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L
es 15 et 16 septembre 2007, pour la 24e édition des Journées européennes du
patrimoine, la bibliothèque Inguimbertine et les musées de Carpentras proposent
une exposition consacrée à dom Malachie d’Inguimbert, évêque de Carpentras de
1735 à 1757, collectionneur et bienfaiteur de la capitale du Comtat Venaissin. À l’occasion du 250e anniversaire de la mort de ce prélat, sa mémoire est célébrée à
l’Hôtel-Dieu, à travers une exposition rétrospective. Elle insiste, notamment, sur les
deux grandes fondations qui font de lui l’un des plus éminents enfants de Carpentras :
l’Hôtel-Dieu et la bibliothèque-musée. Cette commémoration met en exergue la
richesse du patrimoine carpentrassien, encore trop méconnu. Cet événement bénéficie du patronage du cardinal Poupard, président du conseil pontifical de la culture,
et de monsieur Gabriel de Broglie, chancelier de l’Institut de France.
Exposition du 15 septembre au 4 novembre 2007, dans le vestibule de l’Hôtel-Dieu
de Carpentras, entrée par la porte latérale,
avenue du Comtat Venaissin, tous les
jours de 10h à 12h et de 14h à 18h, sauf
les mardis et jours fériés.
Pendant les Journées du patrimoine, les visites
commentées du parcours muséographique perFaçade de l’Hôtel-Dieu
mettent de présenter l’ensemble des métiers qui
interviennent pour la connaissance, la conservation, la restauration et la mise en valeur du patrimoine. Les membres de l’association
des Amis de l’Inguimbertine et du musée de Carpentras participent à l’accueil des
visiteurs. Durant toute la période de l’exposition, les musées Comtadin-Duplessis et
Sobirats sont fermés au public.
Une exposition qui valorise fonds patrimoniaux écrits et
graphiques et collections muséographiques
Installée symboliquement dans le vestibule de l’Hôtel-Dieu, cette exposition permet
au public de découvrir le cabinet de l’évêque :
manuscrits précieux, livres rares, pièces d’archives, tableaux, estampes et mobilier évoquent son cadre de vie. Cette mise en scène
illustre la conception didactique de la diffusion
du savoir sous toutes ses formes, tous supports
confondus, et l’interdisciplinarité souhaitées par
le fondateur de l’Inguimbertine. Préservée
jusqu’à ce jour dans la capitale du Comtat
Venaissin, cette originalité de la bibliothèquemusée de Carpentras appelle l’attention sur Bulle de confirmation de la fondation par
Benoît XIV. Ms 630, fol 20
ce facteur déterminant de son
développement. La spécificité de
l’Inguimbertine réside dans l’imbrication des fonds patrimoniaux écrits et
graphiques ainsi que des collections
muséographiques. L’atmosphère des
cabinets d’études du fondateur et des
donateurs successifs mérite d’être
traduite dans le cadre de l’Hôtel-Dieu.
Cette réunion d’ensembles cohérents
et complémentaires d’œuvres et de
documents
patrimoniaux
offre La Rencontre à la porte Dorée : fragment de retable
aujourd’hui un intérêt inestimable. provenant des collections de Mgr d’Inguimbert
L’approche globale des collections
patrimoniales mêlant thèmes et objets de connaissance est aujourd’hui adopRayonnages de l’Inguimbertine.
tée par les médiathèques. À terme, l’Inguimbertine devra se plier à cette nouPhoto Chaline
velle approche culturelle. Cette singularité passera nécessairement par la valorisation de l’esprit des collections, de l’évocation de leur histoire, de la personnalité des
collectionneurs. En effet, si les fonds muséographiques comportent quelques fleurons
remarquables, c’est essentiellement le patrimoine écrit et graphique qui est exceptionnel
et qui légitime la réputation internationale de
Carpentras. Les collections de peinture et
d’objets d’art de la ville n’offrent pas un
panorama de la production artistique occidentale ; leurs
qualités indéniables relèvent de
l’histoire du
goût. Dans le
cadre de cette
Stèle de Taba, dite “Pierre de
Plutarque, Vies parallèles. Manuscrit
exposition, cette
Carpentras”
du XV siècle. Ms 618, fol. 41
valorisation
conjointe du patrimoine écrit et visuel s’organise autour du cabinet d’étude réinterprété de dom Malachie d’Inguimbert. Les rayonnages de la bibliothèque sont
simulés par des panneaux peints en trompe-l’œil plongeant ainsi le visiteur
dans l’atmosphère studieuse d’une bibliothèque du XVIIIe siècle.
