evaluation du risque de cancer lié à l`inhalation du radon
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Evaluation du risque de cancer lié à l'inhalation du radon EVALUATION DU RISQUE DE CANCER LIÉ À LINHALATION DU RADON M. TIRMARCHE Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (IPSN) Département de Protection de la Santé de lHomme et de Dosimétrie Laboratoire dEpidémiologie et dAnalyse du Détriment Sanitaire - Fontenay-aux-Roses - 1. Introduction Lécorce terrestre contient, depuis sa formation, un certain nombre déléments radioactifs dont luranium. La caractéristique commune et fondamentale de tous les éléments radioactifs est dêtre instable : ils se désintègrent pour donner naissance à de nouveaux corps, radioactifs ou non, et à des rayonnements. Lun des produits de la désintégration de luranium est le radon, gaz radioactif naturel, qui peut saccumuler dans latmosphère plus confinée des bâtiments et être ainsi inhalé par lhomme. En France, le radon contribue à environ un tiers de lexposition radiologique de la population aux rayonnements (Figure 1). Ce gaz est inodore, incolore et inerte, il ne réagit pas avec les autres éléments chimiques. En se désintégrant, le radon émet des particules alpha et engendre des descendants solides eux-mêmes radioactifs (polonium, bismuth, plomb,..) ; cest cette irradiation de type alpha qui est considérée responsable dune action cancérigène au niveau du poumon. Le radon pénètre dans lorganisme avec lair inhalé et plus rarement avec leau de boisson. Après inhalation, le radon gaz, de faible affinité avec les tissus biologiques, est réexhalé. Par contre, ses descendants particulaires, fixés ou non sur les aérosols atmosphériques, se déposent le long des voies respiratoires selon leur granulométrie. La plupart des descendants ont une action limitée aux tissus proches du site de dépôt, en particulier les cellules de lépithélium bronchique. exposition médicale (radiodiagnostic) 41 % radon 34 % autres (essais nucléaires, industrie) 1% rayons cosmiques 7% eaux et aliments 6% rayonnement des sols 11 % - FIGURE 1 Différentes composantes de lexposition radiologique en France Revue de l'ACOMEN, 1998, vol.4, n°4 337 M. TIRMARCHE Comme le cancer du poumon peut être induit par des facteurs multiples, il est important détablir la part du risque de ce cancer attribuable au radon dans les habitations françaises, part relativement faible comparativement à un facteur cancérigène très répandu et plus puissant, le tabagisme. Celui-ci peut, dans certaines conditions détudes, masquer le risque lié au facteur environnemental quest le radon. La plupart des études épidémiologiques actuellement menées en France, en Europe et à travers le monde, visent à évaluer cette action cancérigène potentielle pour des inhalations chroniques, faibles, telles quelles peuvent être rencontrées au niveau des habitations de certaines régions. Le calcul de la "dose" expliquant le risque à long terme, doit tenir compte de la manière dont lexposition est étalée dans le temps et du temps de latence séparant une exposition au radon de lexpression clinique dun cancer. Lanalyse du risque sanitaire lié au radon est donc complexe, car la "dose", exprimée généralement comme une exposition cumulée, est la résultante dune activité volumique variable pondérée par la durée de séjour dans une atmosphère donnée. Une exposition pendant une longue durée à de faibles activités volumiques apporte-t-elle le même risque quune exposition cumulée équivalente caractérisée par une activité volumique plus élevée sur une durée dexposition plus courte ? 2. Bilan des études épidémiologiques des 20 dernières années Les études sont de différents types. Certaines sont purement descriptives, comme les études géographiques, dautres sont plus analytiques, visant à établir une relation causale, en démontrant une relation exposition-effet entre lexposition cumulée et le risque de cancer du poumon. 