Les soins corporels, média de l`ergothérapeute pour améliorer l

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Les soins corporels, média de l`ergothérapeute pour améliorer l
IFPEK
Institut de Formation en Ergothérapie de Rennes
Les soins corporels, média de
l’ergothérapeute pour améliorer
l’image du corps en soins palliatifs
UE 6.5 S6 :
Evaluation de la pratique professionnelle et recherche
En vue de l’obtention du Diplôme d’Etat d’ergothérapeute
CHAUVIN Orane
Mai 2015
Selon le code de la propriété intellectuelle, toute reproduction intégrale ou partielle faite sans
le consentement de l’auteur est illégale
IFPEK
Institut de Formation en Ergothérapie de Rennes
Les soins corporels, média de
l’ergothérapeute pour améliorer
l’image du corps en soins palliatifs
UE 6.5 S6 :
Evaluation de la pratique professionnelle et recherche
En vue de l’obtention du Diplôme d’Etat d’ergothérapeute
Sous la direction de Mme PELE Patricia
CHAUVIN Orane
Mai 2015
RESUME
A cause de la progression de leur maladie, les personnes en soins palliatifs sont confrontés
quotidiennement à un corps devenu objet de souffrances. Cette étude a pour objectif de
comprendre en quoi la prise en compte de l’image du corps par l’ergothérapeute, par le biais des
soins corporels, permet de favoriser la qualité de vie de ces personnes.
Ce travail développe les concepts de soins palliatifs, d’image du corps et de soins
corporels, en relation avec la pratique ergothérapique. Ces notions sont également liées à la
« qualité de vie », concept subjectif et multidimensionnel primordial en soins palliatifs.
Sept entretiens réalisés avec différents professionnels sont ensuite analysés, mettant en
évidence les points de vue divers selon les pratiques et les structures.
Les apports théoriques et l’analyse des entretiens ouvrent la réflexion sur la possibilité de
l’interprofessionnalité entre ergothérapeutes et socioesthéticiennes autour des activités de soins
corporels
Mots clés : « soins palliatifs », « image du corps », « soins corporels »,
« qualité de vie », « ergothérapie
Because of the progression of their illness, people receiving palliative care are facing
everyday a body becoming a suffering object. The aim of this study is to understand how taking
body image into consideration by the occupational therapist, using body care activities, optimizes
these people’s quality of life.
This work develops the concepts of palliative care, body image and body care, in relation
with occupational therapy’s practice. Those elements are also linked to quality of life, a subjective
and multidimensional concept, essential in palliative care.
Seven interviews with different professionals are also analyzed, highlighting different
points of view depending of practices and institutions.
The theorics elements and interviews analysis extend the reflexion on interprofessionality
between occupational therapists and socio-aesthetics around body care activities.
Keywords: “palliative care”, “body image”, “body care”,
“quality of life”, “occupational therapy”
« Le corps, unique lieu de rêve et de raison,
Asile du désir, de l'image et des sons. »
Anna de Noailles, L’honneur de souffrir
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont contribué à l’élaboration de ce
mémoire de fin d’étude, en particulier :
Mme Patricia Pelé, ma directrice de mémoire, pour son suivi ses remarques avisées,
Les différents professionnels ayant montré leur intérêt pour cette recherche en
acceptant de répondre à mes questions par le biais d’entretiens,
L’équipe pédagogique de l’IFER pour ces trois années de formation,
Mes amis de promotion qui ont su me soutenir et me conseiller dans les périodes de
doutes et de questionnements,
Ma famille et mes amis pour leur soutien et leurs relectures attentives
SOMMAIRE
INTRODUCTION ...................................................................................................................... 1
1.
PROBLEMATIQUE ........................................................................................................... 2
2.
PARTIE THEORIQUE ....................................................................................................... 9
3.
4.
2.1.
Les Soins Palliatifs ...................................................................................................... 9
2.2.
L’Image du Corps ...................................................................................................... 14
2.3.
Les Soins Corporels ................................................................................................... 17
2.4.
Retour sur la problématique et les hypothèses .......................................................... 24
DEMARCHE DE RECHERCHE ..................................................................................... 25
3.1.
Méthodologie ............................................................................................................. 25
3.2.
Analyse du recueil de données .................................................................................. 28
DISCUSSION ................................................................................................................... 39
4.1.
Conclusion du recueil de données ............................................................................. 39
4.2.
Vérification des hypothèses ....................................................................................... 41
4.3.
Critique ...................................................................................................................... 43
4.4.
Pistes d’ouverture ...................................................................................................... 44
CONCLUSION ........................................................................................................................ 46
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................... 47
ANNEXES ...................................................................................................................................
INTRODUCTION
L’évolution de nos sociétés, avec la sur-représentation dans la publicité et les médias
de corps considérés comme « idéaux », a amplifié le rapport ambivalent qu’entretiennent les
Hommes avec leur corps. Aimé ou détesté, rejeté ou protégé, le corps vécu est souvent en
contradiction avec son idéal souhaité. Pour autant, l’image du corps est un concept dont les
composantes restent floues pour de nombreux professionnels de santé, alors même que le
rapport au corps peut être douloureux pour certains patients. En soins palliatifs notamment,
l’altération corporelle, due à la maladie et aux traitements, peut engendrer des difficultés pour
une personne à être en accord avec cette image d’un corps ne lui correspondant plus.
La présence d’ergothérapeutes en soins palliatifs tend à se développer. Spécialistes de
l’autonomie et des activités de vie quotidienne, ils favorisent également la qualité de vie des
personnes qu’ils accompagnent. De ce fait, ils peuvent être confrontés à des situations portant
sur l’image du corps et ses retentissements dans les activités de vie quotidienne des patients.
Néanmoins, ils peuvent se trouver démunis face à cette question, car leur formation aborde
très peu la question de l’image du corps et la manière dont elle peut être prise en compte,
alors qu’elle a un impact sur la qualité de vie des patients.
Ce travail de recherche a pour objectif d’apporter des éclaircissements sur la manière
de prendre en considération l’image du corps dans la pratique ergothérapique en soins
palliatifs. Il fera également le lien avec la qualité de vie et les activités signifiantes de la
personne.
Après avoir exposé le processus qui m’a amenée à énoncer ma question de
recherche et des hypothèses pouvant y répondre, le cadre conceptuel développera les notions
de soins palliatifs, d’image du corps et de soins corporels. Une enquête de terrain menée
auprès de professionnels
sera décrite et analysée, avec dans un premier temps la
méthodologie du recueil de données, puis les résultats et leur analyse. Ce travail d’initiation à
la recherche se poursuivra par une discussion sur les résultats obtenus, et des pistes de
réflexions futures.
1
1. PROBLEMATIQUE
La relation d’un individu à son corps est un sujet qui me questionne depuis longtemps,
avant même de commencer mes études d’ergothérapie. Durant celles-ci, le thème de l’image
du corps a été abordé succinctement, alors que les ergothérapeutes le rencontrent
fréquemment dans leur pratique, comme j’ai pu le remarquer au cours de mes stages et après
discussion avec différents professionnels.
Pour SCHILDER, psychiatre et psychanalyste, « l’image du corps humain, c’est
l’image de notre propre corps que nous formons dans notre esprit, autrement dit, la façon dont
notre corps nous apparait à nous même » (1968). Il s’agirait donc d’un abord psychologique,
mettant en avant les sentiments et le sens engagés par le corps. complémentairement au
schéma corporel, lié à la proprioception, qui se base plus sur les perceptions et représentations
mentales du corps dans l’espace, en lien avec les sens et les mouvements (REICH, 2009).
De plus, selon ANDRIEU, l’image du corps et l’image de soi sont 2 notions
différentes, mais néanmoins complémentaires. Ainsi, « établir une correspondance entre soi et
le corps, c’est aussi rechercher une identité personnelle » (2002).
Au cours de mes différents stages, j’ai été confrontée plusieurs fois à des situations
déstabilisantes où l’image du corps était questionnée.
J’ai rencontré la première situation lors d’un stage en EHPAD. Mme G, une femme de
84 ans réalisait des exercices de gymnastique tous les matins. Son objectif était d’éviter
d’avoir un fauteuil roulant, symbole pour elle de la fin de vie. Elle se projetait également sur
des résidents du même âge, à qui elle s’identifiait et ne souhaitait pas ressembler. Pour elle, la
perte de la marche symbolisait l’approche de la mort.
Durant un stage dans un service de rééducation adulte, j’ai accompagné un patient qui
présentait une hémiplégie gauche consécutive à un AVC. Lors de l’activité toilette, effectuée
quotidiennement, il arrivait que Mr N se mette à pleurer, exprimant un rejet vis-à-vis de son
corps, et de l’incapacité qu’il avait à réaliser des tâches autrefois acquises pour lui (enfiler un
tee-shirt, se raser…). Il souffrait également de ne pas pouvoir porter ses petits-enfants dans
ses bras, et de ne plus pouvoir s’occuper de son jardin.
Enfin, lors d’un stage dans un IEM, Mlle R, une jeune fille atteinte de paralysie
cérébrale a exprimé lors d’une situation de douche le mot « honte » : « J’ai honte, ne me
regardez pas ! ». Questionnée quant à cette phrase, elle a déclaré ne pas savoir pourquoi elle
2
avait honte, mais que la nudité la gênait en particulier parce que nous n’étions pas
« handicapés ».
Ces trois situations m’ont permis de faire différentes observations. Dans un premier
temps, on peut remarquer qu’un corps changeant et vieillissant, comme celui de Mme G,
entraine des questionnements vis-à-vis de la mort. Les représentations associées à la mort sont
différentes pour chaque personne. Pour Mme G, la perte de la marche représente une étape
cruciale engageant un processus de deuil. Cette question est également à prendre en compte
chez Mr N, pour qui le changement corporel a été brutal, soudain et non préparé.
Ensuite, le regard des autres a une place extrêmement importante pour la construction
du sujet par rapport à son corps. La société expose/impose des images de corps parfaits,
inaccessibles, idéalisés (LE BRETON, 2013). Cette surexposition de corps soi-disant « sans
défauts » peut entrainer une rupture narcissique chez la personne. Lors de l’adolescence,
comme c’est le cas chez Mlle R, la question est encore plus douloureuse. Le regard des autres
sur soi entraine également un regard de soi sur les autres. Ainsi, Mlle R nous visualisait
comme des corps sans handicaps, auxquels elle n’aura pas accès. La projection rend encore
plus douloureuse l’acceptation de son propre corps. Quant à Mme G, elle projette son futur
sur des personnes du même âge présentant des déficits plus importants.
La question d’un corps changeant entraine également une modification des rôles
sociaux. Ainsi, « tout notre réseau relationnel se réorganise autour de la maladie mettant à
l’épreuve la nature et l’intensité du lien avec les autres » (ANDRIEU, 2002). On peut
observer que pour Mr N, la difficulté réside également dans l’impossibilité à réaliser des
activités signifiantes pour lui. Il a l’impression de perdre ses rôles de mari, de père et de
grand-père.
Enfin, on peut remarquer que la plupart des observations faites par l’ergothérapeute ou
le patient se sont déroulées lors d’une activité en lien avec les soins corporels. Ceux-ci
mettent ainsi pleinement la personne face à ses difficultés et à la réalité de son corps.
La question de l’image du corps est donc prégnante pour le sujet, et l’ergothérapeute y
est fréquemment confronté lors de ses accompagnements, particulièrement l’activité toilette.
Suite à ces observations, ma question de départ s’est définie de la sorte :
Comment l’ergothérapeute peut-il intervenir autour de l’image du corps pour des
patients atteints de cancer ?
3
Mes premières réflexions orientaient mon travail de recherche sur la question de
l’image du corps en ergothérapie auprès de personnes atteintes de cancer. Cependant, après
discussions avec différents professionnels, il m’est apparu que traiter de ce thème auprès de
cette population était très vaste, et que je devais donc cibler mon sujet afin de pouvoir traiter
de façon plus complète les différentes notions. Les ergothérapeutes ont un travail limité
auprès de ces personnes aux phases de traitements actifs ou de réhabilitation, c’est pourquoi
j’ai choisi d’axer mes recherches sur le secteur des soins palliatifs, qui est une dimension
importante de la prise en charge des patients atteints de cancer. Mes réflexions se portaient
donc sur le rôle de l’ergothérapeute autour de la question de l’image du corps dans le
secteur des soins palliatifs
La question de la fin de vie est une préoccupation majeure actuellement dans le
domaine de la santé. En effet, il y a une augmentation de l’espérance de vie des patients ayant
une maladie grave et chronique, du fait des progrès au niveau de la prévention, du dépistage et
des traitements. Cela entraine une augmentation des personnes concernées par les soins
palliatifs. Ainsi, le nombre de personnes ayant recours à ce type de soins a augmenté
significativement depuis 2004 (Ministère de la Santé, 2008). Les structures de soins palliatifs
sont donc plurielles, afin de répondre aux différents besoins des personnes. Il existe les
Equipes Mobiles de Soins Palliatifs (EMSP), les Unités de Soins Palliatifs (USP), les réseaux
de Soins Palliatifs ou encore les associations. On peut également trouver un nombre limité de
Lits Identifiés Soins Palliatifs (LISP) dans les centres de Longs Séjours.
Le secteur des soins palliatifs est mal connu par des professionnels de santé, et en
particulier l’ergothérapeute. En effet, celui-ci ancre plus généralement sa pratique dans une
optique de progression et d’avenir, en cherchant à récupérer les capacités antérieures de la
personne soignée. Un secteur comme celui de la fin de vie demande donc une approche
différente de celle des techniques rééducatives dites « classiques ».
Les objectifs de l’ergothérapeute, comme définis par l’ANFE (Association Nationale
Française des Ergothérapeutes), sont de « maintenir, de restaurer et de permettre les activités
humaines de manière sécurisée, autonome et efficace ». Cependant, dans le cas du secteur des
soins palliatifs, le but recherché ne peut pas être de regagner des aptitudes antérieures dans
des activités de vie quotidienne, mais plutôt d’accompagner la personne dans la perte de ses
capacités. La place de l’ergothérapeute pourrait donc être remise en question.
4
Pourtant, les soins palliatifs sont définis comme « des soins actifs délivrés dans une
approche globale de la personne atteinte d'une maladie grave, évolutive ou terminale.
L’objectif des soins palliatifs est de soulager les douleurs physiques et les autres symptômes,
mais aussi de prendre en compte la souffrance psychologique, sociale et spirituelle. ». Ainsi,
les soins palliatifs demandent une approche holistique de la personne soignée, en prenant en
compte les différents éléments qui régissent son quotidien. Cela correspond à une vision de
l’ergothérapie telle que celle décrite par Sylvie MEYER dans Le Processus de
l’Ergothérapie (1990). Elle nous explique ainsi que tout soignant intervient dans une
démarche globale de prise en charge de la personne soignée, en prenant en compte les
différentes sphères de vie de la personne soignée, présentées dans le Modèle du
fonctionnement de l’individu :
A travers ce schéma, on peut observer que les différentes sphères interagissent entre
elles, et influent sur la globalité de l’individu. L’ergothérapeute et les soins palliatifs se
rejoignent dans l’objectif de prise en charge globale de l’individu.
La deuxième partie de la définition de l’ergothérapie par l’ANFE met en avant
« l’Activité ». Le groupe ENOTHE, dirigé par Sylvie MEYER, différencie l’Activité de
l’Occupation. Ainsi, l’activité est une « suite structurée d’actions ou de tâches qui concourt
aux occupations » (MEYER ,2005), l’occupation étant définie comme « un groupe d’activités,
culturellement dénommé, qui a une valeur personnelle et socioculturelle et qui est le support
de la participation à la société » (MEYER, 2005). On peut donc supposer que l’Activité
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décrite par l’ANFE regroupe les 2 termes décrits par Sylvie MEYER. Dans tous les cas, il
s’agit du cœur de métier de l’ergothérapeute. Il se distingue des autres professions
paramédicales par son approche de soin sur et par l’activité. Celle-ci devient donc le moteur
de la prise en charge. De ce fait, l’activité travaillée en tant que but ou moyen doit être
signifiante pour la personne, afin qu’elle soit pleinement intégrée à la prise en charge, et
qu’elle en perçoive le sens. La mise en action peut ainsi permettre, parmi nombreux autres
apports, de redonner à la personne le plaisir dans l’activité. Cependant, la mise en activité
peut s’avérer difficile dans le secteur des soins palliatifs. En effet, mettre en place une activité
connue du patient le place pleinement face à ses difficultés et ses déficits, et peut s’avérer
extrêmement douloureux pour lui. Les accompagnements autour des soins corporels, comme
la toilette ou l’habillage, peuvent amplifier cette impression de « déchéance », le corps étant
révélé dans sa réalité, souvent altéré et douloureux. Ainsi, une activité qui pouvait autrefois
être source de plaisir pour la personne devient une souffrance morale et psychique.
Enfin, par l’activité, l’ergothérapeute vise l’autonomie et l’efficacité, comme décrit
par l’ANFE. Pourtant, dans le cas de la fin de vie, est-ce réellement le but recherché par
l’activité ? N’y a-t-il pas d’autres composantes qui peuvent être traitées ?
J’ai souhaité m’interroger sur l’image du corps en soins palliatifs, car le corps est ici
objet de souffrance, de maladie et de mort. Les activités proposées par l’ergothérapeute y sont
limitées, du fait du manque de temps et des contraintes de travail. Toutefois, il est important
que le patient hospitalisé en soins palliatifs soit vu comme une « personne », avec ses envies,
ses besoins et son environnement. L’objectif est de le mettre au cœur de la prise en charge.
Nous avons vu précédemment que le but des soins palliatifs n’est plus la recherche
d’une guérison mais un accompagnement dans le maintien ou la diminution des capacités. Il
s’agit donc de s’intéresser à la qualité de vie de la personne. La qualité de vie est définie par
l’Organisation Mondiale de la Santé comme « la perception qu'a un individu de sa place dans
l'existence, dans le contexte de la culture et du système de valeurs dans lesquels il vit en
relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes. C'est un concept très
large influencé de manière complexe par la santé physique du sujet, son état psychologique,
son niveau d'indépendance, ses relations sociales ainsi que sa relation aux éléments essentiels
de son environnement. » (BACQUE, 1996). Or, l’image du corps influe fortement sur l’état
psychologique, physique et social de la personne. En effet, « L’atteinte profonde de l’image
corporelle et de son intégrité face à une image dévalorisée renvoyée à soi-même et à autrui
6
contribue à renforcer l’atteinte narcissique majorée par l’appréhension de se regarder et du
regard des autres. » (REICH, 2009). Ainsi, il me parait important que la question de l’image
du corps fasse partie intégrante du programme de soin de la personne, afin de favoriser sa
qualité de vie.
Cependant, suite à un entretien exploratoire effectué avec Mme T, ergothérapeute
travaillant dans un service de soin palliatif, j’ai pu faire plusieurs observations. Tout d’abord,
la place de l’ergothérapeute en soins palliatifs est limitée du fait des contraintes de temps et
institutionnelles. Ainsi, malgré le désir d’axer son intervention sur la qualité de vie des
patients, l’ergothérapeute se retrouve parfois à n’effectuer que des positionnements. Cela est
un frein à l’évolution des pratiques ergothérapiques en soin palliatif. Ensuite, je me suis posée
la question de la légitimité de l’ergothérapeute pour traiter de la question de l’image du corps.
Des professionnels tels que les psychomotriciens ne sont-ils pas les mieux placés pour traiter
de l’image du corps ?
Afin de cibler au mieux les champs de compétences de ces deux professions, j’ai
interrogé plusieurs psychomotriciens et ergothérapeutes. Il apparait donc que les champs
d’interventions des deux professionnels se recoupent autour de la question du corps, mais que
la différence réside dans l’approche qui est utilisée pour traiter de cette question. En effet, le
psychomotricien va utiliser des techniques psychomotrices telles que des ateliers corporels,
gestuels ou d’expression ayant pour objectif premier la prise en compte corporelle.
L’ergothérapeute va quant à lui utiliser les activités de vie quotidienne pour ses
accompagnements. L’image du corps sera traitée de manière indirecte, contrairement au
psychomotricien pour qui c’est le cœur de métier. Elle devient donc un outil, un levier pour
les autres axes de prise en charge.
Ainsi, il m’a semblé que pour traiter au mieux le rôle de l’ergothérapeute autour de
l’image du corps, l’activité devait être une composante importante de mes recherches. Ma
question de recherche devenait de ce fait : Comment, par le biais de l’Activité,
l’ergothérapeute peut-il intervenir autour de la question de l’image du corps dans le
secteur des soins palliatifs ?
J’ai pu remarquer que la plupart des observations faites sur l’image du corps étaient
en lien avec des activités mettant en jeu les soins corporels. Lors de l’entretien exploratoire,
Mme T m’a également souligné ce fait. La prise en compte de l’activité en général lui
paraissait trop vaste à traiter dans le cadre de mon mémoire, et m’a incitée à ne me porter que
sur un type d’activité. De ce fait, j’ai décidé d’axer ma réflexion sur les soins corporels, qui
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sont ceux qui permettent de toucher au plus près la question de l’image du corps à des degrés
divers.
Au vue de toutes ces observations, il me parait donc légitime de se poser la question
suivante :
« En quoi la prise en compte de l’image du corps en ergothérapie, par le biais des
soins corporels, permet d’améliorer la qualité de vie des patients en soins palliatifs ? »
Plusieurs hypothèses demandent à être vérifiées afin de répondre à cette question :
-
Les soins corporels sont le médiateur privilégié pour aborder les notions d’image
du corps en ergothérapie auprès de patients en soins palliatifs
-
Les soins corporels sont un domaine important de prise en charge auprès des
patients en soins palliatifs afin de favoriser leur satisfaction
8
2. PARTIE THEORIQUE
2.1. Les Soins Palliatifs
2.1.1. Que sont les soins palliatifs ?
L’Organisation Mondiale de la Santé définit en 1990 les soins palliatifs comme « des
soins actifs, complets, donnés aux malades dont l’affection ne répond pas au traitement
curatif. La lutte contre la douleur et d’autres symptômes, et la prise en considération de
problèmes psychologiques, sociaux et spirituels sont primordiales.» (OMS, cité par
GUEGUEN, 2001)
En 2002, l’OMS complète cette définition en nous disant que « les soins palliatifs
cherchent à améliorer la qualité de vie des patients et de leur famille, face aux conséquences
d’une maladie potentiellement mortelle, par la prévention et le soulagement de la souffrance,
identifiée précocement et évaluée avec précision, par le traitement de la douleur et des autres
problèmes physiques, psychologiques et spirituels qui lui sont liés. » (FWSP, 2008).
Ainsi, les soins palliatifs ne sont pas uniquement des soins donnés en phase terminale,
mais des soins apportés dès que la prise en charge s’oriente non plus vers la guérison, mais
vers le soin. Ainsi, J WATSON a en 1979 établi la « théorie du caring », en opposition au
« cure ». Elle définit « le care » comme « un ensemble de facteurs qui fondent une démarche
soignante favorisant soit le développement ou le maintien de la santé, soit une mort paisible »
(WATSON, 1998), et le « cure » comme la démarche de traitement d’une pathologie. Dans le
cadre des soins palliatifs, il parait important de favoriser l’approche du « care », car les
personnes qui bénéficient de ces soins ne répondent plus à l’approche curative. Cette théorie
étant originellement basée sur le modèle des soins infirmiers, on peut néanmoins préférer le
terme de «prendre soin », définit par Walter HESBEEN comme « porter une attention
particulière à une personne qui vit une situation qui lui est particulière et ce, dans la
perspective de lui venir en aide, de contribuer à son bien-être, à sa santé » (1999), parce qu’il
est par nature pluridisciplinaire.
L’approche du soin telle qu’elle est perçue en soins palliatifs nécessite de prendre en
compte le patient de manière globale, avec toutes ses spécificités, que ce soit d’un point de
vue physique, psychique, psychologique, social et spirituel. Elle s’inspire de la démarche
holistique qui vise une prise en charge globale, replaçant de ce fait le patient au cœur du
processus de soins. Il s’agit d’humaniser la prise en charge, de voir la personne en tant
9
qu’entité et non plus uniquement vecteur d’une pathologie, la plaçant ainsi comme sujet et
non plus objet des soins (MARZANO, 2010).
2.1.2. La fin de vie
Les soins palliatifs sont, de part leur définition, mis en place lorsque la fin de vie
proche n’apparait plus comme une simple éventualité, mais comme un futur à envisager.
Ainsi, même si l’unicité de chaque personne est prise en compte et reconnue, certains
éléments de similitudes apparaissent chez les patients en fin de vie, comme nous l’expose C E
KEMP dans Le malade en fin de vie. En effet, lorsque le patient arrive en soins palliatifs, il a
souvent connu une longue période de traitements plus ou moins fructueux, « une alternance
d’espoir et de désespoir » (KEMP, 2002). Il s’agira donc de prendre en compte le patient
dans sa globalité, son vécu de la maladie.
La fin de vie apporte ainsi de nombreux questionnements pour le patient et entraine de
nombreuses pertes, parmi lesquelles :
-
La santé physique : l’atteinte de la maladie qui se répercute sur le corps
-
La famille : les relations intrafamiliales sont impactées
-
Les rôles, l’identité : diminution du rôle social, familial ; la personne devient « le
malade », qui le définit au détriment des autres composantes de son identité.
-
Le fait d’être productif, de se sentir compétent : la perte de l’emploi et des rôles au
sein de la société
-
Une indépendance : la personne est tributaire des personnels de santé et de ses proches
pour de nombreux actes et soins.
Ces situations de pertes qui peuvent être rencontrées sont gérées par le processus de deuil.
2.1.3. Le processus de deuil
Le deuil est « un processus dynamique, envahissant, hautement individuel, avec une forte
composante normative » (COWLES & RODGERS, 1991). Il survient en réaction à une perte.
CE KEMP le décrit comme :
-
« Changeant et non linéaire (dynamique)
-
Composé de phases nécessitant un travail pour les traverser
-
Vécu de manière individuelle par chacun
10
-
Une manifestation physique, psychologique, sociale et spirituelle envahissante
-
Composé d’étapes relativement prévisibles, pendant une période également prévisible,
même s’il y a des variations individuelles » (2002)
Selon E KUBLER ROSS, le deuil dit « normal » est constitué de plusieurs étapes
impactant l’état d’esprit des personnes. Dans un premier temps, la personne apprend
l’imminence d’une mort ou d’un deuil à effectuer : c’est la phase de sidération, de déni. Cette
phase est ensuite suivie par de la révolte face à cette situation choquante pour la personne.
Vient ensuite la phase de marchandage, où la personne a accepté sa situation, mais essaye de
gagner du temps. Ces phases sont suivies généralement d’une période dite « de dépression »,
qui peut se manifester par 3 catégories de signes : somatiques, intellectuels et affectifs. En
effet, l’aspect somatique peut se traduire par une apathie ou encore un désinvestissement des
activités menées précédemment, l’aspect intellectuel par un « affaiblissement des
performances cognitives », et l’aspect affectif par une hypersensibilité. Enfin, la personne finit
par s’adapter à la situation lors de la phase d’acceptation (KEMP, 2002).
Ce deuil peut être vécu par les proches d’une personne en fin de vie, mais également par
celui-ci. En effet, il devra faire le deuil de sa vie antérieure, de ses capacités physiques ou
encore de ses rôles sociaux.
Néanmoins, il arrive que le deuil ne se déroule pas de manière classique : il devient
« pathologique » (KEMP, 2002). Il en existe plusieurs :
-
« L’absence de deuil : […] absence d’expression de deuil
-
Le deuil déformé, caractérisé par la déformation […] d’une ou plusieurs composantes
du deuil, essentiellement la colère et la culpabilité
-
Le deuil converti, similaire à une névrose de conversion […]
-
Le deuil chronique, chagrin sans fin qui peut même s’intensifier avec le temps. »
(KEMP, 2002)
Dans les cas d’un deuil normal ou d’un deuil pathologique, il est important d’être à l’écoute et
disponible afin d’accompagner ce processus de la manière la plus juste possible.
