces
arrêts sont désignés par arrêté ministériel (1). Lorsqu'il existe une section autoroutière
démarrant dans la zone mentionnée à la première phrase du présent alinéa (1) et que le
premier péage autoroutier se situe au-delà de la ligne des 20 kilomètres, le contrôle peut
en outre avoir lieu jusqu'à ce premier péage sur les aires de stationnement ainsi que sur le
lieu de ce péage et les aires de stationnement attenantes. Les péages concernés par cette
disposition sont désignés par arrêté. Le fait que le contrôle d'identité révèle une infraction
autre que celle de non-respect des obligations susvisées ne constitue pas une cause de
nullité des procédures incidentes.
Dans une zone comprise entre les frontières terrestres ou le littoral du département de la
Guyane et une ligne tracée à vingt kilomètres en-deçà, et sur une ligne tracée à cinq
kilomètres de part et d'autre, ainsi que sur la route nationale 2 sur le territoire de la
commune de Régina, l'identité de toute personne peut être contrôlée, selon les modalités
prévues au premier alinéa, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de
port et de présentation des titres et documents prévus par la loi.
Pendant cinq ans à compter de la publication de la loi nº 2006-911 du 24 juillet 2006 relative
à l'immigration et à l'intégration, l'identité de toute personne peut également être
contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa du présent article, en vue de
vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et
documents prévus par la loi :
1º En Guadeloupe, dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à
un kilomètre en deçà, ainsi que dans une zone d'un kilomètre de part et d'autre, d'une
part, de la route nationale 1 sur le territoire des communes de Basse-Terre, Gourbeyre et
Trois-Rivières et, d'autre part, de la route nationale 4 sur le territoire des communes du
Gosier et de Sainte-Anne et Saint-François ;
2º A Mayotte, dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en
deçà.
NOTA (1) : Loi 2006-64 du 23 janvier 2006 art. 32 : Les dispositions induites par l'article 3
sont applicables jusqu'au 31 décembre 2008.
(…)
Article 78-3
(Loi nº 83-466 du 10 juin 1983 art. 21 Journal Officiel du 11 juin 1983 en vigueur le 27 juin 1983)
(Loi nº 86-1004 du 3 septembre 1986 art. 3 Journal Officiel du 4 septembre 1986)
4
(Loi nº 93-2 du 4 janvier 1993 art. 162 Journal Officiel du 5 janvier 1993 en vigueur le 1er mars
1993)
(Loi nº 93-992 du 10 août 1993 art. 2 Journal Officiel du 11 août 1993)
(Loi nº 93-1013 du 24 août 1993 art. 20 Journal Officiel du 25 août 1993 en vigueur le 2 septembre
1993)
(Loi nº 99-291 du 15 avril 1999 art. 15 Journal Officiel du 16 avril 1999)
(Loi nº 2006-911 du 24 juillet 2006 art. 114 Journal Officiel du 25 juillet 2006)
Si l'intéressé refuse ou se trouve dans l'impossibilité de justifier de son identité, il peut, en
cas de nécessité, être retenu sur place ou dans le local de police où il est conduit aux fins
de vérification de son identité. Dans tous les cas, il est présenté immédiatement à un
officier de police judiciaire qui le met en mesure de fournir par tout moyen les éléments
permettant d'établir son identité et qui procède, s'il y a lieu, aux opérations de vérification
nécessaires. Il est aussitôt informé par celui-ci de son droit de faire aviser le procureur de
la République de la vérification dont il fait l'objet et de prévenir à tout moment sa famille
ou toute personne de son choix. Si des circonstances particulières l'exigent, l'officier de
police judiciaire prévient lui-même la famille ou la personne choisie.
Lorsqu'il s'agit d'un mineur de dix-huit ans, le procureur de la République doit être
informé dès le début de la rétention. Sauf impossibilité, le mineur doit être assisté de son
représentant légal.
La personne qui fait l'objet d'une vérification ne peut être retenue que pendant le temps
strictement exigé par l'établissement de son identité. La rétention ne peut excéder quatre
heures, ou huit heures à Mayotte, à compter du contrôle effectué en application de
l'article 78-2 et le procureur de la République peut y mettre fin à tout moment.
Si la personne interpellée maintient son refus de justifier de son identité ou fournit des
éléments d'identité manifestement inexacts, les opérations de vérification peuvent donner
lieu, après autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, à la prise
d'empreintes digitales ou de photographies lorsque celle-ci constitue l'unique moyen
d'établir l'identité de l'intéressé.
La prise d'empreintes ou de photographies doit être mentionnée et spécialement motivée
dans le procès-verbal prévu ci-après.
L'officier de police judiciaire mentionne, dans un procès-verbal, les motifs qui justifient le
contrôle ainsi que la vérification d'identité, et les conditions dans lesquelles la personne a
été présentée devant lui, informée de ses droits et mise en demeure de les exercer. Il
précise le jour et l'heure à partir desquels le contrôle a été effectué, le jour et l'heure de la
fin de la rétention et la durée de celle-ci.
Ce procès-verbal est présenté à la signature de l'intéressé. Si ce dernier refuse de le signer,
mention est faite du refus et des motifs de celui-ci.
Le procès-verbal est transmis au procureur de la République, copie en ayant été remise à
l'intéressé dans le cas prévu par l'alinéa suivant.
Si elle n'est suivie à l'égard de la personne qui a été retenue d'aucune procédure d'enquête
ou d'exécution adressée à l'autorité judiciaire, la vérification d'identité ne peut donner
lieu à une mise en mémoire sur fichiers et le procès-verbal ainsi que toutes les pièces se
rapportant à la vérification sont détruits dans un délai de six mois sous le contrôle du
procureur de la République.
Dans le cas où il y a lieu à procédure d'enquête ou d'exécution adressée à l'autorité
judiciaire et assortie du maintien en garde à vue, la personne retenue doit être aussitôt
informée de son droit de faire aviser le procureur de la République de la mesure dont elle
fait l'objet.
Les prescriptions énumérées au présent article sont imposées à peine de nullité.
5
2 – Cour de Cassation,
crim., 5 janvier 1973,
Friedel
VU
LE
MEMOIRE
REJET DU POURVOI DE X... (OLIVIER) PARTIE
CIVILE, CONTRE UN ARRET DE LA CHAMBRE
D'ACCUSATION DE LA COUR D'APPEL DE PARIS,
EN DATE DU 11 JANVIER 1972 QUI DANS UNE
INFORMATION SUIVIE CONTRE X, DES CHEFS
D'ARRESTATION
ET
SEQUESTRATION
ARBITRAIRES, A CONFIRME L'ORDONNANCE DE
NON-LIEU DU JUGE D'INSTRUCTION. LA COUR,
PRODUIT
;
(…)
AU FOND : SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION, PRIS DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE 7 DE
LA DECLARATION DES DROITS DE L'HOMME ET DU CITOYEN DU 26 AOUT 1789, DE L'ARTICLE
66 DE LA CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958, DES ARTICLES 114 ET SUIVANTS, 341 DU CODE
PENAL, DES ARTICLES 30, 53 ET SUIVANTS, 61, 77, 575 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE,
DE L'ARTICLE 10 DE LA LOI DU 10 JUILLET 1964 ET DE L'ARTICLE 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810,
POUR DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, " EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A
PRONONCE UN NON-LIEU DES CHEFS D'ATTENTAT A LA LIBERTE, D'ARRESTATION ET DE
SEQUESTRATION ARBITRAIRES ;
" AUX MOTIFS QUE LES MESURES DENONCEES PAR LA PARTIE CIVILE - ET DONT LA
MATERIALITE N'EST PAS CONTESTEE - ETAIENT INTERVENUES DANS LE CADRE DES
POUVOIRS DE POLICE ADMINISTRATIVE CONFIES AU PREFET DE POLICE PAR L'ARTICLE 10 DE
LA LOI DU 10 JUILLET 1964 ;
QUE CES MESURES ETAIENT JUSTIFIEES PAR LES RISQUES DE TROUBLES GRAVES DE L'ORDRE
PUBLIC DONT LE PREFET DE POLICE ET LES FONCTIONNAIRES QUI RELEVENT DE SON
AUTORITE SONT LES GARANTS LEGAUX ;
QU'EN CONSEQUENCE L'INTERPELLATION DE X... PUIS LA CONTRAINTE TEMPORAIRE SUBIE
PAR LUI DANS UN CENTRE AFFECTE A CET USAGE PENDANT LES VERIFICATIONS D'IDENTITE
QUI S'AVERAIENT NECESSAIRES AYANT ETE PRATIQUEES, EN L'ESPECE, DANS LE CHAMP
D'APPLICATION DES POUVOIRS DE POLICE DU MAINTIEN DE L'ORDRE ET EN CONFORMITE AUX
REGLES EN USAGE, DONC DANS DES CONDITIONS EXCLUSIVES DE TOUTE INTENTION
COUPABLE, LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DES INFRACTIONS VISEES AU REQUISITOIRE
INTRODUCTIF NE SONT PAS REUNIS ;
" ALORS, D'UNE PART, QU'AUCUN POUVOIR DE POLICE ADMINISTRATIVE NE PERMET AU
PREFET DE POLICE OU AUX FONCTIONNAIRES QUI DEPENDENT DE LUI, D'ARRETER ET DE
DETENIR
UN
CITOYEN
FRANCAIS
;
" ET ALORS, D'AUTRE PART, QUE LE FAIT POUR UN POLICIER, MEME S'IL PRETEND AGIR EN
VUE DE MAINTENIR L'ORDRE, D'ARRETER ET DE PRIVER DE LIBERTE UN CITOYEN FRANCAIS,
CONSTITUE LE CRIME D'ATTENTAT A LA LIBERTE ;
QUE L'ELEMENT INTENTIONNEL DE CE CRIME RESULTE DE CE QUE LE POLICIER PEUT ET DOIT
CONNAITRE L'ILLEGALITE MANIFESTE D'UNE ARRESTATION ET D'UNE DETENTION,
INSUSCEPTIBLES D'ETRE JUSTIFIEES PAR UN TEXTE LEGAL, ET CONTRAIRES AUX
DISPOSITIONS AUSSI FONDAMENTALES QU'ELEMENTAIRES DE LA CONSTITUTION " ;
ATTENDU QU'UNE INFORMATION OUVERTE CONTRE X, DU CHEF D'ARRESTATION ET DE
SEQUESTRATION ARBITRAIRES, SUR PLAINTE AVEC CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE DE X...
