ОTrois salles pour le Paris Levallois

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ОTrois salles pour le Paris Levallois
Pro A
ÂÂTrois salles pour le Paris Levallois
À la recherche
de son public
Anthony Dibon/Icon Sport
Pascal Allée/Hot Sports
Un grand club de basket à Paris ? Voilà un serpent de mer. Pour l’instant, le Paris
Levallois en est à gagner des spectateurs un par un et avec les moyens du bord.
L
’Île-de-France, c’est près de 12 millions
d’habitants répartis sur 8 départements.
C’est la région la plus riche de France qui
concentre 30% du PIB métropolitain, et aussi
d’Europe dépassant largement la Lombardie et
le Grand Londres. Un phénomène qu’explique la
centralisation française. Et au cœur de l’Île-deFrance, son joyau, Paris, probablement la plus
belle ville du monde.
La face sombre, c’est celle du basket. À Paris,
pas de Real comme à Madrid, de Panathinaikos
et Olympiakos comme à Athènes, ni même d’Alba
comme à Berlin. Pas plus d’arénas consacrées
au sport et au basket de 12, 15 ou 20 000 places
comme dans toutes les capitales européennes, y
compris à Belgrade ou Riga. Le POPB modernisé
et devenu l’Accor Hôtel Arena ne s’offre au basketball que très épisodiquement.
Des rêves de grandeur et autant de douches
froides, il y en a eu à chaque décennie. Du Stade
Français d’Hervé Dubuisson et Dragan Kicanovic
au PSG de Canal+ en passant par Adia, Nicollin,
et tutti quanti. La réalité d’aujourd’hui, c’est que
le Paris Levallois, fruit de la fusion entre le Paris
Basket Racing et le Levallois Sporting Club Basket,
est enlisé dans le dernier tiers du classement de
la Pro A, que son budget est en régression, que
sa seule figure identifiable est son coach Antoine
Rigaudeau, que c’est un club nomade qui joue
08 • Jeudi 19 novembre 2015 • BH #116
dans trois salles minuscules différentes et qu’une
très large majorité des Parisiens ignore jusqu’à son
existence.
Le basket à Paris est anonyme. Cela changera un
jour, forcément, étant donné le potentiel humain et
économique. La capitale a les moyens d’appartenir
au gratin européen comme le PSG est en train de
le réaliser au foot et au hand – ne parlons pas du
rugby où la concurrence internationale est quasi
inexistante. La question, c’est quand ?
Il faut remplir
Pourquoi trois salles ? Une convention qui était
triennale et qui est désormais annuelle oblige le PL
à jouer une moitié des matches sur la commune
de Paris et une autre sur celle de Levallois. À la
demande des élus parisiens et du nouvel adjoint
au sport, le PL alterne pour la troisième saison
entre le Stade Pierre-de-Coubertin situé dans le
16e arrondissement et la Halle Georges-Carpentier
dans le 13e. « Notre souhait était de faire
l’ensemble des matches à Coubertin ce qui n’est
pas possible à cause du PSG hand. Coubertin y
abrite sa structure en permanence, c’est le club
résident », précise Jean-Pierre Aubry, le président
du PL au long passé de basketteur.
Cette diversité de salles engendre pas
mal d’inconvénients. L’équipe s’entraîne
systématiquement à Levallois et ne prend
ÂÂLa salle
Marcel Cerdan
de Levallois
pour une fois,
bien remplie
pour le derby
face à Nanterre.
possession de Coubertin ou de Carpentier
que pour le shooting matinal, le jour du match,
au même titre que l’adversaire. Pour Antoine
Rigaudeau et ses hommes, cela équivaut à jouer
sur terrain neutre. Les panneaux publicitaires sont
entreposés à la salle Marcel-Cerdan de Levallois et
les transporter à Paris pour les matches, comme
de « sticker » les terrains aux couleurs du PL et
de ses sponsors, et d’installer et désinstaller les
espaces VIP, coûte de la sueur et de l’argent. « La
sécurité n’est pas non plus la même », précise
le Directeur Exécutif Thierry Foucaud. « Il y a 20
agents à Levallois et Coubertin et le double à
Carpentier. Il faut sécuriser tous les accès ».