2.1.4. L’ergothérapeute en soins palliatifs
De part leurs pathologies et traitements, les personnes recevant des soins palliatifs peuvent
avoir des difficultés dans la participation à leurs activités de vie quotidienne, à cause de
troubles au niveau moteur, sensitif ou encore cognitif. En prenant en compte les facteurs
11
personnels et environnementaux de la personne, l’ergothérapeute cherche à favoriser
l’implication des patients dans des activités qui lui sont signifiantes, afin d’améliorer sa
qualité de vie. Du fait de la notion de fin de vie, la prise en charge ne sera pas rééducative
mais plutôt réhabilitatrice. On cherchera ainsi à compenser et adapter afin de préserver et
favoriser l’implication de la personne (BURKHARDT et al, 2011).
Afin de permettre cette participation, l’ergothérapeute va utiliser une approche holistique,
de prise en compte globale de la personne. Ainsi, l’ergothérapeute prendra en compte les
aspects physiques, cognitifs, psychologiques, sociaux et environnementaux ((BURKHARDT
et al, 2011).
La présence d’ergothérapeutes dans des services prenant en charge des patients en soins
palliatifs est encore limitée.
2.1.5. La qualité de vie
Le rôle de l’ergothérapeute en soins palliatifs correspond donc à favoriser la qualité de vie
des personnes à l’approche de leur fin de vie. La qualité de vie est un concept clé dans les
soins palliatifs. En effet, il est la raison même de leur existence, ceux-ci ne visant ainsi plus la
guérison, mais le bien être de la personne. Ainsi, selon l’OMS, « le but des soins palliatifs est
d’obtenir la meilleure qualité de vie possible pour les malades et leur famille » (GUEGUEN,
2001)
L’OMS définit la qualité de vie comme « la perception qu’à un individu de sa place dans
l’existence, dans le contexte de la culture et du système de valeurs dans lequel il vit, en
relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes » (LEPLEGE, 1999).
Selon D CELLA, la qualité de vie est constituée de 2 dimensions fondamentales : la
subjectivité et la multidimentionnalité (2007).
2.1.5.1.
La subjectivité
Ce concept est évalué de façon subjective par le patient, comme peut l’être la douleur
par exemple, par le biais de l’Evaluation Visuelle Analogique (EVA). Ainsi, la qualité de vie
est influencée par des facteurs sous-jacents, tels que la perception de la maladie et des
traitements, ou encore les attentes et objectifs personnels. De ce fait, la qualité de vie est un
concept mouvant, en constante évolution. Néanmoins, il est important de considérer la qualité
de vie comme « l’évaluation par les patients de leur niveau de fonctionnement actuel et leur
satisfaction quant à ce dernier, par rapport à ce qu’ils perçoivent comme étant possible ou
12
idéal » (CELLA, 2007). Ainsi, il s’agit de rendre compte des capacités du patient, mais
également du retentissement dans le « système de valeurs des patients » (CELLA, 2007) Cela
peut expliquer la difficulté à mettre en place un outil de mesure fiable de la qualité de vie.
2.1.5.2.
La muldimensionnalité
La qualité de vie présente également un caractère multidimensionnel. En effet, elle prend
en compte un large panel de domaines, variables selon les auteurs et les situations. Nous
retiendrons ici les six dimensions de la qualité de vie déterminées par AARONSON, cité par
D CELLA:
-
« Les symptômes pathologiques et effets secondaires des traitements
-
L’état fonctionnel
-
La détresse psychologique
-
Les interactions sociales
-
La sexualité et l’image corporelle
-
La satisfaction par rapport au traitement » (2007)
Cette classification permet de mettre en avant la présence de la notion d’image corporelle
dans le concept de qualité de vie. Ainsi, il semble que la prise en compte de l’image
corporelle du patient en soin palliatif aurait un lien causal dans le ressenti de sa qualité de vie.
13
2.2. L’Image du Corps
2.2.1. Qu’est-ce qu’un corps ?
Tenter de définir le corps de façon exhaustive semble impossible tant sa vision diffère
selon les auteurs, les époques et les croyances. Les différents écrits qui se risquent à apporter
une représentation claire ne sont finalement que contradictions et correspondances.
Néanmoins, afin de clarifier ce terme, nous nous baserons ici sur la vision de LE BRETON
dans Anthropologie du corps et modernité, qui nous dit que « le corps est la souche identitaire
de l’homme, le lieu et le temps où le monde prend chair à travers un visage singulier » (2013).
Il place donc le corps comme le média qui permet à l’homme d’entrer en relation avec le
monde, tout en exprimant son unicité d’être. Toutefois, certaines époques ont posé la théorie
d’une dualité entre l’esprit et le corps, ce dernier n’étant plus qu’un « reste, ce qui demeure
après le retrait en l’homme du cosmos, des autres et de la division qui fait de l’homme l’autre
de son corps » (LE BRETON, 2013).
2.2.2. L’image du corps et le schéma corporel : quelles différences ?
L’image du corps est définie pour la première fois en 1968 par SCHILDER comme « le
schéma corporel est l’image tridimensionnelle que chacun a de soi même ; nous pouvons
aussi l’appeler image du corps » (SCHILDER , 1968). Il pose ainsi le postulat d’un modèle du
corps construit par le sujet à sa naissance, se basant sur les perceptions ressenties, et sur
l’interprétation que le sujet en fait. Cette définition pose les bases d’un lien entre le corps et
l’esprit, contrairement aux postulats existants sur la dualité corps-esprit (LE BRETON, 2013).
Cependant, les termes « schéma corporel » et « image du corps » correspondent ici à une
même entité.
Cette notion de lien entre corps et esprit a été appuyée par les écrits de MERLEAUPONTY, qui expose « le corps est le principe biologique de ma présence au monde. Il
convient donc de dire je suis un corps et non j’ai un corps » (1945).
C’est avec DOLTO que l’on distingue dans L’image inconsciente du corps le schéma
corporel, qui correspond aux perceptions physiques, et l’image du corps, qui est inconsciente
et qui évolue en fonction de l’expérience. Ainsi, « le schéma corporel est en principe le même
pour tous les individus de l’espèce humaine, l’image du corps, par contre, est propre à
chacun : elle est liée au sujet et à son histoire » (DOLTO, citée par MARZANO, 2010). De
plus, autant le schéma corporel peut être conscient ou inconscient, elle nous décrit l’image du
corps comme pleinement inconsciente. Le schéma corporel serait ainsi le lieu des pulsions, et
14
l’image du corps celui de leurs représentations. Cette dualité peut selon elle entrainer des
perturbations sur les liens entre ces deux notions.
PAILLARD a quant à lui décrit un « corps identifié », correspondant à l’image du corps
et lié au traitement des informations sensorielles fournies par le « corps situé » qui correspond
au schéma corporel, le corps étant situé par
rapport aux objets qui nous entourent
(PAILLARD, 1980).
2.2.3. L’image du corps, facteur primordial de l’image de soi
Les notions d’image du corps et d’image de soi semblent encore nébuleuses et
entremêlées. Néanmoins, il existe des différences notables entre ces deux éléments. Selon
Florence ROCHON, infirmière spécialiste clinique en oncologie, le concept de soi « reflète
les sentiments de la personne pour elle même, s’exprime par le comportement, paroles,
pensées, objectifs, attitudes et valeurs » (ROCHON, LEI, 2014). Ce concept est constitué de
trois domaines :
-
L’estime de soi, qui est l’appréciation qu’à une personne de sa valeur
-
L’identité personnelle qui est la conscience de son individualité vis-à-vis des autres,
tout en « participant aux idéaux de notre groupe social » (ROCHON, LEI, 2014)
-
L’image corporelle, qui serait « la somme des jugements conscients et inconscients
que l’on porte à l’égard de son corps » (ROCHON, LEI, 2014)
Elle pose ainsi l’image du corps comme une composante de l’image de soi qui, en
interagissant avec les deux autres constituantes, influe considérablement sur elle.
2.2.4. Les différentes dimensions de l’image du corps selon PRICE
Après avoir différencié l’image du corps des autres concepts, il s’agit désormais de
détailler cette notion. Selon PRICE, on peut distinguer 3 dimensions à l’image corporelle:
-
Le corps réel, qui est le corps tel qu’il est véritablement, transformé par le temps et la
maladie
-
Le corps idéal, qui est l’image d’un corps rêvé, influencé par les normes sociétales
-
L’apparence, qui est la façon dont on se présente aux yeux des autres. Elle est
modifiable par une action de la personne (1998)
15
2.2.5. L’altération du corps en soins palliatifs
Une prise en charge palliative est mise en place lorsque tous les traitements curatifs ont
échoués. Cela veut donc dire que le patient arrive dans ces soins en ayant précédemment subis
de multiples traitements plus ou moins invasifs. Cette association entre maladie et traitements
a pu entrainer différentes altérations, telles qu’une cachexie, une incontinence ou encore une
alopécie (KEMP, 2002). Ces répercussions ont pu de ce fait impacter l’image du corps de la
personne. Il est également nécessaire de remarquer que ces altérations, en plus du
retentissement évident pour la personne en soins palliatifs, ont des conséquences sur le vécu
de la situation par la famille et les proches. En effet, la personne qu’ils accompagnent n’est
plus telle qu’ils l’ont connue, et cette fracture entre ces deux corps différents peut entrainer
des souffrances psychologiques majeures. Il est de ce fait primordial d’accompagner la
famille afin qu’elle puisse continuer à être un pilier pour la personne dans sa fin de vie.
16
2.3. Les Soins Corporels
2.3.1. Histoire
Les soins corporels et la toilette sont présents dans la vie quotidienne des Hommes depuis
plusieurs millénaires. Cependant, ils se sont transformés au fil des siècles, en suivant
l’évolution de la société et des mœurs.
2.3.1.1.
A l’antiquité
Durant l’Antiquité, les soins corporels sont présents sous plusieurs formes. Les bains,
privés et publics, sont d’abord conçus en lien avec l’exercice physique. De ce fait, les
thermes, qui apparaissent vers le VIème siècle, sont « une dépendance des gymnases »
(RIVAL, 1986). Ces bains répondent également à une procédure importante (passage dans
différents bassins de tailles et températures différentes). Cette époque est aussi celle de
l’apparition des savons pour leurs vertus nettoyantes. Les bains sont ainsi utilisés pour se
laver, mais également pour se délasser. Ils sont également intégrés dans la vie
communautaire.
De plus, l’eau n’est pas considérée comme favorisant uniquement le lavage du corps.
Ainsi, « très tôt s’y mêle l’idée que cette immersion dans l’eau a aussi la vertu de purifier
l’âme et de la régénérer » (RIVAL, 1986). Les soins corporels ont donc ici un rôle d’hygiène,
mais également une signification rituelle et religieuse.
2.3.1.2.
Au Moyen-Âge
La place occupée par la religion durant cette période impacte fortement sur les
habitudes de soins des habitants. En effet, la notion de double représentation de l’eau est
conservée, « la netteté du corps est le reflet de la pureté de l’âme » (RIVAL, 1986).
Cependant, ces actes de toilettes doivent respecter la pudeur liturgique et rester cachés. Seuls
les actes d’hygiène sont acceptés ; les bains de détente ou de volupté sont prohibés.
Pour autant, ce souci de l’hygiène est réservé aux classes aisées, les produits et
ustensiles nécessaires étant trop coûteux pour une grande partie de la population.
2.3.1.3.
La Renaissance
Durant la Renaissance, un changement majeur est apporté aux habitudes d’hygiène.
Ainsi, « l’usage du linge de corps étant devenu plus courant […], la nécessité des bains se
serait fait moins sentir » (RIVAL, 1986). C’est donc par la propreté du vêtement qu’ils
17
contrôlaient leur hygiène. De ce fait, c’est à cette époque que s’est développée l’industrie du
linge, notamment par des importations de tissus.
L’hygiène corporelle, qui était auparavant profondément ancrée dans la religion,
s’émancipe et devient un moyen d’affirmer sa place dans la société. Cela se réalise grâce aux
vêtements, et à l’arrivée du parfum des produits dits « de beauté », tels que les fards qui
blanchissent la peau, ou les pastilles purifiant l’haleine. Le vêtement et le maquillage sont
autant d’éléments de représentations sociales.
2.3.1.4.
XIXème siècle
La période postrévolutionnaire a vu l’apparition des premières salles d’eau privées au
sein des maisons. Cependant, les bains restaient des affaires collectives, l’objectif étant de ne
pas gaspiller l’eau. Néanmoins, ces bains étaient toujours controversés ; il ne fallait pas qu’ils
deviennent de simples objets de plaisir, mais qu’ils soient réservés à l’hygiène.
Cette époque a également vu l’apparition de l’eau courante et du chauffe-eau, ce qui a
favorisé le courant hygiéniste, qui prônait le bain comme une nécessité afin d’éviter la
propagation des maladies
L’industrie du textile s’est également développée grâce à
l’apparition des grands magasins. (RIVAL, 1986)
2.3.1.5.
Depuis le XXème siècle
Le XXème et le XXIème siècle ont vu l’explosion de l’industrie de la beauté de l’hygiène,
par l’apparition de produits et maquillages nombreux. Favorisée par la publicité et le
développement de la communication, elle touche aujourd’hui une majeure partie de la
population.
2.3.2. La prise en compte des caractéristiques personnelles
Les soins corporels sont ainsi présents dans la vie quotidienne depuis de nombreuses
années. Malgré leurs évolutions au fil des siècles et leur libéralisation, certaines
caractéristiques restent prédominantes et impactent sur la relation des personnes vis-à-vis des
soins corporels.
2.3.2.1.
Le sexe
Il apparaît que la vision des soins corporels est différente selon le sexe. En effet, la
pression réalisée par les sociétés contemporaines sur les corps impactent plus les femmes.
Ainsi, « les femmes restent de manière privilégiée une cible de la cosmétique ou de ces
18
ateliers de métamorphose du corps » (LE BRETON, 2013). Néanmoins, les hommes sont de
plus en plus visés par l’industrie cosmétique (LE BRETON, 2013).
2.3.2.2.
La religion
Le poids de la religion a été au fil des ans un vecteur influençant la relation des
croyants à leur corps. En effet, « un aspect important de tous les rituels religieux est lié à
l’entretien du corps », afin d’être en accord avec les pratiques liturgiques visant à « guérir »,
assurer « la santé du corps » (MARZANO, 2010). De plus, « la fonction de la religion est de
contrôler ou de régler le corps à des fins religieuses » (MARZANO, 2010), par le biais par
exemple du jeûne ou de contrôle du corps. Ces deux dimensions peuvent impacter
significativement le rapport au corps et la réalisation des soins corporels.
2.3.3. Les soins corporels comme activité signifiante
Il apparait que les soins corporels font partie intégrante de la vie quotidienne des individus
depuis plusieurs siècles. Ainsi, comme exposé précédemment, les soins corporels font partie
de l’ « occupation » car ils ont une valeur « personnelle et socioculturelle » et sont « support
de la participation à la société ». De ce fait, ils peuvent avoir pour chaque personne un sens
particulier engageant une implication différente. Cette activité peut être considérée comme
signifiante pour certaines personnes. Une activité est signifiante lorsqu’elle « revêt un sens
particulier pour la personne lié à son histoire et à son projet personnel » (MOREL-BRACQ,
2006), alors qu’une activité significative a un sens pour un groupe social ou culturel
particulier. Ils sont de plus une composante des soins personnels, et donc pleinement acteurs
de l’occupation de la personne.
2.3.4. Les soins corporels en ergothérapie
L’ergothérapeute peut prendre en compte les soins corporels dans la prise en charge de la
personne. En effet, comme exposé précédemment, les soins corporels font partie intégrante
des actes quotidiens réalisés par une personne. Ils s’inscrivent dans ses habitudes de vie et
peuvent être signifiants dans une majorité des cas. HENDERSON (DELCHAMBRE et al,
2005) a d’ailleurs défini quatorze besoins fondamentaux. Ceux-ci comprennent notamment le
besoin de se vêtir et se dévêtir et le besoin d’être propre. Il apparait que ces besoins sont
nécessaires à l’épanouissement et au bien-être de la personne. De ce fait, la prise en compte
des soins corporels par l’ergothérapeute semble primordiale pour favoriser le bien-être de la
personne.
19
Cependant, S BILLAUD et C BOILLAT posent une question pertinente dans leur analyse
de l’activité toilette/habillage : « pourquoi la rééducation de la toilette et de l’habillage est-elle
une prise en charge relevant aussi de l’ergothérapie ? » (2006). En effet, la prise en compte
des activités quotidiennes n’est pas réservée à l’ergothérapeute, tous les professionnels
peuvent être inclus dans ce processus. Pour autant, chaque corps de métier va apporter, grâce
à sa pratique professionnelle, une approche différente des soins corporels. Ainsi, l’infirmière
ou l’aide soignante vont « suppléer le patient » (BILLAUD, BOILLAT, 2006) pour ces
activités qu’il n’est plus en mesure de réaliser, alors que l’ergothérapeute va tenter de
favoriser les capacités du patient afin d’optimiser sa participation dans ces soins. Néanmoins,
le travail en pluridisciplinarité est une composante essentielle à la prise en charge des activités
de soins corporels du patient, afin d’être au plus proche de ses besoins et de ses attentes.
La mise en place d’une prise en charge axée sur les soins corporels peut comprendre
plusieurs étapes :
-
La toilette :
o Le déplacement jusqu’à la salle de bain ou la mise en place du lit en position
fonctionnelle
o Le déshabillage
o Se laver le visage, les cheveux, le haut du corps, le bas du corps…
o se sécher
-
l’habillage :
o le choix des vêtements
o la mise en place des vêtements
-
les soins de présentations :
o se coiffer / se peigner
o se raser
o se maquiller
o se parfumer…
20
Ces différentes étapes sont sujettes aux changements par rapport aux habitudes de vie
antérieures de la personne
2.3.5. La place des soins corporels en soins palliatifs
Les soins corporels sont une dimension importante de la prise en charge en soins
palliatifs. Cependant, ils ne se centrent pas ici sur une rééducation aux gestes de la vie
quotidienne, mais peuvent être utilisés comme vecteurs favorisant la qualité de vie et le bien
être de ces personnes. Il est de plus nécessaire que l’accompagnement autour des soins
corporels soit consécutif à une demande du patient afin d’être au plus près de ses besoins
réels.
Afin d’évaluer les besoins de la personne concernant les soins corporels, il paraît
intéressant de se baser sur le Modèle Canadien du Rendement Occupationnel et de
Participation (MCRO-P). Cette version sera celle détaillée ci-après ; en effet, une nouvelle
version intitulée MCREO (Modèle Canadien du Rendement et de l’Engagement
Occupationnel) a été réalisée, mais elle n’est effectuée pour le moment qu’au Canada.
Celui-ci se base sur plusieurs hypothèses, notamment que « la vie de toute personne est
fondée sur l’occupation […], le rendement occupationnel et la participation », « la promotion
de l’activité permet le maintien de la santé et contribue à redonner un sentiment de contrôle
sur sa vie » (MOREL BRACQ, 2009). Cette deuxième affirmation prend tout son sens dans le
domaine des soins palliatifs. Ainsi, « L’activité est considérée comme un besoin fondamental
de la personne qui permet de donner un sens à la vie, d’accéder à un équilibre et d’éprouver
de la satisfaction » (GUEGUEN, 2001). Ce modèle met également en avant les liens entre « la
personne, son environnement, ses activités, sa santé et son bien-être » (MOREL BRACQ,
2009).
Différentes dimensions ressortent de ce modèle. Au niveau de la personne, quatre
dimensions sont identifiées et agissent entre elles : les dimensions physique, cognitive,
affective et spirituelle. Ces dimensions sont mises en
jeu dans les activités (ou ici
« occupations ») de la personne, qui sont divisées en 3 catégories : les soins personnels, la
productivité et les loisirs. De plus, la personne interagit avec son environnement, qu’il soit
physique, institutionnel, culturel et/ou social.
Ce modèle comprend différentes étapes, dont une évaluation appelée Mesure Canadienne
du Rendement Occupationnel. Elle se déroule en 4 parties. Dans le premier temps, le patient
doit citer les activités qu’il réalisait, réalise ou souhaiterait réaliser, en fonction des 3
21
catégories d’activités définies par le modèle (Soins personnels, productivité et loisirs). La
personne devra ensuite les classer par niveau d’importance, afin de pouvoir sélectionner les 5
activités les plus importantes pour elle. A partir du choix réalisé, il lui sera demandé de coter
ses capacités dans la réalisation de l’activité. Pour finir, il notera sa satisfaction concernant la
réalisation des ces activités dans sa situation actuelle.
Ce modèle semble être pertinent pour l’ergothérapeute afin de traiter de la question
des soins corporels. En effet, ceux-ci peuvent être inclus dans les soins personnels, qui sont
une composante de la MCRO-P. Ainsi, la passation de ce modèle permettra de mettre en
avant les besoins de la personne dans ce domaine, et de le coter objectivement.
La MCRO est également un des modèles privilégiés en soins palliatifs. En effet, elle
permet de respecter l’autodétermination de la personne, car celle-ci est amenée à désigner
« les activités qui lui sont significatives et sur lesquelles nous allons orienter le projet de
soin » (GUEGUEN, 2001). Elle permet également de tenir compte du temps qui reste à la
personne. Enfin, elle favorise la prise en compte de la qualité de vie, qui peut être définie en
fonction des « besoins perçus par les patients » (LEPLEGE, 1999). Selon A-F GUEGUEN,
« si nous considérons la satisfaction comme critère d’évaluation de la qualité de vie, la
MCRO nous renseigne sur la perception du patient de la qualité de ses derniers moments de
vie » (2001)
Ainsi, l’utilisation de la MCRO dans le cadre proposé ici paraît pertinente, car elle permet
de proposer un modèle validé, basé sur les activités de vie quotidienne de la personne, ce qui
est le propre de l’ergothérapie, tout en respectant ses choix et son autodétermination. Cela
nous permettra de ce fait de connaître les besoins de la personne dans le domaine des soins
corporels.
2.3.6. L’impact des soins corporels sur l’image du corps
Les soins corporels apparaissent donc comme une composante influençant la qualité de
vie de la personne. Ils sont également le lieu privilégié pour évoquer les questions d’image du
corps. Une étude parue en 2014 a prouvé que la réalisation d’une routine de soin de beauté,
sans fonction réelle d’hygiène, impactait sur l’image corporelle, indépendamment du sexe.
(PAASSCHEN et al, 2014). En effet, les activités de soins corporels mettent en avant
différentes constituantes qui peuvent impacter sur l’image du corps de la personne, car celleci « n’est pas une donnée objective, c’est une valeur qui résulte essentiellement de l’influence
de l’environnement et de l’histoire personnelle du sujet » (LE BRETON, 2013).
22
2.3.6.1.
La confrontation au corps
Les activités de soins corporels sont les seules à mettre instantanément la personne
face à son corps et à la dégradation de celui-ci. C’est par ce biais qu’elle va être confrontée à
son corps réel, différent de celui d’avant la maladie et des représentations sociales. En effet, le
corps tel qu’il est exposé doit « être lisse et beau, jeune, conforme au modèle implicite de
n’attirer l’attention sur lui que par sa séduction » (LE BRETON, 2013). Ainsi, il faudra être
vigilant quant à cette vision d’un corps en désaccord avec les normes sociales. De plus,
« Respecter la nudité et l’habillement, même de la personne âgée et du malade, favorisera une
réélaboration imaginaire et symbolique du soi corporel. » (ANDRIEU, 2007). De ce fait, il
sera important de respecter les limites émises par le patient et d’être à l’écoute de ses
remarques, afin de lui laisser l’espace nécessaire pour se réapproprier son corps, d’être en
accord avec lui et d’accepter le reflet du miroir .
2.3.6.2.
La relation de soin
La vision de la personne sur son corps est prégnante durant cette mise en situation.
Cependant, celle-ci peut être influencée par l’attitude du soignant et le regard qu’il porte sur la
personne et sur son corps, ainsi que le rapport qui existe entre les deux individus. Ainsi, une
mise en situation autour des soins corporels ne peut être réalisée qu’après la mise en place
d’une relation de confiance.
Le regard que le professionnel porte sur la personne devrait être bienveillant, ou du
moins sans a priori, afin de permettre au malade de réinstaurer un rapport paisible avec son
corps.
Enfin, il est important de remarquer que le patient va être confronté à son corps par le
biais de la vue, en le regardant directement ou à travers un miroir, mais également par élément
de comparaison avec le soignant, qui présente un corps idéalisé ou du moins exempt
d’altérations dues à la maladie.
2.3.6.3.
Le toucher
Le toucher est, associé à la vue, l’autre sens prépondérant pour la question de l’image
du corps dans les soins corporels. En effet, ce sens est particulièrement sollicité dans les mises
en situations de toilette, ou de soins d’apparence. Il apparait également que « le soin corporel
est […] le moyen privilégié par le sujet contemporain de s’incarner en ressentant sa peau, son
énergie, ses formes et sa matière. » (ANDRIEU, 2007). Le toucher est donc un média
nécessaire au bon déroulement de l’activité. « Stratégie relationnelle servant de mode de
23
contact avec le monde et avec les autres » (ANDRIEU, 2008), le toucher apparait comme une
alternative à la parole pour la mise en relation. C’est pourquoi « Derrière la blouse ou
l’uniforme, la sensibilité tactile doit traverser le vêtement, ne pas codifier un contact trop
rigide ni justifier un isolement professionnel toujours déshumanisant » (ANDRIEU, 2007).
Prendre le temps d’établir un toucher-douceur est primordial afin de favoriser la
revalorisation du corps. Enfin, il parait important d’observer que « souffrant de l’absence de
contact […], le besoin de toucher devient un désir de toucher et d’être touché. Insatisfait, il
produit des pathologies relationnelles comme l’isolement, la solitude et la difficulté d’entrer
en relation » (ANDRIEU, 2008) Ainsi considérer le toucher comme un soin à part entière
permet de prendre en compte l’aspect social et relationnel ainsi que l’image du corps, qui sont
des facteurs influençant la qualité de vie.
2.4. Retour sur la problématique et les hypothèses
La mise en parallèle des différentes notions nécessaires à la compréhension du sujet a
permis de faire ressortir plusieurs dimensions. Tout d’abord, le concept d’image du corps, qui
a été défini et détaillé, a pu être recensé comme étant une composante influençant la qualité de
vie. Ensuite, nous avons présenté la MCRO-P, utilisée par les ergothérapeutes en soins
palliatifs. En posant le postulat que l’évaluation de la satisfaction permet de déterminer la
qualité de vie, nous avons mis en exergue la présence des soins corporels comme déterminant
de la satisfaction. Ainsi, les soins corporels influent également sur la qualité de vie. Enfin, la
description des soins corporels et l’analyse d’activité qui a pu être réalisée a fait ressortir la
légitimité de cette mise en situation pour prendre en compte l’image du corps.
Tout en prenant en compte les différents éléments recueillis au cours des lectures, nous
allons à présent réaliser une enquête de terrain afin de répondre à notre problématique
intitulée « En quoi la prise en compte de l’image du corps en ergothérapie, par le biais
des soins corporels, permet d’améliorer la qualité de vie des patients en soins palliatifs ?
Cette problématique est appuyée par deux hypothèses qui étaient : Les soins corporels sont
le médiateur privilégié pour aborder les notions d’image du corps en ergothérapie
auprès de patients en soins palliatifs et Les soins corporels sont un domaine important
de prise en charge auprès des patients en soins palliatifs afin de favoriser leur
satisfaction. Afin de rendre compte de la validité de ces hypothèses, un recueil de données à
été réalisé.
24
3. DEMARCHE DE RECHERCHE
3.1. Méthodologie
3.1.1. Outils du recueil de données
Afin de répondre à ma question de recherche, j’ai choisi de réaliser des entretiens semi
directifs de différents professionnels. L’entretien me paraissait être la méthode de recueil de
données la plus pertinente pour mon sujet. En effet, il permet ainsi aux personnes de
s’exprimer librement sur un sujet, tout en suivant une trame de questions définies en amont.
Un questionnaire aurait été trop restrictif au niveau des réponses pour des questions qui
demandent de développer un raisonnement et un schéma de pensée. Un groupe focus aurait pu
être proposé, mais très difficile à organiser du fait du peu d’ergothérapeutes travaillant en
soins palliatifs et des contraintes institutionnelles.