OLIVIER, A ETE CLOSE PAR UNE ORDONNANCE DE NON-LIEU DONT LE DEMANDEUR A RELEVE
APPEL ;
ATTENDU QUE, STATUANT SUR CET APPEL, LA CHAMBRE D'ACCUSATION EXPOSE, DANS
L'ARRET ATTAQUE : 1° QUE " DIVERS GROUPEMENTS DE TENDANCES CONTRAIRES AYANT
ANNONCE QU'ILS PROCEDERAIENT, DANS LA JOURNEE DU 26 FEVRIER 1970, A DES
DEMONSTRATIONS PUBLIQUES, LE PREFET DE POLICE AVAIT ETE AMENE A INTERDIRE UNE
REUNION DU MOUVEMENT " ORDRE NOUVEAU ", PREVUE AU PALAIS DE LA MUTUALITE, AINSI
6
QUE DES MANIFESTATIONS DE RUES, AUXQUELLES " L'UNION NATIONALE DES ETUDIANTS DE
FRANCE " ET UN " COMITE NATIONAL DE GREVE DES ETUDIANTS DE PARIS ", ENTENDAIENT SE
LIVRER
;
2° QUE, POUR EVITER " D'EVENTUELS AFFRONTEMENTS PREJUDICIABLES A L'ORDRE PUBLIC,
UN IMPORTANT SERVICE D'ORDRE AVAIT ETE MIS EN PLACE, NOTAMMENT RUE SOUFFLOT,
DONT LES MEMBRES, GARDIENS DE LA PAIX OU MILITAIRES DE LA GENDARMERIE MOBILE,
AVAIENT POUR MISSION D'EVITER LE REGROUPEMENT DE NOMBREUX JEUNES GENS QUI
S'AMASSAIENT
RUE
SOUFFLOT
ET
A
SES
ABORDS
;
3° QUE, DANS LE CADRE DE CETTE MISSION, QUI AMENAIT LE SERVICE D'ORDRE A
CONTROLER L'IDENTITE DES PASSANTS, X... AVAIT ETE INTERPELLE, VERS 15 HEURES, PAR UN
POLICIER EN UNIFORME AUQUEL IL AVAIT PRESENTE UNE CARTE D'IDENTITE NATIONALE ;
4° QUE CETTE CARTE D'IDENTITE " COMPORTANT, COMME LE PRECISE L'ARRET, UNE
PHOTOGRAPHIE QUI NE PARAISSAIT PAS CORRESPONDRE AU VISAGE DE X... ", CE DERNIER
AVAIT ETE CONDUIT AU CENTRE BEAUJON " POUR EXAMEN PLUS APPROFONDI DE SA
SITUATION
;
5° QU'ENFIN, APRES QU'UN CLICHE PHOTOGRAPHIQUE EUT ETE PRIS ET QUE LES
VERIFICATIONS D'ARCHIVES ET DE DOMICILE AIENT ETE EFFECTUEES, X... AVAIT ETE
RELACHE
LE
27
FEVRIER
A
0H55
;
ATTENDU QU'EN CET ETAT, C'EST A TORT, ET PAR SUITE D'UNE ERREUR DE DROIT QU'IL
CONVIENT DE CENSURER, QUE LA CHAMBRE D'ACCUSATION A CONFIRME L'ORDONNANCE DE
NON-LIEU DU JUGE D'INSTRUCTION AUX MOTIFS QUE LES MESURES INCRIMINEES " ETAIENT
JUSTIFIEES PAR LES RISQUES DE TROUBLES GRAVES DE L'ORDRE PUBLIC DONT LE PREFET
DE POLICE ET LES FONCTIONNAIRES QUI RELEVENT DE SON AUTORITE SONT LES GARANTS
LEGAUX " ET QUE LESDITES MESURES " ETAIENT INTERVENUES DANS LE CADRE DES POUVOIRS
DE
POLICE
ADMINISTRATIVE
CONFIES
AU
PREFET
DE
POLICE
"
;
QU'EN EFFET, LES POUVOIRS DE POLICE ADMINISTRATIVE, S'ILS PERMETTENT, QUAND
DES CIRCONSTANCES PARTICULIERES L'EXIGENT, DE PROCEDER A DES VERIFICATIONS
D'IDENTITE, N'AUTORISENT PAS A RETENIR, FUT-CE PROVISOIREMENT, DES PERSONNES
QUI N'ONT COMMIS AUCUNE INFRACTION OU QUI NE SONT PAS SOUPCONNEES D'EN
AVOIR
COMMIS
;
QUE D'AUTRE PART, LA COUR NE POUVAIT, COMME ELLE L'A FAIT, ECARTER " TOUTE INTENTION
COUPABLE ", AU SEUL MOTIF DE " REGLES EN USAGE ", QUI, MEME SI ELLES EXISTAIENT, NE
POURRAIENT CONSTITUER UNE CAUSE DE JUSTIFICATION OU UNE EXCUSE QUE LA LOI NE
PREVOIT
PAS
;
MAIS ATTENDU QUE LA COUR DE CASSATION A LE POUVOIR DE SUBSTITUER UN MOTIF DE
PUR DROIT A UN MOTIF ERRONE OU INOPERANT SUR LEQUEL SE FONDE UNE DECISION
ATTAQUEE
ET
DE
JUSTIFIER
AINSI
LADITE
DECISION
;
- QUE, DANS LA PRESENTE ESPECE, ELLE EST EN MESURE DE S'ASSURER QU'APRES AVOIR ETE
REGULIEREMENT INTERPELLE EN VUE D'UN CONTROLE D'IDENTITE QUE LES CIRCONSTANCES
JUSTIFIAIENT, X... A ETE MAINTENU TEMPORAIREMENT A LA DISPOSITION DES SERVICES DE
POLICE
A
L'OCCASION
D'UNE
RECHERCHE
DE
POLICE
JUDICIAIRE
;
QU'IL SE DEDUIT EN EFFET DES CONSTATATIONS SOUVERAINES DE L'ARRET QUE LA CARTE
D'IDENTITE DETENUE PAR X..., TELLE QU'ELLE EST DECRITE PAR LA COUR, ET QUI A ETE
PRESENTEE A LA POLICE, ETAIT SUSPECTE ET QUE SA POSSESSION LAISSAIT PRESUMER QUE DES
INFRACTIONS
POUVAIENT
AVOIR
ETE
COMMISES
;
- QU'AINSI LES SERVICES DE POLICE, EN GARDANT X... A LEUR DISPOSITION DU 26 FEVRIER A 15
HEURES AU 27 FEVRIER A 0H55, SOIT PENDANT DIX HEURES, N'ONT PAS EXCEDE LES POUVOIRS
QUE LEUR CONFERAIENT LES ARTICLES 53 ET SUIVANTS DU CODE DE PROCEDURE PENALE, ET
SPECIALEMENT LES ARTICLES 61, PARAGRAPHE 2, ET 63 DUDIT CODE, LE PREMIER DISPOSANT
7
QUE " TOUTE PERSONNE DONT IL APPARAIT NECESSAIRE, AU COURS DE RECHERCHES
JUDICIAIRES, D'ETABLIR OU DE VERIFIER L'IDENTITE, DOIT, A LA DEMANDE DE L'OFFICIER DE
POLICE JUDICIAIRE OU DE L'UN DES AGENTS DE POLICE JUDICIAIRE ENUMERES A L'ARTICLE
20, SE PRETER AUX OPERATIONS QU'EXIGE CETTE MESURE ", - LE SECOND AUTORISANT
L'OFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE " A GARDER A SA DISPOSITION, POUR LES NECESSITES DE
L'ENQUETE, UNE OU PLUSIEURS DES PERSONNES VISEES AUX ARTICLES 61 ET 62 ", A LA
CONDITION DE NE PAS " LES RETENIR PLUS DE VINGT-QUATRE HEURES " ;
QU'IL S'ENSUIT, QUELQUE REGRETTABLE QUE SOIT L'ERREUR DE DROIT COMMISE PAR LA
CHAMBRE
D'ACCUSATION,
QUE
LE
MOYEN
DOIT
ETRE
REJETE
;
REJETTE LE POURVOI
N° de pourvoi : 83-94341
3 – Cour de cassation, crim.,
4 octobre 1984 , Kandé
Publié au bulletin
STATUANT SUR LE POURVOI FORME PAR : KANDE ABDOULAYE - CONTRE UN ARRET
DE LA COUR D’APPEL DE PARIS, DIXIEME CHAMBRE, EN DATE DU 21 OCTOBRE 1983, QUI
POUR INFRACTION A LA LEGISLATION SUR LES ETRANGERS, A ORDONNE SA
RECONDUITE A LA FRONTIERE AVEC EXECUTION PROVISOIRE ;
VU LE MEMOIRE PRODUIT ;
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 78-2, 78-3,
174 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, VIOLATION DES DROITS DE LA DEFENSE,
DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE ;
”EN CE QUE L’ARRET ATTAQUE A REFUSE D’ANNULER LA PROCEDURE A COMPTER DE
L’INTERPELLATION DE KANDE LE 14 OCTOBRE 1983 ;
”AUX MOTIFS QUE LA FREQUENCE DES AGRESSIONS ET DES VOLS A LA TIRE DANS
L’ENCEINTE DU METROPOLITAIN ET LA FACILITE QU’OFFRAIENT LES COULOIRS
SOUTERRAINS, SOUVENT ISOLES, POUR LES COMMETTRE, LAQUELLE AVAIT
CONDUIT LES AUTORITES A CREER DES SERVICES DE SURVEILLANCE
PARTICULIERS, JUSTIFIAIENT LE CONTROLE D’IDENTITE DE TOUTE PERSONNE, EN
CES LIEUX OU LA SECURITE DES PERSONNES ET DES BIENS ETAIT IMMEDIATEMENT
MENACEE ;
QU’AU COURS DE CE CONTROLE, KANDE AVAIT FAIT CONNAITRE SON IDENTITE, DE
TELLE SORTE QUE LES FORMALITES PREVUES PAR LES ARTICLES 78-3 ET SUIVANTS DE
LA LOI DU 10 JUIN 1983 N’ETAIENT PAS APPLICABLES ;
”ALORS QUE, D’UNE PART, LA PRETENDUE FREQUENCE DES INFRACTIONS DANS
L’ENCEINTE DU METROPOLITAIN NE PEUT PAS CONSTITUER LA “MENACE IMMEDIATE”
EXIGEE PAR LA LOI n° 83-466 DU 10 JUIN 1983 POUR AUTORISER LES CONTROLES
D’IDENTITE ;
”ALORS QUE, D’AUTRE PART, LORSQUE, A LA SUITE D’UN CONTROLE D’IDENTITE UNE
PERSONNE EST RETENUE, POUR QUELQUE CAUSE QUE CE SOIT, L’OFFICIER DE POLICE
JUDICIAIRE DOIT A PEINE DE NULLITE EXPOSER LES MOTIFS DE CE CONTROLE DANS UN
PROCES-VERBAL, LEQUEL MENTIONNE SOUS LA MEME SANCTION LES CONDITIONS
8
DANS LESQUELLES LA PERSONNE A ETE PRESENTEE DEVANT LEDIT OFFICIER,
INFORMEE DE SES DROITS ET MISE EN MESURE DE LES EXERCER ;
” VU LESDITS ARTICLES ;
ATTENDU, D’UNE PART, QU’AUX TERMES DE L’ARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE
PROCEDURE PENALE, L’IDENTITE DE TOUTE PERSONNE PEUT ETRE CONTROLEE DANS
DES LIEUX DETERMINES LA OU LA SURETE DES PERSONNES ET DES BIENS SE TROUVE
IMMEDIATEMENT MENACEE ;
ATTENDU, D’AUTRE PART, QUE TOUT JUGEMENT OU ARRET DOIT CONTENIR DES MOTIFS
PROPRES A JUSTIFIER LA DECISION ;
ATTENDU QU’IL RESULTE DE L’ARRET ATTAQUE QUE KANDE A ETE INTERPELLE, LE 14
OCTOBRE 1983 A 10 HEURES, A LA STATION STALINGRAD DU METROPOLITAIN DE PARIS
PAR DES GARDIENS DE LA PAIX AGISSANT SUR LES INSTRUCTIONS DE L’OFFICIER DE
POLICE JUDICIAIRE CHARGE DU SERVICE DE PROTECTION DE LA R. A. T. P. ;
QU’IL S’EST REVELE ETRE ETRANGER ET PORTEUR D’UN TITRE DE SEJOUR IRREGULIER ;
QU’IL A ETE AINSI POURSUIVI DEVANT LA JURIDICTION CORRECTIONNELLE POUR AVOIR
PENETRE OU SEJOURNE EN FRANCE SANS SE CONFORMER AUX DISPOSITIONS LEGALES,
DELIT PREVU ET REPRIME PAR L’ARTICLE 19 DE L’ORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945
MODIFIEE PAR LA LOI DU 29 OCTOBRE 1981 ;
ATTENDU QUE POUR REJETER LES CONCLUSIONS DU PREVENU FAISANT VALOIR
L’ILLEGALITE DU CONTROLE D’IDENTITE ET LA NULLITE DE LA PROCEDURE
SUBSEQUENTE, LA COUR D’APPEL SE BORNE A ENONCER QUE “LA FREQUENCE DES
AGRESSIONS ET DES VOLS A LA TIRE DANS L’ENCEINTE DU METROPOLITAIN ET LA
FACILITE QU’OFFRENT LES COULOIRS SOUTERRAINS SOUVENT ISOLES POUR LES
COMMETTRE, LAQUELLE A CONDUIT LES AUTORITES A CREER DES SERVICES DE
SURVEILLANCE PARTICULIERS, JUSTIFIENT LE CONTROLE D’IDENTITE DE TOUTE
PERSONNE, EN CES LIEUX OU LA SECURITE DES PERSONNES ET DES BIENS EST
IMMEDIATEMENT MENACEE” ;
QU’ELLE EN DEDUIT QUE LE CONTROLE D’IDENTITE DE KANDE A ETE EFFECTUE
CONFORMEMENT AUX DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE
PROCEDURE PENALE ;
MAIS ATTENDU QU’EN L’ETAT DE CE SEUL MOTIF D’ORDRE GENERAL ET QUI NE SE
REFERE A AUCUN ELEMENT DE LA PROCEDURE, LA COUR D’APPEL, QUI N’A PAS
PRECISE EN QUOI LA SURETE DES PERSONNES ET DES BIENS ETAIT
IMMEDIATEMENT MENACEE A LA STATION STALINGRAD LORSQUE LES SERVICES
DE POLICE ONT PROCEDE AU CONTROLE D’IDENTITE DE KANDE LE 14 OCTOBRE 1983
A 10 HEURES, N’A PAS JUSTIFIE SA DECISION AU REGARD DU TEXTE SUSVISE ;
D’OU IL SUIT QUE LA CASSATION EST ENCOURUE DE CE CHEF ;
PAR CES MOTIFS, ET SANS QU’IL Y AIT LIEU DE STATUER SUR LE SECOND MOYEN, CASSE ET
ANNULE L’ARRET SUSVISE DE LA COUR D’APPEL DE PARIS, EN DATE DU 21 OCTOBRE
1983,
Publication :Bulletin criminel 1984 N° 287
9
4 – Cour de Cassation ,
crim., 25 avril 1985,
BOGDAN et VUCKOVIC
N° de pourvoi : 84-92916
Publié au bulletin
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION PRIS
DE LA VIOLATION DE L’ARTICLE 2 DU
DECRET DU 30 JUIN 1946, “EN CE QUE
L’ARRET ATTAQUE A PLACE L’ACTION DES
GARDIENS DE LA PAIX DANS LE CADRE D’UN CONTROLE D’IDENTITE SOUMIS AUX
DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ALORS
QU’ILS AGISSAIENT DANS LE CADRE DES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 2 DU DECRET DU
30 JUIN 1946 EN DEMANDANT A VUCKOVIC DE LEUR PRESENTER LES DOCUMENTS SOUS
LE COUVERT DESQUELS IL ETAIT AUTORISE A SEJOURNER EN FRANCE” ;
SUR LE DEUXIEME MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DE L’ARTICLE 593 DU
CODE DE PROCEDURE PENALE, “EN CE QUE L’ARRET ATTAQUE N’A PAS REPONDU AUX
REQUISITIONS DU MINISTERE PUBLIC SOUTENANT QU’IL S’AGISSAIT, EN L’ESPECE, NON
PAS D’UN CONTROLE D’IDENTITE REALISE DANS LE CADRE DE L’ARTICLE 78-2 DU CODE
DE PROCEDURE PENALE MAIS D’UNE VERIFICATION DES DOCUMENTS SOUS LE
COUVERT DESQUELS UN ETRANGER EST AUTORISE A SEJOURNER EN FRANCE REALISEE
DANS LE CADRE DE L’ARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 REGLEMENTANT LES
CONDITIONS D’ENTREE ET LE SEJOUR DES ETRANGERS” ;
CES MOYENS ETANT REUNIS ;
ATTENDU QU’IL RESULTE DE L’ARRET ATTAQUE QUE VUCKOVIC A ETE INTERPELLE SUR
UN QUAI DE GARE PAR DES GARDIENS DE LA PAIX ;
QU’IL S’EST REVELE ETRE ETRANGER ET EN SEJOUR IRREGULIER SUR LE TERRITOIRE
FRANCAIS ;
QU’IL A ETE POURSUIVI DEVANT LA JURIDICTION CORRECTIONNELLE POUR INFRACTION
A LA LEGISLATION SUR LES ETRANGERS ;
ATTENDU QUE POUR ECARTER IMPLICITEMENT L’ARGUMENTATION DU REPRESENTANT
DU MINISTERE PUBLIC QUI SOUTENAIT QUE LES SERVICES DE POLICE AVAIENT PU
PROCEDER A L’INTERPELLATION DE VUCKOVIC UNIQUEMENT EN VERTU DE L’ARTICLE
1ER DU DECRET DU 18 MARS 1946 ET DE L’ARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 PRIS EN
APPLICATION DE L’ORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945, LA COUR D’APPEL RELEVE
QUE LES GARDIENS DE LA PAIX ONT EFFECTUE A L’EGARD DU PREVENU UN CONTROLE
D’IDENTITE AU TITRE DE LA POLICE ADMINISTRATIVE, TEL QUE PREVU PAR L’ARTICLE