e
Vierge à l’Enfant par Parrocel
Projet d’interprétation du cabinet de Mgr d’Inguimbert : la
porte d’entrée surmontée d’un cartouche orné d’un rébus
représentant un roseau entre deux rats et la légende « la
maison des muses » (en latin : mus arondo mus = musarum domus). Ce décor est inspiré de la bibliothèque
Corsinienne, fondée à Rome, en 1736, par Clément XII,
protecteur de dom Malachie.
Conception et réalisation des décors : Frédéric Dumas,
peintre décorateur et ornementiste.
Installation des supports en bois : Pierrick De Coster Esprit contemporain.
10 cmag 56 - automne 2007
Sous l’Ancien Régime, deux sensibilités opposées s’exprimaient dans
la conception des bibliothèques. Dans sa définition d’un établissement
idéal, Gabriel Naudé (1600-1653) n’admettait les instruments de
mathématiques, les globes et les peintures qu’à titre d’accompagnement des livres et d’ornements destinés à rendre les lieux agréables.
En revanche, selon la conception du jésuite Claude Clément (15941612), la bibliothèque devait être conçue comme le « temple des
muses ». À ce titre, elle était richement décorée d’emblèmes et de figures allégoriques. Les galeries tenaient autant du musée que de la
bibliothèque, accordant aux objets autant de place et d’intérêt qu’aux
Reliures aux armes de Clément XII et de
livres.
À sa manière, dom Malachie adapta les préceptes du père
Mgr d’Inguimbert ; coffret du pallium ;
casiers du médaillier
Clément, conférant à l’organisation et au décor de sa fondation un sens
particulier et surtout une affirmation de son prestige religieux, politique et social. Ce lien caractéristique
entre l’écrit et l’image ou le texte et l’objet, révélateur d’une époque et d’une réflexion, doit être préservé,
transposé et expliqué au public. Cette scénographie démontrera que le mode de présentation d’un objet
n’est pas laissé au hasard. Il témoigne du sens que le collectionneur et le conservateur encore de nos jours
lui accordent.
Photo CICRP
L’Éveil de l’intelligence grâce au monde silencieux des livres, peinture
anonyme du XVIIIe siècle.
Commandée par Monseigneur d’Inguimbert, cette allégorie constitue
un manifeste de ses intentions. Il en a composé lui-même la légende
en latin dont voici le sens : « Les hommes restent vivants dans leurs
livres ; ils s’y survivent à eux-mêmes. Ils laissent leur empreinte dans
leurs œuvres. Ils y parlent même s’ils se taisent ; ils s’y font entendre
même s’ils demeurent silencieux. Ils parlent aussi longtemps qu’ils
sont lus et, bien que muets après leur mort, ils répondent encore ».
L’artiste a éclairé cette inscription poétique d’une scène évocatrice :
une jeune femme dort allongée dans une clairière à côté d’un globe,
d’une boussole et d’un compas ; un génie ailé l’éveille et lui montre
la banderole que déploient deux amours.