De plus, il me semblait pertinent de réaliser des observations de patients en activité de
soins corporels grâce à une grille d’observation, tout en observant l’évolution grâce à la
passation de la MCRO-P en début et fin de prise en charge. Cependant, il m’a été impossible
de le réaliser du fait du secret médical et des contraintes de temps.
3.1.2. Les professionnels interrogés
Plusieurs critères ont été exposés afin de choisir les professionnels à interroger. Ces
critères ont néanmoins évolué au fil des recherches. Effectuant un stage dans la région MidiPyrénées, pour des raisons pratiques, mes premiers critères étaient :
-
4 catégories de professionnels différents, dont des ergothérapeutes
-
Travaillant auprès de personnes en soins palliatifs :
o En service spécialisé
o En hôpital ou Soins de Suite et de Réadaptation (SSR)
o En hôpital ou SSR avec des Lits Identifiés de Soins Palliatifs (LISP)
o A domicile (libéral ou réseau de soin)
-
Dans la région Midi Pyrénées
Ces critères m’ont permis de trouver six de mes contacts. Cependant, après étude de mes
entretiens, il m’est apparu que l’avis d’un troisième ergothérapeute était nécessaire afin de
compléter certaines réponses. J’ai donc revu mes critères pour trouver un professionnel
correspondant à mes attentes :
25
-
Un ergothérapeute
-
Travaillant auprès de personnes en soins palliatifs :
o En service spécialisé
o En hôpital ou SSR avec des Lits Identifiés de Soins Palliatifs (LISP)
o A domicile
-
Dans toute la France
Cette nouvelle recherche m’a permis de trouver un troisième ergothérapeute, travaillant plus
spécifiquement auprès de la catégorie de personnes concernée par cette étude.
J’ai donc réalisé sept entretiens avec des professionnels variés. Le recueil de données
comprend les points de vue de trois ergothérapeutes, deux socio esthéticiennes, une
psychologue et une masso-kinésithérapeute. Ces professionnels ont tous travaillé auprès de
personnes en soins palliatifs, mais dans des contextes et situations différentes. Ainsi, certains
travaillent en Unité de Soins Palliatifs (une socio esthéticienne et la masso-kinésithérapeute),
dans un réseau de soins palliatifs à domicile (une socio esthéticienne et la psychologue), ou
encore en SSR ou centre hospitalier (deux ergothérapeutes), comprenant des Lits Identifiés
Soins Palliatifs (un ergothérapeute). J’ai souhaité varier les secteurs d’exercices afin de mettre
en avant les différences de prises en compte de l’image du corps par les professionnels selon
les contraintes institutionnelles, de temps et de matériel. Interroger différents professionnels
m’a paru pertinent d’observer les points de vue des différentes personnes interrogées sur le
rôle de l’ergothérapeute, et en particulier en soins palliatifs. Cela me permet également de
placer ce travail de recherche dans un contexte pluridisciplinaire.
Afin de préserver l’anonymat des professionnels interrogés, ils seront nommés de la sorte :
-
ERGO 1 : travaille en centre hospitalier, en rééducation et USLD. Prend en charge
de temps en temps des personnes en soins palliatifs.
-
ERGO 2 : travaille en SSR gériatrique. Prend en charge de temps en temps des
personnes en soins palliatifs.
-
ERGO 3 : travaille en SSR polyvalent avec LISP. Il a fait un DU Soins Palliatifs.
-
SOCIO-E 1 : travaille en équipe mobile de soins palliatifs, unité de soins palliatifs
et oncologie.
-
SOCIO-E 2 : travaille dans un réseau de soins palliatifs auprès de patients à
domicile.
26
-
PSYCHO : travaille dans un réseau de soins palliatifs auprès de patients à domicile
et en EHPAD.
-
KINE : travaille en unité de soins palliatifs et hôpital de jour gériatrie.
3.1.3. La grille d’entretien
La grille d’entretien pour les professionnels est composée de trois parties : « les soins
palliatifs », « l’image du corps » et « l’ergothérapeute & les soins corporels ». Cette grille
d’entretien comporte 17 questions, réparties entre les trois thèmes (cf Annexe 1). Cette
présentation a pour objectif de suivre un déroulement logique similaire à celui utilisé pour le
rappel des notions théoriques. Cette progression permet également de partir de leur pratique
pour arriver finalement à des idées plus complexes. La même grille a été utilisée pour tous les
entretiens afin de faciliter l’analyse des réponses obtenues. Néanmoins, quelques
modifications ont pu être apportées pour la tournure des questions suivant les professionnels
interrogés.
Lors de plusieurs entretiens, certaines questions n’ont pas été posées, soit parce que les
réponses à ces questions avaient été énoncées précédemment, soit parce que la question
n’était pas pertinente compte-tenu des réponses précédentes. De plus, lors des deux premiers
entretiens réalisés (ERGO 1 ou ERGO 2), certaines questions n’ont pas été posées du fait d’un
manque d’expérience pour la réalisation de ces entrevues.
27
3.2. Analyse du recueil de données
3.2.1. Les soins palliatifs
3.2.1.1.
Présentation des personnes interrogées
La présentation des différents professionnels s’est déroulée en trois temps : la précision de
leur poste, la présentation de la structure de soins et l’explication de leurs rôles.
3.2.1.1.1.
La profession
Sept professionnels ont été interrogés : trois ergothérapeutes, deux socioesthéticiennes,
une psychologue et une kinésithérapeute. Quatre catégories professionnelles sont ainsi
distinguées. Chaque professionnel a énoncé son rôle, mais de façon plus ou moins explicite.
Certains nous ont dit clairement leur profession, comme SOCIO-E 1 qui nous dit « je suis
socioesthéticienne », quand d’autres l’ont plutôt laissée sous-entendre, comme ERGO 2
lorsqu’elle commence son explication par « en tant qu’ergo ». Le fait que je les ai contactés
en connaissant déjà leur profession peut expliquer ces différences. Ainsi, certains n’ont pas
jugé utile de redonner leur titre exact, étant donné qu’il était déjà connu.
Il est intéressant d’observer que les deux socioesthéticiennes ont détaillé plus
précisément la formation qu’elles ont suivie. En effet, elles nous précisent qu’elles ont fait
« une école avec la certification » pour SOCIO-E 1, « une formation complémentaire pour
pouvoir vraiment avoir une approche psychologique de la personne fragilisée » pour
SOCIO-E 2. Elles ont par ce biais souhaité mettre l’accent sur la légitimité de leur exercice, et
le professionnalisme qu’elles peuvent présenter auprès des patients.
Enfin, ERGO 3 est le seul professionnel à avoir fait une formation spécifique
complémentaire, un « Diplôme Universitaire (DU) en soins palliatifs ». Il semble donc qu’il
ait des compétences complémentaires pour travailler auprès du public qui nous intéresse ici.
3.2.1.1.2.
La structure de soins
Les structures de soins ont été données par cinq professionnels sur les sept. Nous
pouvons supposer qu’ERGO 2 et la kinésithérapeute ne l’ont pas précisé pour des raisons
similaires que précédemment, à savoir que je connaissais déjà leur lieu d’exercice.
Avec les réponses obtenues, nous pouvons observer que deux professionnels (SOCIOE 2 et la psychologue) travaillent dans « un réseau de soins à domicile », et que les cinq
autres professionnels travaillent en structure : en « USP(Unité de Soins Palliatifs) » pour
28
SOCIO-E 1 et la kinésithérapeute, en « hôpital » pour ERGO 1 et en « Soins de Suite de
Rééducation et de Réadaptation » pour ERGO 2 et ERGO 3. De plus, ERGO 3 a dans sa
structure « dix Lits Identifiés de Soins Palliatifs(LISP) ».
Il est important de remarquer que les trois ergothérapeutes interrogés travaillent en
structure de soins, mais dans des services très différents. Les dix LISP évoqués par ERGO 3
nous laissent penser qu’elle est plus fréquemment confrontée à des personnes en soins
palliatifs qu’ERGO 1 et ERGO 2.
3.2.1.1.3.
Des rôles bien explicités
Six professionnels sur les sept ont détaillé leurs rôles auprès des personnes en soins
palliatifs. En effet, la kinésithérapeute n’a pas du tout évoqué son rôle, mais a insisté sur le
fait que « le kiné a un rôle très important dans l’équipe ». Cela peut s’expliquer par le fait que
la profession de kinésithérapeute est développée et reconnue. De ce fait, elle n’a pas jugé utile
de détailler sa pratique.
Il apparait que les rôles de l’ergothérapeute sont différents suivants les structures
d’exercice. Ainsi, les trois ergothérapeutes réalisent des positionnements, des adaptations et
des aides techniques. Par contre, seuls ERGO 2 et ERGO 3 mettent l’accent sur les activités
de vie quotidienne, avec notamment « la façon de réaliser des transferts », ou des « ateliers
cuisine ». De plus, seul ERGO 3 réalise des activités de groupe « cuisine […] de danse en
position assise ». Nous pouvons supposer qu’elle prend en charge plus de patients en soins
palliatifs que ses collègues, et peut ainsi développer ces axes de pratiques avec les personnes
en soins palliatifs.
Des divergences existent également lorsque les deux socioesthéticiennes présentent leurs
rôles. Néanmoins, l’écoute est une composante importante pour elles, afin « d’accueillir les
maux du corps », dans un objectif d’ «accompagnement ». Enfin, il est important de
remarquer que SOCIO-E 2 retrouve un parallèle entre sa profession et celle d’ergothérapeute,
dans l’utilisation d’un média pour le soin, pour sa profession : « utiliser l’esthétique comme
un outil pour la prise en charge du patient ».
3.2.1.2.
Quelle définition pour les soins palliatifs ?
Cette question a pour objectif d’observer si les professionnels connaissent les différentes
composantes des soins palliatifs, et si les différents éléments sont pris en compte. Nous
pouvons observer que les notions principales de la définition sont exprimées par les
professionnels. En effet, ils évoquent les « soins de confort » car « il n’y a pas de guérison
29
possible ». Néanmoins, « ce n’est pas forcément des gens qui vont mourir », de ce fait la fin
de vie est à envisager mais n’est pas forcément imminente. Enfin, il leur parait important de
mettre en place une « prise en charge globale », holistique, afin d’ « accompagner » au mieux
la personne dans cette dernière étape de vie.
Ainsi, tous les professionnels ont fait ressortir les composantes essentielles des soins
palliatifs, du fait de leur pratique quotidienne avec cette catégorie de patients. Néanmoins,
nous pouvons observer qu’aucun des trois ergothérapeutes n’a mis en évidence le concept
« d’accompagnement » dans leur définition des soins palliatifs. Cela peut s’expliquer par les
contraintes institutionnelles. En effet, ils ont peu de temps pour prendre en charge chaque
personne, et de ce fait un suivi régulier est parfois compliqué à mettre en place.
Enfin, il est intéressant de remarquer que la notion de prise en charge holistique a été
évoquée uniquement par la psychologue et SOCIO-E 2 qui travaillent dans le réseau de soins
à domicile. Cela apparait surprenant au premier abord, les professionnels qui travaillent en
structures sont plus sensibilisés à la prise en charge pluridisciplinaire et globale du patient.
Néanmoins, nous pouvons supposer que la prise en charge holistique (qui est la prise en
compte globale de l’individu en lien avec son système, avec ses attentes, ses besoins et ses
valeurs), est une des valeurs primordiales dans ce réseau de soins, et qu’elle est identifiée
comme telle par ces deux personnes.
3.2.1.3.
L’organisation de la prise en charge
Trois grandes dimensions de la prise en charge sont identifiées par les professionnels : la
pluridisciplinarité, la présence d’intervenants extérieurs et la hiérarchisation. En effet, de
nombreux professionnels mettent en avant le « travail d’équipe » ou la présence
d’une « équipe pluridisciplinaire très complète ». Ainsi, ERGO 3 nous dit travailler
« régulièrement ensemble avec les kinés », et la kinésithérapeute nous exprime travailler en
collaboration avec «les aides-soignantes » et « les infirmiers ». Cependant, les deux
socioesthéticiennes ne mettent pas en avant cette composante, ce qui s’explique car SOCIO-E
1 nous dit qu’elle travaille « seule », et SOCIO-E 2 qu’elle ne fait que « croiser » les autres
professionnels.
Au contraire, elles exposent plutôt bien la hiérarchisation de la demande de soins, qui peut
venir de l’ « équipe soignante », du « personnel médical », mais également de « la famille »
ou « des patients eux-mêmes ». Cette composante est également mise en avant par ERGO 1
car « c’est la psychologue qui (lui) demande d’intervenir », et ERGO 3, qui nous dit être
30
« souvent alertée par mes collègues ou par une prescription ». Nous pouvons ici observer que
la socioesthétique est parfois demandée par la famille. Par contre, l’ergothérapie est
uniquement recommandée par des professionnels de santé. Nous pouvons l’expliquer par la
méconnaissance de notre profession par le grand public et par la rareté de notre intervention
auprès des personnes en soins palliatifs.
3.2.2. L’image du corps
3.2.2.1.
Les attentes d’une personne en soins palliatifs
Les professionnels ont identifié plusieurs attentes formulées par les personnes en fin de
vie : la gestion de la douleur physique en apportant « du bien-être, du confort », la gestion de
la souffrance psychologique « par rapport à leur situation de fin de vie, à leur perte
d’autonomie, de devoir demander de l’aide, d’être tributaire de quelqu’un pour des choses
qu’elles faisaient seules », et une posture d’écoute de la part des soignants par « la présence et
la chaleur humaine ».
ERGO 1 est le seul professionnel à nous évoquer les notions de « constitution de leur
projet » de fin de vie et de respect des volontés de la personne en lui demandant « qu’est ce
que vous souhaitez ? ». De plus, ERGO 3 et SOCIO-E 2 nous expriment que « les attentes ne
sont pas toujours verbalisées par les patients eux-mêmes ». Cela peut s’expliquer par des
situations vécues par ces professionnels où ils se sont retrouvés en difficultés face à des
patients n’exprimant pas leurs besoins.
Enfin, le souhait par la personne de prendre en compte les proches et la famille n’est
évoqué par aucun des professionnels interrogés. Nous pouvons supposer que ce sont plus les
médecins, les infirmières et les assistantes sociales qui sont confrontés aux demandes des
familles. Cela pourrait expliquer cette absence d’identification de la famille dans les attentes
du patient par les professionnels interrogés.
3.2.2.2.
La qualité de vie : quelles dimensions ?
Cinq des six dimensions de la qualité de vie énoncées par AARONSON sont évoquées
dans les réponses des professionnels. Nous retrouvons ainsi les symptômes pathologiques et
effets secondaires des traitements avec la « prise en charge de la douleur », l’état fonctionnel
avec les souhaits de « se lever, de marcher », la détresse psychologique avec le « soutien
moral du patient et surtout de sa famille », les interactions sociales en leur permettant
« d’être en lien avec les autres, de ne pas être isolé ».
31
La satisfaction par rapport à la prise en charge est une dimension identifiée par aucun des
professionnels. Ainsi, elle ne leur apparait pas comme influençant significativement la qualité
de vie des patients alors même qu’elle permet de l’évaluer.
La sexualité et l’image corporelle sont évoquées spontanément uniquement par la
psychologue qui, en parlant de la socioesthétique, dit que « cette approche était vraiment très
importante dans ce rapport au corps qui était déchirant ». Par contre, sur sollicitation, six
professionnels sur sept identifient l’image du corps comme influençant la qualité de vie.
ERGO 3 nous précise qu’elle peut avoir des répercussions sur l’autonomie de la personne
dans les soins corporels et sur les relations sociales. La psychologue met quant à elle en avant
l’impact que peut avoir l’image du corps sur les relations familiales. Ainsi, l’impact de
l’image du corps sur la qualité de vie n’est pas évident pour les professionnels, mais apparait
comme important après sollicitation. Cela peut être dû à un manque de connaissances sur
cette notion.
Pour autant, ERGO 1 ne considère pas, même sur sollicitation, l’image du corps comme
influençant la qualité de vie. Cependant, il nuance ses propos en soulignant l’importance de la
structure et de la relation de soin pour faire apparaitre cette composante.
3.2.2.3.
Quelles distinctions entre image du corps et schéma corporel ?
Tous les professionnels interrogés identifient des différences entre le schéma corporel et
l’image du corps. Toutefois, les distinctions effectuées ne sont pas les mêmes suivant les
professionnels. En effet, seuls les trois ergothérapeutes et la kinésithérapeute nous disent que
le schéma corporel correspond à la proprioception, qui est « la position du corps dans
l’espace ». Cela peut être dû au contenu de leur formation, qui comporte une composante plus
analytique et précise du fonctionnement corporel. Ainsi, l’idée que le schéma corporel soit
interne à la personne est quant à elle évoquée par tous les professionnels sauf les
ergothérapeutes. Le schéma corporel serait ainsi « très propre à soi », « c’est comment on
perçoit le corps ». Cette distinction fait appel à des concepts plus en lien avec le psychisme,
ce qui peut expliquer pourquoi les ergothérapeutes n’ont pas évoqué cette composante. En
effet, ils sont peut-être moins sensibilisés que la psychologue ou les socioesthéticiennes à
cette notion.
L’image du corps est quant à elle identifiée globalement par tous les professionnels, sauf
par SOCIO-E 1 qui ne distingue pas réellement l’image du corps et l’image de soi. L’image
du corps apparait donc comme « plus extérieur(e) ». En effet, elle est liée aux normes et aux
32
« représentations sociales », car « c’est l’image que l’on renvoie ». La kinésithérapeute nous
dit d’ailleurs que les personnes en soins palliatifs peuvent avoir « du mal à se regarder ».
L’image du corps est également influencée par les relations sociales et affectives, « elle est
aussi référente avec ce que nous dit l’entourage », car « le regard de l’autre va changer ».
Ainsi, il apparaît que l’image du corps est fortement impactée par la société et les relations
sociales.
ERGO 1 ajoute également que cette image du corps est « subjective », et « correspond
plus au vécu ». Il appuie ainsi sur l’influence de l’histoire de vie de la personne dans la vision
de l’image du corps.
3.2.2.4.
Mise en jeu de l’image du corps
Quelques situations ont été identifiées par les professionnels comme mettant en jeu de
façon privilégiée l’image du corps de la personne en soins palliatifs. ERGO 3 identifie les
relations sociales, car « dès qu’il s’agit d’être en groupe, avec d’autres patients […] et puis
par rapport aux familles », l’image du corps est sollicitée. Elle est la seule à l’observer, ce qui
s’explique par sa pratique professionnelle. En effet, ERGO 3 est le seul des sept
professionnels interrogés qui réalise des activités de groupe avec les patients. SOCIO-E 2
note quant à elle que les conséquences des traitements mettent en jeu l’image du corps : « la
maladie ça entraine des déficits sur le corps, les traitements très lourds […] donc là oui
effectivement l’image du corps est mise en jeu ». Les soins du corps qu’elle peut être amenée
à réaliser ont certainement influencé cette réponse.
Les soins corporels sont mis en avant de façon implicite par deux professionnels. Ainsi,
ERGO 2 nous dit que les personnes en soins palliatifs « n’aiment pas se voir comme
grabataire », et la psychologue que l’image du corps est mise en jeu « quand on commence à
ne plus pouvoir s’alimenter, aller aux toilettes ». On peut également noter qu’ERGO 3, à la
question précédente, déclarait considérer l’image du corps comme liée « aux soins
d’apparence ». Ainsi,
les soins corporels ne sont pas clairement identifiés par les
professionnels comme favorisant la prise en compte de l’image du corps car seuls trois
professionnels le mettent en évidence. Il parait néanmoins étonnant que les deux
socioesthéticiennes n’aient pas fait ressortir cet élément. Nous pouvons cependant supposer
que la question n’a pas été comprise par ces deux personnes, car SOCIO-E 1 a parlé des
pathologies psychiatriques et SOCIO-E 2 de la généralité des soins palliatifs.
33
3.2.2.5.
L’image du corps dans la pratique professionnelle
L’image du corps est prise consciemment en compte par tous les professionnels, sauf par
ERGO 2 qui considère qu’il s’agit plus des compétences de l’équipe soignante qui y est « plus
[…] confrontée ». Nous pouvons donc supposer qu’elle n’a pas identifié de méthodes ou de
postures particulières de sa part visant à prendre en considération l’image du corps.
Les professionnels qui prennent en compte consciemment l’image du corps mettent en
avant différentes postures qu’ils mettent en place. La psychologue utilise une posture
d’écoute, car l’image du corps « fait partie des thèmes (qu’elle) essaie d’aborder avec tout le
monde » ; la kinésithérapeute note quant à elle l’importance du regard ; ERGO 3 va pour sa
part essayer « de valoriser la personne ». Ainsi, par le biais de postures et de comportements
spécifiques, certains professionnels accordent une place dans leur pratique à la prise en
compte de l’image du corps.
Cette question n’a pas été posée aux socioesthéticiennes car elles avaient identifié
précédemment la prise en compte de l’image du corps comme une composante importante de
leur pratique, par le biais des soins de beauté et de l’écoute (cf Question 1 ).
3.2.3. L’ergothérapeute & les soins corporels
3.2.3.1.
Que fait un ergothérapeute ?
Cette partie s’adresse
uniquement
aux
autres
professionnels,
c’est-à-dire les
socioesthéticiennes, la psychologue et la kinésithérapeute. Aucun d’entre eux n’a travaillé en
collaboration avec un ergothérapeute pour la prise en charge de patients en soins palliatifs. En
effet, il n’y en a pas dans les services où ils travaillent. Cependant, SOCIO-E 2 nous dit
qu’elle juge pourtant le rôle de l’ergothérapeute auprès de ces personnes comme
« important ».
Du fait de cette absence d’ergothérapeute auprès des personnes en soins palliatifs, ses
différentes compétences ne sont pas identifiées par tous les professionnels. Néanmoins, nous
pouvons remarquer que SOCIO-E 2 connait plutôt bien les compétences de l’ergothérapeute,
car elle cite la gestion de la douleur en essayant de « diminuer toutes les souffrances
physiques », la favorisation du lien social en recréant « un lien avec l’extérieur » ou encore le
développement de l’autonomie dans le « maintien des capacités fonctionnelles », « plus dans
les gestes de la vie quotidienne ». Elle est le seul des professionnels interrogés à citer ces trois
compétences. On peut supposer qu’elle a pu rencontrer un ergothérapeute exerçant dans un
autre secteur d’activité, ou qu’elle s’est renseignée avant la réalisation de l’entretien.
34
La prise en compte de la souffrance morale est citée par la psychologue et SOCIO-E 2 en
favorisant la « coordination entre le psychisme et le corps ». La kinésithérapeute a quant à
elle noté que nous pouvons « apporter beaucoup au niveau du positionnement des patients ».
Enfin, tous les professionnels nous parlent des compensations et adaptations, par la mise en
place de « cuillère adaptée » par exemple.
Ainsi, nous pouvons remarquer que la compétence de l’ergothérapeute la plus reconnue
est celle concernant les aides techniques. C’est, en effet, la plus visible par tous les
professionnels. Il est également intéressant de noter que les compétences repérées sont
souvent en lien avec le métier exercé par le professionnel qui l’énonce. En effet, la
kinésithérapeute nous parle du positionnement alors que la psychologue met en avant la prise
en compte de la souffrance morale. Finalement, SOCIO-E est le professionnel qui a saisi le
plus globalement notre rôle auprès des personnes en soins palliatifs.
3.2.3.2.
Les activités de soins corporels
Les professionnels interrogés trouvent en majorité un intérêt à la mise en place d’activités
de soins corporels. Cependant, aucun d’entre eux n’a justifié ce choix. La psychologue nous
précise néanmoins que la mise en place de ces activités pourrait être bénéfique « autant pour
les personnes que pour leur entourage ».
Les soins corporels semblent être une catégorie recouvrant un large panel de composantes.
En effet, les professionnels identifient la socioesthétique, la relaxation avec les « touchermassages » et les « activités physiques adaptées ». Ces activités sont citées par les
professionnels lorsqu’elles ont lieu sur leur lieu d’exercice. Au niveau des soins d’hygiène, ils
sont évoqués spontanément par une partie des professionnels, « la toilette, l’habillage », « la
douche », les soins d’apparence « le passage chez la coiffeuse, le vernis à ongles, pour les
hommes être bien rasé ». La kinésithérapeute ne l’identifie pas spontanément, mais après
sollicitation. On peut observer que les ergothérapeutes les identifient en priorité, car elles
peuvent concerner leur pratique professionnelle.
Ainsi, les activités de soins corporels semblent importantes à mettre en place en soins
palliatifs, et notamment la toilette, l’habillage et les soins d’apparence.
3.2.3.3.
La prise en compte de l’image du corps dans les soins corporels
Les professionnels mettent en avant de façon non exhaustive différentes postures qu’ils
peuvent adopter afin de prendre en compte l’image du corps dans les activités de soins
corporels :
35
-
Revaloriser : ERGO 3 nous dit essayer de « revaloriser la personne rien que par une
toilette et un habillage » et SOCIO-E 1 de « les revaloriser par rapport à leur corps ».
-
Ecouter les demandes de la personne : ERGO 1 nous dit qu’il faut « prendre en
compte les demandes du patient », et ERGO 3 « faire attention aux attentes de la
personne ». Ainsi, les ergothérapeutes sont les seuls à mettre en avant cette notion de
respect du projet de soin.
-
Créer une relation de soin : la psychologue nous dit qu’il faut « connaitre un peu la
personne ». Quant à ERGO 1, il nous signifie que l’activité se passera différemment
s’il est face à un homme ou à une femme. Nous pouvons supposer qu’il a été
confronté à des situations de gêne où cette question s’est posée.
-
Respecter la personne : la psychologue nous dit qu’il faut être « dans le respect de la
personne », pour leur montrer qu’ « on les considère toujours comme des êtres
humains » (SOCIO-E 1).
-
Le toucher : Cette composante est mise en avant uniquement par les professionnels
travaillant dans le réseau de soins à domicile. Ainsi, SOCIO-E 2 nous dit que « le
toucher, c’est le lien qu’on va créer avec la personne », et la psychologue que « tout
ce qui passe dans le toucher […] valorise pour le coup aussi l’image du corps ».
-
Le regard : cette dimension est mise en évidence par les socioesthéticiennes et la
psychologue. On peut supposer qu’elles ont été plus sensibilisées dans leur formation
à cette notion. Ainsi, la psychologue nous dit notamment qu’il faut « revenir à […] du
regard » afin de favoriser l’image du corps
-
L’autonomie : la kinésithérapeute et ERGO 3 nous expriment que favoriser
l’autonomie de la personne en soins palliatifs est pertinent pour prendre en compte
l’image du corps. Ainsi, il faut que ce soit le patient « qui fasse le maximum ». Pour
cela, « il faut arriver à doser jusqu’où on l’aide, et jusqu’où on le laisse faire ». La
formation et les compétences acquises par ces deux professionnels expliquent
pourquoi ils sont les seuls à avoir émis cette composante.
Enfin, SOCIO-E 2 nous rappelle que certains patients ne verbalisent pas leurs attentes. De
ce fait, elle nous dit que le regard et le toucher sont des dimensions importantes à prendre en
compte car ils sont vecteurs de relation : « « je crois qu’il y a beaucoup de choses qui passent
qui ne sont pas forcément verbalisées, par le regard et par le toucher ».
Ainsi, les professionnels arrivent globalement à identifier les postures à adopter afin de
favoriser la prise en compte de l’image du corps dans les activités de soins corporels.
36
Néanmoins, il est important de noter que certaines de ces attitudes, assez globales, ne sont
pas spécifiques aux soins corporels, et peuvent donc être adoptées en toutes circonstances.
3.2.3.4.
L’ergothérapeute : intervenant privilégié ?
La place de l’ergothérapeute pour traiter de l’image du corps dans les activités de soins
corporels est justifiée par plusieurs dimensions. La kinésithérapeute note notamment qu’ « il y
a un côté bilan, savoir ce que fait la personne », qui est spécifique à l’ergothérapeute. En
effet, les autres professionnels intervenant dans les soins corporels ne vont pas effectuer de
bilans aussi spécifiques que les ergothérapeutes.