78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ;
ATTENDU QU’EN STATUANT AINSI, LA COUR D’APPEL N’A AUCUNEMENT VIOLE LES
TEXTES VISES AU MOYEN ;
QU’EN EFFET, POUR QUE LES AGENTS DE L’AUTORITE AIENT LA FACULTE DE REQUERIR
LA PRESENTATION DES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS LES ETRANGERS
SONT AUTORISES A SEJOURNER EN FRANCE, IL FAUT QUE DES ELEMENTS OBJECTIFS
DEDUITS DE CIRCONSTANCES EXTERIEURES A LA PERSONNE MEME DE L’INTERESSE
SOIENT DE NATURE A FAIRE APPARAITRE SA QUALITE D’ETRANGER ;
10
QU’EN L’ABSENCE DE TELS ELEMENTS, LE CONTROLE D’IDENTITE DOIT ETRE
PREALABLEMENT EFFECTUE SOUS LES CONDITIONS ET DANS LES FORMES PREVUES PAR
LES ARTICLES 78-1 ET SUIVANTS DU CODE DE PROCEDURE PENALE ;
D’OU IL SUIT QUE LES MOYENS DOIVENT ETRE ECARTES ; (….)
N° de pourvoi : 92-83352
5 – Cour de Cassation, crim.
10 novembre 1992 , Bassilika
Publié au bulletin
REJET du pourvoi formé par le procureur général
près la cour d’appel de Paris, contre l’arrêt de la
chambre d’accusation de ladite Cour en date du 27 mai 1992, qui, dans la procédure suivie contre
Yvon ou Yvan Bassilika pour infractions à la législation relative aux étrangers, a prononcé la
nullité des actes de l’information, et, après avoir évoqué, a constaté qu’il ne restait rien sur quoi
instruire.
LA COUR,.
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 78-2, alinéa 2, et 593,
alinéas 1 et 2, du Code de procédure pénale, fausse application, contradiction de motifs,
défaut de réponse aux réquisitions du ministère public ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué qu’Yvon Bassilika a été interpellé le 23 décembre 1991 à
15 heures 15 aux abords de la gare de Villepinte (Seine-Saint-Denis) par des gardiens de la paix,
agissant sur les instructions permanentes de l’officier de police judiciaire, chef de la circonscription
de police urbaine ; qu’il s’est révélé être étranger et dépourvu de titre de séjour ; qu’une
information a été ouverte contre lui pour infraction à la législation relative aux étrangers sur la
base des articles 5, 16, 19 et 27 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Attendu que, saisie par le juge d’instruction en application de l’article 171 du Code de
procédure pénale, la chambre d’accusation, pour prononcer la nullité du procès-verbal,
base des poursuites, et des actes d’information subséquents, constate que pour justifier
l’interpellation de Bassilika puis le contrôle de son identité, les agents de la force
publique se sont bornés à énoncer que “circulant aux abords de la gare de Villepinte,
lieu propice aux vols à la roulotte “, ils ont remarqué “ deux individus s’exprimant en
une langue étrangère “ ;
Attendu qu’en prononçant ainsi, la chambre d’accusation, qui a répondu comme elle le
devait aux réquisitions du ministère public, loin de méconnaître le sens et la portée des
textes visés au moyen, en a fait l’exacte application ;
Qu’en effet, l’application de l’article 78-2, alinéa 2, du Code de procédure pénale est
subordonnée à la prévention “ d’une atteinte à l’ordre public “ qui soit directement
rattachable au comportement de la personne dont l’identité est contrôlée ;
Qu’il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli ;
11
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi
Publication :Bulletin criminel 1992 N° 370 p. 1024 Dalloz, 21 janvier 1993, n° 3, p. 36, note D. MAYER.
6 – Conseil constitutionnel n
° 93-323 DC du 5 août 1993
Loi relative aux contrôles et
vérifications d'identité
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu la Convention d'application de l'accord de
Schengen, signée le 19 juin 1990 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958
modifiée portant loi organique sur le Conseil
constitutionnel ;
Vu le code de procédure pénale, notamment son
article 78-2 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Considérant que les députés, auteurs de la saisine, défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative
aux contrôles et vérifications d'identité dans son ensemble en faisant valoir que l'article 1er de cette
loi méconnaîtrait différents principes et règles de valeur constitutionnelle et que les autres
dispositions de ladite loi, énoncées à ses articles 2 et 3, sont inséparables de l'article 1er ;
Considérant que l'article 1er de la loi insère dans l'article 78-2 du Code de procédure pénale un
sixième, un septième et un huitième alinéas lesquels remplacent le sixième alinéa actuellement en
vigueur ;
- SUR LE SIXIEME ALINEA DE L'ARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE :
Considérant que cet alinéa prévoit un cas supplémentaire dans lequel peuvent être engagées des
procédures de contrôle et de vérification d'identité, sur réquisitions écrites du procureur de la
République pour la recherche et la poursuite d'infractions, dans des lieux et pour une période de
temps qui doivent être précisés par ce magistrat ; qu'il indique que le fait que de tels contrôles
d'identité révèlent des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la
République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes ;
Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que cette dernière précision méconnaît la liberté
individuelle et sa protection par l'autorité judiciaire que garantit l'article 66 de la Constitution dès
lors que la prise en compte d'infractions qui ne seraient pas énoncées a priori par le procureur de
la République prive selon eux "l'autorité judiciaire de toute maîtrise effective de l'opération" ;
Considérant qu'il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, l'exercice des
libertés constitutionnellement garanties et, d'autre part, les besoins de la recherche des auteurs
d'infractions, qui sont nécessaires l'un et l'autre à la sauvegarde de droits de valeur
constitutionnelle ; qu'il incombe à l'autorité judiciaire, conformément à l'article 66 de la
Constitution, d'exercer un contrôle effectif sur le respect des conditions de forme et de fond par
lesquelles le législateur a entendu assurer cette conciliation ;
Considérant que le législateur a confié au procureur de la République, magistrat de l'ordre judiciaire,
la responsabilité de définir précisément les conditions dans lesquelles les procédures de contrôle et
de vérification d'identité qu'il prescrit doivent être effectuées ; que la circonstance que le déroulement
de ces opérations conduise les autorités de police judiciaire à relever des infractions qui n'auraient pas été
visées préalablement par ce magistrat ne saurait, eu égard aux exigences de la recherche des auteurs de telles
infractions, priver ces autorités des pouvoirs qu'elles tiennent de façon générale des dispositions du code de
procédure pénale ; que par ailleurs celles-ci demeurent soumises aux obligations qui leur incombent en
application des prescriptions de ce code, notamment à l'égard du procureur de la République ; que, dès lors,
les garanties attachées au respect de la liberté individuelle sous le contrôle de l'autorité judiciaire
ne sont pas méconnues ; qu'ainsi le grief invoqué doit être écarté ;
- SUR LE SEPTIEME ALINEA DE L'ARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE :
12
Considérant que cet alinéa reprend des dispositions déjà en vigueur en vertu desquelles un contrôle
d'identité peut être opéré, selon les mêmes modalités que dans les autres cas, pour prévenir une
atteinte à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens, en ajoutant la
précision nouvelle selon laquelle peut être contrôlée l'identité de toute personne "quel que soit son
comportement" ;
Considérant que les députés auteurs de la saisine soutiennent que cet ajout en conduisant à autoriser
des contrôles d'identité sans que soient justifiés les motifs de l'opération effectuée, porte une
atteinte excessive à la liberté individuelle en la privant de garanties légales ;
Considérant que la prévention d'atteintes à l'ordre public, notamment d'atteintes à la sécurité des
personnes ou des biens, est nécessaire à la sauvegarde de principes et de droits ayant valeur
constitutionnelle ; que toutefois la pratique de contrôles d'identité généralisés et discrétionnaires
serait incompatible avec le respect de la liberté individuelle ; que s'il est loisible au législateur de
prévoir que le contrôle d'identité d'une personne peut ne pas être lié à son comportement, il demeure que
l'autorité concernée doit justifier, dans tous les cas, des circonstances particulières établissant le risque
d'atteinte à l'ordre public qui a motivé le contrôle ; que ce n'est que sous cette réserve
d'interprétation que le législateur peut être regardé comme n'ayant pas privé de garanties légales
l'existence de libertés constitutionnellement garanties ;
Considérant qu'il appartient aux autorités administratives et judiciaires de veiller au respect intégral
de l'ensemble des conditions de forme et de fond posées par le législateur ; qu'en particulier il
incombe aux tribunaux compétents de censurer et de réprimer les illégalités qui seraient commises
et de pourvoir éventuellement à la réparation de leurs conséquences dommageables ; qu'ainsi il
revient à l'autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle de contrôler en particulier les conditions
relatives à la légalité, à la réalité et à la pertinence des raisons ayant motivé les opérations de
contrôle et de vérification d'identité ; qu'à cette fin il lui appartient d'apprécier, s'il y a lieu, le
comportement des personnes concernées ;
- SUR LE HUITIEME ALINEA DE L'ARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE :
Considérant que cette disposition autorise le contrôle de l'identité de toute personne en vue de
vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents
prévues par la loi non seulement dans des zones de desserte de transports internationaux, mais
encore dans une zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec les Etats parties à la
Convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et une ligne tracée à vingt kilomètres en deçà ; que
cette distance peut être portée jusqu'à quarante kilomètres par arrêté interministériel dans des
conditions à prévoir par décret en Conseil d'Etat ;
Considérant que l'article 3 de la loi déférée prévoit que les dispositions de cet alinéa ne prendront
effet qu'à la date d'entrée en vigueur de ladite Convention ;
Considérant que les auteurs de la saisine font valoir que les dispositions de cet alinéa imposent à la
liberté individuelle des restrictions excessives en la privant de garanties légales ; qu'elles
méconnaissent les principes d'égalité devant la loi et d'indivisibilité de la République dans la mesure où elles
imposent à certaines personnes sans justification appropriée des contraintes particulières liées à leurs
attaches avec certaines parties du territoire français ; qu'ils ajoutent qu'en reconnaissant au pouvoir
réglementaire la latitude d'accroître très sensiblement les zones concernées, le législateur a méconnu sa
propre compétence ;
Considérant que les stipulations de la Convention signée à Schengen le 19 juin 1990 suppriment les
contrôles "aux frontières intérieures" concernant les personnes sauf pour une période limitée
lorsque l'ordre public ou la sécurité nationale l'exigent ; que le législateur a estimé que par les