Dom Malachie d’Inguimbert (1683-1757)
Né à Carpentras en 1683, Joseph Dominique d’Inguimbert entreprend ses études d’abord au couvent des Dominicains de Carpentras, puis à Aix-en-Provence
et, enfin à Paris, au collège Saint-Jacques. Élève brillant mais d’un caractère entier et absolu, ses positions lui valent de solides inimitiés. En 1707, il est
ordonné prêtre. Un procès entre sa famille maternelle et des cousins le conduit à Rome en 1709. Une
crise de conscience l’incite alors à abandonner la
règle de saint Dominique pour celle, beaucoup plus
austère, des Cisterciens réformés de la Trappe, inspirée au siècle précédent par le célèbre abbé de
Rancé. Il se retire une première fois au couvent de
Buonsollazo, près de Florence. Entre-temps, le
grand-duc de Toscane, Cosme III de Médicis, le Tranche dorée avec titre peint de
l’Odyssée d’Homère. Venise :
nomme à l’Université de Pise où, en 1713, il occupe Aldo Manuzio et Andrea
Portrait de Mgr d’Inguimbert
la chaire de théologie scolastique. En 1715, il pro- Torresano, 1524. Rés. A 74
nonce ses vœux solennels et choisit pour nom de religieux dom Malachie, en
l’honneur du prophète de l’Ancien Testament et d’un prélat irlandais, ami de saint Bernard. D’Inguimbert
passe ensuite quelques temps à l’abbaye de Casamari, au royaume de Naples, puis séjourne à Rome. Il y
rédige et imprime de nombreux travaux de théologie, d’histoire religieuse, de biographies ainsi que des traductions. En 1723, il est recteur du séminaire de Pistoia. Remarqué par le cardinal Laurent Corsini, il entre
www.carpentras.fr 11
alors au service de ce prélat en qualité de secrétairebibliothécaire. En 1728, sur ses conseils avisés, le cardinal Corsini se rend acquéreur de la fameuse bibliothèque du cardinal Gualterio. Cet ensemble remarquable a été préservé et appartient depuis 1884 à
l’Accademia dei Lincei, à Rome. Devenu pape sous le
nom de Clément XII, Laurent Corsini conserve toute
sa confiance à d’Inguimbert. Il le choisit pour confesseur et le nomme conservateur de sa bibliothèque privée. Couvert d’honneurs, promu archevêque in partibus de Théodosie, monseigneur d’Inguimbert jouit
d’une influence prépondérante. Sa réputation de Portrait de Clément XII
savant théologien et le succès de ses ouvrages en font
l’un des personnages les plus en vue de la Rome ponReliure aux armes du cardinal
tificale. Une prédilection de d’Inguimbert pour tout ce
Gualterio, Rés. C 146
qui touche la France suscite le mécontentement de
ceux qui n’obtiennent pas les faveurs escomptées
ainsi que l’aversion de prélats appartenant à la mouvance italo-espagnole. Afin de mettre un terme aux
dissensions troublant la curie, Clément XII se détermine à éloigner d’Inguimbert de Rome, en le nommant
au siège épiscopal de Carpentras, en 1735. Prélat
soucieux d’appliquer scrupuleusement, mais peut-être
maladroitement, les règles et les principes du concile Portrait du cardinal
de Trente, d’Inguimbert connaît bien des difficultés Aldobrandini
dans sa nouvelle charge. Ses projets de réforme se
heurtent aux susceptibilités de ses diocésains. En dépit de cette
situation parfois tendue, l’action de d’Inguimbert est positive. Il
Les IX livres de Jean Boccace des manifeste de manière durable son amour du prochain et sa
cas des nobles hommes et femvolonté d’étendre et de partager les bienfaits de l’instrucmes infortunés. Ms 622, fol. 12
tion et de la culture en édifiant un vaste Hôtel-Dieu et en
dotant Carpentras d’une riche bibliothèque-musée, ouverte au public dès 1745 :
l’Inguimbertine. Figure complexe, dom Malachie d’Inguimbert oscille sans cesse entre
l’austérité de la vie monastique et les brillantes controverses de la vie mondaine.
Les louanges de Carpentras pour ce prélat charitable et lettré témoignent de sa
reconnaissance posthume pour l’un de ses plus brillants enfants :
« Ses libérales mains
Ont laissé dans Vaucluse
Le pauvre sans besoins
L’ignorant sans excuse ».
Trône de Mgr d’Inguimbert. Prêt du
Tribunal de grande instance de
Carpentras
De retour à Carpentras, d’Inguimbert transporte
avec lui les manuscrits, imprimés, objets d’art et
tableaux réunis durant son séjour en Italie.
En 1745 et 1747, il accroît ses collections par
l’acquisition de riches fonds ayant appartenu à
Henri-Joseph de Thomassin de Mazaugues
(1684-1743), président au parlement de
Provence, petit-neveu et héritier du savant et érudit aixois, Nicolas-Claude Fabri de Peiresc
(1580-1637). Cet ensemble remarquable confère
à l’Inguimbertine un prestige international.
William Camden, Britannia... Londres : Georges Bishop
et John Norton, 1607. Rés. C 138
La Tempête par Joseph Vernet
12 cmag 56 - automne 2007

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