Selon Jean-Pierre Aubry, vagabonder entre les
salles ne pose pas de problèmes aux sponsors du
club. « Pour eux, c’est plutôt valorisant de jouer
à Paris. Ils y amènent leurs clients, y font des
Relations Publiques et après les matches, ils vont
au restaurant sur Paris. » La centaine d’abonnés,
qui ont leurs sièges réservés sur les trois sites, ne
sont pas non plus perturbés par cette absence de
lieu fixe. Il n’en est pas de même pour le public.
Celui de Levallois et Coubertin est plutôt bon chic,
bon genre, et souvent passionné par les choses
du basket. C’est presque un acte de militantisme
que d’assister à un match du PL lorsque vous avez
100 000 tentations dans la ville lumière. Il faut être
à l’affut des subtilités du calendrier alors que dans
les préfectures et sous-préfectures de province,
le match du samedi soir est souvent l’événement
de la semaine relayé sans cesse par les médias
locaux. Celui de la Halle Carpentier est différent,
plus populaire.
Le staff du Paris-Levallois a un objectif prioritaire :
remplir les trois salles même si ça ne booste pas la
trésorerie. « La recette guichet, on s’en moque un
petit peu. Il faut démontrer aux élus que l’on peut
remplir Carpentier », commente Thierry Foucaud.
« Je préfère que les gosses soient dans la salle
que dans la rue à faire les cons. Ce n’est pas une
question d’argent, ça fait partie de l’éducation, de
la formation de voir ces mômes assister à un beau
spectacle. »
Ainsi, pour un match à Carpentier, outre 600
spectateurs payants et 400 VIP, le PL fournit 3 500
invitations par différents canaux, soit les clubs de
la capitale ou de l’Île-de-France –il a passé des
conventions avec 35 clubs franciliens-, les centres
de loisirs, la direction des sports de la ville, etc. Sur
Levallois, le PL peut compter sur le renfort du club
support, le Paris Levallois Association, premier
club français en terme de licenciés –il frôle les
900- et dont sont issus Giovan Oniangue, Vincent
Poirier, Ada Sané et encore Solly Stansbury, fils
de Terence, l’extraordinaire dunkeur des années
Les affluences
Pro A (en 2014-15)
Salle
Capacité Taux*
Palais des Sports Marcel-Cerdan (Levallois)
2 748
86%
Stade Pierre-de-Coubertin (Paris)
3 663
71%
Halle Georges-Carpentier (Paris)
4 398
81%
Par compétiton
Compétition
Pro A
Moyenne
Taux*
2013-14
2 615
79%
Moyenne
Taux*
2014-2015
2 821
83%
Eurocup#
1 098
39%
1 655
60%
*Taux de remplissage
#
Tous les matches d’Eurocup se sont tenus à Levallois.
Par Pascal LEGENDRE
80-90. « On a fait une carte
à tous les licenciés mineurs,
ça en fait 500, afin qu’ils
puissent venir gratuitement
aux matches. Plus un tarif
préférentiel à 5 € pour deux
accompagnateurs », explique
Thierry Foucaud.
Ces dispositifs ont permis
la saison dernière de remplir
les salles à 83% pour les
matches de Pro A et de faire un bond de 66%
en affluence pour les rencontres d’Eurocup,
toutes jouées à Levallois, même si le nombre de
spectateurs demeure fort modeste, et loin des
standards provinciaux, 1 655. La performance
sportive, une participation aux huitièmes de finale
et la couverture de L’Équipe 21, a par ailleurs
permis au club de « bénéficier d’un petit élan
de sympathie » pour reprendre l’expression du
président.
Il n’empêche que l’absence d’unité de lieu, d’une
salle de spectacle à grande dimension où l’on peut
faire du business, est un lourd handicap qui paraît
éternel.
«ÂIl faut donner envie
d’acheter ce club, au
Qataris ou à d’autres,
et pour ça il faut déjà
aller sur la capitale.»
Jean-Pierre Aubry
Matches de gala à Bercy
Le PL ne veut pas se figer sur place. Déjà, il est en
quête de bureaux à Paris. « Depuis que j’ai pris la
présidence, il y a deux ans, j’ai toujours dit dans
PL-JSF
Le derby du
basket français
La montée en puissance de Nanterre est venue pimenter
le basket francilien. Mais le PL demeure maître à bord.