dispositions contestées il prenait dans le cadre de l'application de ces stipulations des mesures
nécessaires à la recherche des auteurs d'infractions et à la prévention d'atteintes à l'ordre public ;
Considérant que s'agissant, d'une part, des zones accessibles au public des ports, aéroports et gares
ferroviaires ou routières ouvertes au trafic international, d'autre part de celles qui sont comprises
entre les frontières terrestres de la France avec les Etats parties à la Convention et une ligne tracée
à 20 kilomètres en deçà, le législateur a, dès lors que certains contrôles aux frontières seraient
supprimés, autorisé des contrôles d'identité ; que ceux-ci doivent être conformes aux conditions de
forme et de fond auxquelles de telles opérations sont de manière générale soumises ; que ces contrôles sont
effectués en vue d'assurer le respect des obligations, prévues par la loi, de détention, de port et de
présentation de titres et documents ; que les zones concernées, précisément définies dans leur nature et leur
étendue, présentent des risques particuliers d'infractions et d'atteintes à l'ordre public liés à la circulation
13
internationale des personnes ; que, dès lors, la suppression de certains contrôles aux frontières qui
découlerait de la mise en vigueur des accords de Schengen pouvait conduire le législateur à
prendre les dispositions susmentionnées sans rompre l'équilibre que le respect de la Constitution
impose d'assurer entre les nécessités de l'ordre public et la sauvegarde de la liberté individuelle ;
que les contraintes supplémentaires ainsi occasionnées pour les personnes qui résident ou se
déplacent dans les zones concernées du territoire français ne portent pas atteinte au principe
d'égalité dès lors que les autres personnes sont placées dans des situations différentes au regard
des objectifs que le législateur s'est assigné ; qu'en outre de telles dispositions ne sauraient être
regardées en elles-mêmes comme portant atteinte à l'indivisibilité de la République ;
Considérant en revanche qu'en ménageant la possibilité de porter la limite de la zone frontalière
concernée au-delà de vingt kilomètres, le législateur a apporté en l'absence de justifications
appropriées tirées d'impératifs constants et particuliers de la sécurité publique et compte tenu
des moyens de contrôle dont par ailleurs l'autorité publique dispose de façon générale, des
atteintes excessives à la liberté individuelle ; que, de surcroît, le législateur a méconnu sa
compétence en déléguant au pouvoir réglementaire le soin de fixer cette extension ; que dès lors
doivent être déclarés contraires à la Constitution les mots suivants "cette ligne pouvant être portée,
dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, jusqu'à 40 kilomètres par arrêté conjoint du
ministre de l'intérieur et du ministre de la justice" et les mots "conjoint des deux ministres susvisés"
qui en sont inséparables ;
DECIDE:
Article premier. - Sont déclarés contraires à la Constitution au quatrième alinéa de l'article 1er de la loi
les mots : "cette ligne pouvant être portée, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat,
jusqu'à 40 kilomètres par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre de la justice", et
les mots "conjoint des deux ministres susvisés" ;
Article 2. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
7 – Cour de Cassation, civ.
2, 14 décembre 2000, DAKA
N° de pourvoi : 99-50089
Publié au bulletin
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’ordonnance attaquée, rendue
par un premier président (Metz, 27 octobre
1999), que M. Daka, ressortissant albanais, a été interpellé par des policiers en patrouille
dont l’attention avait été attirée par un groupe d’individus ne s’exprimant pas en
français ; qu’étant en situation irrégulière sur le territoire français, il a fait l’objet d’un
arrêté de reconduite à la frontière et de maintien en rétention pris par le préfet de la
Moselle ; qu’un juge délégué a ordonné la prolongation de cette mesure ;
Attendu que le préfet de la Moselle fait grief à l’ordonnance d’avoir annulé le contrôle
d’identité et ordonné la levée de la mesure de rétention, alors, selon le moyen, que c’est
l’éclat des voix d’un groupe d’individus s’exprimant en langue étrangère sur la voie publique qui a
attiré l’attention des policiers et que le fait de converser en groupe, qui relève d’un comportement
volontaire, décidé ou accepté, doit être considéré comme un élément objectif et extérieur à la
personne physique permettant de présumer la qualité d’étranger, quand bien même cet élément
n’atteste pas la nationalité, et d’effectuer régulièrement, en application de l’article 8 de
l’ordonnance du 2 novembre 1945, et conformément aux principes et règles de valeur
constitutionnelle, sans qu’il y ait discrimination, la vérification des documents détenus
par M. Daka ;
Mais attendu que l’ordonnance retient à bon droit que pour que les agents de l’autorité aient
la faculté de requérir la présentation des documents sous le couvert desquels les étrangers
sont autorisés à séjourner en France, sans qu’il soit préalablement procédé à un contrôle
d’identité dans les conditions déterminées par les articles 78-1 et suivants du Code de
procédure pénale, il faut que des éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la
14
personne même de l’intéressé soient de nature à faire apparaître sa qualité d’étranger ; que le fait
de s’exprimer dans une langue étrangère ne constitue pas un élément objectif déduit
des circonstances extérieures à la personne susceptible de présumer la qualité
d’étranger ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.
N° de pourvoi : 02-81008
8 – Cour de Cassation, crim.,
15 janvier 2003
X... Ibrahima
Statuant sur le pourvoi formé par :
contre l’arrêt de la cour d’appel de LYON, 4ème
chambre, en date du 18 décembre 2001, qui,
pour entrée ou séjour irrégulier d’un
étranger en France, faux et usage de faux document délivré par une administration
publique, l’a condamné à 9 mois d’emprisonnement et 10 ans d’interdiction du territoire
français ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 78-2, 593 du Code de
procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
”en ce que l’arrêt attaqué a rejeté l’exception de nullité du contrôle d’identité ;
”aux motifs que le procès-verbal de saisine et d’interpellation du 4 janvier 1999 vise l’article
78-2, alinéa 3, du Code de procédure pénale et mentionne que les fonctionnaires de police,
en procédant en gare de Bellegarde-sur-Valserine (Ain), ont procédé au contrôle
d’identité d’un voyageur descendant d’un train en provenance d’Evian (Haute-Savoie) ;
que, même si cette gare ne figure pas sur la liste fixée par l’arrêté du 23 mars 1995
désignant les lieux ouverts au trafic international, elle constitue le premier lieu de transit
ferroviaire important entre la Suisse et la France ; que les services de police procèdent
dans le périmètre considéré à de nombreuses interpellations quasi quotidiennes pour
des faits d’entrée ou séjour irréguliers en France, et à de nombreuses autres infractions,
“qu’ainsi le procès-verbal se réfère à une situation pérenne loin d’être abstraite mais
objectivement constatée, relatant des infractions nombreuses et précises qui se sont
réalisées dans le périmètre restreint du contrôle, opéré en l’occurrence sur le quai n° 1 de
la gare à l’égard d’un voyageur descendant d’un train en provenance d’une ville
frontalière, et justifie parfaitement des circonstances particulières établissant le risque
sérieux et actuel d’une atteinte à l’ordre public qui a motivé ledit contrôle...” ;
”alors qu’aux termes de l’article 78-2, alinéa 3, du Code de procédure pénale, l’identité de
toute personne ne saurait être contrôlée que pour prévenir une atteinte à l’ordre public,
notamment à la sécurité des personnes et des biens ; que l’arrêt attaqué, qui, pour rejeter
l’exception de nullité du contrôle d’identité soulevée par le prévenu ayant fait l’objet d’un
contrôle d’identité dans une gare à la descente du train, se réfère de manière abstraite à la
situation géographique de cette gare, à de nombreuses infractions commises dans le
“périmètre restreint du contrôle” et à une situation “pérenne”, sans préciser en quoi la
sûreté des personnes et des biens était immédiatement menacée lors du contrôle, a privé
sa décision de base légale” ;
15
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué qu’Ibrahima X... a été interpellé, le 4 janvier 1999, vers 8
heures, à la gare de Bellegarde-sur-Valserine, par des fonctionnaires de la DDCILEC de l’Ain ;
que, pour justifier le contrôle d’identité de l’intéressé, les policiers énoncent dans leur
procès-verbal, que “la position géographique particulière de la gare” susvisée, “première
gare française sur le trajet Genève-Paris et gare de correspondance pour les voyageurs en
provenance des lignes longeant la frontière franco-suisse” fait d’elle un “pôle d’attraction
pour les individus ayant franchi clandestinement la frontière terrestre franco-suisse et
désirant emprunter les transports ferroviaires à destination de Paris et de Lyon” ;
qu’ainsi, “de nombreuses procédures” ont été établies par leur service “au cours des
années précédentes, à un rythme pluri-hebdomadaire, pour des faits d’entrées ou de
séjours irréguliers en France constatés sur des voyageurs en correspondance ou en
partance sur les grandes lignes” ; qu’ils ajoutent avoir procédé “au contrôle d’identité
d’un voyageur descendant du train en provenance d’Evian” ; qu’enfin, à l’issue de ce
contrôle, l’intéressé, qui a déclaré spontanément être de nationalité comorienne, a été
interpellé pour entrée ou séjour irrégulier en France, faute d’avoir été en mesure de
présenter les pièces ou documents exigés ;
Attendu que, pour confirmer le jugement ayant rejeté l’exception de nullité du contrôle
d’identité, la cour d’appel, après avoir rappelé les interpellations quasi-quotidiennes pratiquées
pour des faits, non seulement d’entrée ou de séjour irrégulier en France mais aussi d’aide au séjour
irrégulier, voire de trafics de stupéfiants, d’objets de valeur ou de faux documents administratifs
organisés par des ressortissants français ou étrangers profitant de l’ “intérêt stratégique” des lieux
et ajouté que l’importance du trafic ferroviaire permet à “des individus arrivés clandestinement en
France de passer inaperçus dans le flot des voyageurs en correspondance, y compris et surtout un
4 janvier à 8 heures”, retient que le procès-verbal se réfère ainsi à “une situation pérenne,
loin d’être abstraite mais objectivement constatée, relatant des infractions nombreuses
et précises... réalisées dans le périmètre restreint du contrôle, opéré en l’occurrence sur
le quai n° 1 de la gare à l’égard d’un voyageur descendant d’un train en provenance
d’une ville frontalière, et justifie parfaitement des circonstances particulières
établissant le risque sérieux et actuel d’une atteinte à l’ordre public” ayant motivé ledit
contrôle ;
Attendu qu’en cet état, la cour d’appel a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ; (…)
REJETTE le pourvoi ;
16
9. Nicolas Hervieu et
Serge Slama, « QPC: la
Cour de Luxembourg
allume le calumet de la
paix et explose les
contrôles de la bande
“Schengen” (CJUE, 22 juin
2010, A. Melki et S.