Favoriser l’autonomie est également une dimension exprimée par les professionnels,
notamment par ERGO 1 (« permettre à quelqu’un de faire ses transferts seuls au lieu d’être
mis dans un lève malade, ça joue aussi »), SOCIO-E 2 (« peut-être dans leur autonomie ») et
la kinésithérapeute (« plus d’apprentissages, de redonner certains gestes aux patients » « être
plus autonome, ça favorise aussi l’image du corps »). De ce fait, l’ergothérapeute est
réellement le professionnel compétent en la matière. Afin de favoriser cette autonomie, des
compensations et adaptations peuvent être mises en place, comme « mettre des velcros pour
qu’une femme puisse continuer à porter ses robes » ou « leur apporter des outils ».
Certains professionnels mettent également en avant la relation et le temps que peut passer
l’ergothérapeute avec une personne dans ses activités de soins corporels. Ainsi, ERGO 3
nous dit qu’ « on est dans une autre dimension de la relation avec le patient », et la
kinésithérapeute qu’ «un ergothérapeute il prendra plus le temps ».
De ce fait, l’ergothérapeute aurait sa spécificité dans la prise en compte de l’image du
corps dans les soins corporels par la réalisation de bilans, la relation qu’il met en place et les
moyens mis en œuvre pour favoriser l’autonomie du patient en soins palliatifs.
Cependant, il est important de noter qu’ERGO 2 et SOCIO-E 1 ne voient pas un rôle
spécifique de l’ergothérapeute. Pour ERGO 2, les autres professionnels « sont peut-être plus
sensibilisés » à la notion de l’image du corps. Quant à SOCIO-E 1, elle nous dit qu’on peut
déjà « le noter et le remarquer, et après faire appel à quelqu’un ». Le rôle de l’ergothérapeute
dans cette situation n’est donc pas évident pour une partie des professionnels.
3.2.3.5.
Quelle utilisation de la MCRO-P par les ergothérapeutes ?
Cette question a été posée uniquement aux ergothérapeutes, car c’est un bilan très
spécifique. D’ailleurs, aucun d’entre eux n’utilise la MCRO-P auprès des personnes en soins
37
palliatifs, ni même en général. Cela peut s’expliquer par une méconnaissance de l’outil :
ERGO 2 nous dit ainsi qu’elle « ne connait pas », et ERGO 3 « que ça lui dit quelque
chose ». ERGO 1, quant à lui, n’en voit pas l’utilité et nous dit que « quand on arrive avec sa
fiche de bilan, on ne met pas les gens à l’aise ». ERGO 3 nous dit de plus que le bilan « se
fait plus au fil de la discussion ». Ces trois professionnels se basent donc sur la discussion et
des bilans personnels pour recueillir les attentes de la personne plutôt que sur une grille
d’entretien validée. Ils n’évaluent pas de ce fait de manière reconnue la qualité de vie en se
basant sur la satisfaction.
38
4. DISCUSSION
4.1. Conclusion du recueil de données
La réalisation de ces différents entretiens a permis de mettre en avant différentes
pratiques des soins auprès des personnes en soins palliatifs. En effet, quatre catégories
professionnelles ont été interrogées. De plus, les sept professionnels travaillent dans un panel
de 5 structures différentes. Du fait de ces considérations institutionnelles, certaines
distinctions auraient pu se présenter quant à la vision des soins palliatifs. Cependant, il
apparait qu’elle est sensiblement la même pour tous les professionnels interrogés, et
correspond à la première définition de l’OMS de 1990. Néanmoins, deux notions sont
évoquées spontanément par très peu des professionnels, alors qu’elles apparaissent dans la
définition de L’OMS de 2002 : il s’agit de la qualité de vie et de la prise en compte de la
famille. Nous pouvons donc remarquer que l’accompagnement de la famille n’est pas
identifié spontanément alors même qu’elle est impactée par l’approche de la fin de vie
(KEMP, 2002). Cela peut être dû au manque de lien entre les professionnels interrogés et les
proches des patients. En effet, ils sont pris en compte de manière plus évidente par le médecin
ou encore l’assistante sociale, du fait de l’approche pluridisciplinaire observée par tous les
professionnels.
La notion de qualité de vie n’est pas quant à elle associée immédiatement aux soins
palliatifs par les professionnels, alors qu’elle est peut être sa notion la plus importante. Pour
autant, les différentes dimensions pouvant influer sur elle ont été identifiées. Nous pouvons
donc remarquer que la qualité de vie des personnes est prise en compte par les différents
professionnels, en travaillant sur différentes dimensions de celle-ci identifiées par
AARONSON (CELLA, 2007). Ainsi, même si ce terme n’est pas évoqué par les personnes
interrogées comme étant une notion importante en soins palliatifs, nous pouvons observer
qu’elle est en réalité bien un élément moteur pour la prise en charge des patients.
Cette notion de qualité de vie constitue un élément majeur de la prise en charge en
ergothérapie en soins palliatifs, même si elle est prise en compte différemment par les
professionnels selon leur lieu d’exercice. Ainsi, les trois ergothérapeutes réalisent des
positionnements et adaptations, mais seuls deux d’entre eux travaillent sur les activités de vie
quotidienne. Enfin, un seul réalise des activités de groupe. Ces différences de pratiques
peuvent s’expliquer par des considérations institutionnelles. En effet, certains ergothérapeutes
ont moins de temps à consacrer à cette catégorie de patients. Des ergothérapeutes travaillant
exclusivement auprès de cette population auraient peut être apporté des réponses plus en
39
adéquation avec l’approche holistique privilégiée en soins palliatifs (BURKHARDT et al,
2011). De plus, aucun des trois ergothérapeutes interrogés n’utilise la grille d’entretien de la
MCRO-P avec les patients en soins palliatifs pour évaluer leur qualité de vie, alors qu’elle se
base sur les activités signifiantes pour la personne. Cela est concordant avec les réponses
apportées à la question portant sur les dimensions favorisant la qualité de vie. En effet, la
satisfaction n’a été énoncée par aucun des professionnels comme impactant significativement
sur elle, alors qu’elle peut être le facteur permettant de l’évaluer (GUEGUEN, 2001).
L’image du corps est quant à elle indiquée par les professionnels comme influant sur
la qualité de vie, mais uniquement après sollicitation. Elle est donc repérée spontanément par
très peu de professionnels. Pour autant, cette notion est plutôt bien distinguée du schéma
corporel par les différentes personnes interrogées. Certains professionnels ont tout de même
mis en avant l’impact que peut avoir cette image du corps si elle est altérée. Elle aurait ainsi
des répercussions sur l’autonomie de la personne dans les soins corporels et sur les relations
sociales et familiales. De ce fait, les professionnels nous disent globalement prendre en
compte l’image du corps dans leur pratique, par le biais d’une posture d’écoute, du regard et
de la valorisation de la personne.
Les soins corporels sont quant à eux jugés utiles à mettre en place en soins palliatifs.
Regroupant une grande quantité de composantes dont la socioesthétique, les soins d’hygiènes
et d’apparence sont tout de même identifiés, en majorité par les ergothérapeutes, comme
importants pour les patients. Pour autant, les contraintes de temps et institutionnelles ne
permettent pas toujours aux ergothérapeutes de réaliser des accompagnements dans ce
domaine.
Néanmoins, les différents professionnels identifient des comportements favorisant la
prise en compte de l’image du corps dans les activités de soins corporels. Une relation de soin
apparait tout d’abord comme nécessaire à la mise en place de cette activité, afin de respecter
la personne (ANDRIEU, 2007). Le toucher, le regard et l’écoute des demandes du patient sont
également des éléments mis en place par les professionnels, afin de les revaloriser et de
favoriser le lien social (ANDRIEU, 2008). Enfin, favoriser l’autonomie du patient est
primordial afin qu’il soit pleinement acteur du soin.
Cette dernière composante nous permet ici de mettre en avant le rôle de
l’ergothérapeute pour traiter de la notion d’image du corps dans les soins corporels. En effet,
l’ergothérapeute est le professionnel le plus compétent dans ce domaine, par le biais des
bilans qu’il peut réaliser ou des moyens qu’il peut mettre en place afin de favoriser son
40
indépendance dans les activités de soins corporels. Certains professionnels soulignent
également que l’ergothérapeute prendra plus le temps pour réaliser cette activité, permettant
ainsi d’instaurer une relation de confiance favorisant la parole et l’écoute. Ainsi, la spécificité
de l’ergothérapeute est de mettre en place des activités de soins corporels signifiantes pour la
personne. Les activités de soins corporels apparaissent donc ici comme un médiateur
permettant d’influer sur l’image du corps de la personne et sur sa qualité de vie.
4.2. Vérification des hypothèses
Nous allons maintenant vérifier si la mise en relation des apports théoriques et de
l’analyse des entretiens permet de vérifier les hypothèses.
Hypothèse 1 : Les soins corporels sont le médiateur privilégié pour aborder les notions
d’image du corps en ergothérapie auprès de patients en soins palliatifs
Les apports théoriques nous permettent de valider cette hypothèse. En effet, les soins
corporels apparaissent comme une activité faisant partie intégrante des occupations de la
personne. De ce fait, ils peuvent être signifiants pour la personne. De part cette présence dans
les habitudes de vie, les ergothérapeutes peuvent être amenés à effectuer un accompagnement
autour des soins corporels.
De plus, il apparait que les soins corporels sont un domaine influençant l’image
corporelle (PAASSCHEN et al, 2014) car ils sont l’activité mettant de manière privilégiée la
personne en confrontation avec son corps. Elle est également celle pour qui les notions de
toucher et de relation de soins sont primordiales. La mise en place d’un accompagnement aux
soins corporels par l’ergothérapeute semble donc légitime pour aborder au mieux l’image
corporelle de la personne en soins palliatifs.
Au niveau du recueil de données, nous pouvons déjà remarquer que les soins corporels
sont présents et considérés importants par tous les professionnels intervenants en soins
palliatifs. Ils identifient les soins d’hygiène (toilette, habillage, soins de présentation) comme
composante majeure de ces soins corporels. Une partie des professionnels identifie
spontanément les soins corporels comme mettant en jeu de manière importante des questions
d’image du corps. Cependant, nous pouvons remarquer qu’ils ne sont pas identifiés
préférentiellement à d’autres situations, comme les relations de groupe.
Des comportements sont identifiés comme favorisant la prise en compte de l’image du
corps, comme un toucher respectueux, la relation de soin ou un regard bienveillant.
41
Néanmoins, ces attitudes ne sont pas spécifiques aux soins corporels. Ils sont nécessaires dans
l’accompagnement de soins global de la personne.
L’ergothérapeute est pour sa part identifié par une partie des professionnels comme un
intervenant essentiel autour des questions de soins corporels, par son approche favorisant
l’autonomie par la réalisation de bilans et la relation particulière qui se met en place lors de
ces mises en situation avec le patient.
Cette hypothèse est donc partiellement vérifiée. En effet, les soins corporels mettent en
jeu l’image du corps. Cependant, ils ne sont pas identifiés comme un médiateur privilégié par
rapport à d’autres types de prise en soins.
Hypothèse 2 : Les soins corporels sont un domaine important de prise en charge auprès
des patients en soins palliatifs afin de favoriser leur satisfaction
Les apports théoriques vérifient cette hypothèse. En effet, ils peuvent être signifiants
pour la personne. Dans ce cas de figure, la passation de la MCRO-P par les ergothérapeutes
met en évidence cette activité comme étant importante pour la personne. Après un
accompagnement adapté autour des soins corporels, la MCRO-P permettra de mettre en
évidence une variation dans la satisfaction de la personne. En considérant la satisfaction
comme indicateur de la qualité de vie (GUEGUEN, 2001), nous pouvons donc ici considérer
que les soins corporels, s’ils sont signifiants pour la personne, sont un domaine permettant de
favoriser la satisfaction.
L’analyse des entretiens permet de mettre en avant que la MCRO-P n’est pas utilisée par
les ergothérapeutes. La satisfaction n’est également pas identifiée comme étant une dimension
impactant sur la qualité de vie.
Cependant, un accompagnement en ergothérapie autour des soins corporels est repéré
comme favorisant l’autonomie des personnes. Cela peut leur permettre d’être plus acteurs des
soins malgré un mauvais état fonctionnel. Or « l’état fonctionnel » est une dimension de la
qualité de vie identifiée par AARONSON (CELLA, 2007). De ce fait, les soins corporels
peuvent permettre de favoriser la qualité de vie, et donc la satisfaction de la personne en soins
palliatifs.
De plus, la première hypothèse, partiellement vérifiée, met en évidence que l’image du
corps est sollicitée dans les soins corporels proposés en soins palliatifs. Elle influence
42
également la qualité de vie (CELLA, 2007). Cela appuie donc l’hypothèse que les soins
corporels favorisent la satisfaction de la personne en soins palliatifs.
4.3. Critique
Différents éléments de critique peuvent être pointés dans ce travail. Dans un premier
temps, le choix des professionnels interrogés comporte des biais. En effet, aucun des
ergothérapeutes ne travaille spécifiquement auprès de personnes en soins palliatifs. Des
ergothérapeutes travaillant en Unités de Soins Palliatifs, ou à domicile, auraient apporté des
réponses différentes. Toutefois, ces types de services comportent peu d’ergothérapeutes.
De plus, aucun des autres professionnels interrogés ne côtoie d’ergothérapeute dans sa
pratique en soins palliatifs. De ce fait, les questions portant sur l’ergothérapeute ou son rôle
ont pu en être impactées. Interroger d’autres catégories de professionnels, par exemple des
médecins, des infirmiers ou des aides-soignants, aurait également permis d’enrichir le recueil
de données.
Compte tenu de ces remarques, nous pouvons également observer que sept professionnels
ne représentent pas un panel important de professionnels. De ce fait, leurs réponses ne doivent
pas être généralisées. Questionner un nombre plus important de professionnels aurait pu
apporter une vision supplémentaire dans certains domaines assez complexes. De plus, le point
de vue de personnes bénéficiant de soins palliatifs aurait pu apporter un éclairage différent de
celui des professionnels des soins.
Des biais peuvent également être notés concernant la grille d’entretien. Celle-ci présentant
dix-sept questions est assez longue, ne permettant pas parfois aux personnes de développer
leur point de vue. Certaines questions sont de plus relativement fermées ou mal formulées,
notamment celle cherchant à montrer des situations mettant en jeu l’image du corps. Cela ne
contribue pas au recueil des données nécessaires. Enfin, quelques questions ne sont pas
cohérentes avec les hypothèses que l’on cherche à démontrer.
Les premiers entretiens réalisés ont également comporté des biais. En effet, questionner
des professionnels sur un sujet de recherche suppose d’être attentif aux réponses apportées
afin de demander des précisions si nécessaire. Or, ces premières expériences n’ont pas permis
d’amener des réponses abouties en raison de la pression engendrée par la réalisation de ce
recueil de données.
43
4.4. Pistes d’ouverture
La réalisation de cette étude permet de mettre en avant le manque d’ergothérapeutes
travaillant dans des structures spécialisées de soins palliatifs de type USP (unité de soins
palliatifs). En effet, il n’a pas été possible de trouver des ergothérapeutes travaillant dans ces
services qui acceptent de répondre aux entretiens. Ceux-ci avaient en effet de petits temps de
pratique en soins palliatifs, ou n’étaient appelés que ponctuellement pour des problématiques
de positionnement. Un cadre de santé travaillant dans un service où des entretiens ont été
réalisés a d’ailleurs déclaré qu’il ne connaissait pas notre profession et nos compétences. Pour
cette raison, il n’envisageait pas d’engager un ergothérapeute. Cela est prégnant dans de
nombreuses équipes pluridisciplinaires où les rôles de l’ergothérapeute ne sont pas toujours
clairement identifiés (KEESING et ROSENWAX, 2011). Un travail de communication
semble donc nécessaire afin que l’ergothérapie en soins palliatifs se développe.
Quant aux ergothérapeutes travaillant en soins palliatifs, ils ont tous déclarés ne pas
utiliser la MCRO-P dans leur pratique. Certains ne la connaissaient pas, et d’autres n’en
voyaient pas l’intérêt. Cependant, celle-ci est préconisée dans les secteurs de soins palliatifs
(GUEGUEN, 2001). Or, l’utilisation d’une grille d’entretien basée sur les habitudes de vie de
la personne permettrait de valoriser la pratique de l’ergothérapie en soins palliatifs. Elle
favoriserait de plus une approche axée sur les « occupations » et activités signifiantes. En
effet, certains ergothérapeutes exerçant en soins palliatifs mettent en avant un rôle uniquement
centré sur les aides techniques, du fait d’une méconnaissance et d’un manque de temps, alors
que les patients et leurs aidants mettent en avant un désinvestissement dans les activités
signifiantes pour la personne, et un manque de communication vis-à-vis de cela. (KEESING
et ROSENWAX, 2001). L’utilisation de la MCRO-P en soins palliatifs par les
ergothérapeutes permettrait aux autres professionnels de reconnaitre ses rôles au-delà du
positionnement et des aides techniques. Elle permettrait aux ergothérapeutes d’instaurer un
dialogue avec le patient autour d’activités importantes pour lui, et ainsi de les réinvestir.
Une dernière piste de réflexion est également apparue lors des entretiens. Une des
socioesthéticiennes interrogées a mis en avant l’intérêt d’un travail en collaboration entre
socioesthéticienne
et
ergothérapeute.
Cette
interprofessionnalité
n’apparait
pas
immédiatement, et pourtant plusieurs éléments pourraient permettre un développement des
accompagnements de groupes animés par ces deux corps de métiers. Nous pouvons remarquer
que le référentiel d’activité socioesthétique met en avant les compétences de « travailler en
équipes pluridisciplinaires » et d’ « animer des ateliers collectifs et participatifs » (Répertoire
National des Certifications Professionnelles). Le référentiel d’activité ergothérapique expose
44
les activités suivantes : « Animer et conduire des groupes selon différentes techniques»,
« Coopérer au sein d’une équipe pluriprofessionnelle et avec les différents acteurs […] afin de
faciliter l’activité et l’implication sociale » (Bulletin Officiel Santé, 2010). Ces deux
professionnels sont donc compétents pour mener des activités de groupe avec des patients,
tout en travaillant en pluridisciplinarité. De ce fait, la création d’un groupe autour des soins
corporels, animée par un ergothérapeute et une socioesthéticienne, peut
être une piste
d’accompagnement en soins palliatifs. Nous pouvons prendre pour référence l’atelier « Soin
de Soi » mis en place par Annie PAULIN, ergothérapeute et esthéticienne, auprès
d’adolescents (2010). En choisissant un groupe fermé non mixte de trois à quatre personnes, il
a pour objectif de favoriser l’expression sur les soins corporels et sur le rapport au corps, tout
en créant une dynamique de groupe propice à la socialisation (PAULIN, 2010). Certains de
ces éléments pourraient être réutilisés en soins palliatifs. Il faudrait néanmoins veiller à
respecter l’autodétermination de la personne, et son état de santé.
45
CONCLUSION
Cette étude avait pour objectif de montrer en quoi les soins corporels sont un médiateur
privilégié en ergothérapie pour aborder la notion d’image du corps, et ainsi favoriser la qualité
de vie des personnes en soins palliatifs. La mise en relation des apports théoriques et des
résultats du recueil de données a permis de mettre en évidence plusieurs éléments.
En effet, si du point de vue théorique, l’image du corps est un élément crucial à prendre en
compte par les professionnels du soin, il apparait que ceux-ci sont en pratique peu sensibilisés
à cette notion. Néanmoins, ils essaient de la prendre en compte en favorisant la verbalisation,
en mettant en place une relation de soin, un toucher et un regard bienveillant.
Les données théoriques mettent également en avant l’intérêt des soins corporels pour
aborder la notion d’image du corps, par la proximité et la confrontation au corps qui est mise
en jeu lors d’accompagnement à la toilette ou à l’habillage notamment. Toutefois, les
professionnels interrogés ne repèrent pas immédiatement cette activité comme média
préférentiel pour la prise en compte de l’image du corps. Les comportements mis en place par
rapport à cette notion ne sont ainsi pas spécifiques aux soins corporels. Les soins corporels
apparaissent donc comme un média parmi d’autres pour prendre en compte l’image du corps.
Cependant, la corrélation entre les apports théoriques et les entretiens permet de mettre en
avant que les soins corporels impactent la qualité de vie. En effet, ils peuvent permettre de
favoriser l’état fonctionnel et l’image du corps de la personne en soins palliatifs, influençant
ainsi sur ses interactions sociales. Ces trois éléments sont des dimensions impactant la qualité
de vie. De plus, si les soins corporels sont une activité signifiante pour la personne, ils
peuvent également favoriser sa satisfaction, et de ce fait sa qualité de vie. Les
ergothérapeutes, par la passation de la MCRO-P ainsi que par leurs compétences ayant pour
but de favoriser l’autonomie de la personne, peuvent être des intervenants essentiels afin de
permettre l’autodétermination et le bien-être de la personne en soins palliatifs.
Enfin, cette étude a permis de mettre en évidence la nécessité d’un travail en
pluridisciplinarité autour de la question des soins corporels et de l’image du corps. La
possibilité
d’interprofessionnalité
a
également
été
énoncée,
notamment
entre
socioesthéticienne et ergothérapeute. Celle-ci pourrait être intéressante à développer, par le
biais d’activités de groupe, afin de favoriser la qualité de vie des personnes en soins palliatifs.
46
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49
ANNEXES
1. Guide d’entretien
2. Entretien ERGO 1
3. Entretien ERGO 2
4. Entretien ERGO 3
5. Entretien SOCIO-E 1
6. Entretien SOCIO-E 2
7. Entretien Psychologue
8. Entretien Kinésithérapeute
9. Tableau d’analyse des entretiens
GRILLE D’ENTRETIEN
« X » indique si la question correspondante a été posée aux professionnels
Pensez-vous que l’image du corps est une dimension impactant sur la
qualité de vie ?
Selon vous, quelle est la différence entre l’image du corps et le schéma
corporel ?
Pensez-vous qu’il existe des situations ou contextes particuliers ou
l’image du corps est particulièrement mise en jeu ?
Prenez-vous en compte l’image du corps dans votre pratique ?
KINE
Afin de favoriser leur qualité de vie, quelles seraient les dimensions à
prendre en compte ?
PSYCHO
Selon vous, quelles seraient les attentes ou demandes principales d’une
personne en soins palliatifs ?
SOCIO-E 2
Les rôles des différents professionnels sont-ils bien définis ?
SOCIO-E 1
Comment s’organise la prise en charge des personnes en soins
palliatifs ?
ERGO 3
Comment définiriez-vous les soins palliatifs ?
Il s’agit de noter la vision qu’ils ont de leur profession et leurs champs
d’intervention par secteur.
ERGO 2
Pouvez-vous vous présenter et présenter votre rôle auprès des
personnes en soins palliatifs ?
Eléments attendus
ERGO 1
Questions
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
Il s’agit d’observer si la définition est claire et partagée par les différents
professionnels, et également suivant les secteurs d’activités.
Il s’agit de percevoir le parcours de soins des personnes au sein du
service, et auprès de ce professionnel
Il s’agit de constater si les rôles des professionnels sont identifiés par
leurs collègues
Il s’agit de distinguer si les professionnels sont à l’écoute des besoins de
la personne et s’ils ont identifié des besoins récurrents, notamment en
terme d’image du corps
X
X
Il s’agit de retrouver ici les différentes composantes citées par
AARONSON, et s’ils identifient l’image du corps comme en faisant partie
Il s’agit de compléter la question précédente si la notion d’image du corps
n’a pas été énoncée
Il s’agit de repérer si la notion d’image du corps est connue des
professionnels, et de vérifier si la terminologie est concordante avec celle
énoncée ici
Il s’agit ici d’observer s’ils ont identifié l’image du corps comme
prégnante dans certaines activités, en particulier autour des soins
corporels.
Il s’agit ici de remarquer si les professionnels la prennent en compte
consciemment ou inconsciemment
X
Avez-vous déjà travaillé avec un ergothérapeute ?
Quelles pourraient être les actions d’un ergothérapeute auprès de
patients en soins palliatifs ?
Pensez vous que des activités autour des soins corporels pourraient
être proposées aux patients ?
Quelles seraient les différentes composantes des soins corporels ?
Comment pensez-vous que l’image du corps peut-être prise en compte
dans les activités de soins corporels ?
Comment pensez-vous que l’ergothérapeute pourrait traiter de la
notion d’image du corps dans ces activités ?
Avez-vous déjà utilisé la grille d’entretien de la MCRO-P ?
Il s’agit de mettre en évidence la présence ou non d’ergothérapeutes dans
les différents services de soins palliatifs.
X
X
X
X
Il s’agit de voir si les compétences et les rôles de l’ergothérapeute sont
connus des autres professionnels
X
X
X
X
X
X
X
Il s’agit de noter si des activités de ce type sont mises en place, et si non,
s’ils en voient la nécessité
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
Il s’agit de distinguer si les professionnels identifient la toilette,
l’habillage et les soins de présentation comme faisant partie des soins
corporels.
Il s’agit de mettre en avant si des comportements ou postures favorisant la
prise en compte de l’image du corps sont repérés par les professionnels
X
X
X
X
X
X
X
X
X
Il s’agit de remarquer s’ils identifient un rôle spécifique de
l’ergothérapeute, et en quoi peut-il se distinguer des autres professionnels.
X
X
X
Il s’agit d’observer la fréquence d’utilisation de cette mesure et si elle est
connue par les ergothérapeutes.
X
X
X
Du coup pour vous, c’est quoi les attentes principales d’une personne en soins palliatifs ?
ENTRETIEN ERGO 1
ERGO 1 : C’est quoi votre définition des soins palliatifs ? C’est la bonne
Pour moi leur attente principale est la constitution de leur projet, quel qu’il soit. J’ai eu un patient qui
C’est des soins donnés à une personne, à partir du moment où on ne cherche plus la guérison
avait 40 ans, qui avait des difficultés pour les repas, à qui on me demandait de faire un bilan, mais moi
mais le confort et le bien être.
je préfère voir le patient en situation et en parler avec lui avant de faire un bilan, si il n’est pas
demandeur, c’est pas la peine de l’embêter avec ça. Bon finalement j’ai quand même fait un petit bilan
Voilà, ce n’est pas forcément des gens qui vont mourir. Je précise parce que moi j’interviens, j’ai et je
ergo mais bon.
fais une formation douleur / soins palliatifs sur l’hôpital et sur le département, c’est moi qui fais le petit
topo.
Vous faites quoi comme bilans ?
D’accord
Ça dépend, moi je ne suis pas très bilan. On va dire que c’est basé sur la MIF. En gros les bilans c’est
simple, ça dépend de la pathologie ; si le patient il ne marche pas, on ne va pas lui demander s’il va aux
Qu’est ce que je fais en soins palliatifs ? Donc oui on a la même définition. On va parler de cas
toilettes tout seul. Par rapport au patient ça va être les transferts, l’habillage, la toilette, les repas. Là j’ai
concrets, c’est souvent des cas lourds, c’est rarement un paraplégique il va être en soins palliatifs parce
eu une dame la semaine dernière qui a un cancer, qui m’a dit « moi j’adore écrire », donc tout ce que
qu’il ne remarchera pas. Donc qu’est ce que je fais. Vous avez des questions peut-être ?
j’ai fait pour elle c’est de travailler sur l’écriture, et elle était super contente.
Allez-y, parce que ma première question était celle-là
C’est en fonction de ses attentes ?