2.1. Etudes géographiques descriptives La démarche la plus simple et la plus intuitive pour étudier un risque en fonction dun facteur caractérisant une zone géographique, est celle dune comparaison des taux de cancer dans les régions à forte et faible exposition. Les données utilisables sont celles disponibles au niveau dune région, comme par exemple, la moyenne des mesures radon ainsi que le taux moyen de décès par cancer du poumon. Lutilisation de ces valeurs est discutable, car les personnes décédant dans une région, et donc à la base du calcul du taux annuel, nont pas forcément vécu très longtemps dans cette région. Or le cancer bronchique, lié à une exposition donnée, demande un temps de latence important (de 10 à 20 ans) avant de sexprimer. Mais la principale critique apportée à ces études [1, 2] est celle dune mauvaise prise en compte dun facteur de risque important, le tabac, face à un facteur de risque relativement faible, le radon. Ajuster les taux moyens régionaux en fonction de la quantité de cigarettes vendues est insuffisant pour redresser cette situation. En effet, la consommation tabagique par jour, ou lâge à la première cigarette, sont deux composantes multipliant le risque de cancer du poumon dun facteur 5 à 10, alors que dans les régions où lactivité volumique du radon dans les habitations est supérieure à 200 ou 400 Bq par m-3, le risque est multiplié par un facteur 1,2 à 1,5. Lexcès de risque relatif ou lexcès de SMR (Standard Mortality Ratio) est le rapport entre le nombre de cancers observé et le nombre attendu daprès la population de référence. Dans la plupart des pays, on constate que les régions ayant un sol riche en uranium, et par conséquent un potentiel dhabitations avec des activités volumiques élevées en radon, se situent dans des zones rurales. Or les zones rurales sont connues pour présenter un taux de décès par cancer du poumon plus faible que les zones citadines : en fait, cette observation sexplique essentiellement par la plus forte consommation tabagique dans les villes. En dautres termes, il existe une relation inverse entre lactivité volumique régionale du radon et la consommation de cigarettes. Il nest donc pas étonnant dobserver une relation inverse entre radon et taux de cancer bronchique au niveau dun pays. 2.2. Etudes analytiques Pour étudier la part dun facteur étiologique dans le développement dun cancer, les études analytiques présentent lavantage denregistrer toute information, dosimétrique et sanitaire au niveau de lindividu et permettent une meilleure prise en compte des différents facteurs pouvant interagir avec le facteur radon et donc influencer la relation exposition-effet étudiée. Le but de ces études est de vérifier une hypothèse, formulée au moment de la conception de létude, à savoir une augmentation du risque de cancer en fonction de lexposition cumulée au radon. Deux types détudes sont possibles : - les études de cohortes qui reposent sur un suivi continu de chaque individu faisant partie de cette cohorte, depuis sa date de première exposition jusquà la date de dernières nouvelles (fin de suivi). Létat sanitaire est enregistré systématiquement, par exemple sur une base annuelle, parallèlement à son exposition. La plupart des études en milieu professionnel sont des études de cohortes ; elles supposent une possibilité de suivi des personnes au delà de leur départ de lentreprise, - les études cas-témoins, qui comparent lexposition cu- 338 Revue de l'ACOMEN, 1998, vol.4, n°4 Evaluation du risque de cancer lié à l'inhalation du radon mulée dans un groupe de "malades" à celle dans un groupe de personnes qui ne sont pas atteintes de cette maladie. Le principe de cette démarche est basé sur lhypothèse que, si une relation existe entre une maladie donnée et une exposition, le niveau de cette exposition doit être plus élevé dans le groupe de personnes atteintes de cette maladie. Pour chaque personne, cas ou témoin, le recueil de linformation se fait de façon rétrospective, le plus souvent en demandant aux personnes de répondre à un questionnaire ; lexposition est donc évaluée de façon rétrospective et est tributaire de la mémoire des personnes interrogées. 