Abdeli) », CPDH 23 juin
2010
Validation sous réserves du mécanisme de la
QPC et non-conformité des contrôles de la
bande des 20 km Schengen
Dans un arrêt de grande chambre très attendu,
rendu en procédure accélérée, la Cour de justice
répond aux deux questions préjudicielles de la
Cour de cassation (Cass., QPC 16 avr. 2010,
MM. Melki et Abdeli, n° 10-40002, Actualités
droits-libertés du 23 avril 2010 et CPDH 22 avril
2010) et tranche ainsi, si ce n’est une « guerre des
juges », au moins d’importantes querelles
doctrinales
et
médiatiques.
Le
juge
luxembourgeois valide la conformité au droit
communautaire de la question prioritaire de
constitutionnalité (QPC) et ce, semble-t-il, en
tenant compte des décisions rendues depuis la
saisine préjudicielle par le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État. Par ailleurs, autre
apport non négligeable mais quelque peu occulté par les débats sur la QPC, il estime
contraire à l’article 67§2 TFUE et aux articles 20 et 21 du règlement n° 562/2006, intitulé «
Franchissement des frontières intérieures » (ou Code frontières Schengen) les contrôles
d’identité de la « bande des 20 km Schengen » prévus à l’article 78-2 alinéa 4 du Code de
procédure pénale. Dépassant le strict cadre franco-français de cette controverse, les enjeux
de cette affaire ont amené l’intervention de plusieurs gouvernements d’États membres.
Rappelons qu’en l’espèce deux Algériens en situation irrégulière ont été contrôlés par la
police à la frontière franco-belge, en application de l’article 78-2 alinéa 4 code de procédure
pénale. Faisant l’objet le 23 mars 2010 d’une reconduite à la frontière et d’un placement en
rétention, ils ont déposé devant le juge des libertés et de la détention une question de
constitutionnalité. Ils estimaient qu’une violation du principe de libre circulation garanti
par l’article 67§ 2 TFUE constituerait, par ricochet, une violation de l’article 88-1 de la
Constitution qui consacre la participation de la France à l’Union européenne. La Cour de
cassation estimait que l’article 62 de la Constitution l’empêcherait de poser une question
préjudicielle à la CJUE après que le Conseil constitutionnel se soit prononcé sur une QPC
transmise auparavant au sujet d’une même disposition législative. En conséquence, et en
l’espèce, la Cour avait posé ces deux questions préjudicielles au lieu de transmettre la QPC
au Conseil constitutionnel.
Après avoir déclaré recevables ces deux questions, compte tenu de la « présomption de
pertinence » dont elles sont revêtues et alors même que les deux requérants ont été libérés
(§§25-26), la Cour estime :
1°/- Sur la conformité du caractère prioritaire de la question de constitutionnalité au
regard du droit communautaire (…)
17
La Cour de justice de l’Union européenne
2°/- Sur la « bande des 20 km Schengen »
Sans refuser le principe même des contrôles, la Cour de Luxembourg estime ce
dispositif contraire au droit communautaire car l’article 67, paragraphe 2, TFUE ainsi que les
articles 20 et 21 du règlement n° 562/2006 (« code frontière Schengen )» « s’opposent à une
législation nationale conférant aux autorités de police de l’État membre concerné la
compétence de contrôler, uniquement dans une zone de 20 kilomètres à partir de la frontière
terrestre de cet État avec les États parties à la Convention d’application des accords de
Schengen, l’identité de toute personne, indépendamment du comportement de celle-ci et de
circonstances particulières établissant un risque d’atteinte à l’ordre public ».
En effet, l’article 78-2 alinéa 4, qui autorise des contrôles « indépendamment du comportement de
la personne concernée et de circonstances particulières établissant un risque d’atteinte à l’ordre
public », ne contient, aux yeux de la Cour et en écho à la décision du Conseil constitutionnel
du 5 août 1993, « ni précisions ni limitations de la compétence ainsi accordée, notamment
relatives à l’intensité et à la fréquence des contrôles pouvant être effectués sur cette base
juridique ». Or, de telles carences conduit la CJUE à relever que ces contrôles présentent un
effet équivalent à celui des vérifications aux frontières prohibées par l’article 21 a), du « Code
frontière Schengen » (§ 73). Par ailleurs, si le fait que les contrôles concernent une zone
frontalière ne suffit pas à étayer en soi la qualification de ceux-ci en de telles vérifications aux
frontières prohibées, les « règles particulières relatives [au] champ d’application territorial » des
contrôles des contrôles à bord d’un train effectuant une liaison internationale et sur les
autoroutes viennent, elles, conforter une telle qualification (§ 72). La Cour indique donc que
pour satisfaire aux exigences des articles 20 et 21 du CFS « interprétés à la lumière de
l’exigence de sécurité juridique », l’article 78-2 al. 4 « doit prévoir l’encadrement nécessaire
de la compétence conférée à ces autorités afin, notamment, de guider le pouvoir
d’appréciation dont disposent ces dernières dans l’application pratique de ladite
compétence ». Cette décision ouvre ainsi la voie à la contestation de nombreuses procédures
initiées à la suite d’interpellations dans la bande des 20 km sur le fondement de l’article 78-2
alinéa 4.
La zone Schengen
CJUE, 22 juin 2010, C-188/10 et C-189/10, Aziz Melki et Sélim Abdeli
18
Actualités droits-libertés du 22 juin 2010 par Serge SLAMA et Nicolas HERVIEU
N° de pourvoi: 09-70462
Publié au bulletin Rejet
ère
10. Cour de cassation, 1
civ. 23 février 2011, M. X...
X...,
M. Pluyette (conseiller doyen faisant fonction
de président), président
SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat(s)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen relevé d'office après avertissement donné aux parties :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel
(Montpellier, 4 septembre 2009) et les pièces de la procédure, que M. X... X..., de
nationalité colombienne, en situation irrégulière en France, a été interpellé en gare de
Cerbère dans le train en provenance de Montpellier et à destination de Barcelone
(Espagne) sur le fondement de l'article 78-2, alinéa 4, du code de procédure pénale ; qu'il a
fait l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière et de placement en rétention
administrative ; qu'un juge des libertés et de la détention a prolongé cette rétention ; que
le préfet des Pyrénées-Orientales fait grief à l'ordonnance d'avoir infirmé cette décision et
dit n'y avoir lieu à prolonger la rétention ;
Attendu que, par arrêt du 22 juin 2010, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour
droit que l'article 67 paragraphe 2 du TFUE et les articles 20 et 21 du règlement (CE) n°
562/ 2006, du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code
communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code
frontières Schengen), s'opposent à une législation nationale conférant aux autorités de
police de l'État membre concerné la compétence de contrôler, uniquement dans une zone
de vingt kilomètres à partir de la frontière terrestre de cet État avec les parties à la
convention d'application de l'accord de Schengen, du 14 juin 1985, entre les
gouvernements des États de l'Union économique Benelux, de la République fédérale
d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles
aux frontières communes, signé à Schengen (Luxembourg) le 19 juin 1990, l'identité de
toute personne, indépendamment du comportement de celle-ci et des circonstances
particulières établissant un risque d'atteinte à l'ordre public, en vue de vérifier le
respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents
prévus par la loi, sans prévoir l'encadrement nécessaire de cette compétence
garantissant que l'exercice pratique de ladite compétence ne puisse pas revêtir un effet
équivalent à celui des vérifications aux frontières ;
Attendu que l'article 78-2, alinéa 4, du code de procédure pénale n'étant assorti d'aucune
disposition offrant une telle garantie, les contrôles opérés sur le fondement de ce texte
19
sont irréguliers ; que par ce motif de pur droit, substitué à celui critiqué, la décision se
trouve légalement justifiée ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le
président en son audience publique du vingt-trois février deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour le préfet
des Pyrénées-Orientales
IL EST FAIT GRIEF à l'ordonnance attaquée d'avoir infirmé l'ordonnance entreprise, et,
statuant à nouveau, annulé la procédure et ordonné la remise en liberté de Monsieur X...
X...,
AUX MOTIFS QU'« il convient de ne statuer que sur le moyen tiré de la violation de l'article
78-2 alinéa 3 du Code de procédure pénale (et non pas alinéa 8 comme mentionné par
erreur) tel que celui-ci appert du mémoire de l'appelant annexé au dossier ; que l'article
précité prévoit le contrôle d'identité à bord d'un train effectuant une liaison internationale
sur la portion du trajet entre la frontière et le premier arrêt qui se situe au-delà des vingt
kilomètres de la frontière ; que l'arrêté du 26 avril 2006 désignant les arrêts sur les liaisons
ferroviaires internationales pouvant donner lieu à l'application de l'article 78-2 du Code
de procédure pénale précise expressément que, pour les liaisons franco-espagnoles
empruntant la ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Hérault), le
premier arrêt se situe en gare de Montpellier ; que cet arrêté vise explicitement la ligne
ferroviaire uniquement dans le sens Port-Bou/ Montpellier ; que, par ailleurs, l'article
précité précise que le contrôle peut être opéré entre le premier arrêt qui se situe audelà
des vingt kilomètres de la frontière ; qu'il est évident que ces textes ont été promulgués
pour permettre d'effectuer des contrôles frontaliers, par dérogation aux accords de
Schengen ; que, partant, il est logique de considérer que ne sont concernées que les
personnes qui entrent sur le territoire français, et non celles qui en sortent ; qu'enfin, il
n'est pas inutile de rappeler que ces textes sont d'application stricte et qu'il en résulte que
les contrôles de police prévus par l'article 78-2 du Code de procédure pénale ne peuvent
s'opérer sur la ligne ferroviaire internationale que pour le train circulant dans le sens PortBou/ Montpellier ; qu'au cas particulier, le contrôle ayant été opéré en gare de Cerbere
(66) dans un train circulant de France vers l'Espagne, il est évident que l'intéressé
s'apprêtait à quitter le territoire national, et que son interpellation est irrégulière ; ce qui
entraîne la nullité de la procédure, sans qu'il soit nécessaire d'examiner d'autres moyens ;
»
ALORS QUE les articles 78-2 alinéa 3 du Code de procédure pénale (issu de la loi n° 2006-64
du 23 janvier 2006) et 1er-3° de l'arrêté du 26 avril 2006 étendant la possibilité de procéder
à un contrôle d'identité à bord des trains internationaux ne comportent aucune restriction
d'application relative au sens de circulation des trains, et ne mentionnent, pour le
premier, qu'une zone géographique autour de la frontière, et, pour le second, les deux
terminus de la ligne (« ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Héraut,
34) : gare de Perpignan (Pyrénées-Orientales, 66) ») ; que la Cour d'appel, qui a estimé que
20
l'arrêté du 26 avril 2006 n'ouvrait la possibilité de contrôles sur la ligne ferroviaire
concernée que dans le sens PORT-BOU/ MONTPELLIER, a méconnu les textes précités
en leur ajoutant une condition qu'ils ne comportaient pas.
11. Olivier Bachelet,
« Confirmation de
l’illégalité des contrôles de
la bande des 20 km
“Schengen” jusqu’à… la
LOPPSI 2 (Cass, 1ère civ.,
23 février 2011) », CPDH
03 mars 2011
Neutralisation
des
contrôles
d’identité
« Schengen » par le droit de l’Union
européenne
par
C’est en procédure
pénale que le « psychodrame » relatif au caractère prioritaire de la QPC vient de connaître l’un
de ses derniers soubresauts, la première chambre civile de la Cour de cassation venant de
juger irréguliers les contrôles d’identité dits « Schengen » en ce qu’ils heurtent le droit de
l’Union. L’on sait, en effet, que, dans un arrêt du 16 avril 2010, la Cour de cassation avait
adressé à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle portant sur la
compatibilité au droit de l’Union, non seulement de la procédure de QPC, mais aussi de
l’article 78-2, alinéa 4, du Code de procédure pénale relatif auxdits contrôles « Schengen »
(Cass., QPC, 16 avril 2010, n° 10-40.002, Abdeli et Melki – ADL du 23 avril 2010). Selon ce texte,
adopté à la suite de l’entrée en vigueur de la Convention d’application de l’accord de
Schengen du 19 juin 1990 ayant mis en place un espace de libre circulation sans « frontières
intérieures » aux Etats qui y sont parties, l’identité de « toute personne » peut être contrôlée
dans certaines zones en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et
de présentation des titres et documents prévus par la loi. Sauf hypothèses particulières, ces
espaces sont constitués, d’une part, par la zone comprise entre la frontière terrestre de la
France avec les États-parties à la Convention et une ligne tracée vingt kilomètres en deçà et,
d’autre part, par les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou
routières ouverts au trafic international désignés par un arrêté ministériel du 23 avril 2003.