Donc on fait pleins de choses. Je fais tout ce que ferait un ergothérapeute « standard ». Ça peut être du
Oui, parce que le reste ne l’intéressait pas. Moi je trouve que la question pertinente en soins palliatifs
positionnement, par rapport à un handicap, une douleur, souvent les deux ensembles, aussi
du
c’est « qu’est ce que vous souhaitez ? », parce que c’est des gens qu’on ne va pas rééduquer. Enfin
positionnement à visée pas corrective mais posturales, ça j’en fais pas mal. Après c’est vrai que quand
voilà ce qui me parait être le meilleur bilan. Mais bon, j’en fais quand même des bilans, le Braden par
on a des gens qui sont vraiment en phase prémortem, qui ne mangent pas, qui ne bougent pas c’est plus
exemple, ça m’arrive de le faire avec l’infirmière, afin de voir pour le positionnement.
compliqué. Je fais aussi pas mal d’adaptations rapport aux besoins des patients. Ça peut être des
aménagements de domicile, de la mise en place de FR. Après en terme de traitement de la douleur il y a
D’accord. Du coup par rapport à ce que les patients peuvent vous demander, est-ce que l’image
le positionnement, après je fais un peu de physio, mais c’est plus les kinés qui s’en occupent. Voilà en
du corps est une notion qui revient fréquemment dans les demandes ?
gros, pas mal d’aides techniques
Dans ce que je vois, non. Parce que il y a deux catégories de patients en soins palliatifs : ceux qui vont
D’accord. Et au niveau de la prise en charge des patients en soins palliatifs, comment ça
mourir rapidement et ceux qui ne vont pas mourir dans l’immédiat. Donc l’image du corps, pour des
s’organise ? Qui intervient ?
patients qui ne sont pas loin de mourir, donc qui ne sont pas forcément conscients, là la question ne se
pose même pas. Donc oui, l’image du cops, je n’y suis pas vraiment confronté. Même par rapport à la
Au niveau des personnes de l’hôpital ? Ici on a un service douleur et soins palliatifs. Il y a l’équipe
nudité, comme ils sont à l’hôpital, ils sont habitués à montrer leur corps. J’ai quand même eu une
mobile de soins palliatifs, composée d’une infirmière, une psychologue et un médecin, qui se déplace
femme, qui m’avait parlé de problèmes pour se maquiller, mais ce n’était pas un problème fonctionnel,
dans tout l’hôpital. On travaille beaucoup en pluridisciplinarité. Souvent, ce qui est assez curieux, c’est
c’était surtout parce qu’elle n’avait pas ce qu’il fallait, et elle m’en parlait à moi comme elle aurait pu
la psychologue qui me demande d’intervenir, parce que c’est elle qui reçoit les plaintes des patients, et
en parler à n’importe qui ! Après il y a des patients qui ont des maladies nécrosantes, qui ne sentent pas
comme j’y interviens de façon ponctuelle, c’est elle qui voit les patients et entend leurs demandes.
bon, mais qui ne m’ont jamais exprimé ça. Peut-être qu’ils n’osent pas m’en parler, j’ai peut-être pas le
C’est pas incohérent, parce qu’il n’y a pas d’assistante sociale, et c’est une équipe qui intervient dans
bon abord pour ça, en tout cas en soins palliatifs. Mais sur d’autres pathologies j’ai pu y être confronté.
tous les services.
Mais du coup est ce que vous pensez que ce serait quand même une dimension à prendre en
Pour moi cela comprend la toilette, l’habillage, les soins d’apparence, pour un homme se raser,
compte ?
pour une femme se maquiller…
Je pense que ça dépend des personnes et des services. Dans un vrai service de soins palliatifs peut être
D’accord, parce que je sais aussi que j’ai des collègues qui font des massages, mais pas moi. Je suis un
plus, parce que les professionnels connaissent bien les patients, moi c’est des gens que je vais voir 3, 4
ergo très « fonctionnel ». Moi je travaille en rééducation, donc je suis vraiment rééducateur de base. Je
fois au plus, donc ce n’est pas pareil. Après en long séjour où je travaille également il y a des lits de
suis pas du tout « psy », ou « neuropsy », enfin forcément un peu, mais bon. Je sais que les kinés ont pu
soins palliatifs, mais où c’est vraiment de la fin de vie. Mais avec des patients conscients, on va quand
mettre en place des «bains relaxants » avec certains patients, mais je n’y participe pas. Mais bon, pour
même plus pouvoir agir, par exemple sur l’habillage, le positionnement,
ces activités pourquoi pas, après c’est toujours pareil, c’est à la demande du patient. Après je suis
intervenu plusieurs fois pour des patients à qui on demandait de se doucher tous les jours alors qu’ils ne
Quelle différence faites-vous entre image du corps et schéma corporel ?
Pour moi, le schéma corporel est plus analytique alors que l’image du corps correspond plus au vécu.
On peut avoir un trouble du schéma corporel et avoir quand même une bonne image du corps, et
l’inverse aussi. L’image du corps est plus subjective. C’est pour ça que pour aborder ce type de sujet, il
faut que les patients aient confiance, et que c’est pour ça que je n’y suis pas confronté, parce que je les
le faisaient pas chez eux. Ça devient une agression pour eux la douche dans ces cas là. Je pense que
c’est un peu notre rôle de dire ces choses là, surtout en soins palliatifs. Après, c’est différent quand on
connait bien les patients, parce que moi je les vois très peu de fois.
Pour vous, dans les soins corporels, comment l’ergothérapeute pourrait prendre en compte
l’image du corps ?
vois peu. A la limite, c’est plus présent en rééducation, parce que je suis les patients sur un plus long
terme, et je les vois une à deux heures tous les jours.
Alors là, bonne question ! Alors quelle que soit la pathologie, moi je demande au patient ce qui est
important pour lui, même pour une fracture du poignet, si la personne est maçon, le poignet n’aura pas
Avec les personnes en soins palliatifs, quelles activités pouvez-vous mettre en place ?
J’interviens souvent autour de la communication verbale et non verbale. La toilette très peu, car les
personnes sont soit dans l’incapacité physique d’exprimer cette demande ou de réaliser l’activité, soit
c’est une maladie évolutive mais qui n’handicape pas dans ce domaine pour l’instant. Les repas
reviennent pas mal aussi, je regrette d’ailleurs de ne pas travailler avec une orthophoniste. Après je
peux leur proposer des activités de rééducation, en sachant que parfois c’est presque plus de
l’animation, car par exemple avec un patient ayant une tumeur cérébrale évolutive, on ne pourra pas
rééduquer l’hémiplégie, mais si le patient fait cette demande, alors je mets en place des actes de
rééducation. Du coup, elles n’ont pas de vrai but thérapeutique. C’est plus pour eux,
psychologiquement, que ça a un intérêt. Il faut bien comprendre qu’avec les gens en soins palliatifs, on
ne va pas faire de rééducation.
la même importance que si elle est chef d’orchestre. Sinon, pour toutes les activités qu’on fait où on est
en contact avec le corps, moi je suis un homme, ce qui fait que ce sera différent si je suis face à un
homme ou a une femme. Du coup, ça m’est arrivé de faire des autonomies toilette par « procuration »,
en demandant à une aide soignante de regarder les différents points, parce qu’il faut faire attention aux
ressentis du patient. Donc après l’image du corps, on ne parle pas du schéma corporel… je pense qu’il
faut prendre en compte les demandes du patient, si il n’a pas envie de se raser, il ne se rase pas, encore
plus dans les soins palliatifs, on s’en fout si il n’est pas rasé. Après on peut aussi être vigilant au choix
des vêtements, on peut intervenir pour des adaptations par exemple couper une robe et mettre des
velcros pour qu’une dame puisse continuer à porter ses robes. Pour moi ça ça touche l’image du corps,
même si ce n’est pas le corps « en direct », ça touche aussi l’image de soi. Je suis pas mal intervenu sur
des choses comme ça. Sur le choix des fauteuils roulant aussi, j’avais une dame qui voulait un fauteuil
de la même couleur que sa voisine de chambre, donc on avait réussi à en trouver un. Après je pense
Est-ce que des activités autour des soins corporels, de la toilette, de l’habillage, seraient des
qu’il y a d’autres choses que je fais, mais qui ne me sautent pas aux yeux, parce que c’est intriqué dans
choses que vous pourriez mettre en place ?
d’autres activités. C’est aussi valoriser le patient sur son corps, parce que mine de rien, permettre à
quelqu’un de faire ses transferts seul au lieu d’être mis dans un lève malade, ça joue aussi.
Toilette, habillage oui, après soins corporels c’est quoi ?
Au final quand on réfléchit, dans tout ce qu’on peut faire il y a l’image du corps derrière. Pour
l’autonomie repas, la propreté c’est important, il y a des gens qui ne mangent pas par peur de se salir.
C’est comme je me suis battu pour que les poches à urines qui pendent à côté des fauteuils roulants
soient cachées dans des sacs opaques, je pense que c’est l’image du corps aussi. C’est comme quand on
met des contentions, on essaye de les mettre sous la robe. C’est des détails qui sont finalement
importants.
Ma dernière question : vous avez beaucoup parlé d’être attentif aux demandes du patient, du
coup avez-vous déjà songé à utiliser la MCRO ?
Je ne connais pas bien, mais ça me dit quelque chose. Je pense qu’on arrive bien à cerner les besoins
des patients sans avoir besoin d’un bilan. Surtout en soins palliatifs. Moi je pense que le plus important
c’est le contact. Quand on arrive avec sa fiche de bilan, on ne met pas les gens à l’aise. Déjà, même
avant de faire la rééducation, je vais les voir dans la chambre, je me présente, on discute quelques
minutes. En soins palliatifs, il faut prendre le temps. Je pense que le meilleur bilan, c’est les paroles du
patient. Moi je fonctionne toujours de la même manière pour recueillir mes informations : toilette,
habillage, repas, loisirs. […]. Mais je pense que si tu veux avoir accès à ça, il faut que les gens aient un
rapport de confiance.
ENTRETIEN ERGO 2
Ici nous avons une équipe pluridisciplinaire très complète, avec médecin, infirmier, aide soignant, kiné,
ergo, neuropsychologue, diététicienne, orthophoniste ponctuellement. Il y a également une coiffeuse
Pour construire le recueil de données, on a besoin de conduire des entretiens, d’envoyer des
qui vient, ainsi qu’une esthéticienne. Il y a également un service de bénévoles en soins palliatifs qui se
questionnaires pour répondre à notre question et voir ce qui est possible ou ce qui n’est pas
déplace à la demande. De plus, cet établissement étant à l’origine un couvent, une religieuse peut
possible en pratique.
accompagner les personnes qui le souhaitent, en respectant les croyances de chaque personne.
Pouvez-vous présenter votre rôle au sein du service en général et auprès des patients en soins
Selon vous, pour une personne en soins palliatifs, quelles sont ses attentes ou demandes
palliatifs ?
principales ?
En tant qu’ergo on s’occupe de leur environnement dès l’entrée : si il y a nécessité de matelas pour le
Soulager la douleur, qu’elle soit physique ou morale. Et tout ce qu’on apporte sur le plan humain, ils
traitement des escarres, des aides à la marche (fauteuil roulant, rollator ou cannes).On s’en assure par
apprécient. Ce que je veux dire par là, c’est la posture d’écoute de la part des soignants.
rapport aux équipes pour qu’elles sachent comment les prendre : s’ils ont besoin d’aller au WC, pour
les levers le matin, pour les emmener en salle à manger dès le second repas dans la structure (car le
Pour vous, pour favoriser leur qualité de vie, quelles seraient les différentes dimensions à
premier se fait en chambre). Donc on s’occupe de tout ce qui est environnement, chaise garde robe si
prendre en compte ?
nécessaire. Ça c’est le jour où ils rentrent, et derrière on fait un bilan d’entrée, qui comprend
l’environnement à la maison (comment il est fait, l’architecture de la maison), et quelle était leur
La prise en charge de la douleur, l’écoute, le respect de leurs croyances, leurs directives anticipées (je
autonomie à la maison, et comment est-elle à ce jour. A partir de là on fixe les objectifs. Après on fait
veux voir ma famille ou pas, je veux du sucré ou du salé…). Finalement, c’est respecter la dignité de la
la rééducation / réadaptation nécessaire, et pour finir on prépare la sortie en fonction de ce qu’ils nous
personne.
ont dit de la maison, de ce qu’ils ont récupéré, on conseille le matériel nécessaire. On fait des visites à
Pensez-vous que l’image du corps est une dimension qui favorise leur qualité de vie ?
domicile si besoin.
Et c’est le même fonctionnement pour la prise en charge des patients en soins palliatifs ?
En soins palliatifs, j’essaye de maintenir un bilan d’entrée, même si parfois c’est un peu délicat de leur
demander, selon l’avancement de leur état, si on sait qu’ils ne vont pas rentrer à la maison, c’est vrai
Oui, moi j’y crois, au moins certaines personnes. Pas forcément toutes, mais pour quelques unes
d’entre elles, ça peut être important.
De ce fait, quelles différences faites-vous entre image du corps et schéma corporel ?
que je maintiens tout ce qu’ils font en autonomie, la maison… ça dépend je m’adapte.
L’image du corps c’est l’image qu’on renvoie, et le schéma corporel est plus dû à une dynamique
Après si ils veulent rien que s’asseoir sur le bord du lit, on fait que ça, c’est à la demande.
cognitive on va dire, le côté proprioceptif.
Du coup, comment vous définiriez les soins palliatifs ?
Dans le cas des personnes en soins palliatifs, comment pensez-vous que l’image du corps est
Pour moi les soins palliatifs c’est quand il n’y a plus de soins curatifs, donc on fait des soins de confort.
Ce n’est pas obligatoirement une fin de vie, ça peut durer 2 ans.
questionnée, dans quel contexte cette question est-elle mise en jeu ?
Ça dépend de l’histoire et du caractère de la personne, qui y contribue. Dès l’instant où on est dans
l’écoute, dans le respect de la personne, dans le dialogue, on peut y être confronté. Après il y en a qui
Auprès des patients en soins palliatifs, est-ce les mêmes professionnels qui interviennent que pour
une prise en charge plus « classique » ?
n’aiment pas s’imaginer, se voir comme grabataire, quand ils commencent à sentir qu’ils deviennent
dépendants pour tout, l’image qu’ils se donnent, ils demandent d’alléger les souffrances, de les apaiser
par rapport à ça
Dans votre pratique, prenez-vous en compte la notion d’image du corps ?
Je pense que c’est systématique au sein de notre équipe. Je m’occupe beaucoup d’environnement donc
c’est plus les équipes soignantes qui y sont confrontées.
Est-ce que vous mettez en place des « activités » avec les patients en soins palliatifs ?
Pas vraiment, ce qu’on fait c’est qu’on respecte leurs choix, on leur demande par exemple s’ils veulent
s’asseoir aujourd’hui, au bord du lit ou au fauteuil, avec le lève-malade, planche de transfert ou en
actif. Après s’ils veulent aller marcher, sortir, on fait ce qu’on peut pour eux
Du coup est-ce que ça vous arrive de mettre en place des activités autour des soins corporels avec
ces patients ?
Ça ne m’est pas arrivé, mais si besoin pourquoi pas.
Pour vous quelles seraient les différentes dimensions des soins corporels ?
Ça ferait partie de l’environnement, de l’écoute. Ce ne serait pas sur un plan rééducatif, mais plus une
notion d’accompagnement.
Du coup, si une activité autour des soins corporels était mise en place, comment pensez-vous que
l’image du corps pourrait être prise en compte par l’ergothérapeute ?
C’est par le bon positionnement au lit, au fauteuil, qu’ils soient bien habillés, bien peignés, respecter
leurs envies.
Pensez-vous que l’ergothérapeute peut vraiment traiter de la notion d’image du corps par ces
activités ou ce serait plutôt la place d’autres professionnels ?
Nous on travaille beaucoup en complémentarité, donc il y a l’ergo, mais aussi les autres, par exemple
aides soignants, infirmiers, qui sont peut-être plus sensibilisés.
Pour faire le bilan d’entrée, est ce que vous avez déjà utilisé la MCRO ?
Non, je ne connais pas.
ENTRETIEN ERGO 3
Pouvez-vous vous présenter et présenter votre rôle auprès des personnes en soins palliatifs ?
J’ai régulièrement des prescriptions médicales… Après mes collègues aides-soignantes viennent me
voir aussi pour me demander de voir les personnes. Après aussi la kiné régulièrement qui me demande
si je peux voir pour l’installation, ou même par rapport à des situations d’anxiété, d’angoisses. Du
Je suis ergothérapeute dans un Soins de Suite de Rééducation et de Réadaptation. On a également une
coup elle voit un peu ça et moi je n’attends pas d’avoir une prescription, je vais voir les gens. Et après
unité de soins de longue durée et une unité d’hébergement renforcé… Donc au niveau du service de
des fois c’est à la demande, mais en soins palliatifs c’est plutôt rare qu’ils soient en demande. Disons,
rééducation on a quand même une population assez âgée et souvent rééducation et beaucoup de
que moi je suis souvent alertée par les collègues ou par une prescription.
réadaptation. Et puis après il y a quelques retours à domicile et sinon beaucoup de départ en maison de
retraite ou en long séjour.
Et du coup vous avez aussi des personnes en soins palliatifs ?
Au sein du service, les rôles des différents professionnels sont bien définis ?
On travaille régulièrement ensemble avec les kinés quand c’est des situations de fin de vie avec des
installations. En général on intervient à deux pour faire les installations. A deux c’est quand même
Oui, on a dix Lits Identifiés de Soins Palliatifs. Voilà. Donc régulièrement on a des personnes dans
mieux par rapport aux douleurs, parce que quand on est seule pour mobiliser quelqu’un dans un lit ce
cette situation, que je prends en charge. J’ai fait le DU de soins palliatifs, un peu compliqué pour une
n’est pas forcément évident. Moi je préfère qu’on soit à deux dans ces situations-là. En fin de vie où la
ergo, mais très intéressant quand même !
personne est alitée et où il n’y a même plus de levers au fauteuil. Sinon après pour des personnes qui
sont en soins palliatifs mais au plus long court, on travaille aussi beaucoup ensemble sur l’installation.
D’accord. Du coup c’est en un an cette formation ?
On a la réflexion en fait ensemble avec les kinés en fait !
Non, c’est sur deux ans. Normalement c’est plus pour les infirmières et les médecins.
D’accord ! Donc selon vous par rapport à ce que vous pouvez entendre des personnes et ce que
vous observez, quelles seraient les attentes ou les demandes principales d’une personne en soins
Du coup, qu’êtes-vous amenée à faire avec ces personnes ?
Déjà, c’est beaucoup beaucoup d’installation : recherche de positions antalgiques, travail sur les
palliatifs ?
Le confort et la non-douleur. Après sinon ça c’est moins verbalisé mais ce sont des personnes qui ont
postures aussi ou sur la façon de réaliser les transferts, de se mobiliser.
souvent beaucoup d’angoisses et d’anxiété. Elles ne vont pas forcément avoir la demande mais derrière
D’accord
les douleurs, il y a la douleur physique et psychique on va dire. Ce sont des personnes qui vont plus
parler de leurs douleurs physiques. Donc elles vont plutôt nous demander par rapport aux douleurs
Et après tout dépend après de la situation de la personne, mais je fais des ateliers de mandalas, je fais
des ateliers cuisine, je fais des ateliers de danse en position assise. Après, tout dépend comment est la
personne.
Ok. Du coup comment définiriez-vous les soins palliatifs ?
… Pfou ! Une prise en charge d’une personne en fin de vie dont on sait que la pathologie n’est pas…, il
n’y a pas de guérison possible. Ce sont des soins de confort. Je ne sais pas si ça vous va !
Oui ! Du coup au niveau de la prise en charge de ces personnes, comment s’organise-t-elle ?
physiques mais finalement derrière il y a aussi autre chose.
Et ce serait de l’anxiété par rapport à quoi ?
Par rapport à leur situation de fin de vie, par rapport à leur perte d’autonomie, de devoir demander de
l’aide, d’être tributaire de quelqu’un pour des choses qu’elles faisaient seules.
D’accord. Et ça ce sont des choses qui ne sont pas exprimées en fait ?
Non, je ne pense pas forcément. Pour moi je pense que ce n’est pas forcément exprimé, enfin si la perte
d’autonomie oui, mais après elles ne vont pas venir forcément me voir, me parler de ça. Il faut que moi
je leur parle de ça, qu’on pose les choses ensemble.
Pour vous, afin de favoriser leur qualité de vie, ce serait quoi les différentes dimensions à prendre
Du coup, y aurait-il des contextes ou des situations particulières où vous pensez que l’image du
en compte ?
corps de la personne elle peut vraiment influencer leurs relations sociales ou leur autonomie ?
Bon alors on va dire leur confort déjà, et maintenir leur autonomie…Et puis les relations sociales aussi,
Oui je pense.
leur permettre d’être en lien avec d’autres, de ne pas être isolé.
Et ça pourrait être quoi par exemple ? Ou comme moment de la journée ou situations ?
C’est dans ce but que vous faites certaines activités ?
Ce sont des personnes… vous pouvez répéter la première question ?
Dans mes groupes, je n’intègre pas forcément que des personnes en soins palliatifs. Ils sont du coup
Est-ce qu’il y aurait des contextes ou des situations particulières où l’image du corps serait
mélangés avec le reste de la population de l’établissement.
particulièrement mise en jeu ?
Pensez-vous que l’image du corps est une dimension qui favorise leur qualité de vie ?
Hum… Dès qu’il s’agit d’être en groupe, avec d’autres patients. Quand il s’agit de sortir de la chambre
Alors ça c’est une très bonne question ! Heu… c’est compliqué de répondre d’une façon générale. Je
quoi, et puis par rapport aux familles. L’image que l’on peut renvoyer à sa famille, même si on est dans
pense que c’est important de… pour certaines personnes oui c’est important l’image qu’elles peuvent
la chambre. Quand la famille vient, même par rapport aux petits-enfants. On a peur de l’image qu’on va
avoir, enfin l’image qu’elles peuvent donner d’elles-mêmes.
Je pense que, après c’est vraiment
renvoyer. Je pense aux enfants, j’ai eu cette discussion avec une personne hier qui me disait qu’elle
compliqué de parler en général, mais c’est aussi l’image des autres sur eux, le regard des autres sur eux.
n’amène plus les petits-enfants parce qu’elle veut qu’ils gardent l’image de leur grand-mère encore
Par exemple une personne qui a perdu ses cheveux, ou bien quelqu’un qui maigri et qui voilà…
belle, voilà. Moi je n’arrive pas à avoir un avis là-dessus, et puis qu’est-ce qu’il faut faire en effet. Mais
je pense que pour les personnes qui se rendent compte de la dégradation, qui voient qu’ils sont
Ça pourrait impacter sur les relations sociales ?
Je pense oui, si ces personnes-là n’arrivent plus à maitriser leur image, oui. Et du coup si elles perdent
amaigris, ou chauves, même qui ne sont plus capables de faire certains mouvements ou gestes, je pense
que ça impacte sur leurs relations, même avec leur famille.
en autonomie et qu’elles n’arrivent plus à se coiffer comme elles le souhaitent, ou bien mettre la
D’accord. Du coup est-ce que vous prenez en compte l’image du corps dans votre pratique, est ce
perruque. Oui je pense que ça impacte sur leur sortie de la chambre. Ça devient plus compliqué.
qu’il y a des choses que vous mettez en place ?
Du coup, pour vous, quelles seraient les différences entre l’image du corps et le schéma
Si c’est possible, si il y a une réelle souffrance par rapport à ça oui, on essaie de valoriser la personne,
corporel ?
et on essaie de faire attention à justement… Après on aura beau faire, je pense que la personne qui est
Alors là… Moi je parle de l’image du corps vraiment les soins d’apparence. Le schéma corporel, non.
C’est la position du corps dans l’espace. Pour moi c’est complètement différent. Après il y a des
personnes en situation palliative chez qui on va travailler le schéma corporel, pour des personnes qui
ont encore la capacité de se verticaliser, ou de toute façon, rien que de passer de la position allongée à
la position assise, on travaille aussi ça. On fait aussi attention à ça, aux installations, si on incline trop
le fauteuil en arrière, on perd aussi tout ce qui est en rapport avec le schéma corporel, les capteurs,
voilà… C’est pris en compte aussi dans la prise en charge, mais c’est complètement différent de
l’image du corps.
en souffrance, on n’arrivera pas à la réconcilier avec l’image qu’elle peut renvoyer. Oui, c’est pris en
compte, après quand ils ont des douches ils ont un petit brushing, les aides-soignantes, moi
personnellement non, mais les aides-soignantes quand elles ont le temps elles peuvent maquiller un peu
les gens. Quand c’est des personnes qui étaient coquettes, qui ont encore leur petite trousse de
maquillage, si la personne n’y arrive pas on peut faire pour eux, ou on les stimule. Après ce n’est pas
moi spécifiquement qui vais faire ça quoi, c’est l’équipe.
Vous ça vous est arrivé de faire des autonomies à la toilette ?
Oui, pour des propositions d’aides techniques, de mise en sécurité rien que ça. Et puis voir un petit peu
Et du coup l’ergothérapeute c’est vraiment par ce côté autonomie qu’il peut traiter de l’image du
ce qui pose vraiment difficulté et essayer de… Si il y a une personne qui est demandeuse, parce qu’il y
corps, c’est ce qui le différencie des autres professionnels ?
a aussi des personnes qui vont se laisser faire, mais il y en a d’autres qui ne vont pas supporter qu’on
fasse pour eux.
Disons qu’on est dans une autre dimension de la relation avec le patient. On est vraiment dans une
intimité particulière, donc oui c’est… Même si un kiné va faire un massage et que du coup la personne
Pour vous du coup toutes ces activités autour des soins corporels ça comprend quoi comme
va être en partie dénudée, ce que nous on peut faire pour la toilette ou l’habillage, c’est spécifique et
composantes ? On a parlé des perruques, de se maquiller, qu’est-ce qu’il y aurait d’autre ?
c’est assez particulier quand même… En fait on se situe entre aide-soignante et kiné je trouve.
Le passage chez la coiffeuse, le vernis à ongles, pour les hommes être bien rasé… Qu’est-ce qu’il y
Surtout sur cette activité-là oui.
aurait d’autre… L’habillage aussi, pouvoir garder ses habitudes aussi à ce niveau-là. Eviter les blouses
d’hôpital ou les pyjamas toute la journée quoi ! Etre habillé en fait, c’est important. Après pour des
Oui, après sur les autres activités non, c’est moins spécifique. Mais du coup quand on perçoit la
personnes vraiment alitées, voilà il n’est plus question de ça.
personne dans cette activité-là, ça change la relation je trouve. Parce qu’on n’a pas la même relation
que… je ne sais pas…
Selon vous, l’ergothérapeute a vraiment sa place dans tout ce qui est autonomie à la toilette, à
l’habillage ? Il a vraiment un rôle « à part » on va dire ?
Oui, ce n’est pas la même manière d’entrer en relation.
Oui, je pense qu’on peut apporter un plus. Oui.
Ce n’est pas évident. Personnellement je ne vais pas aller voir une personne, qu’elle soit en soin
palliatif ou pas, et lui dire que demain je viens pour voir comment elle se débrouille pour la toilette. Ça
Comment pensez-vous que l’image du corps peut être prise en compte dans ces activités de soins
ne va pas être la première chose que je vais faire avec la personne.
corporels ?
Vous faites des bilans avec les personnes en soins palliatifs ?
Hum… Ce que je fais, c’est faire attention aux attentes de la personne, heu, lui permettre de faire ellemême, lui demander son avis. Ça répond à votre question ?
Ça a déjà dû m’arriver oui je pense.
Oui ! Est-ce qu’il y aurait des gestes ou des attitudes à avoir par rapport à cette image du corps?
Ça vous est déjà arrivé d’utiliser la grille d’entretien de la MCRO ?
Il faut vraiment doser entre laisser faire la personne et lui venir en aide. Donc ça après il faut connaitre
Heu non ! ça me dit quelque chose mais j’avoue que les grilles d’évaluations… Forcément quand je
un peu la personne et savoir un peu ce qu’elle attend. Et après adapter son comportement par rapport à
vois les personnes je passe souvent par le questionnaire, mais sans suivre une grille particulière. Après
la personne. Après, il faut arriver à doser jusqu’où on l’aide, et jusqu’où on la laisse faire, et toujours
je vois comment la personne me répond, et ça guide un peu les questions. Je guide un peu les questions
être dans l’empathie, dans une relation d’aide. Et puis on n’est pas là pour faire pour la personne, on est
en fonction de ce qu’elle va me répondre, mais c’est plus au fil de la discussion je pense !
là pour lui montrer qu’elle arrive encore à faire, et qu’elle est encore jolie.
C’est vraiment la revaloriser ?
Oui, la revaloriser, mais à travers… ça parait un peu idiot quand on le dit comme ça, mais revaloriser la
personne rien que par une toilette et un habillage.
ENTRETIEN SOCIO-ESTHETICIENNE 1
à avoir une aide c’était en long séjour, on m’avait demandé de faire une épilation, et la personne je ne
pouvais pas et l’épiler, et la mobiliser en même temps, il fallait que quelqu’un m’aide. Depuis que je
Pouvez-vous vous présenter et présenter votre rôle au sein du service de soins palliatifs ?