N
anterre et Levallois-Perret sont distants de 8 kilomètres soit
20 minutes en voiture. Par ailleurs, pour aller de NanterrePréfecture à Charles de Gaulle-Etoile, il suffit de six minutes
par le RER A. Il n’existe pas une telle proximité entre deux autres
clubs de Pro A et c’est déjà une bonne raison pour que le derby des
Hauts-de-Seine soit l’un des plus captivants du basket français. Et
puis le profil politique des deux villes est si différent : le maire de
Levallois, Patrick Balkany, est l’une des figures des Républicains,
alors que la mairie de Nanterre est communiste depuis 1935.
« Lorsque je jouais, il y avait une rivalité sportive de clocher avec
Sceaux, c’était deux villes un peu huppées. Là, c’est totalement
différent. Ce n’est pas la même culture, il y a une rivalité entre les
hommes, les élus », confirme Jean-Pierre Aubry.
Depuis l’arrivée de la JSF en Pro A, les deux rivaux se sont affrontés
à treize reprises et le PL est sorti sept fois gagnant notamment d’une
finale de Coupe de France (2013) et d’un Match des Champions
(2014). Il y a trois semaines, à Levallois, les Parisiens se sont imposés
sur un buzer-beater de leur nouvel américain Chris Jones.
Toutes proportions gardées, un Paris Levallois-Nanterre a des
parfums de Virtus-Fortitudo, le célébrissime derby de Bologne
qu’a bien connu Antoine Rigaudeau. « Cette semaine là, je
suis présent à tous les entraînements. Je mets la pression aux
joueurs. Pour moi, c’est important. Je veux être le patron chez
moi dans le 92. Depuis que je suis président, je n’ai perdu qu’un
seul match », se réjouit Jean-Pierre Aubry.
Ces deux clubs ne s’embrassent pas sur la bouche mais on est
pourtant bien loin des sulfureux rapports entre l’Olympiakos et le
Panathinaikos. « Ça ne me choque pas que Nanterre soit venu à
Carpentier pour ses matches d’Euroleague et d’Eurocup. D’ailleurs
lorsqu’il y a eu les travaux d’agrandissement de leur salle, j’ai
proposé au directeur de cabinet du maire M. Jarry, que je connais,
de lui prêter gratuitement Marcel-Cerdan. Je ne suis pas idiot ; il
n’y a pas de raison de ne pas les aider sur le plan du basket. » ●
mes déclarations que l’avenir, c’est Paris et pas
Levallois », confirme Jean-Pierre Aubry.
Cette envie d’être totalement le club de la
capitale explique déjà pourquoi le PL n’est pas
spécialement attiré par la future Aréna 92 située à
Nanterre-La Défense mais davantage par l’Accor
Hôtels Arena que l’on va découvrir dans sa
configuration basket lors du prochain LNB All-Star
Game, à la fin de l’année.
Pas question d’y démultiplier les soirées ni de
payer plein pot la location. « Bercy a une obligation
vis à vis de la ville de Paris de faire un certain
nombre de rencontres sportives pour des clubs
locaux, volley, hand, basket, à des conditions
tarifaires car on n’est pas la fédération de tennis
ou les Rolling Stones », détaille Jean-Pierre
Aubry. « On a été reçu en mars dernier et on est
intéressés d’en faire deux ou trois. Il faut faire une
affiche, travailler en amont. S’ils nous donnent des
dates pour l’année prochaine, on a le temps d’aller
voir la ligue pour leur demander de jouer Nanterre,
Villeurbanne ou Limoges ces jours là. »
La dernière organisation d’un match de Pro A au
POPB remonte au 28 janvier 2007. Ce soir là, le
Paris Basket Racing avait accueilli Gravelines, le
DJ Cut Killer, et 6 000 spectateurs à des prix très
doux, 8 et 15€. Dans l’absolu ce n’était pas si
mal de quadrupler l’affluence mais forcément, ça
sonnait le creux. Surtout les Parisiens avaient été
hachés menu par les Gravelinois de Stephen Brun,
auteur d’un royal 7/11 à trois-points, 97-64. Pas
bon pour la promo.