Dans son arrêt du 22 juin 2010, la Cour de justice a considéré que cette disposition, pour ce
qui concerne les contrôles intervenant dans la zone « des vingt kilomètres », est contraire
au principe de libre circulation des personnes tel qu’énoncé notamment par l’article 67, § 2,
du TFUE. En effet, selon elle, de tels contrôles systématiques d’identité entravent, de manière
non nécessaire et disproportionnée, la liberté de circuler en ce qu’ils peuvent être mis en
œuvre sans qu’il soit nécessaire de démontrer l’existence d’éléments de soupçon de
commission d’une infraction – hypothèse du contrôle de police judiciaire –, ni de
21
circonstances particulières établissant un risque de trouble à l’ordre
public – hypothèse du contrôle de police administrative – (CJUE, 22
juin 2010, C-188/10 et C-189/10, Aziz Melki et Sélim Abdeli – ADL du
22 juin 2010). De la sorte, la Cour de Luxembourg rappelait que
toute entrave à la liberté de circulation des personnes doit
nécessairement être justifiée au regard de la réserve d’ordre public,
sauf à méconnaître le droit de l’Union (voir, par exemple : CJCE, 4
décembre 1974, Van Duyn, n° 41/74). À la suite de cet arrêt, le principe de primauté du droit
de l’Union imposait une modification des pratiques françaises (voir, pour une première
ordonnance de remise en liberté émanant d’un JLD: TGI Lille, 24 juin 2010, M. S. – CPDH du
25 juin 2010). C’est précisément ce qu’a indiqué l’assemblée plénière de la Cour de cassation,
dans son arrêt du 29 juin 2010 (Cass. ass. plén., 29 juin 2010, n° 10-40.002 – ADL du 2 juillet
2010), en affirmant que « dès lors que l’article 78-2, alinéa 4, du Code de procédure pénale n’est
assorti d’aucune disposition offrant une […] garantie [de nature à préserver la liberté de circulation],
il appartient au juge des libertés et de la détention d’en tirer les conséquences au regard de la
régularité de la procédure dont il a été saisi ».
Dans un arrêt du 23 février 2011, la première Chambre civile de la Cour de cassation
applique cette solution (Cass. civ. 1ère, 23 février 2011, n° 09-70.462). En l’espèce, une
personne de nationalité colombienne, en situation irrégulière en France, avait été
interpellée dans la zone « des vingt kilomètres » de la frontière franco-espagnole et avait
fait l’objet d’une mesure de reconduite à la frontière et de placement en rétention
administrative. Le premier président de la Cour d’appel de Montpellier avait, néanmoins,
infirmé l’ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant prolongé cette rétention. Se
fondant sur l’arrêt Melki et Abdeli, la Haute juridiction affirme que « l‘article 78-2, alinéa 4,
du Code de procédure pénale n’étant assorti d’aucune disposition offrant [la garantie que
l’exercice pratique de tels contrôles ne puisse pas revêtir un effet équivalent à celui des
vérifications aux frontières], les contrôles opérés sur le fondement de ce texte sont
irréguliers » et rejette donc le pourvoi formé par le préfet.
Une telle solution, qui consiste à faire une application immédiate des exigences issues de la
jurisprudence de la Cour de justice contraste singulièrement avec le report, au 1er juillet
2011, des effets de la déclaration d’inconventionnalité des dispositions du Code de procédure
pénale relative à la garde à vue décidé par la Chambre criminelle de la Cour de cassation
(Cass. crim., 19 octobre 2010, n° 10-82.902 ; n° 10-82.306 et n°10-82.051 – ADL du 19 octobre
2010). En pratique, les enquêteurs se trouvent donc dans la situation pour le moins
paradoxale de devoir faire une application différenciée du droit européen selon le type
d’acte d’investigation entrepris, ce qui n’est pas pour faciliter la compréhension par ceux-ci
de la force obligatoire des normes européennes … Quoi qu’il en soit, la solution dégagée
dans l’arrêt du 23 février 2011, si elle apparaît satisfaisante dans la perspective d’un
encadrement effectif des atteintes à la liberté de circulation, demeure parcellaire puisqu’elle
ne concerne que les contrôles pratiqués dans la zone « des vingt kilomètres ». Qu’en est-il
alors des contrôles menés dans les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares
ferroviaires ou routières ouverts au trafic international désignés par l’arrêté ministériel du
23 avril 2003 ? Sur ce point, il convient de souligner que, dans son arrêt du 22 juin 2010, la
Cour de justice ne s’est prononcée qu’à propos de la zone « des vingt kilomètres », tout en
reproduisant l’intégralité de l’alinéa 4 de l’article 78-2 du Code de procédure pénale. A
contrario, l’on pourrait donc raisonnablement en déduire la conformité au droit de l’Union
des contrôles d’identité menés dans les autres zones. Malgré tout, plusieurs juridictions du
fond se sont prononcées en faveur d’une application générale de la jurisprudence Melki et
Abdeli. Ainsi, le 10 septembre 2010, la Cour d’appel de Douai (ord. n° 10/00441) a ordonné la
22
libération immédiate d’un étranger interpellé en situation irrégulière en assimilant les
contrôles pratiqués dans les gares ouvertes au trafic international à ceux de « la bande des
vingt kilomètres ».
Le salut devrait finalement venir du Parlement puisque le projet de loi d’orientation et de
programmation pour la performance de la sécurité intérieure (« LOPPSI 2 »), qui a fait l’objet
d’une saisine du Conseil constitutionnel le 15 février dernier, prévoit dans son article 69 de
limiter à six heures consécutives la durée des opérations de contrôle d’identité lesquelles
ne devront en aucun cas être systématiques. Or, ces modifications concerneront aussi bien
les contrôles d’identité dans « la bande des vingt kilomètres » que ceux opérés dans les
ports, aéroports et gares ouverts au trafic international et visés par l’arrêté. Dans l’attente
de l’entrée en vigueur de ce texte, la pratique des contrôles systématiques aux frontières
devrait cesser, en tout cas sur le fondement de l’article 78-2, alinéa 4, du Code de procédure
pénale. En effet, aujourd’hui encore, de tels contrôles systématiques demeurent opérés sur
un autre fondement, celui de l’alinéa 2 du même texte. L’astuce, dénoncée par la Cimade,
consiste pour le parquet à multiplier les réquisitions aux fins d’accomplissement de
contrôles d’identité dans un objectif supposé de lutte contre le terrorisme ou le trafic de
stupéfiants qui, mises bout à bout, permettent de réintroduire la pratique des contrôles
systématiques. Malgré tout, cette stratégie de contournement du droit européen, devrait être
censurée par la Cour de cassation qui, dans des circonstances similaires, n’a pas hésité à
évoquer le « caractère manifestement déloyal » d’une telle pratique (Cass. crim., 3 février
2010, n° 08-21.419), s’inspirant en cela de la position de la Cour européenne des droits de
l’Homme (Cour EDH, 12 janvier 2010, Gillan et Quinton c. Royaume-Uni, req. n° 4158/05 :
arrêt qui constate une violation de l’article 8 de la Convention en ce que, notamment, les
opérations de « stop and search » sont illimitées dans le temps – ADL du 13 janvier 2010. V.
catégorie CPDH “contrôle d’identité”).
La gare internationale de Cerbères, à la
frontière franco-espagnole, où la requérante a été irrégulièrement interpellée compte tenu de
l’impossibilité depuis l’arrêt Melki et Abdeli de la CJUE du 22 juin 2010 de réaliser des contrôles dans
la bande des 20 kms fondés sur l’article 78-2 al. 4 du Code de procédure pénale car il est contraire au
droit de l’Union européenne.
23
Cour de cassation, première chambre civile, 23 février 2011, n° 09-70.462 - Actualités DroitsLibertés du 1er mars 2011 par Olivier BACHELET (CREDHO - Paris Sud)
24
Dans une zone comprise entre la frontière
terrestre de la France avec les Etats parties à
la convention signée à Schengen le 19 juin
1990 et une ligne tracée à 20 kilomètres en
deçà, (Dispositions déclarées non conformes
à la Constitution par décision du Conseil
constitutionnel n° 93-323 DC du 5 août 1993)
ainsi que dans les zones accessibles au public
des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international et
désignés par arrêté, pour la prévention et la recherche des infractions liées à la criminalité
transfrontalière, (Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par décision du
Conseil constitutionnel n° 93-323 DC du 5 août 1993) l'identité de toute personne peut
également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, en vue de vérifier
le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents
prévues par la loi. Lorsque ce contrôle a lieu à bord d'un train effectuant une liaison
internationale, il peut être opéré sur la portion du trajet entre la frontière et le premier
arrêt qui se situe au-delà des vingt kilomètres de la frontière. Toutefois, sur celles des
lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et présentant des caractéristiques
particulières de desserte, le contrôle peut également être opéré entre cet arrêt et un arrêt
situé dans la limite des cinquante kilomètres suivants. Ces lignes et ces arrêts sont
désignés par arrêté ministériel (1). Lorsqu'il existe une section autoroutière démarrant
dans la zone mentionnée à la première phrase du présent alinéa (1) et que le premier
péage autoroutier se situe au-delà de la ligne des 20 kilomètres, le contrôle peut en outre
avoir lieu jusqu'à ce premier péage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de
ce péage et les aires de stationnement attenantes. Les péages concernés par cette
disposition sont désignés par arrêté. Le fait que le contrôle d'identité révèle une infraction
autre que celle de non-respect des obligations susvisées ne constitue pas une cause de
nullité des procédures incidentes. Pour l'application du présent alinéa, le contrôle des
obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la
loi ne peut être pratiqué que pour une durée n'excédant pas six heures consécutives
dans un même lieu et ne peut consister en un contrôle systématique des personnes
présentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionnés au même alinéa. »
12. Article 78-2 CPP
Modifié par LOI n
°2011-267 du 14 mars 2011
- art. 69 (LOPPSI 2)
25
P O U R
A P P R O F O N D I R
Synthèse
Les citoyens français d’origine immigrée, et en
Fabien JOBARD ET René
particulier ceux d’origine nord-africaine et
LEVY, Police et minorités
subsaharienne, se plaignent depuis longtemps
visibles: les contrôles
de ce que les fonctionnaires de police les
d’identité à Paris, Open
soumettent à des contrôles d’identité injustes,
society Justice initiative,
discriminatoires et dépourvus de nécessité. Si
2009
ces perceptions étaient avérées, cela signifierait
que les fonctionnaires de police fondent leurs
décisions sur la couleur de la peau des
personnes, plutôt que sur leur comportement.
En 2007, la Open Society Justice Initiative a lancé une étude pour examiner si, et dans
quelle mesure, les policiers contrôlent les individus en fonction de leur apparence. Cette
étude a été réalisée en collaboration avec Fabien Jobard et René Lévy, chercheurs au Centre
National de la Recherche Scientifique, et sous la supervision technique de Lamberth
Consulting.
En examinant cinq sites parisiens (dans et autour de la Gare du Nord et de la station
Châtelet-Les Halles), importants points de transit du centre de Paris où l’on observe une
forte activité policière, l’étude a recueilli des données sur les contrôles de police, au premier
rang desquelles des données sur l’apparence des personnes contrôlées (origine, âge, sexe,
style vestimentaire, types de sacs portés). Cette étude, qui présente des données uniques
sur plus de 500 contrôles de police, est la seule menée à ce jour propre à détecter le
contrôle à faciès en France.
L’étude a utilisé une méthodologie fondée sur la comparaison systématique entre les
personnes contrôlées et la population disponible sur les sites en question durant les
mêmes tranches horaires. Tant les données de référence (le benchmark) que celles sur les
contrôles ont étés classées en fonction de l’origine perçue, de l’âge, des vêtements, et du type
de sac porté. En observant les contrôles d’identité, les observateurs ont également relevé le
déroulement et l’issue des contrôles, et, lorsque c’était possible, ont procédé à une brève
entrevue avec la personne contrôlée pour savoir à quelle fréquence elle disait faire
l’expérience des contrôles de police, quel jugement elle portait sur le comportement des
policiers pendant le contrôle, quelle réaction émotionnelle le fait d’être contrôlée entraînait
chez elle.