Je suis socioesthéticienne, j’ai fait une école avec la certification, et donc au niveau de l’équipe, je suis
travaille, c’est la seule fois où j’ai eu besoin de quelqu’un.
Du coup pour vous, quelles seraient les attentes principales d’une personne en soins palliatifs ?
à l’USP, à la demande de l’équipe mobile de soins palliatifs et aussi en permanence fixe en oncologie.
Et donc je travaille autour de l’image de soi, du bien-être, de l’altération de l’image, du regard qu’on a
C’est du bien-être, du confort, c’est restaurer l’image. Des mains bien soignées sur les draps quand on
sur soi et aussi, puisque j’interviens en oncologie, de tous les conseils d’hygiène cutanée avec les
est allongé, c’est important je trouve, la personne se regarde les mains, elle les trouve jolies. Je leur fais
traitements de chimiothérapie. C’est de l’accompagnement, parce que comme il y a des traitements qui
choisir la couleur qu’elles veulent. Après ça peut être aussi un léger maquillage pour « rehausser » la
ont des répercussions cutanées avec des thérapies ciblées assez importantes, c’est essayer de minimiser
personne.
toutes les réactions avec une action pour utiliser les bons produits, faire attention au soleil, etc…
Vous intervenez surtout auprès des femmes ?
Quelle serait votre définition des soins palliatifs ?
Les hommes aussi. Pour eux on m’envoie aussi pour couper les ongles.
Ce sont des soins d’accompagnement et des soins de confort, donc qui ne sont plus à visée curative.
C’est justement les accompagner, comme je dis : tant qu’il y a de la vie, la personne est une personne à
Pour favoriser la qualité de vie de ces personnes, quelles seraient les différentes dimensions à
part entière, et elle a le droit d’avoir tout ce qu’on peut lui apporter en terme de bien-être, de réconfort,
prendre en compte ?
et comme écoute, puisqu’il y a aussi l’écoute à travers ce que l’on fait. Voilà.
Comment s’organise la prise en charge des patients au sein de l’unité de soins palliatifs ?
Il y a plusieurs possibilités. Je vais les voir directement, je passe toujours par l’équipe soignante partout
où j’interviens. Sur l’USP, il y a une réunion par semaine, des dossiers, où on parle des dix patients de
l’unité, et là on me dit que ça serait bien d’aller voir telle ou telle personne pour telle chose, et puis
…
Pour améliorer leur qualité de vie ?
Oui. On a parlé de la prise en compte de l’image du corps, y-a-t-il d’autres domaines
importants ?
après moi je fais mon tour dans le service et je vais voir les personnes. Mais j’ai toujours une référence
Alors là vous me posez une colle. Je trouve qu’on est un service avec énormément de choses
médicale ou paramédicale. Ça peut être à la demande de la famille aussi. Systématiquement, elle voit
proposées. La sophro… là je ne vois pas ! Il y a des choses à faire, moi dans mon entretien annuel j’ai
sur le dossier d’entrée qu’il y a possibilité d’avoir sophrologue, socioesthéticienne…
dit que j’aimerais faire de l’olfactothérapie, la réflexologie, je trouve que ce sont des choses
intéressantes à faire, surtout l’olfactothérapie je trouve que ça serait bien pour faire travailler la
Pour vous, les rôles des différents professionnels au sein du service sont bien définis ?
mémoire olfactive des personnes en fin de vie, ça fait remonter des souvenirs. Moi ça ce sont des
Oui.
projets que j’aimerais faire, mais bon voilà.
Quand vous faites des soins aux patients, êtes-vous seule ou y-a-t-il parfois une aide- soignante ?
Du coup pour vous l’image du corps est une dimension favorisant la qualité de vie des
personnes ?
Non, jamais. Je suis seule. Après je n’empêche pas les soignants de rentrer, je ne mets pas la présence
parce que ça fait du bruit, je trouve ça très désagréable. Parce que c’est quand- même du cocooning ce
que je fais, donc si on entend la sonnette ça perturbe. Même en hôpital de jour, je n’empêche pas les
infirmières de venir, de toute façon elles viennent, elles posent les perfs. La seule fois où j’ai demandé
Oui, bien sûr !
Quelles différences faites-vous entre l’image du corps et le schéma corporel ?
Je pense qu’ils sont imbriqués l’un dans l’autre. Le schéma corporel, c’est comment on perçoit le corps,
c’est essentiel, laver la tête c’est important. Et puis après il y a tout ce que je peux apporter, parce que
et l’image de soi c’est ce que nous renvoie le miroir. Moi je trouve que tout est imbriqué l’un avec
je peux faire des soins de la tête jusqu’au pied. Soit en morcèlement même des fois.
l’autre il me semble.
Pensez-vous que l’ergothérapeute pourrait avoir sa place dans la mise en place de ces activités ?
Dans quels contextes pensez-vous que l’image du corps est plus mise en jeu ?
Peut-être. Pour la douche au lit ou la baignoire, moi je suis intervenue une fois pour quelqu’un qui était
Dans les pathologies psychiatriques, dans les psychoses par exemple. Avec les psychotiques la
dans le bain pour lui faire un massage du visage en même temps, mais autrement… Mais après il faut
socioesthéticienne ne travaille jamais seule, il y a toujours un infirmier. Et puis il y a des précautions
que tout le monde soit libre et disponible au moment voulu. Mais autrement je ne sais pas, oui
qu’on nous a inculquées quand on a fait notre formation. Il faut savoir qu’ils ont une idée de
certainement. C’est une prise en charge pluridisciplinaire.
morcèlement du corps, et qu’il faut être très prudent par rapport à ce que l’on fait. Voilà c’est ça,
strictement dans ce cadre-là, sinon je ne vois pas…
Du coup comment pensez-vous que l’image du corps peut être prise en compte dans ces activités
par les professionnels qui interviennent ?
Vous arrive-t-il de travailler avec un ergothérapeute ?
Moi j’ai une expérience que de socioesthéticienne, mais je pense que dans ce service ils sont assez
Non, parce que ça ne s’est jamais présenté. Après ça pourrait se faire, parce qu’avec notre métier on
attentifs par rapport à ça, parce qu’on a des gens qui sont quand-même amaigris parfois. Je pense…
peut faire des ateliers. Donc par exemple sur les longs séjours où je vais et où je n’ai pas beaucoup de
C’était quoi la question ?
temps, c’est vrai qu’on pourrait faire un atelier de socioesthétique avec une ergothérapeute, ce serait
même très intéressant je pense.
Est que qu’il y a des attitudes ou des gestes à avoir pour favoriser la prise en compte de l’image
du corps dans les activités comme la toilette, la douche… ?
Quelles pourraient être, selon vous, les actions de l’ergothérapeute auprès de personnes en soins
palliatifs ?
Je pense qu’il faut être vigilant pour ne pas faire ressentir à la personne qu’elle est très maigre. Je pense
qu’il faut faire très attention, et puis après je pense qu’ils le font, parce qu’ils sont attentifs, on ne fait
Je ne connais peut-être pas assez votre métier par rapport à ça. En soins palliatifs l’ergothérapeute si, de
pas du soin palliatif par hasard. Ils sont attentifs, et puis au même titre que d’envoyer une
toute façon quand les gens… je vois on avait une personne qui avait une cuillère adaptée… A ce
socioesthéticienne, c’est vrai qu’il y a des personnes qui disent « mais à quoi bon ? », « regarder dans
niveau-là, quand les personnes ont un problème, un déficit d’un côté. Oui pareil, ça peut être aussi en
l’état où je suis ». C’est déjà les revaloriser par rapport à leur corps, et leur apporter justement, en
collaboration avec la kiné par rapport à tout ça. De toute façon toute profession a un rôle. Après un
faisant de la socioesthétique, qui est de l’esthétique, que même jusqu’au bout de la vie, que même en
temps plein peut-être pas, mais des interventions ponctuelles. On a des cas certainement où
étant amaigris ils peuvent encore avoir un soin qui est réservé soi-disant aux bien-portants. Oui c’est ça,
l’ergothérapie serait intéressante.
ça veut dire qu’on pense que les soins esthétiques sont réservés aux bien-portants, ça a une connotation
quand-même de frivolité, pour moi c‘est autre chose, sinon je ne ferais pas ce métier ! C’est vrai que ça
Au niveau des activités autour des soins corporels, quelles sont celles qui sont ou qui pourraient
a une image de frivolité, de luxe, la beauté, etc. Alors que là on offre ça justement à des gens malades,
être proposées ?
et ça a beaucoup plus d’impact. Donc voilà c’est leur apporter quelque chose qui parait réservé aux
A mon niveau ?
En général, dans le service
bien-portants à des gens qui sont dans la dernière ligne droite de leur vie. Et à travers ça on les
considère toujours comme des êtres humains, voilà c’est ça, on ne ferme pas la porte. En plus la famille
est très sensible à ça, parce que justement ça permet de laisser une image plus agréable pour la fin de
vie, ça leur fait voir aussi qu’on peut les toucher, parce que c’est vrai que parfois ils n’osent plus les
Dans les soins corporels il y a la baignoire à bulles, je ne sais pas s’ils l’utilisent beaucoup, ça c’est
important. C’est une question de temps. Et il y a tous les soins d’hygiène, ne serait-ce que la douche,
toucher, parce que ça fait peur. C’est aussi humaniser le service, on n’est pas dans un mouroir, on est
dans un endroit où il y a de la vie.
Pour vous, est-ce que l’ergothérapeute, ou tous les professionnels peuvent prendre en compte
l’image du corps, valoriser la personne ?
Tous les professionnels peut-être pas, mais au moins le personnel paramédical. Il faut y être attentif, et
je pense qu’il faut quand-même ressentir quand quelqu’un a une mauvaise image d’elle-même, et après
éventuellement faire appel aux personnes pour apporter quelque chose de plus. Au moins déjà le noter
et le remarquer, et après faire appel à quelqu’un.
ENTRETIEN SOCIO-ESTHETICIENNE 2
Pouvez-vous vous présenter et présenter votre rôle au sein du service ?
Mon rôle aussi c’est d’aider les patients à mieux accepter les soins médicaux, et puis aussi d’essayer de
redonner dans la mesure du possible le désir de s’occuper d’eux en fait, et puis de se redonner des
désirs, enfin c’est hyper important. C’est aussi le fait de réactiver un peu le désir de vie quelque part.
Déjà avant de vous donner mon rôle, je vais vous expliquer un peu ce que c’est que la socioesthétique,
Voilà. Même si nous on a une approche différente des infirmières, etc, on a quand même un rôle très
rapidement, parce que tout le monde ne sait pas forcément de quoi il s’agit. Nous les
complémentaire avec les autres professionnels.
socioesthéticiennes en fait on est déjà esthéticienne à la base, et on a un diplôme de socioesthétique, on
a fait une formation supplémentaire pour pouvoir vraiment avoir une approche psychologique de la
Comment définiriez-vous les soins palliatifs ?
personne fragilisée et la meilleure prise en charge possible. On pratique des soins, bien sûr, des soins
Comment je définirais les soins palliatifs ?... alors déjà les soins palliatifs pour moi, quand on parle de
d’esthétique, qu’on va adapter justement aux personnes fragilisées, aux personnes souffrantes, alors
soins palliatifs, on entend souvent dedans, heu, ça a une résonance un peu de fin de vie quoi. Les soins
soit sur des personnes qui sont malades, cancer, etc, âgées, avec des handicaps physiques, mais aussi
palliatifs c’est ce qui existe quand on a tout essayé et que c’est ce qui reste à la fin en fait, quand on
des personnes qui ont des problèmes psychologiques. Par exemple on peut s’occuper de personnes qui
parle de palliatif. Bon, dans les soins palliatifs c’est tout un réseau de professionnels qui interviennent,
ont des maladies mentales, des personnes qui sont en état d’alcoolisme ou de toxicomanie, et puis aussi
depuis l’infirmière ou l’aide-soignante jusqu’au médecin, en passant par la sophrologue, par la
on a un rôle social puisqu’on peut travailler auprès des personnes qui sont en détresse sociale, au
psychologue aussi qui est un relais important, et la socioesthéticienne. C’est toute une chaine de
chômage, en détention, etc.
personnes qui sont mises autour de la personne pour la prendre en charge dans sa globalité. Alors bon
Donc le rôle de la socioesthéticienne c’est déjà d’écouter les gens et puis voilà, d’accueillir les maux du
corps, parce que là on est vraiment dans les soins palliatifs, puisque c’est votre sujet je crois. C’est
aussi bien sûr de détendre, d’apaiser les gens, et puis aussi de les embellir, parce que c’est le rôle de
l’esthétique. Voilà, alors donc on donne des conseils mais en soins palliatifs ce n’est pas vraiment le
plus important, mais ça peut faire partie aussi de nos prérogatives. On va faire des soins de beauté, c’est
des soins de visage, des mains, des manucures, c’est des massages aussi, des massages relaxants, de
tout le corps. On travaille quand même pas mal par segment, par exemple les mains, les pieds, les
jambes, le dos, le cuir chevelu, le visage, et puis aussi des épilations, ça peut arriver, et puis aussi un
peu de maquillage, on termine souvent par le maquillage. Voilà, alors justement je regardais un petit
peu ce que c’était que l’ergothérapie, parce que c’est vrai que moi jusqu’à présent j’ai rarement
rencontré des ergothérapeutes, et pourtant j’ai l’impression que leur rôle est vraiment essentiel. Et
justement je me disais que la socioesthétique c’était un peu comme l’ergothérapie, c’est-à-dire que
nous, en tant que socioesthéticienne, on va utiliser l’esthétique comme un outil pour la prise en charge
du patient. Et maintenant la socioesthétique c’est un soin de support, ça s’organise autour du patient,
les soins palliatifs ça se fait en institution hein, en établissement hospitalier, mais ça se fait aussi à
domicile, et c’est le cas du réseau dans lequel je travaille. Ce que je disais tout à l’heure, on voit « fin
de vie », mais il y a des gens qui sont inclus dans un réseau de soins palliatifs depuis longtemps, et qui
ont une qualité de vie que je qualifierais de « bonne », parce que justement c’est toute cette chaine qui
s’est installée autour d’eux, et qui leur permet d’être en sécurité, de se sentir mieux, de se sentir
accompagné. Voilà, il y a cette notion d’accompagnement, et puis avec la socioesthétique il y a une
notion affective aussi. Voilà, on accompagne dans la douceur, dans l’empathie, etc. Et puis pas
forcément dans la tristesse aussi, c’est aussi des moments de joie, des moments de gaité, des sourires,
voilà, ce n’est pas que de la tristesse. Et puis aussi les soins palliatifs c’est, comme je le disais tout à
l’heure, redonner une pulsion de vie, et puis c’est donner à la personne malade le sentiment que même
très malade, même en soins palliatifs, la personne elle est jusqu’au bout, digne, c’est une personne
digne ; c’est une personne en fait. C’est la maintenir dans sa dignité, et puis c’est le fait de se sentir
bien jusqu’au bout, malgré la maladie, et voilà
Donc du coup vous êtes un service qui va à domicile ?
pour une prise en charge globale. Notre présence nous, contrairement aux autres professionnels,
puisqu’on travaille bien sur dans une équipe dans un réseau de soins à domicile, c’est d’avoir une
Oui, c’est un réseau de soins palliatif, oui, au domicile des patients.
approche un peu différente de la personne, c’est-à-dire que nous ne sommes pas des médicaux ni des
paramédicaux, et donc ça c’est important pour le patient. C’est la présence, c’est le toucher, c’est
l’écoute, tout ça, mais ce n’est pas médicalisé.
Comment la prise en charge des patients s’organise-t-elle ?
Moi je vais vous parler pour la socioesthétique, parce que c’est ce que je connais le mieux. Bon bah
un institut de beauté. Donc voilà, c’est l’inconnu, c’est pour ça que souvent c’est l’équipe qui va les
c’est au domicile des gens bien entendu. Après, au domicile des gens… dans mon cas, c’est toujours le
orienter.
personnel médical, alors ça peut être le médecin, l’infirmière, la sophrologue, qui me contactent par
mail, qui m’orientent les coordonnées de la personne. Moi je prends contact avec la personne ou avec
Voilà, après les besoins ils sont immenses. Heu…J’ai pensé à des exemples à vous donner. Il y a une
ses proches et donc je me rends à son domicile pour lui proposer des soins. Voilà. Au domicile c’est
patiente, suite à des traitements de cancer, au lieu d’avoir une alopécie, la perte de cheveux, de poils, au
bien parce qu’il y a de l’intimité quand même, c’est plutôt une parenthèse pour la personne. Heu voilà,
contraire ça a provoqué chez elle une hyperpilosité. Chez les femmes, souvent il y a des boutons, sur le
c’est des besoins qui sont identifiés par l’équipe.
torse, le visage, et puis des poils qui poussent : sur les joues, sur le menton, les lèvres, les sourcils qui
poussent, les cils… donc là il peut y avoir une demande auprès du médecin en disant « bon moi je ne
Les rôles des différents professionnels au sein du service sont-ils bien définis ?
peux pas, vous voyez comment je suis devenue, ce n’est pas possible ». Donc à ce moment là le
médecin va orienter vers une socioesthéticienne. Nous on va alors procéder à l’épilation du visage, puis
…
C’est rare que vous travailliez en collaboration avec l’infirmière par exemple ?
redonner une image féminine, et une meilleure estime d’elle-même. Voilà, ça fait partie des, comment
dire, des objectifs de la socioesthétique aussi ; améliorer l’estime de soi c’est très important. Je prends
aussi le cas d’une dame qui est aveugle, qui est alitée, donc elle n’a plus du tout d’autonomie, elle est
Oui. Ça n’est jamais arrivé jusqu’à présent. En fait j’ai des contacts avec eux, soit quand il y a des
très malade mais ça fait longtemps qu’elle est dans le réseau. Et en fait elle a toujours pris soin de ses
réunions, auxquelles je participe peu, et ensuite sinon par mail, voire par téléphone. C’est très rare que
mains et de ses ongles, elle a de très belles mains avec des ongles longs. Et pour elle, même si elle n’y
je sois au domicile avec… Au contraire, par exemple je donne mon heure et les infirmières se calent,
voit plus, si vous voulez les mains c’est sa féminité en fait, le fait de savoir que ses ongles sont propres,
par exemple si je prévois de passer à onze heures, elles vont faire tout leur possible pour passer avant.
limés, et surtout vernis avec un vernis rouge, c’est extrêmement important parce que c’est pour elle,
Voilà, c’est important la complémentarité, mais en fait on ne fait que se croiser.
mais c’est pour son entourage aussi. Et puis quand le personnel soignant lui dit « oh, que vous avez de
belles mains », pour elle c’est vraiment très important. Donc elle il y a une demande forte de manucure
Vous vous coordonnez en fait ?
et de soins des ongles.
Voilà, la coordination c’est ça. Et puis après je note tout sur les patients et puis, je ne l’ai jamais fait
Donc du coup pour vous l’image du corps c’est vraiment une dimension qui favorise la qualité de
jusqu’à présent parce que ça fait moins d’un an que je suis dans le réseau, mais je vais faire une
vie des personnes ?
synthèse des patients que j’ai vu, ce que j’ai fait etc. Après la demande elle peut venir des patients euxmêmes, une fois que je les connais, c’est les patients qui demandent même le passage de la
Absolument. L’image du corps, et puis voilà, avant d’être l’image, c’est d’abord le toucher, pour le
socioesthéticienne, ou les proches aussi.
confort de la peau, mais ça on en reparlera, parce que je vais vous parler des dimensions, et puis aussi
c’est un moment d’échange. Nous, si vous voulez, l’infirmière elle va passer beaucoup, moi des fois je
Du coup, par rapport à ce que vous entendez avec les patients, quelles seraient leurs attentes ou
ne vais passer qu’une fois chez la personne, alors qu’une infirmière elle va passer tous les jours, matin,
demandes principales ?
midi et soir, mais moi quand je vais passer je vais rester, je vais m’asseoir, je vais toucher la personne,
je vais lui parler, donc il va y avoir un contact qui va se créer. Et puis il y a des paroles, il va y avoir
Alors oui, par rapport à ça, on va dire que les attentes ne sont pas toujours verbalisées par les patients
eux-mêmes. Bon d’abord les gens ne sont pas forcément au courant, quand ils sont inclus dans un
réseau de soins palliatifs, qu’il y a une socioesthéticienne, même si on leur a dit, ils n’ont pas forcément
entendu. Donc ils ne sont pas forcément au courant… donc ces attentes elles ne sont pas forcément
connues par eux-mêmes, surtout s’ils n’ont pas l’habitude d’avoir accès à des soins d’esthétique. Il y a
beaucoup de gens qui n’ont jamais vu une esthéticienne de leur vie, qui n’ont jamais mis les pieds dans
des confidences possibles. Voilà, puis on est là aussi comme les infirmières pour briser la solitude, des
fois les gens ils sont seuls chez eux, ça arrive. On va apporter un peu de réconfort, ça c’est important.
D’accord. Donc vous vouliez parler des dimensions ?
Oui voilà, je vais vous en parler. On va les distraire les gens, on va leur donner des sensations, on va
vont avoir meilleure mine tout de suite, le maquillage ça va les embellir, ils vont se voir différemment
stimuler leurs sens, parce que bon la socioesthétique aussi c’est le toucher, dès fois ils vont nous dire
dans le miroir. Voilà. Et puis si les proches sont présents, ils vont arriver et dire « ohlala, oui,
« oh, c’est tout frais », ou « ça, ça m’apporte de la chaleur ». Il y a l’odorat aussi qui va être stimulé,
wouah ! », elles vont avoir une meilleure image d’elle-même, les proches ou même les infirmiers. Vous
avec les crèmes, les produits, et puis aussi je vais arriver, je vais étaler tous mes produits, si c’est une
voyez tout de suite le regard de l’autre va changer, et puis bon voilà c’est aussi le miroir, tout de suite
femme elle va dire « oh, toutes ces crèmes », voilà vous voyez ? Tout ça va les sortir de leur isolement.
c’est revalorisant. C’est la dignité de la personne, c’est l’identité, et c’est pour ça que je vous disais tout
à l’heure que l’ergothérapie c’est un peu ça aussi, c’est retrouver une dignité, retrouver une identité. Et
Pour vous, quelles sont les différences entre l’image du corps et le schéma corporel ?
tout ça passe par l’image du corps évidemment.
Alors ça c’est une question que je voulais vous poser ! Parce que pour moi c’est à peu près la même
Du coup pensez vous qu’il y a des contextes ou des situations particulières où la question de
chose. Pour moi, je ne sais pas si c’est ça, mais pour moi le schéma corporel en fait, je me dis que ces
l’image du corps est vraiment mise en jeu ?
personnes qui sont dans la souffrance, qui sont dans la douleur du corps… Il y a deux choses qui se
produisent que j’ai remarqué. Soit elles ont fait une dissociation complète entre leur corps et leur esprit,
Oui, ne serait-ce que le fait d’être en soins palliatifs, le fait de savoir, même si ce n’est pas exprimé,
en fait leur corps les a lâché, c’est un objet de souffrances, de douleurs. Elles ont abandonné leur corps
qui s’ils rentrent dans un réseau de soins palliatifs c’est que voilà… c’est que vous le savez vous aussi.
aussi, elles l’ont laissé au corps médical, du coup le corps c’est les piqures, les soins médicaux, la
Je me mets à la place de ces personnes, ils se disent qu’ils viennent de rentrer dans une autre étape.
toilette faite par le personnel le matin, etc. Elles vont l’avoir abandonné, elles ont complètement
Voilà. C’est souvent la dernière étape quoi. Heu donc oui oui oui, heu… le contexte, le fait de dire
délaissé le corps. Voilà, donc elles sont morcelées finalement. Pour moi c’est ça le schéma corporel il
qu’on est dans…, donc ça veut dire que c’est la fin, donc voilà. Et puis ce que je vous disais tout à
va être morcelé, endommagé. La maladie et les soins en fait, tout le côté thérapeutique, parce que c’est
l’heure, la maladie ça entraine… ça entraine des déficits sur le corps, les traitements, très lourds qui
vrai que les effets secondaires sont énormes, ils sont très importants, voilà. Pour moi c’est ça, le
peuvent avoir des effets secondaires délétères, même plus que délétères on va dire très très impactants
schéma corporel va être complètement détruit par la maladie et les traitements. Et donc, avec la
sur le corps. Donc là oui effectivement l’image du corps est mise en jeu. Alors pour la socioesthétique,
socioesthétique, on va essayer d’abord de reconstituer ce corps, de le réunifier, ne serait-ce qu’en
je ne sais pas si j’ai le temps de vous en parler, je ne voudrais pas être trop trop longue…
massant les bras, en massant les pieds, on va essayer de le réunifier ce corps. Ils vont le ressentir,
retrouver des sensations quoi, et trouver dans ce corps une source de plaisir qui était oublié : « ah, ça
c’est agréable », « ah, ça c’est bien ». Je me souviens d’une patiente il y a longtemps qui m’avait dit
« j’ai l’impression de réhabiter mon corps ». C’est cette sensation de le retrouver quoi. Voilà, pour moi
c’est ça. Et après donc, à travers la maladie, c’est un corps souvent décharné, en soins palliatifs il y a un
amaigrissement total, ou alors des gens qui ont énormément grossi –mais ça je le vois plus rarement-, et
là bien sûr l’image du corps elle est négative, ils ne se regardent même plus dans un miroir. Et puis bon
quand les infirmières viennent, elles se dépêchent de faire la toilette, c’est normal hein, elles font tout
ce qu’elles peuvent mais elles sont prises par le temps, et donc là voilà on a plus le temps de se regarder
dans un miroir et puis on en a plus envie surtout ! Donc l’image du corps elle est plutôt négative quoi.
Allez-y !
Pour l’image du corps, par exemple sur les cheveux, l’alopécie souvent comme c’est souvent des gens
qui ont un cancer, ils ont perdu les cheveux, ils ont perdu les poils… Il y a des effets d’amaigrissement,
il y a des effets sur la texture de la peau. Heu… sur les ongles, des fois ils ont des stomies, et puis elles
ne prennent plus soin d’elles, soit elles n’en ont plus la possibilité physique, soit elles sont fatiguées…
Et puis la séduction n’en parlons plus, c’est tout ça, on va les aider à… on va faire des soins du visage,
on va voir un effet ! On va redessiner les sourcils, on va maquiller voilà pour redonner une meilleure
mine. Tout ça pour essayer de leur redonner plus de plaisir, voilà.
Voilà, «regarde comme je suis devenu », « je me souviens que j’étais coquette », donc ça, le fait de
D’accord. Vous me l’avez dit tout à l’heure, mais ça ne vous est jamais arrivé de travailler avec
redonner… comment dire… de redonner… une image de soi meilleure, de maquiller un petit peu, de
un ergothérapeute ?
redonner des sensations, du confort, du plaisir. La personne à la fin du soin je vais lui dire « regardez
dans le miroir », je vais la recoiffer un peu parce qu’elles sont souvent couchées, la remaquiller un petit
Ah non. Alors ça justement vous me demandiez le lien, mais il n’y en a pas. Bon pour avoir travaillé
peu. Et puis c’est vrai que le soin, le fait de la masser ça va stimuler la circulation sanguine, donc elles
quand même en milieu médical, j’ai travaillé en coopération avec des psychologues, des diététiciennes,
des kinés, des sophrologues, des sexologues… mais des ergothérapeutes peu, et pourtant ça a l’air
D’accord ! Du coup, pensez-vous que des activités axées sur les soins corporels, autres que ce que
effectivement important. Et puis, je pense à l’anorexie mentale, ce n’est pas le même sujet avec les
vous pouvez proposer, pourraient être mises en place avec ces patients ?
soins palliatifs, mais je sais qu’il y a des ergothérapeutes qui peuvent intervenir auprès des anorexiques.
Chez les anorexiques justement il y a cette dissociation, pour moi, entre le corps et l’esprit, et
l’ergothérapeute va permettre aussi cette réunification du corps, remettre en phase le corps et le mental.
Du coup quelles pourraient être pour vous les actions d’un ergothérapeute auprès de patients en
soins palliatifs ?
Oui
Et par qui, et de quelle manière ?