Cette soirée qui se voulait de gala avait été plutôt
improvisée. Cette fois, le PL veut préparer son
affaire bien en amont, profiter de la logistique
de l’Accor Hôtels Arena pour communiquer sur
l’événement et vendre un maximum de billets et
des loges aux partenaires et pas seulement aux
entreprises traditionnelles du basket. « Ce qui est
bien, c’est qu’ils nous laissent les loges. Avec le
carnet d’adresses que l’on a, on peut faire deux
belles soirées, pas cinq. On a envie d’y aller, de se
montrer. Paris, ça change tout. »
L’autre idée de Jean-Pierre Aubry, c’est de faire
du PL un club en partie itinérant. « Aujourd’hui,
on ne gagne pas d’argent sur les places. Dans le
cadre du Grand Paris, on pourrait décentraliser
certains matches et les vendre aux collectivités,
départements et à la Région. On a fait un match
de coupe de France à Rueil et c’était plein. Il y a
des villes avec des installations de 4-5 000 places
comme l’Agora d’Ivry, le palais des sports de
Saint-Ouen, à Bondy, Tremblay-en-France. Après,
ça serait à la collectivité de mettre leur salle aux
normes. C’est un moyen de trouver des recettes
complémentaires. »
Des joueurs identifiables
C’est une évidence que Paris possède la
puissance pour se hisser sur les toits français et
même européen, en basket comme dans les autres
sports collectifs. Même si à force d’attendre, le
temps paraît long, très long. Mais pour mobiliser
les Parisiens, davantage que les Provinciaux, il faut
des résultats au niveau national puis international
avec des joueurs identifiables, le tout dans un bel
écrin et avec un super show. « Sur Paris, il faut
des stars », confirme le président. « En football,
depuis qu’il y a eu Beckham et Ibrahimovic le
Parc a toujours été plein à craquer. Les gens ont
besoin de se revendiquer de quelque chose et
de quelqu’un. Je me souviens qu’à une époque à
Levallois, les gens ne venaient pas voir l’équipe,
ils venaient voir Terrence Stansbury. C’est ce
qui nous manque un peu, on n’a pas un joueur
charismatique. »
Alors, Paris peut-il avoir un jour un public
comme Madrid, Athènes ou Berlin ou s’agit-il
d’une chimère. « Oui, j’y crois », répond JeanPierre Aubry, qui contrairement à nombre de ses
prédécesseurs prend le challenge avec modestie.
« C’est à nous de préparer le terrain pour que
quelqu’un reprenne le club et investisse. C’est
pour ça que je dis qu’il faut s’implanter sur Paris.
Ce n’est pas en restant dans le microcosme où
l’on est que l’on va réussir. Il faut donner envie
d’acheter ce club, au Qataris ou à d’autres, et
pour ça il faut déjà aller sur la capitale. Ce n’est
pas Jean-Pierre Aubry qui va ramener 10 millions
pour faire un grand club sur Paris. Par contre j’ai
les moyens de mettre en place une structure pour
donner envie. » ●
• En 2008-09, le PL évoluait en Pro B.
• La subvention de la mairie de Paris est
passée en 2015 de 1,3 M€ à 800 000 €.
Évolution du budget
(en millions d’euros)
5,79
4,69
4,56
4,59
4,06
3,56
3,52
3,22
2,61
2007-08
2008-09
2009-10
2010-11
2011-12
2012-13
2013-14
2014-15
2015-16
Les résultats sportifs
Coupe de France
SdA /LC
Coupe d’Europe
2009-10 15-15
Saison
V/D
Clas Playoffs
7e
1/4 de finale
1/16e de finale
Non qualifié
-
2010-11 12-18
10
-
1/8 de finale
Non qualifié
-
2011-12 17-13
6
1/4 de finale
2012-13 13-17
e
e
e
1/16 de finale
1/4 de finale
-
13e -
Vainqueur
1/2 de finale
1/4 fin. EuroChallenge
2013-14 18-12
5ee 1/4 de finale
1/4 de finale
1/2 finale
1er tour Eurocup
2014-15 17-17
11
1/8 de finale
1/4 de finale
1/4 fin. Eurocup
e
e
-
e
BH #116 • Jeudi 19 novembre 2015 • 09

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