L’étude a confirmé que les contrôles d’identité effectués par les policiers se fondent
principalement sur l’apparence : non pas sur ce que les gens font, mais sur ce qu’ils sont, ou
paraissent être. Les résultats montrent que les personnes perçues comme « Noires »
(d’origine subsaharienne ou antillaise) et les personnes perçues comme « Arabes »
(originaires du Maghreb ou du Machrek) ont étés contrôlées de manière disproportionnée
par rapport aux personnes perçues comme « Blanches ». Selon les sites d’observation, les
Noirs couraient entre 3,3 et 11,5 fois plus de risques que les Blancs d’être contrôlés au
regard de la part de ces deux groupes dans la population disponible à être contrôlée par la
police (ou la douane). Les Arabes ont été généralement plus de sept fois plus susceptibles
que les Blancs à être contrôlés ; globalement, ils couraient quant à eux entre 1,8 et 14,8 fois
26
plus de risques que les Blancs d’être contrôlés par la police (ou la douane) sur les sites
retenus, également au regard de la composition de la population disponible. Les entretiens
de suivi réalisés avec les personnes qui venaient d’être contrôlées donnent à penser que les
Noirs comme les Arabes subissent d’ordinaire davantage de contrôles de police que les
Blancs.
Un autre facteur déterminant a été le style de vêtements portés par les personnes
contrôlées. Bien que les personnes portant des vêtements aujourd’hui associés à différentes «
cultures jeunes » françaises (« hip-hop, » « tecktonic, » « punk » ou « gothique », etc.) ne
forment que 10% de la population disponible, elles constituent jusque 47% de ceux qui ont
été effectivement contrôlés. Il ressort de notre étude que l’apparence vestimentaire des
jeunes est aussi prédictive du contrôle d’identité que l’apparence raciale. L’étude montre une
forte relation entre le fait d’être contrôlé par la police, l’origine apparente de la personne
contrôlée et le style de vêtements portés : deux tiers des individus habillés « jeunes » relèvent
de minorités visibles. Aussi, il est probable que les policiers considèrent le fait
d’appartenir à une minorité visible et de porter des vêtements typiquement jeunes comme
étroitement liés à une propension à commettre des infractions ou des crimes, appelant
ainsi un contrôle d’identité.
Alors qu’en règle générale, les personnes interrogées ont qualifié de « poli » et de « neutre »
le comportement des fonctionnaires qui les avaient contrôlées, et ce quelles que soient les
origines supposées, à la question de savoir quel effet ce contrôle avait produit sur les
intéressés, les Noirs et les Arabes interrogés ont exprimé des impressions fortement
négatives au regard de celles exprimées par les Blancs, contraste dont la cause possible est
la plus grande fréquence à laquelle les membres des minorités visibles disent être contrôlés.
En l’absence de stratégies policières légitimes qui expliqueraient ces contrôles d’identité
autrement que par l’apparence des intéressés, les différentes forces de police pratiquent ce
que l’on appelle couramment en France le contrôle au faciès (ou, au plan européen, «
profilage racial »). Ceci est en contradiction avec la législation nationale française antidiscrimination et le Code de déontologie de la police. Il contredit aussi les normes
européennes sur les droits de l’Homme, qui interdisent les distinctions fondées sur
l’apparence si elles sont dépourvues de justification objective et raisonnable. Les éléments
recueillis dans des études émanant d’Europe et des États-Unis suggèrent que les pratiques de
contrôle au faciès ne remplissent pas ce double critère, car leurs effets négatifs l’emportent
largement sur leurs avantages.
En visant certaines personnes à cause de ce qu’elles sont (ou ont l’air d’être) et non à cause
de ce qu’elles ont fait ou font, les policiers perpétuent des stéréotypes sociaux et raciaux.
L’attention accrue que la police accorde à certaines personnes peut entraîner une
augmentation des conflits avec la police, lourds de conséquences à la fois pour la sécurité du
public et celle des fonctionnaires eux-mêmes. Une relation police-public insatisfaisante
suscite une méfiance envers la police et ne prédispose pas les gens à la soutenir, ce qui
diminue son efficacité en matière de prévention et de détection des crimes et des délits. Les
contrôles de police ont d’ailleurs été des éléments déterminants à l’arrière-plan d’émeutes
urbaines majeures au Royaume-Uni, aux États-Unis et en France.
Les effets négatifs du contrôle au faciès en France se sont reflétés dans une série d’émeutes
violentes qui ont ébranlé la France au cours des deux dernières décennies, les plus récentes
étant celles de 2005 et 2007. Ils se font sentir aussi dans les altercations quotidiennes qui ont
lieu entre la police et les jeunes d’origine immigrée ; et dans la perte de confiance envers le
système de la justice pénale française.
Les politiques actuellement adoptées en France, si elles ont accru la sensibilité des
organisations policières aux problèmes de déontologie et de discrimination, semblent encore
insuffisamment armées pour faire face au problème spécifique du contrôle au faciès. Pour
27
traiter cette forme particulière de discrimination et renouer avec l’essence de l’idéal
républicain français, il faut d’abord la reconnaître comme un problème en soi.
À cette fin, la Justice Initiative fait les recommandations suivantes.
À l’intention des autorités politiques :
• Reconnaître publiquement l’existence d’un problème de contrôle au faciès dans la police
française.
• Encourager et financer les recherches pour déterminer l’ampleur du problème que
constitue le profilage racial en France.
• Entreprendre un examen approfondi des normes juridiques, des politiques et des pratiques
qui sous-tendent les habitudes de contrôle au faciès.
• Modifier l’article 78.2 du Code de procédure pénale afin d’interdire explicitement la
discrimination raciale, de clarifier et de renforcer l’existence de « raisons plausibles de
soupçonner » claires et définies, comme seules justifications des contrôles d’identité ; et afin,
également, de clarifier les raisons qui amènent à la palpation ou la fouille des intéressés.
• Maintenir et soutenir les organes de contrôle spécialisés et indépendants des forces de
sécurité, tels que la Commission nationale de la déontologie de la sécurité, les doter des
ressources matérielles et humaines suffisantes pour donner suite aux requêtes dont ils sont
saisis, afin de leur permettre d’identifier d’éventuelles pratiques discriminatoires, y compris
indirectes.
• Engager un travail avec les communautés locales et les associations sur les problématiques
de non-discrimination, pour discuter la nature du problème et élaborer des réponses
politiques susceptibles de bénéficier d’un consensus social réel.
À l’intention des autorités de police françaises :
• Enregistrer systématiquement les contrôles d’identité à l’aide d’un formulaire, y compris
l’apparence raciale de la personne contrôlée, le motif et le résultat des contrôles, afin que
leur efficacité et leur impartialité puissent être vérifiées. Une copie du formulaire devrait
être fournie à la personne contrôlée, qui pourrait ainsi attester lors d’un autre contrôle
éventuel qu’elle s’est déjà faite contrôler dans un passé proche. Ces données devraient par
ailleurs servir à constituer des statistiques anonymes permettant de vérifier l’existence du
profilage racial. Les informations statistiques sur les contrôles d’identité devront être
analysées au regard de populations de référence pertinentes, codées selon les mêmes
variables.
• Exiger que les policiers expliquent les raisons du contrôle aux personnes concernées et
leur fournissent une information concernant les droits et les responsabilités respectifs des
policiers et des personnes contrôlées.
• Analyser de façon régulière les données issues des contrôles d’identité. Les résultats de
ces analyses devraient être utilisés dans le cadre des briefings et de l’encadrement des agents.
Ils devraient également être mobilisés à l’occasion de la préparation des opérations ciblées,
afin d’assurer que les pouvoirs de contrôle seront utilisés de manière efficace et impartiale.
• Rendre publiques les informations statistiques concernant les contrôles d’identité et
leurs résultats et les employer comme instruments de discussion concernant les priorités et
les pratiques policières, aussi bien au niveau local que national.
Ces données devraient constituer la base d’une ouverture et d’un dialogue avec les citoyens
des différentes localités, pour discuter la nature et les motifs de toute surreprésentation
constatée, et pour rechercher des approches alternatives fondées sur un diagnostic local de
sécurité partagé.
28
• Soumettre à examen les directives opérationnelles et les procédures d’application des
normes qui réglementent le comportement de la police et s’assurer qu’elles sont
conformes aux principes de non-discrimination. Offrir une formation spécifique aux
fonctionnaires de police dans le domaine du « profilage racial », en particulier sur
l’utilisation légitime ou non de l’apparence raciale des individus dans le ciblage des contrôles
d’identité.
• Évaluer et, si nécessaire, renforcer le contrôle de la manière dont les agents de police
utilisent les contrôles d’identité, en vue d’améliorer leur efficacité et leur impartialité.
• Examiner tous les cas litigieux, afin de vérifier s’ils ne traduisent pas une hostilité
routinière dans les contrôles menés de la part de certains agents, unités ou services de la
Police Nationale, de la Gendarmerie Nationale, des Douanes et des autres forces de sécurité.
Si tel est le cas, la situation doit être corrigée via les politiques d’emploi, de formation et de
réaffectation des agents, ainsi que par l’action disciplinaire de l’administration, selon la
gravité du problème constaté.
• Établir des procédures permettant de recueillir les appréciations des citoyens sur la qualité
des services rendus par la police afin d’identifier les bonnes et les mauvaises pratiques («
boîtes à idées », sondages, suivi qualitatif auprès d’associations locales, etc.).
Nicolas Hervieu,
« Une condamnation
infamante de la France
pour mauvais traitement
policier d’un mineur en
vérification d’identité
pour les 60 ans de la
CEDH (CEDH 4
novembre 2010, Darraj c.
France) »
CPDH, 05 novembre 2010
Violences policières sur un mineur
insuffisance des sanctions pénales
disciplinaires
et
et
A la suite d’un contrôle
de police, un mineur, âgé à l’époque de seize
ans, a été conduit avec un de ses amis au
commissariat d’Asnières-sur-Seine. A cette
occasion, ils ne furent pas placés en garde à vue
mais demeurèrent dans le cadre de la
procédure de vérification d’identité (Art. 78-3
du Code de procédure pénale). Deux heures plus tard, le mineur fut transféré à l’hôpital avec
« des contusions du globe oculaire droit, du poignet et du dos, de multiples érosions cutanées du
visage et du cou, de multiples hématomes du cuir chevelu [ainsi qu’] une fracture du testicule droit
avec contusions et hématomes » (§ 7). Il fut établi que les violences eurent lieu lorsque
l’intéressé, une fois arrivé au commissariat, refusa d’être menotté alors qu’il ne l’avait pas été
jusque là. Au terme d’une enquête de l’inspection générale des services de la préfecture de
police (§ 9), deux policiers furent mis en examen pour violences volontaires. Le tribunal de
grande instance de Nanterre les condamna « à quatre et huit mois d’emprisonnement avec sursis
pour violence volontaire par un dépositaire de l’autorité publique suivie d’incapacité supérieure à huit
jours » et au paiement de 7 000 euros de dommages-intérêts. Toutefois, dans un arrêt devenu
définitif, la Cour d’appel de Versailles réduisit la condamnation à une amende
contraventionnelle de 800 euros par policier, les faits ayant été requalifiés en « blessures
29
involontaires ». Il en fut de même pour les dommages-intérêts, ramenés à 5 000 euros (§ 20).
Aucune sanction disciplinaire ne fut prononcée.
Saisie par la victime de ces violences, la Cour européenne des droits de l’homme condamne
la France à l’unanimité pour violation de l’article 3 (interdiction de la torture et des peines
ou traitements inhumains ou dégradants). Après avoir admis la recevabilité de ce grief en
estimant qu’il avait bien été « invoqué devant les juridictions internes au moins en substance » (§
27 – Sur l’exigence d’épuisement des voies de recours internes – Art. 35 –, v. Cour EDH, 2e
Sect. 12 octobre 2010, Nur Radyo Ve Televizyon Yayinciliği A.Ş. c. Turquie (no 2), Req. n°
42284/05 – ADL du 12 octobre 2010), les juges européens abordent successivement et au fond
deux séries de considérations afin de parvenir à ce constat de violation. Suivant
implicitement la distinction entre les facettes substantielle et procédurale des obligations
conventionnelles (sur l’Art. 3, v. Cour EDH, 2e Sect. 17 mars 2009, Salmanoğlu et Polattaş c.
Turquie, Req. n° 15828/03 – ADL du 20 mars 2009 ; Sur l’Art. 2 – droit à la vie –, v. Cour
EDH, 2e Sect. 14 septembre 2010, Dink c. Turquie, Req. n° 2668/07 et s. – ADL du 19
septembre 2010), ils caractérisent ainsi la responsabilité des forces de police dans les
comportements contraires à l’article 3 avant de pointer l’insuffisance des sanctions
prononcées à l’encontre de ces dernières.