3. Résultats observés Evaluation du risque après inhalation du radon : Les études évaluant le risque de cancer lié au radon sont soit des études de cohortes, dans le cadre du suivi des mineurs, soit des études cas-témoins, dans létude du risque lié à lexposition domestique. Les nombreuses études de cohortes sur les mineurs ont permis de décrire lensemble des maladies pouvant apparaître dans ce type de population ainsi que danalyser le risque en fonction de lexposition cumulée. Les facteurs concomitants étudiés sont notamment le délai depuis lexposition, lâge atteint, la manière dont lexposition est étalée dans le temps, appelé souvent débit dexposition, le temps depuis la fin de lexposition. Ces facteurs évoluent tous au cours du temps, parallèlement au risque de cancer bronchique qui, lui, varie en fonction de lâge et de la période calendaire. Des analyses de régression poissonnienne permettant une prise en compte de ces facteurs ont été utilisées aussi bien dans lanalyse de létude française, décrite plus loin, quau niveau international, dans une vaste analyse conjointe, réalisée sur 11 cohortes de mineurs et coordonnée par le National Cancer Institute (NCI) USA [3]. Pour les décès par cancer du poumon, on observe une augmentation significative (p < 0,03) du risque en fonction de lexposition cumulée. Par contre, pour les décès par cancer du larynx, aucune tendance nest observée en fonction de lexposition au radon. Lexcès de risque relatif ou lexcès de SMR par cancer du poumon obéit à une relation linéaire du type SMR = a+ bD, où D est lexposition cumulée, a et b étant estimés à partir des données. La droite de régression obéit à léquation suivante : SMR = 1,68 + 0,0058 WLM* lécart type de la pente étant 0,004. Les études cas-témoins ont été mises en place, une fois connus les premiers résultats des études sur les mineurs, afin de vérifier sur le terrain si les résultats, obtenus en milieu minier, sont extrapolables au niveau de lhabitat et donc de la population générale : elles visent la prise en compte de co-facteurs, tel le tabagisme actif ou passif, mal étudié au niveau des cohortes de mineurs, ou lestimation directe du risque pour les populations féminines. Le principe de ces études est dinterroger les personnes atteintes dun cancer du poumon et les personnes "témoins" indemnes, afin de mesurer les activités volumiques du radon dans les maisons occupées dans au moins les 30 dernières années précédant le diagnostic, tout en tenant compte des autres facteurs pouvant intervenir dans la cancérogenèse pulmonaire. La durée minimum des 30 dernières années a été retenue au vu des résultats des mineurs, leur analyse montrant que le risque diminue avec le temps depuis lexposition; en dautres termes, les expositions lointaines interviennent moins dans le risque de cancer que les expositions plus récentes. Revue de l'ACOMEN, 1998, vol.4, n°4 3.1. Etudes des mineurs Dans létude sur les mineurs français, publiée en 1993 [4], la mortalité par cancer est en excès (p = 0,008) et résulte essentiellement dun excès de décès par cancer du poumon et du larynx. Lexcès sexprime à travers le SMR, ou rapport de mortalité standardisé, qui compare la mortalité des mineurs à celle dune population de référence, ici la population nationale de même sexe, tranches dâge et périodes calendaires. Létude française se basant au total sur 45 décès par cancer du poumon, il était impossible, face à ce faible effectif, de tester tous les facteurs pouvant modifier la relation linéaire exposition-effet. La participation à une analyse conjointe, coordonnée par le National Cancer Institute aux U.S.A. [5], qui concerne 11 cohortes de mineurs, a permis, à partir dune même méthodologie statistique, détablir une estimation de risque plus précise, car basée sur 2 620 décès par cancer du poumon. Elle a confirmé la relation linéaire et lexcès de risque relatif ainsi obtenu est de 0,49 % par WLM (Tableau I). Cet excès de risque par unité dexposition diminue en fonction de lâge atteint, du temps écoulé depuis lexposition ou depuis la fin de lexposition. La même méthodologie, appliquée aux données françaises, confirme lestimation publiée en 1993 (0,58 % par WLM) et la pente de la relation linéaire ainsi obtenue est très proche de celle calculée à partir des 11 cohortes. Une analyse sur les types de cancers autres que poumon na pas démontré daugmentation de risque en fonction de lexposition cumulée au radon [6]. 