Alors par qui ? Par des professionnels comme vous je pense. De quelle manière je ne sais pas, parce
que je ne connais pas exactement… mais vous l’ergothérapeute pour redonner, toujours pareil hein,
Alors qu’est- ce que ça pourrait être dans un soin palliatif ? Heu… bah pour moi c’est aussi… je ne sais
essayer de réunifier ce corps qui est en souffrance, et puis aussi pourquoi pas des réflexologues
pas exactement parce que moi je ne connais pas trop votre travail, mais bon…comment dire… peut être
plantaires, dans le cadre des soins palliatifs. Quels autres professionnels aussi… Heu… Oui par
développer l’autonomie ? Nous aussi notre but c’est de développer l’autonomie, avoir envie de se
exemple, je connais une association […] ou vous avez des intervenants qui s’occupent de personnes
remaquiller, avoir envie de se recoiffer, de se faire belle pour elle-même et pour les autres. Vous peut
âgées ou malades ou atteintes de pathologies chroniques, qui axent tout sur l’activité physique adaptée.
être que ce serait plus dans les gestes de la vie du quotidien, je ne sais pas trop…
On reprend de l’activité physique mais bien sûr, même si on est en fauteuil, et bien on va réapprendre à
utiliser son corps, faire un petit peu d’activité. Je ne sais pas moi, des personnes âgées pour qu’elles ne
C’est ça oui
perdent pas l’usage de leurs mains, vous voyez… L’activité corporelle, et à travers ça se sentir mieux
derrière aussi. Etre mieux dans sa tête.
Et aussi, je reprends la dimension sociale parce qu’on en a pas parlé, mais si vous voulez nous comme
on vient de l’extérieur, heu c’est recréer un lien avec l’extérieur. Ce n’est pas le médical quoi, c’est
Pour vous l’ergothérapeute aurait sa place dans la mise en place de ses activités ?
recréer un lien avec l’extérieur, avec le monde des biens-portants. Peut-être que c’est ce que vous
pouvez leur apporter aussi vous.
C’est évident. Et puis vous voyez je n’y pensais pas parce que je n’en connais pas, mais c’est vrai
qu’on en voit pas beaucoup des ergothérapeutes. Bon moi je n’ai pas une expérience non plus
Oui, c’est vrai
importante en soins palliatifs, mais du peu que je connaisse, je n’ai jamais croisé, même en
cancérologie, des ergothérapeutes. Mais bon, comme je ne connais pas bien votre activité, je ne saurais
Et voilà, avec cette reprise d’autonomie… voilà, après il y a le maintien des capacités fonctionnelles
pas vous en parler mieux.
aussi. Voilà, c’est certainement ce que vous faites, le maintien des relations aussi avec autrui. Et faire
de la prévention aussi, éviter que ça se dégrade davantage parce qu’en fait notre rôle à tous c’est ça
Comment pensez-vous qu’il pourrait prendre en compte l’image du corps dans ses activités ?
aussi, c’est de maintenir le plus longtemps possible, dans de meilleures conditions possibles, et pour
Est-ce qu’il y aurait des choses particulières à faire ?
que la personne se sente le mieux possible. C’est que la personne se sente bien, je crois que c’est ça en
soins palliatifs, c’est que elles se sentent bien.
… Heu, oui alors là vous me posez un peu des colles ! Parce que comme je vous dis je ne connais pas
très bien votre activité, mais ce qui est sûr c’est que vous viendriez en complément peut être pour
Oui d’accord !
faciliter la vie de ces gens au quotidien… Peut-être dans leur autonomie, peut-être pour utiliser… Je ne
sais pas moi, c’est peut-être plus à vous de me dire ce que vous pourriez apporter vous aux gens, en
Essayer de diminuer toutes les souffrances physiques et aussi psychologiques par la même occasion.
soins palliatifs, et peut être qu’après ça pourrait me donner des idées ! Qu’est-ce que vous pourriez
C’est là qu’on rejoint aussi les dimensions physiques et psychologiques de nos actions.
apporter vous aux gens ?
C’est un peu ce que vous disiez, c’est vraiment favoriser l’autonomie de la personne, donc ça peut
être par exemple : accompagner une personne qui aurait du mal à faire sa toilette, ça peut être
d’aller avec elle pendant la toilette, voir ce qui va, ce qui ne va pas…
Voilà, c’est peut être lui redonner un élan aussi !
Oui voilà, ou lui proposer des solutions.
Voilà, parce que les gens ne savent pas toujours, ils ne sont pas toujours au courant. Mais voilà peutêtre que vous vous pouvez leur expliquer heu… comment justement arriver à mieux faire sa toilette, à
mieux s’occuper d’elle, en les informant tout simplement, en leur apportant des outils. C’est le premier
pas déjà. Et ensuite de leur redonner envie aussi par la même occasion.
Pensez-vous qu’il y aurait des gestes ou des attitudes à avoir auprès de ces personnes par rapport
à l’image du corps ?
Oui, enfin pour moi en temps que socioesthéticienne, je ne sais pas si j’ai raison, mais moi ce qui me
vient en premier quand vous me posez la question c’est le toucher, la façon dont on touche la personne.
A mon avis c’est très important. C’est la façon dont on aborde la personne, c’est un toucher douceur.
Approcher la personne avec douceur et comment dire… cette prise de contact qui est en fait créer du
lien, redonner du lien. En fait c’est toute la dimension de la socioesthétique, c’est une dimension
humanitaire, c’est-à-dire en soins palliatifs quand on arrive et quand on s’en va, c’est prendre la main
de la personne et se toucher je pense que c’est essentiel en fait. Le toucher, c’est le lien qu’on va créer
avec les personnes, un lien d’empathie, un lien d’humanité. Il a une solidarité et un toucher douceur.
Pour moi c’est vraiment essentiel. Et aussi le regard, en même temps que le toucher regarder la
personne dans les yeux. Je crois qu’il y a beaucoup de choses qui passent qui ne sont forcément
verbalisées, qui passent par le regard et par le toucher. Pour l’ergothérapeute ça peut être ça aussi. C’est
ça aussi avec l’infirmière, mais elles ont un autre rôle aussi, de soins médicaux etc. Et elles n’ont pas
toujours forcément le temps d’apporter ça et souvent elles en sont frustrées d’ailleurs. Donc ça, nous,
peut-être qu’on peut l’apporter.
ENTRETIEN PSYCHOLOGUE
Par rapport à ce que vous entendez des patients, quelles seraient les attentes principales des
personnes bénéficiant de soins palliatifs ?
Pouvez-vous vous présenter et présenter votre rôle au sein du service ?
Pour moi ce qui me semble être le plus important, de ce qu’ils disent, ce serait la présence et la chaleur
Je suis psychologue dans un réseau de soin à domicile. Mon rôle consiste à aller voir les patients après
humaine, honnêtement je crois qu’il faut être assez simple dans ces moments-là, c’est-à-dire que le fait
leur inclusion dans le réseau, à leur domicile, pour d’une part accompagner le patient lui-même dans
qu’on s’intéresse à eux, qu’on prenne le temps d’essayer d’analyser la situation, déjà je crois que c’est
son dernier chemin à vivre, soit accompagner aussi beaucoup les familles, les aidants qui sont autour,
énorme. C’est un peu délicat pour moi de répondre parce que avant moi il y a eu l’inclusion, pour le
voire même après le décès du patient.
coup moi j’interviens après, ce qui est facilitateur, car ils ont déjà eu une réunion dans laquelle ils ont
Que sont pour vous les soins palliatifs ?
Pour moi les soins palliatifs sont les soins de confort et de bien-être du patient dans la dernière phase
qu’il est en train de vivre et qui va l’accompagner vers la mort. Ça peut être des soins corporels, ou
déjà été bien écoutés.
Afin de favoriser la qualité de vie des personnes, quelles seraient les dimensions à prendre en
compte ?
physiques, ainsi que psychologiques et moraux, y compris de la famille. C’est une prise en charge
Depuis peu, nous avons une socioesthéticienne au sein du réseau qui intervient, et j’ai vu que cette
globale, c’est pour ça qu’au réseau je trouve pertinent qu’il y ait plusieurs types de professionnels pour
approche était vraiment très importante dans ce rapport au corps qui était déchirant, et du coup elle a
justement intervenir selon les besoins, parce qu’il y a toujours des priorités, auprès du patient et de
vraiment apporté quelque chose aux patients. En soins palliatifs elle n’a pas besoin d’y intervenir très
l’entourage, car la fin de vie ça se vit aussi pour l’entourage.
régulièrement, mais des fois une intervention peut faire énormément tant au patient qu’à sa famille. Il
Comment s’organise la prise en charge des patients au sein de votre service ?
est évident aussi que le confort matériel est quand-même important, quand il y a une perfusion, ou
l’arrêt des perfusions, tout ça demande un confort matériel qui me semble également important à mettre
L’inclusion se fait, le psychologue n’y participe jamais, avec le médecin et l’infirmière du réseau, ainsi
en place. Le soutien moral du patient et surtout de la famille, je trouve aussi que c’est très important de
que le médecin traitant, la famille. Tout le monde se réunit un moment pour déterminer que le patient
les soutenir.
est inclus dans le réseau. Et lors de cette inclusion, toutes les problématiques essayent d’être abordées,
et si à ce moment-là il y a une souffrance psychique –là je vous parle pour moi- qui émane du patient
ou de sa famille, l’infirmière propose éventuellement que je prenne contact avec aux, et m’avertit après
Pensez-vous que l’image du corps est une dimension favorisant la qualité de vie des personnes, et
de quelle manière ?
en me donnant les coordonnées, en me faisant un petit résumé de la situation, après moi je les contacte
En soin palliatif, elle y est, mais en fait dans notre réseau nous nous occupons des soins palliatifs mais
afin de fixer un rendez-vous pour que je vienne chez eux.
aussi d’autres pathologies qui sont des maladies dégénératives, où là j’ai vu que l’importance de
De ce fait, les rôles des différents professionnels sont définis ?
l’image du corps était encore plus présente que pour les personnes en soins palliatifs. Je parle de toutes
les personnes qui ont des cancers, qui ont des maladies chroniques parfois très lourdes, elles sont
Oui, ils sont assez définis, et ce qui régule le tout ça reste l’infirmière coordonnatrice du réseau et le
encore plus réceptives à tout ce qui porte autour du corporel et de l’image qu’on a de son corps. Au
médecin. C’est elles qui analysent, en fonction de l’analyse globale de la situation, ce qui est de l’ordre
niveau du patient qui est en soins palliatifs, c’est important, mais ça l’est encore plus pour la famille il
des priorités, ça peut être un aménagement matériel, souvent on met en place des matelas à air, tout ce
me semble, de voir aussi un corps qui réagit mieux, qui est beaucoup plus dans la vie j’ai envie de dire,
qu’il y a besoin pour le confort physique, et après si effectivement elles voient il y a autre chose
ça me semble important.
d’associé, elles en parlent à ce moment-là, si elles voient que les personnes sont plutôt ouvertes pour ce
type d’intervention, à ce moment- là elles m’en parlent à moi, à la socioesthéticienne, la sophrologue,
etc.
Quelle différence faites-vous entre image du corps et schéma corporel ?
Ah, alors la différence entre image du corps et schéma corporel… c’est pas évident votre question ! On
Ça va être très en lien avec ce que je vois de l’ergothérapeute qui travaille où je suis. Etant donné
aurait tendance à les associer pourtant j’y vois quand même une différence. L’image du corps je
qu’elle y passe très peu de temps, elle s’intéresse essentiellement à tout le matériel qui peut être aidant
pense… je réfléchis ! … Je crois que le schéma corporel on l’a uniquement pour soi alors que l’image
pour la personne qui se dégrade. Il me semble qu’en soins palliatifs, étant donné qu’il y a une
du corps finalement elle est aussi référente avec ce que nous dit l’entourage. C’est la notion que je
dégradation, ça en fait partie pour un confort, pour un mieux être. Egalement tout ce qui est de l’ordre,
verrais qui est un peu différente, même si pour les patients et moi aussi on mélange un peu les deux.
en soins palliatifs peut être moins, mais en lien aussi avec la psychomotricienne, de la coordination
Autant le schéma corporel est très propre à soi, autant l’image du corps elle est réglée aussi selon le
entre le psychique et le corps.
regard des autres.
Pensez-vous que des activités axées sur les soins corporels pourraient être proposées, et de quelle
Elle est influencée par le lien social ?
manière ?
Exactement, par les représentations sociales aussi pour le coup, il y a pas mal de choses autour.
Oui, pour trouver des techniques pour faciliter à mon avis les difficultés qu’on peut rencontrer pour les
gestes quotidiens comme la toilette, le repas, la mise aux WC aussi des fois c’est toute une aventure,
Dans quels contextes pensez-vous que l’image du corps est mise en jeu ?
Quand il y a une forte dégradation du corps, une personne en soins palliatifs qui a vraiment un corps
qui est complètement changé par rapport à ce qu’elle a été, les changements peuvent d’ailleurs être très
brutaux, ça peut aller très vite, là ça me semble très important. Ça me semble très présent surtout au
autant pour les personnes que pour l’entourage d’ailleurs. C’est-à-dire que finalement l’entourage ne
sait pas trop quels gestes et techniques pourraient être utilisés autant pour eux que pour le patient qui
est des fois en difficulté. Là je pense qu’il peut y avoir un gros travail à faire.
Quelles sont, selon vous, les différentes dimensions des soins corporels ?
niveau des femmes, car pour le coup l’image de soi est fortement liée aux représentations féminines.
Tout ce qui est aussi déformations du corps, quand on a un corps qui change mais aussi qui se déforme
Il y a la toilette, les préventions d’escarres, tout ce qui est toucher-massages, la gestion de la douleur
beaucoup, qui empêche l’autonomie de chacun, quand on commence à ne plus pouvoir s’alimenter,
aussi, qui peut se faire par les touchers, des soins de nursing quand il y a des soins importants. Il y a les
aller aux toilettes, ça devient aussi très important.
changements de positions aussi, ça me semble important. Autant en institution c’est quelque chose que
les soignants connaissent, autant au domicile c’est parfois la grande découverte. C’est aussi tout
De ce fait, c’est une notion que vous prenez en compte dans votre pratique ?
Oui, tout à fait. J’y tiens beaucoup parce qu’à chaque fois on essaye de prendre en compte la globalité
de la personne et pour le coup on est obligé de voir ce phénomène là aussi. La souffrance morale peut
venir de là aussi. Ça fait partie des thèmes que j’essaye d’aborder avec tout le monde.
Vous arrive-t-il de travailler avec un ergothérapeute au sein de votre réseau ?
simplement se déplacer, aller d’un endroit à l’autre, pouvoir véhiculer en sécurité dans un petit espace
qui est la maison. L’image du corps est aussi pas mal atteinte pour tout ce qui est en rapport avec
l’incontinence, que moi j’aborde, mais qui est parfois beaucoup plus difficile, beaucoup plus intime, ça
peut être aussi ce genre de choses là qui peuvent être en rapport.
Du coup, pensez vous que l’ergothérapeute pourrait avoir sa place dans la mise en place des ces
activités à domicile ?
Au sein du réseau, non, parce qu’il n’y a pas d’ergothérapeute, c’est très difficile pour en trouver là où
on est. En revanche dans mon autre activité, je suis en contact avec une ergothérapeute, qui est dans
l’institution ou je travaille, dans un EHPAD. Elle y intervient une journée par semaine, donc il arrive
qu’on se croise.
Quelles pourraient être selon vous les actions de l’ergothérapeute auprès des patients en soins
palliatifs ?
Oui je pense. En terme de guidage ça peut être important, je veux dire enseigner les bonnes pratiques,
ou du moins enseigner quelques pratiques qui peuvent être facilitantes pour tout le monde oui.
Comment pensez-vous que l’image du corps pourrait être prise en compte dans des activités de
soins corporels ?
Je pense que ça se passe dans le toucher, et puis quand on passe un moment intime avec une personne,
dans le déshabillage, faire petit à petit, passer par le visage dans un premier temps, ou le haut du
corps… Des choses comme ça pour permettre une intimité qui se dévoile peu à peu. Oui, dans tout ce
qui passe dans le toucher, dans le respect de la personne aussi, voilà il y a toute une approche à avoir
qui me semble importante et qui valorise pour le coup l’image aussi du corps. Redécouvrir son corps,
oser le redécouvrir quand on est en fin dans vie, c’est quand même une aventure. Donc effectivement à
mon sens le thérapeute va être là, que ce soit l’ergothérapeute ou un autre d’ailleurs, et va
progressivement, avec douceur, parce que ce sont des corps qui sont quand même douloureux et
meurtris, revenir à du toucher, du regard, un effleurement de peau. Néanmoins, tout dépend du rapport
qu’on a soi-même au toucher et à ce genre de choses là, c’est vrai qu’il y a des personnes qui sont qui
sont en contact et qui apprécie, et d’autre qui effectivement ont plus de difficultés, le tout c’est
d’essayer de se sentir à l’aise avec ce qu’on est. Le toucher, s’il est amené avec vraiment bonne
intention il est apprécié. Ce sont des choses comme ça qui font qu’à mon avis l’image de soi et l’image
du corps se réapprend.
De ce fait, chaque personne, chaque professionnel qui interviendrait auprès des personnes en
soins palliatifs aurait un rôle à jouer pour favoriser l’image du corps ?
Tout à fait, je pense que chacun dans sa partie peut le faire. Si on y est sensible, ça peut être vraiment
quelque chose qui peut être très aidant autant pour le patient lui-même que pour la famille autour, qui a
besoin aussi de ce soutien corporel. Souvent ça fait très peur le corps, l’image du corps et ce qu’il
renvoie, surtout quand il est dans ces moments-là pas forcément le plus regardable. Le prendre en
compte, ça rassure un peu tout le monde, ça joue beaucoup.
Du coup pour vous la prise en compte de la famille par les différents professionnels c’est quelque
chose d’important ?
Oui, et puis c’est secondaire, parce que si la famille voit effectivement qu’on est dans de l’attention
auprès du patient, souvent rien que ça c’est déjà énorme. De voir aussi leurs difficultés à eux, de
supporter, d’accompagner jusqu’au bout une personne en soins palliatifs qui reste à domicile. Moi je
vous parle vraiment du domicile, parce qu’en institution ça reste quand même un peu différent dans le
sens où les familles sont souvent un peu plus éloignées, le rapport n’est pas le même.
ENTRETIEN KINE
Pouvez-vous vous présenter et présenter votre rôle au sein du service de soins palliatifs ?
Oui, ils sont bien définis, et en même temps, moi je parle pour moi, mais je pense que le kiné est celui
qui est le plus au milieu de l’équipe. Donc moi je travaille beaucoup avec les infirmiers et les aidessoignants. C’est réciproque, on s’aide mutuellement, on travaille très souvent ensemble.
Ici on a 10 patients, et donc on a un mi-temps de kiné, ce qui n’est pas beaucoup quand même, avec un
travail qui est très irrégulier, donc des périodes où il y a beaucoup de patients et d’autres où il y en a
Ça arrive que pour des prises en charge vous soyez deux par exemple ?
moins. Ce sont des patients qui sont très précaires, très fragiles, donc d’une journée à l’autre ça peut
Oui, pour des levers, parce que souvent le problème qu’il y a ici c’est qu’il y a beaucoup de matériel,
changer. Le kiné a un rôle très important dans l’équipe et il est vraiment intégré dans l’équipe
donc il y a des sondes, des seringues, des PCA, beaucoup d’entraves, et du coup c’est parfois un peu
soignante, plus que dans d’autres services.
difficile quand on est tout seul. Moi je fais les premiers levers avec les aides-soignantes, et après quand
Que sont pour vous les soins palliatifs ?
Souvent les gens imaginent que les soins palliatifs ce sont vraiment les derniers moments de la vie,
alors qu’en fait ce n’est pas tout à fait ça. Ça peut l’être, pour beaucoup malheureusement ça l’est. Mais
après on a des gens qui viennent en amont pour des problèmes de douleurs, des prises en charge de
il y a des marches un peu difficiles, pour aider… Il faut vraiment avoir un travail d’équipe, moi c’est ce
que j’aime.
Selon vous, quelles seraient les attentes ou demandes principales des personnes hospitalisées dans
votre service ?
douleurs rebelles, des hospitalisations de répit aussi pour la famille ou pour d’autres services. Et après
Le plus souvent ce sont des massages, les membres inférieurs et le dos en particulier, et après la
c’est toujours un accompagnement parce que généralement il n’y a plus vraiment de traitement curatifs,
mobilisation, parce que souvent ce sont des personnes qui ne bougent pas, qui sont un peu ankylosées,
mais sachant qu’il y a quand-même d’autres traitements, tous les traitements à visée de confort. Par
donc aiment bien se sentir bouger, revivre un peu leurs muscles. Souvent ce sont des gens qui sortent
exemple, si quelqu’un a une infection, on va la traiter, même s’il est en soins palliatifs. Souvent les
d’hospitalisation ailleurs, qui ont eu des traitements très lourds, et qui ont une image d’un corps un peu
gens croient qu’en soins palliatifs c’est quand on ne fait plus rien, alors que ce n’est pas du tout ça.
morcelé. Du coup nous on leur permet de retrouver un peu d’intégrité, un toucher agréable… Ce sont
Du coup, comment s’organise la prise en charge des patients au sein du service ?
Normalement, les kinésithérapeutes travaillent sur prescription médicale. Enfin c’est obligatoire. Donc
on a une feuille qui est un peu particulière, il n’est pas comme dans les autres services. Donc pour les
prescriptions, il y a une feuille où tous les intervenants sont marqués, et le médecin cochent le
des gens qui ont souffert beaucoup, qui sont parfois un peu dans la crainte du toucher, et justement le
massage ça permet de retrouver un peu d’unicité dans le corps
Du coup, afin de favoriser la qualité de vie de ces personnes, quelles seraient les différentes
dimensions à prendre en compte ?
psychologue, le kinésithérapeute, etc. Donc soit un avis kiné pour savoir éventuellement ce que j’en
Souvent les demandes c’est de se lever, de marcher. Ce n’est pas toujours possible ni facile, donc après
pense, soit une prescription spécifique pour un soin particulier, par exemple de la kiné respiratoire, du
quand c’est possible on le fait, ne serait-ce que de s’asseoir au bord du lit, de se mettre un peu debout,
drainage lymphatique, voilà, une prescription qui est vraiment ciblée. Et sinon c’est un avis kiné, et
de faire quelques pas, ça peut s’arrêter à ça. Ça peut aussi être marcher un peu plus, par exemple là en
moi je vois ce que je peux faire avec le patient, sachant que ce qui est un peu particulier, c’est qu’on
ce moment on a une petite dame âgée qui est arrivée avec un gros problème de hanche, très
n’oblige jamais les gens à participer, c’est laisser le choix du patient. Moi je lui dis ce que l’on peut
douloureuse, on ne pouvait pas la toucher, et en fait maintenant elle n’a plus mal, donc on l’a assise au
faire, et puis lui il choisit. Si il dit non, je n’insiste pas, je lui demande si je peux repasser, voilà. C’est
bord du lit, et elle remarche. Elle par contre qui est arrivée étiquetée « soins palliatifs » va repartir en
un service où le patient choisit un petit peu les soins qu’il a envie d’avoir, les heures des repas, les
rééducation, parce qu’elle remarche, après ça reste précaire, ce sera peut être pour un temps donné.
heures des toilettes aussi, ce qui ne se fait pas du tout ailleurs.
Mais au moins elle aura eu la joie de remarcher un peu. Souvent ça se passe comme ça, même des
De ce fait, les rôles des différents professionnels au sein du service sont bien définis ?
personnes qui sont en fin de vie, qui ont envie ne serait-ce que de faire un mètre du lit à la fenêtre
Du coup pour vous l’image du corps c’est vraiment une dimension qui favorise leur qualité de vie
Il n’y a pas d’ergothérapeute malheureusement. J’ai quand même fait appel, ça m’est arrivé d’appeler
au sein du service ?
l’ergo du service de rééducation.
Je pense oui. Après il y a tout le reste autour. Il y a les infirmières et les aides-soignants avec qui on
Du coup pour vous, quelles pourraient être les actions d’un ergothérapeute dans votre service ?
travaille tout le temps, mais après il y a aussi la socioesthéticienne avec qui on échange beaucoup, qui
Que pourrait-il apporter ?
n’apporte pas la même chose que moi mais dans un autre domaine. On arrive à se compléter, et aussi
avec la sophrologue, avec qui on s’arrange souvent. Par exemple moi je commence à faire mon
Ça pourrait apporter beaucoup au niveau du positionnement des patients, parce que nous on a des
massage de détente, et puis elle elle vient après faire sa séance de sophrologie, et donc du coup la
connaissances, mais elles sont limitées par rapport aux vôtres quand même… Vous savez des gens qui
personne qui a eu le massage, et puis la séance de sophro après, ça fait une continuité, ça prépare. C’est
souffrent dans des fauteuils… oui, beaucoup au niveau de l’installation et au niveau des repas
très intéressant de le faire justement, de s’entendre pour arranger nos horaires. C’est très très bien.
également, le matériel, les gens qui ont des déficits, qu’ils puissent manger seuls, etc.
Quelles différences faites-vous entre l’image du corps et le schéma corporel ?
Pensez-vous que des activités axées sur les soins corporels pourraient être proposées par
l’ergothérapeute ?
Alors… à mon avis ce n’est pas la même chose. Ça se rejoint quand même, parce que le schéma
corporel c’est l’idée qu’on se fait de soi-même, de son corps dans l’espace… Et l’image corporelle, à
mon avis c’est plus extérieur, c’est l’image aussi qu’on donne, ce n’est pas seulement l’image qu’on a
de soi, c’est l’image qu’on donne aux autres. Et souvent justement des personnes qui ont subi des
Oui bien sûr. …
Du coup, quand on parle des soins corporels, quelles seraient pour vous les différentes
composantes ?
traitements lourds avec des chimiothérapies qui leur ont fait perdre les cheveux, qui altèrent les ongles,
qui entrainent amaigrissement, les opérations qui sont un peu mutilantes parfois. Ce sont des gens qui
Il y a la socioesthéticienne… après ici on n’a pas… tout le monde fait plus ou moins du massage,
ont du mal à se regarder, qui ont du mal à supporter le regard des autres aussi. Ce qu’on entend souvent
souvent en prévention de décubitus, tout ça. Même la nuit ça leur arrive de faire des massages pour
dire ici c’est « vous ne me jugez pas, vous ne me regardez pas comme je suis ». Voilà, essayer de voir
apaiser quelqu’un. Donc je pense que oui la partie massage pourrait être plus développée peut être.
la personne pas telle qu’elle est, mais essayer d’imaginer comment elle était, de la regarder avec
empathie, de les toucher, de leur redonner justement le sentiment que l’on peut les regarder, qu’on peut
Pensez-vous que la toilette par exemple peut rentrer dans les soins corporels ?
les toucher, qu’ils ne sont pas repoussants.
Aussi oui.
Y-a-t-il des contextes où l’image du corps est plus mise en jeu qu’à d’autres ?
Moi je n’ai pas eu souvent de soucis. Je fais attention à préserver la pudeur des gens, donc quand je fais
des massages dans le lit, je déplace le drap de façon à ce qu’ils soient quand même toujours couverts.
Après moi j’ai remarqué pour des femmes qui ont des cancers du sein, elles mettent souvent leurs bras
devant… Mais après je pense qu’avec nous elles sont plus libres, on ne les regarde pas comme ça.
Du coup, vous prenez vraiment en compte cette notion dans votre pratique !
Comment pensez-vous que l’image du corps peut être prise en compte dans les activités de soins
corporels ?
Je pense qu’ici le personnel prend le temps qu’il faut parce qu’il y a un infirmier et un aide- soignant
pour 5 patients. Ce qui est bien, mais ce n’est pas toujours évident non plus parce que ça dépend des
patients qu’il y a aussi. Donc je pense qu’au niveau de la toilette ici on fait très attention au patient, à
justement quand on peut l’amener dans la salle de bain, que ce soit lui qui fasse le maximum. Souvent,
ce sont des gens qui aiment bien faire eux-mêmes parce qu’ils n’aiment pas trop qu’on les voit, ou qui
Oui, absolument
veulent garder leur autonomie jusqu’au bout, parce qu’on a quand-même des gens jeunes. Je pense
qu’ici quand-même c’est bien pris en compte. Je pense qu’on essaye justement de préserver cette
Vous arrive-t-il de travailler dans le service avec un ergothérapeute ?
dimension-là.