Concernant le premier point, la Cour est, sans surprise, d’une grande fermeté sur le terrain
de l’interdiction absolue de la torture et des traitements inhumains ou dégradants (§ 34 –
v. Cour EDH, 3e Sect. 20 juillet 2010, A. c. Pays-Bas, Req. n° 4900/06 – ADL du 26 juillet 2010).
Le niveau strasbourgeois d’exigence s’élève encore plus lorsque ces traitements affectent
des personnes privées de liberté telles que celles « en garde à vue [qui de ce fait] sont en
situation de vulnérabilité et que les autorités ont le devoir de les protéger. Un Etat est
responsable de toute personne placée en garde à vue, car cette dernière est entièrement aux
mains des fonctionnaires de police » (§ 36 - Cour EDH, 3e Sect. 20 avril 2010, Slyusarev c.
Russie, Req. n° 60333/00 – ADL du 20 avril 2010 ; Cour EDH, 2e Sect. 16 juillet 2009,
Sulejmanovic c. Italie, Req. n° 22635/03 – ADL du 19 juillet 2009. Voir catégorie “traitements
inhumains et dégradants” et “garde à vue” ). Ces présupposés protecteurs conduisent les
juges à estimer ici que les violences subies par le requérant, « qui ont provoqué douleurs et
souffrances physiques [ayant] atteint un seuil de gravité suffisant pour tomber sous le coup de l’article
3 de la Convention » (§ 38), sont imputables aux policiers. Ceci est notamment valable pour la
« fracture testiculaire » car même si « cette blessure grave est restée sans explication claire quant à
son origine », le fait qu’elle ait été subie « dans l’enceinte d’un local de police » et alors que
l’intéressé était sous la responsabilité de la police emporte l’application d’une présomption
de responsabilité des autorités (§ 42 et 36 – pour une solution similaire, v. Cour EDH, 2e
Sect. 9 février 2010, Emine Yaşar c. Turquie, Req. n° 863/04 – ADL du 9 février 2010). La
gravité des blessures a bien sûr contribué au constat final de disproportion de l’usage de la
force policière mais deux autres éléments semblent avoir emporté la conviction de la
juridiction strasbourgeoise. D’abord, l’âge du requérant, qui n’était d’ailleurs pas connu des
services de police au moment des faits (§ 40), a pesé sur la conclusion selon laquelle « il
n’existait aucun risque sérieux et imminent pouvant justifier l’emploi d’une telle force par
les policiers » et que « d’autres méthodes [étaient envisageables] pour calmer le requérant » (§ 43 –
sur des tortures infligées à un mineur en garde à vue, v. Cour EDH, 2e Sect. 16 février 2010,
Alkes c. Turquie, Req. no 3044/04 – ADL du 16 février 2010. Voir catégorie “droit des
enfants”). Ensuite, la Cour critique assez vivement la décision des policiers de recourir au «
menottage », ceci étant d’ailleurs lié au point précédent puisque la résistance du requérant
est née de cette décision. Il est certes rappelé que « le port des menottes ne pose
normalement pas de problème au regard de l’article 3 de la Convention lorsqu’il est lié à une
arrestation ou une détention légales et n’entraîne pas l’usage de la force, ni d’exposition
30
publique » (§ 41 – v. en ce sens, Cour EDH, 5e Sect. 29 octobre 2009, Paradysz c. France, Req.
n° 17020/05 – ADL du 2 novembre 2009). Néanmoins, en l’espèce, la Cour souligne que « les
raisons justifiant le menottage du requérant restent obscures, celui-ci n’ayant pas été placé en garde
à vue » ou même été entravé lors de son trajet vers le commissariat. Surtout, à l’aide de l’avis
rendu dans cette affaire par la Commission nationale de déontologie de la sécurité (§ 16 voir avis 2001-1 du 23 mai 2002, saisine de Robert Badinter, rapport CNDS 2002 page 17), elle
« émet […] de sérieux doutes quant à la nécessité de menotter le requérant, celui-ci ne s’étant
montré ni agressif, ni dangereux, ni même agité avant le menottage » (§ 41). Cet ensemble de
circonstances conduit donc les juges européens « à considérer que les traitements exercés sur la
personne du requérant ont revêtu un caractère inhumain et dégradant » (§ 44).
En vertu du principe de subsidiarité, la France aurait pu échapper à une condamnation
pour le moins infamante, en particulier le jour du soixantième anniversaire de la
Convention européenne des droits de l’homme. Si les faits litigieux avaient été dûment
poursuivis et réprimés par les juridictions internes, juges de droit commun de la Convention,
la violation de l’article 3 aurait été en effet « redressée » et le requérant aurait à cette occasion
perdu « la qualité de victime » de cette violation (§ 45 – v. Cour EDH, G.C. 1er juin 2010,
Gäfgen c. Allemagne, Req. no 22978/05 – ADL du 1er juin 2010). Tel n’est cependant pas le
cas en l’espèce car si aucune lacune dans la procédure d’enquête n’est identifiée (§ 47), les
sanctions finalement infligées aux deux policiers sont jugées insuffisantes. Ainsi, non
seulement la Cour doute que la qualification pénale de « violences involontaires »
finalement retenue puisse être regardée comme « une reconnaissance de violation de
l’article 3 » (§ 46). Mais surtout les peines d’amendes sont jugées « modiques » (§ 48),
l’absence de sanctions disciplinaires (§ 48) et la réduction de l’indemnité accordée au
requérant (§ 50) n’étant pas de nature à compenser cette situation. Aux yeux des juges
européens, cette « sanction, manifestement disproportionnée à une violation de l’un des droits
essentiels de la Convention, n’a pas l’effet dissuasif nécessaire pour prévenir d’autres
transgressions de l’interdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient
se présenter à l’avenir » (§ 49 et 48 – v. Cour EDH, préc. Gäfgen c. Allemagne – ADL du 1er juin
2010). En conséquence, « le requérant peut toujours se prétendre victime d[e la] violation de
l’article 3 » (§ 51) identifiée précédemment, d’où la condamnation de la France à ce titre (§
53).
Darraj c. France (Cour EDH, 5e Sect. 4 novembre 2010, Req. n° 34588/07)
31
Actualités droits-libertés du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU
Nicolas Hervieu,
« Législation
antiterrorisme: fouille à
l’entrée des lieux publics,
brève arrestation à cette
fin (« Stop and Search »)
(CEDH, 12 janvier 2010,
Gillan et Quinton c.
Royaume-Uni) »
CPDH 14 janvier 2010
En marge d’une “foire aux armes” organisée à
Londres et de la manifestation prévue contre
celle-ci, un homme qui souhaitait rejoindre cette
manifestation et une journaliste qui voulait la
filmer furent arrêtés brièvement (vingt à trente
minutes) et fouillés par les forces de police.
Les intéressés contestèrent sans succès ces
arrestations et fouilles - réalisées au nom de
l’article 44 du “Terrorism Act” adopté en 2000 au
Royaume-Uni (V. § 28-48 pour une description
de son contenu et de son application) - devant
les juridictions britanniques.
La Cour européenne des droits de l’homme
commence par refuser d’examiner les griefs
des requérants sur le terrain de l’article 5 (droit
à la liberté et à la sureté). Elle estime pourtant, eu égard à “l’élément de coercition” qui a
conduit à “une complète privation de liberté de mouvement” - même brève -, que la situation
entre dans le champ d’application de cet article, mais préfère statuer sur le terrain de
l’article 8 (droit au respect de la vie privée) combiné néanmoins à ce droit à la liberté et à
la sureté (§ 57).
Premièrement, la Cour estime que la fouille prévue à l’article 44 du “Terrorism Act” constitue
bien une ingérence au sein du droit au respect de la vie privée. Dans le prolongement de sa
lecture large du champ d’application de ce droit (§ 61), elle énonce ainsi que “l’usage des
pouvoirs de coercition conférés par la législation pour exiger d’un individu qu’il se soumette
à une fouille sur sa personne, ses vêtements et ses effets personnels constituent une claire
ingérence au sein du droit au respect de la vie privée“, la “nature publique de la fouille”
renforçant cet aspect (§ 63). Par ailleurs, en réponse au gouvernement défendeur, les juges
européens font une intéressante distinction entre les fouilles réalisées “dans les aéroports
ou à l’entrée d’un bâtiment public“ et celles ici en cause en jugeant les premières moins
intrusives car “un usager de services aéroportuaires peut être regardé comme ayant consenti à une
telle fouille en choisissant de voyager” et donc, en prévision de la fouille, peut éviter que certains
effets personnels en soit l’objet (§ 65).
L’ingérence ainsi identifiée est ensuite jugée non conforme à la première condition de
l’article 8 § 2 telle qu’interprétée par la Cour (”la loi [prévoyant l’ingérence] doit être
suffisamment accessible et prévisible, c’est-à-dire énoncée avec assez de précision pour permettre à
l’individu - en s’entourant au besoin de conseils éclairés - de régler sa conduite” - § 76). En effet,
selon la Cour, “les garanties prévues par la loi interne […ne] constituent [pas] une réelle limitation
des larges pouvoirs accordés [aux autorités] de façon à offrir une protection individuelle adéquate
contre les ingérences arbitraires” (§ 79).Sont ainsi soulignés le flou du motif par lequel le
directeur de la police peut autoriser les agents à arrêter et à fouiller des personnes dans un
espace géographique donné (s’il “le juge opportun pour la prévention des actes terroristes“) et
l’absence d’exigence de nécessité et de proportionnalité de ladite mesure, ce qui constitue
32
“un obstacle redoutable” à toute contestation judiciaire ultérieure (§ 80). L’absence de réelles
limites temporelles - vingt huit jours mais indéfiniment renouvelable - et géographiques à
ces mesures participent également à cette situation (§ 81). “Le large pouvoir discrétionnaire” du
policier qui décide sur le terrain de procéder à une arrestation et à une fouille est également
relevé car ce dernier n’a pas “à démontrer l’existence d’un doute raisonnable” pesant sur la
personne qui en est l’objet mais seulement que cette fouille a “pour but de rechercher des objets
utilisables dans le cadre d’action terroriste” (§ 83). “Le grand risque d’arbitraire [crée par]
l’octroi d’un large pouvoir discrétionnaire” est enfin confirmé par certains rapports qui
révèlent que sur les dizaines de milliers de fouilles, aucune en 2007 n’était liée à une
infraction terroriste - avec de nombreux cas d’absence évidente de lien avec cet objet - (§ 84)
et qu’il existe “un risque [avéré] d’usage discriminatoire de ces pouvoirs” à l’encontre des
populations noires ou asiatiques (§ 85).
En conséquence, la Cour relève ici une violation de l’article 8 faute pour l’ingérence d’avoir
été prévue par une législation suffisamment restrictive et protectrice (§ 87).
Par la généralité de ses motifs, cette condamnation s’apparente d’ailleurs à une sanction in
abstracto de l’article 44 du “Terrorism Act” (qui, dans certaines de ses modalités, ressemble à
la technique française des contrôle d’identités sur réquisition du Procureur de la
République - Art. 78-2 al. 2 du Code de procédure pénale - par laquelle ce dernier fixe un
espace géographique donné durant une période indéfiniment renouvelable ainsi que la liste
des infractions recherchées même si les contrôles en révèlent d’autres). Cet arrêt confirme
donc le souhait de la Cour d’encadrer les législations qui, sous couvert de motifs généraux et
légitimes tels que la lutte contre le terrorisme, élargissent excessivement et sans garanties les
pouvoirs de police.
Gillan et Quinton c. Royaume-Uni (Cour EDH, 4e Sect. 12 janvier 2010, Req. n° 4158/05)
- En anglais
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Actualités droits-libertés du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU
EN
PRATIQUE
Examinez ces documents originaux et déterminez dans le cadre de quelle
procédure cette personne a été interpellée
.Pour info+
Article L611-1 CESEDA
« En dehors de tout contrôle d'identité, les personnes de nationalité étrangère doivent être en
mesure de présenter les pièces ou documents sous le couvert desquels elles sont autorisées à
circuler ou à séjourner en France à toute réquisition des officiers de police judiciaire et, sur
l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, des agents de police judiciaire et agents de police
judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21 (1°) du code de procédure pénale.
A la suite d'un contrôle d'identité effectué en application des articles 78-1, 78-2 et 78-2-1 du
code de procédure pénale, les personnes de nationalité étrangère peuvent être également
tenues de présenter les pièces et documents visés à l'alinéa précédent. »
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