Du coup, comment pensez-vous que l’ergothérapeute pourrait traiter de la notion d’image du
corps dans ces activités ? Qu’apporterait-il de plus ?
Je ne pense pas que ça empiéterait sur le travail des aides-soignants, ce n’est pas la même chose. Moi
j’ai travaillé beaucoup en gériatrie avec des ergos, et donc je pense qu’il y a déjà un côté bilan, savoir
ce que fait la personne. Et puis j’avais remarqué aussi que l’ergothérapeute va prendre une heure pour
faire une toilette, alors que les aides-soignants n’auront pas une heure pour faire une toilette. Ici c’est
un service un peu particulier, parce que ça peut arriver qu’ils prennent une heure pour faire une toilette.
Mais je pense que les ergothérapeutes auraient leur place en soins palliatifs ! Largement. Je pense que
oui. C’est vrai qu’il y a des jours ici où c’est difficile, parce que tout le monde sonne, tout le monde est
mal, et donc ce n’est pas toujours fait comme on voudrait que ce soit fait. Et en plus l’avantage et la
difficulté d’ici, c’est que la personne va sonner pour dire « maintenant je veux bien la toilette », ce
n’est pas comme ailleurs où la toilette est faite tout de suite. Là si la personne est fatiguée ou si elle
dort, on ne va pas la réveiller, on va la laisser dormir. Donc la toilette peut être faite à 11h du matin, à
midi, ou l’après-midi. Donc c’est sûr que après si le moment est difficile, ce sera plus vite fait, alors
qu’un ergothérapeute il prendra plus le temps, avec peut-être plus d’apprentissages, de redonner
certains gestes aux patients qui les ont perdus lors de l’hospitalisation. Je vois que souvent on leur fait
la toilette alors que d’être plus autonome, ça favorise aussi l’image du corps.
TABLEAUX D’ANALYSE DES ENTRETIENS
Question 1 : Pouvez-vous vous présenter et présenter votre rôle auprès des personnes en soins palliatifs ?
Professionnels interrogés
Eléments de réponse
Analyse descriptive comparée
Présentation du professionnel
ERGO 1 : « je fais tout ce que ferait un ergothérapeute « standard » »
Ergothérapeutes
ERGO 2 : « en tant qu’ergo »
ERGO 3 : « je suis ergothérapeute […] j’ai fait le DU soins palliatifs »
SOCIO-E 1 : « je suis socioesthéticienne, j’ai fait une école avec la
certification »
Socio esthéticiennes
Psychologue
Kinésithérapeute
SOCIO-E 2 : « nous les socioesthéticiennes en fait on est déjà esthéticiennes
à la base, et on a un diplôme de socioesthétique, on a fait une formation
complémentaire pour pouvoir vraiment avoir une approche psychologique de
la personne fragilisée »
« je suis psychologue »
Sept professionnels travaillant auprès de personnes en
soins palliatifs, avec 4 catégories différentes
Chaque professionnel énonce son rôle.
Les socioesthéticiennes ont plus détaillé leur formation
que les autres professionnels.
ERGO 3 est le seul des sept professionnels à avoir fait une
formation complémentaire
« on a un mi-temps de kiné »
Présentation de la structure
ERGO 1 : « hôpital »
Ergothérapeutes
Socio esthéticiennes
Psychologue
Kinésithérapeute
ERGO 2 : /
ERGO 3 : « un Soins de Suite de Rééducation et de Réadaptation […] on a
dis Lits Identifiés de Soins Palliatifs »
SOCIO-E 1 : « je suis à l’USP, à la demande de l’équipe mobile de soins
palliatifs, et aussi en permanence fixe en oncologie »
SOCIO-E 2 : « une équipe dans un réseau de soins à domicile »
« réseau de soins à domicile »
« ici on a dix patients »
Deux professionnels travaillent à domicile et cinq en
structures
Deux professionnels ne précisent pas le type de service
dans lequel ils travaillent
Les trois ergothérapeutes travaillent en structure
Présentation du rôle
ERGO 1 : positionnement / adaptations / aides techniques : « positionnement
par rapport à un handicap, une douleur […] aussi du positionnement à visée
pas corrective mais posturale » « je fais aussi pas mal d’adaptations » « ça
peut être des aménagements de domicile, de la mise en place de fauteuil
roulant » « voilà en gros, pas mal d’aides techniques »
Ergothérapeutes
ERGO 2 : positionnement / adaptations / aides techniques : « s’il y a
nécessité de matelas pour le traitement des escarres » « des aides à la
marche » « donc on s’occupe de tout ce qui est environnement, chaise garderobe si nécessaire »
Activités autour des AVQ : « tout ce qu’ils font en autonomie »
ERGO 3 : positionnement / adaptations / aides techniques : « beaucoup
d’installation : recherche de positions antalgiques, travail sur les postures »
Activités autour des AVQ : « sur la façon de réaliser les transferts, de se
mobiliser » « des ateliers cuisine »
Ateliers de groupe : « je fais des ateliers de mandalas, je fais des ateliers
cuisine, je fais des ateliers de danse en position assise »
SOCIO-E 1 : image de soi / image du corps : « je travaille autour de l’image
de soi, de l’altération de l’image, du regard que l’on a sur soi »
écoute : « il y a aussi l’écoute à travers ce que l’on fait » « c’est de
l’accompagnement »
Socio esthéticiennes
Psychologue
Kinésithérapeute
SOCIO-E 2 : soins de beauté : « on va faire des soins de beauté, c’est des
soins de visage, des mains, des manucures »
détente / bien-être : « des massages relaxants de tout le corps »
écoute : « écouter les gens, […] accueillir les mots du corps »
désir : « redonner […] le désir de s’occuper d’eux et puis de redonner des
désirs », « réactiver un peu le désir de vie »
média : « la socioesthétique c’est un peu comme l’ergothérapie, […] on va
utiliser l’esthétique comme un outil pour la prise en charge du patient »
Accompagner le patient : « accompagner le patient lui-même dans son
dernier chemin à vivre »
Soutenir les proches : « accompagner aussi beaucoup les familles, les aidants
qui sont autour, voire même après le décès du patient »
/
La kinésithérapeute est le seul professionnel qui n’a pas
expliqué son rôle
Le rôle de l’ergothérapeute est différent suivant les
structures, mais le positionnement et les aides techniques
sont des composantes qui reviennent systématiquement
Certaines différences existent également dans la
présentation du rôle de la socioesthéticienne
SOCIO-E 2 a émis un parallèle entre sa profession et celle
d’ergothérapeute par l’utilisation d’un média pour le soin
Question 2 : Comment définiriez-vous les soins palliatifs ?
Professionnels interrogés
Eléments de réponse
Analyse descriptive comparée
ERGO 1 : « ce n’est pas forcément des gens qui vont mourir »
Ergothérapeutes
ERGO 2 : « plus de soins curatifs » « soins de confort » « ce n’est pas
obligatoirement une fin de vie, ça peut durer deux ans »
ERGO 3 : « il n’y a pas de guérison possible » « soins de confort »
SOCIO-E 1 : « qui ne sont plus à visée curative » « soins de confort » « soins
d’accompagnement »
Socio esthéticiennes
Psychologue
Kinésithérapeute
SOCIO-E 2 : « c’est ce qui existe quand on a tout essayé » « il y a des gens
qui sont inclus dans un réseau de soins palliatifs depuis longtemps » « c’est
toute une chaine de personnes qui sont mises autour de la personne pour la
prendre en charge dans sa globalité » « il y a cette notion
d’accompagnement »
« soins de confort et de bien être du patient » « prise en charge globale »
« accompagner »
« il n’y a plus vraiment de traitement curatif » « traitements à visée de
confort » « souvent les gens imaginent que les soins palliatifs ce sont les
derniers moments de la vie, alors qu’en fait ce n’est pas tout à fait ça » « c’est
toujours un accompagnement »
Différents éléments de la définition ressortent chez les
professionnels :
- Pas de guérison
- Soins de confort
- Pas forcément une fin de vie
- Prise en charge holistique
- Accompagnement
La composante d’accompagnement n’a été énoncée par
aucun des ergothérapeutes.
La notion de prise en charge holistique est ressortie
uniquement chez les professionnels travaillant dans le
réseau de soins à domicile.
Question 3 : Comment s’organise la prise en charge des patients au sein de votre service
Professionnels interrogés
Eléments de réponse
Analyse descriptive comparée
ERGO 1 : « on travaille beaucoup en pluridisciplinarité » « il y a l’équipe
mobile de soins palliatifs […] qui se déplace dans tout l’hôpital » « c’est la
psychologue qui me demande d’intervenir »
ERGO 2 : « nous avons une équipe pluridisciplinaire très complète »
« « orthophoniste ponctuellement », « il y a également une coiffeuse qui
vient, ainsi qu’une esthéticienne », « il y a également un service de bénévoles
en soins palliatifs qui se déplacent à la demande », « de plus […] une
religieuse peut accompagner les personnes qui le souhaitent »
Ergothérapeutes
ERGO 3 : « j’ai régulièrement des prescriptions médicales », « moi je suis
souvent alertée par mes collègues ou par une prescription »
SOCIO-E 1 : « je passe toujours par l’équipe soignante partout où
j’interviens », « ça peut être à la demande de la famille aussi »
Socio esthéticiennes
SOCIO-E 2 : « c’est toujours le personnel médical […] qui me contacte par
mail », « la demande peut venir des patients eux-mêmes, une fois que je les
connais »
Trois grandes dimensions de la prise en charge sont
identifiées par les professionnels :
- La pluridisciplinarité
- La présence d’intervenants extérieurs
- La hiérarchisation
Les deux socioesthéticiennes ne mettent pas en avant la
composante pluridisciplinaire
Seuls deux ergothérapeutes notent la présence des
intervenants extérieurs.
« tout le monde se réunit »
Psychologue
« il faut vraiment avoir un travail d’équipe
Kinésithérapeute
Question 4 : Les rôles des différents professionnels sont-ils bien définis au sein du service ?
Professionnels interrogés
Ergothérapeutes
Eléments de réponse
ERGO 1 : /
ERGO 2 : /
ERGO 3 : « on travaille régulièrement ensemble avec les kinés »
SOCIO-E 1 : « je suis seule »
Socio esthéticiennes
Psychologue
Kinésithérapeute
Analyse descriptive comparée
SOCIO-E 2 : « on ne fait que se croiser »
« oui, ils sont assez définis »
« je travaille avec les aides soignantes »
« je travaille avec les infirmiers »
Tous les professionnels interrogés identifient bien les
rôles des autres professionnels.
ERGO 3 et la kinésithérapeute signalent travailler en
collaboration avec d’autres professionnels, au contraire
des deux socioesthéticiennes qui travaillent seules.
Question 5 : Selon vous, quelles seraient les attentes ou demandes principales d’une personne en soins palliatifs ?
Professionnels interrogés
Eléments de réponse
ERGO 1 : « leur attente principale est la constitution de leur projet, quel qu’il
soit » « je trouve que la question pertinente en soins palliatifs c’est « qu’est
ce que vous souhaitez ? » »
Ergothérapeutes
ERGO 2 : « soulager la douleur, qu’elle soit physique ou morale » « la
posture d’écoute de la part des soignants »
ERGO 3 : « le confort et la non douleur » « derrière les douleurs, il y a la
douleur psychique », anxiété « par rapport à leur situation de fin de vie, à leur
perte d’autonomie, de devoir demander de l’aide, d’être tributaire de
quelqu’un pour des choses qu’elles faisaient seules » « elles ne vont pas
forcément avoir la demande »
SOCIO-E 1 : « du bien être, du confort » « restaurer l’image »
Socio esthéticiennes
Psychologue
Kinésithérapeute
SOCIO-E 2 : « améliorer l’estime de soi » « les attentes ne sont pas toujours
verbalisées par les patients eux-mêmes »
« la présence et la chaleur humaine »
« personnes qui aiment bien se sentir bouger, revivre un peu leurs muscles »
« image d’un corps un peu morcelé »
Analyse descriptive comparée
Plusieurs attentes sont énoncées :
- La constitution du projet de fin de vie
- La gestion de la douleur physique
- La gestion de la souffrance psychologique
- La posture d’écoute des soignants
- Le respect des volontés du patient
ERGO 1 est le seul à parler de projet de fin de vie et de
respect des volontés de la personne.
ERGO 3 et SOCIO-E 2 nous disent que ces attentes ou
besoins ne sont pas toujours verbalisés.
La prise en compte de la famille n’est énoncée par aucun
professionnel.
Question 6 : Afin de favoriser leur qualité de vie, quelles seraient les dimensions à prendre en compte ?
Professionnels interrogés
Eléments de réponse
ERGO 1 : /
ERGO 2 : « prise en charge de la douleur » « l’écoute »
Ergothérapeutes
ERGO 3 : « leur confort » « maintenir leur autonomie » « les relations
sociales aussi, leur permettre d’être en lien avec les autres, de ne pas être
isolé »
SOCIO-E 1 : /
Socio esthéticiennes
Psychologue
Kinésithérapeute
SOCIO-E 2 : « stimuler leurs sens » « « on est là aussi comme les infirmières
pour briser la solitude », « tout ça va les sortir de leur isolement »
« confort matériel » « soutien moral du patient et surtout de sa famille »
socioesthétique « cette approche était vraiment très importante dans ce
rapport au corps qui était déchirant »
« se lever, de marcher »
Analyse descriptive comparée
Cinq des six dimensions de la qualité de vie énoncées par
AARONSON se retrouvent ici :
- Les symptômes pathologiques et effets
secondaires des traitements
- L’état fonctionnel
- La détresse psychologique
- Les interactions sociales
- La sexualité et l’image corporelle
La satisfaction par rapport à la prise en charge n’est
exprimée par aucun des professionnels
La dimension d’image corporelle n’est émise que par la
psychologue, lorsqu’elle parlait de la socioesthétique.
La kinésithérapeute a fait uniquement ressortir l’état
fonctionnel
Question 7 : Pensez-vous que l’image du corps est une dimension impactant sur la qualité de vie ?
Professionnels interrogés
Eléments de réponse
ERGO 1 : « dans ce que je vois non » « « l’image du corps, pour des patients
qui ne sont pas loin de mourir […] la question ne se pose même pas » « j’ai
peut-être pas le bon abord » « dans un vrai service de soins palliatifs peut-être
plus […] parce que les professionnels connaissent bien les patients »
Ergothérapeutes
Socio esthéticiennes
Psychologue
Kinésithérapeute
ERGO 2 : « oui moi j’y crois »
Analyse descriptive comparée
ERGO 1 est le seul professionnel qui n’identifie pas
l’image du corps comme influençant la qualité de vie,
mais il nuance en notant l’importance structurelle sur la
prise en charge.
ERGO 3 : « si elles perdent en autonomie et qu’elles n’arrivent plus à se
coiffer comme elles le souhaitent […] ça impacte sur leur sortie de la
chambre »
SOCIO-E 1 : « oui bien sûr »
ERGO 3 justifie cet impact par les répercussions que
l’image du corps a sur l’autonomie de la personne dans les
activités de soins corporels, et son retentissement sur les
relations sociales.
SOCIO-E 2 : « absolument »
La psychologue met en avant que cette notion influe
également sur la qualité de vie de la famille.
« ça l’est encore plus pour la famille »
« je pense oui »
Question 8 : Selon vous, quelle est la différence entre l’image du corps et le schéma corporel ?
Professionnels interrogés
Eléments de réponse
Analyse descriptive comparée
ERGO 1 : « le schéma corporel est plus analytique » « l’image du corps
correspond plus au vécu » « l’image du corps est plus subjective »
Ergothérapeutes
ERGO 2 : « le schéma corporel est plus dû à une dynamique cognitive on va
dire, le côté proprioceptif »
image du corps « c’est l’image que l’on renvoie »
ERGO 3 : schéma corporel « c’est la position du corps dans l’espace »
image du corps « c’est vraiment les soins d’apparence »
SOCIO-E 1 : « le schéma corporel c’est comment on perçoit le corps »
« l’image de soi c’est ce que nous renvoie le miroir »
Socio esthéticiennes
Psychologue
Kinésithérapeute
SOCIO-E 2 : « pour moi c’est à peu près la même chose » « le schéma
corporel va être morcelé, endommagé »
image du corps « ils ne se regardent même plus dans un miroir » « le regard
de l’autre va changer »
« le schéma corporel on l’a uniquement pour soi », « le schéma corporel est
très propre à soi »
image du corps « par les représentations sociales aussi du coup » « « l’image
du corps finalement elle est aussi référente avec ce que nous dit l’entourage »,
« l’image du corps elle est réglée aussi selon le regard des autres »
schéma corporel : « c’est l’idée que l’on se fait […] de son corps dans
l’espace » « c’est l’idée que l’on se fait de soi- même »
image du corps « c’est plus extérieur », « ce sont des gens qui ont du mal à se
regarder » « c’est l’image que l’on donne aux autres », « ce sont des gens qui
ont du mal à supporter le regard des autres »
Des différences entre schéma corporel et image du corps
sont identifiées par tous les professionnels.
Le schéma corporel :
- Correspond à la proprioception ( les trois
ergothérapeutes et la kinésithérapeute)
- Est interne à la personne (tous les professionnels
sauf les trois ergothérapeutes)
L’image du corps :
- Est liée aux normes et représentations sociales
- Est impactée par les relations sociales et
affectives
ERGO 1 nous dit également qu’elle est subjective et en
lien avec l’histoire de vie.
Cependant, la différence entre image du corps et image de
soi ne semble pas claire pour SOCIO-E 1
Question 9 : Pensez-vous qu’il existe des situations / contextes particuliers ou l’image du corps est particulièrement mise en jeu ?
Professionnels interrogés
Eléments de réponse
ERGO 1 : /
Ergothérapeutes
ERGO 2 : « il y en a qui n’aiment pas s’imaginer, se voir comme grabataire »
ERGO 3 : « dès qu’il s’agit d’être en groupe, avec d’autres patients […] et
puis par rapport aux familles »
SOCIO-E 1 : /
Socio esthéticiennes
Psychologue
Kinésithérapeute
SOCIO-E 2 : « la maladie ça entraine des déficits sur le corps, les traitements,
très lourds […] donc là oui effectivement l’image du corps est mise en jeu »
« quand on commence à ne plus pouvoir s’alimenter, aller aux toilettes »
« moi je n’ai pas eu souvent de soucis »
Analyse descriptive comparée
Quelques situations sont identifiées par les
professionnels :
- Les relations sociales (ERGO 3)
- Les soins corporels (ERGO 2, psychologue)
- Les conséquences des traitements (SOCIO-E 2)
La kinésithérapeute n’identifie pas de situations
particulières.
Les soins corporels ne sont pas clairement identifiés
comme étant un vecteur privilégié de mise en jeu de
l’image du corps
Question 10 : Prenez-vous en compte l’image du corps dans votre pratique ?
Professionnels interrogés
Eléments de réponse
ERGO 1 : /
Ergothérapeutes
ERGO 2 : « c’est plus l’équipe soignante qui y est confrontée »
ERGO 3 : « on essaie de valoriser la personne »
SOCIO-E 1 : /
Socio esthéticiennes
Psychologue
SOCIO-E 2 : /
« ça fait partie des thèmes que j’essaie d’aborder avec tout le monde »
« on ne les regarde pas comme ça »
Kinésithérapeute
Analyse descriptive comparée
L’image du corps est prise en compte consciemment par
certains professionnels par:
- L’écoute (la psychologue)
- Le regard (la kinésithérapeute)
- La valorisation de la personne (ERGO 3)
ERGO 2 ne pense pas le prendre en compte, car considère
que ce sont les soignants qui y sont confrontés
La question n’a pas été posée aux socioesthéticiennes car
c’est leur cœur de métier et elles avaient exposé
précédemment qu’elles y étaient très sensibles.
Question 11 : Avez-vous déjà travaillé avec un ergothérapeute ?
Professionnels interrogés
Socio esthéticiennes
Eléments de réponse
SOCIO-E 1 : « non, parce que ça ne s’est jamais présenté »
SOCIO-E 2 : « ah non » « des ergothérapeutes peu, et pourtant ça a l’air
effectivement important »
Psychologue
« au sein du réseau il n’y a pas d’ergothérapeute »
Kinésithérapeute
« il n’y a pas d’ergothérapeute malheureusement »
Analyse descriptive comparée
Aucun de ces professionnels n’a travaillé en collaboration
avec un ergothérapeute pour la prise en charge de patients
en soins palliatifs, car il n’y en a pas dans les services où
ils travaillent.
Question 12 : Quelles pourraient être les actions d’un ergothérapeute auprès de patients en soins palliatifs ?
Professionnels interrogés
Eléments de réponse
SOCIO-E 1 : « une personne qui avait une cuillère adaptée »
Socio esthéticiennes
Psychologue
Kinésithérapeute
SOCIO-E 2 : « diminuer toutes les souffrances physiques et aussi
psychologiques » « recréer un lien avec l’extérieur » « développer
l’autonomie » « plus dans les gestes de la vie au quotidien » « maintien des
capacités fonctionnelles » « maintenir les plus longtemps possible, dans les
meilleures conditions possibles, et pour que la personne se sente le mieux
possible »
« coordination entre le psychisme et le corps » « tout le matériel »
« apporter beaucoup au niveau du positionnement des patients » « au niveau
des repas également, le matériel »
Analyse descriptive comparée
Les différentes compétences de l’ergothérapeute ne sont
pas identifiées par tous les professionnels. Néanmoins, on
peut retrouver :
- La gestion de la douleur ( SOCIO-E 2)
- Favoriser le lien social (SOCIO-E 2)
- Prise en compte de la souffrance morale (SOCIOE 2 + psychologue)
- Favoriser l’autonomie (SOCIO-E 2)
- Les compensations et adaptations (tous les
professionnels)
- Le positionnement (kinésithérapeute)
Question 13 : Pensez vous que des activités autour des soins corporels pourraient être proposées aux patients ?
Professionnels interrogés
Eléments de réponse
Analyse descriptive comparée
ERGO 1 : /
Ergothérapeutes
ERGO 2 : /
ERGO 3 : « non, ça ne m’est pas arrivée »
SOCIO-E 1 : /
Socio esthéticiennes
Psychologue
Kinésithérapeute
SOCIO-E 2 : « oui »
Les professionnels trouvent en majorité un intérêt à la
mise en place d’activités de soins corporels, mais ne
justifient pas ce point de vue
« autant pour les personnes que pour l’entourage d’ailleurs »
« Oui bien sûr »
Question 14 : Quelles seraient les différentes composantes des soins corporels ?
Professionnels interrogés
Eléments de réponse
Analyse descriptive comparée
ERGO 1 : « la toilette, l’habillage oui » « les kinés ont pu mettre en place des
bains relaxants »
Ergothérapeutes
ERGO 2 : /
ERGO 3 : « non, ça ne m’est pas arrivée » « le passage chez la coiffeuse, le
vernis à ongles, pour les hommes être bien rasé » « l’habillage aussi, pouvoir
garder ses habitudes à ce niveau là »
Socio esthéticiennes
SOCIO-E 1 : « il y a tout ce que je peux apporter » « tous les soins d’hygiène,
ne serait-ce que la douche » « la baignoire à bulles »
SOCIO-E 2 : « oui » « activité physique adaptée »
Psychologue
Kinésithérapeute
« la toilette, les préventions d’escarres » « toucher-massages »
« Il y a la socioesthéticienne » « massages pour apaiser quelqu’un » soins
d’hygiène « aussi »
Différentes composantes sont ressorties :
- La socioesthétique
- La relaxation
- Les activités physiques adaptées
Les soins d’hygiène sont identifiés par une grande partie
des professionnels :
- Toilette
- Habillage
- Soins de présentations
- Prévention d’escarres
Question 15 : Comment pensez-vous que l’image du corps peut-être prise en compte dans les activités de soins corporels ?
Professionnels interrogés
Eléments de réponse
ERGO 1 : « il faut prendre en compte les demandes du patient » « ce sera
différent si je suis face à un homme ou à une femme »
Ergothérapeutes
ERGO 2 : /
ERGO 3 : « revaloriser la personne rien que par une toilette et un habillage »
« faire attention aux attentes de la personne » « il faut arriver à doser
jusqu’où on l’aide, et jusqu’où on la laisse faire »
SOCIO-E 1 : « les revaloriser par rapport à leur corps » « on les considère
toujours comme des êtres humains » « il faut être vigilant pour ne pas faire
ressentir à la personne qu’elle est maigre »
Socio esthéticiennes
Psychologue
Kinésithérapeute
SOCIO-E 2 : « le toucher, la façon dont on touche la personne » « le toucher,
c’est le lien qu’on va créer avec les personnes » « et aussi le regard » « je
crois qu’il y a beaucoup de choses qui passent qui ne sont pas forcément
verbalisées, par le regard et par le toucher »
Analyse descriptive comparée
Les professionnels identifient différents éléments
permettant de prendre en compte l’image du corps :
- Revaloriser
- Ecouter les demandes de la personne
- Le toucher
- Créer une relation de soins
- Respecter la personne
- Le regard
- L’autonomie
Le toucher est mis en avant par les professionnels
travaillant dans le réseau de soins à domicile
L’écoute des attentes de la personne est uniquement mise
en avant par des ergothérapeutes
« connaitre un peu la personne » « dans tout ce qui passe dans le toucher,
dans le respect de la personne aussi […] valorise pour le coup aussi l’image
du corps » « revenir à du toucher, du regard »
L’importance du regard est émise par les
socioesthéticiennes et la psychologue.
« le personnel prend le temps qu’il faut » « que ce soit lui qui fasse le
maximum »
ERGO 1 fait également ressortir la composante
homme/femme dans les soins
Question 16 : Comment pensez-vous que l’ergothérapeute pourrait traiter de la notion d’image du corps dans ces activités ?
Professionnels interrogés
Eléments de réponse
Analyse descriptive comparée
ERGO 1 : « on peut intervenir pour des adaptations, par exemple mettre des
velcros pour qu’une femme puisse continuer à porter ses robes » « permettre
à quelqu’un de faire ses transferts seuls au lieu d’être mis dans un lève
malade, ça joue aussi »
Ergothérapeutes
ERGO 2 : « on travaille beaucoup en complémentarité » « les autres […] sont
peut-être plus sensibilisés »
SOCIO-E 1 : « déjà le noter et le remarquer, et après faire appel à
quelqu’un »
Certaines spécificités de l’ergothérapeute sont mises en
avant :
- Les bilans
- Le temps
- Favoriser l’autonomie
- Des compensations et adaptations
- Relation différente
SOCIO-E 2 : « peut être dans leur autonomie » « en leur apportant des
outils »
Certains éléments évoqués correspondent également aux
autres professionnels
ERGO 3 : « revaloriser la personne rien que par une toilette et un habillage »
« faire attention aux attentes de la personne » « on est dans une autre
dimension de la relation avec le patient »
Socio esthéticiennes
Psychologue
Kinésithérapeute
« connaitre un peu la personne » « dans le respect de la personne aussi »
« revenir à du regard »
« il y a déjà un côté bilan, savoir ce que fait la personne » « un ergothérapeute
il prendra plus le temps » « plus d’apprentissages, de redonner certains gestes
aux patients » « être plus autonome, ça favorise aussi l’image du corps »
Question 17 : Avez-vous déjà utilisé la grille d’entretien de la MCRO-P ?
Professionnels interrogés
Eléments de réponse
ERGO 1 : « je en connais pas bien, mais ça me dit quelque chose » « quand
on arrive avec sa fiche de bilan, on ne met pas les gens à l’aise »
Ergothérapeutes
ERGO 2 : « non je ne connais pas »
ERGO 3 : « ça me dit quelque chose, mais j’avoue que les grilles
d’évaluations… » « c’est plus au fil de la discussion je pense »
Analyse descriptive comparée
Aucun des ergothérapeutes interrogés n’utilise la MCROP:
- Soit parce qu’ils ne connaissent pas (ERGO 2)
- Soit parce qu’ils n’en voient pas l’utilité (ERGO
1)