1 WLM (Working Level Month) correspond à une exposition pendant 170 heures dans une atmosphère où la concentration en énergie α potentielle des descendants du radon est de 1 WL (1 WL est équivalent à 1,3. 105 MeV par litre dair). 1 WLM correspond à peu près à une exposition domestique pendant un an dans une atmosphère intérieure dont lactivité volumique de radon sélève à 230 Bq.m-3. * 339 M. TIRMARCHE - TABLEAU I Radon et cancer du poumon dans 11 cohortes de mineurs daprès Lubin et al. [3] Localisation Etain 13 649 10 135357 277 936 0.16 [0.1 - 0.2] Tchécoslovaquie Uranium 4 284 25 103652 199 656 0.34 [0.2 - 0.6] Colorado Uranium 3 347 25 75032 807 327 0.42 [0.3 - 0.7] Ontario Uranium 21 346 18 319701 31 282 0.89 [0.5 - 1.5] Newfoundland Fluorspar 1 751 23 35029 367 112 0.76 [0.4 - 1.3] Fer 1 294 26 32452 81 79 0.95 [0.1 - 4.1] Nouveau Mexique Uranium 3 457 17 46797 110 68 1.72 [0.6 - 6.7] Beaverlodge Uranium 6 895 14 68040 17 56 2.21 [0.9 - 5.6] Port Radium Uranium 1 420 25 31454 243 39 0.19 [0.1 - 0.6] Radium Hill Uranium 1 457 22 25549 8 32 5.06 [1.0 - 12.2] France Uranium 1 769 25 39487 69 45 0.36 [0.0 - 1.3] 60570 17 908983 162 2620 0.49 [0.2 - 1.0] Suède Total Personnesannées Exposition moyenne (WLM) Excès de Risque Relatif moyen (% / WLM) Effectif Chine Suivi moyen (années) Décès par cancer du poumon Type de mine Remarque : 115 mineurs, dont 12 cancers du poumon sont communs aux cohortes du Colorado et du Nouveau Mexique Nous poursuivons actuellement le suivi des mineurs duranium français, un nouveau bilan sur un effectif plus élevé sera publié début 1999. 3.2. Etudes du risque de cancer lié à linhalation de radon dans les habitations Pour évaluer ce risque dans la population générale, deux approches sont possibles : extrapoler les estimations de risque obtenues à partir des études en milieu minier ou procéder à des études épidémiologiques sur le terrain. Extrapolation à partir des données des mineurs Cette approche a été utilisée par les comités dexperts [7, 8] pour calculer le nombre de cancers attribuables au radon domestique. Cette extrapolation aux faibles expositions à partir des données des mineurs demande lutilisation de modèles et la prise en compte dune action synergique entre radon et tabac notamment. Lestimation du risque au niveau de la population féminine à partir des données des mineurs a été réalisée en posant lhypothèse que les deux sexes présentent le même comportement face au facteur de risque de cancer lié au radon. Lestimation du risque pour une exposition pendant lenfance est difficile à évaluer au vu des données actuellement disponibles. Une seule étude sur les mineurs détain en Chine [9] a pu inclure un nombre non négligeable de jeunes exposés avant lâge de 15 ans. Les auteurs concluent que lexposition pendant lenfance ne semble pas entraîner un risque de cancer du poumon plus élevé que celui pour la même exposition pendant lâge adulte. Certaines études, notamment tchèques et canadiennes [10, 11, 3], suggèrent un effet inverse du débit dexposition. Pour une même exposition cumulée, si le "débit ", ici lexposition annuelle, est faible, le risque de décès par cancer du poumon est plus élevé que si cette même exposition annuelle est élevée, donc accumulée en une période plus courte. Les résultats de létude sur les mineurs français caractérisés par une exposition annuelle faible, ne confirment pas cette relation ; au contraire, le risque relatif de cancer du poumon augmente quand le débit dexposition saccroît. Des études sur les animaux [12] vont dans le même sens que létude française. En fait, certaines études expérimentales semblent indiquer que leffet du débit dexposition annuel est différent selon le niveau dexposition cumulée. Quand lexposition cumulée est forte, leffet de débit dexposition inverse existe et cet effet disparaît à faible exposition cumulée. Ce dernier point joue un rôle important pour lextrapolation aux faibles expositions, telles quelles sont rencontrées en milieu domestique. Une analyse récente, publiée en 1997 [5] et restreinte aux groupes de mineurs dont lexposition cumulée na pas dépassé 100 WLM, suggère également une diminution de leffet inverse du débit de dose quand on se limite aux mineurs ayant des expositions cumulées faibles. Nous considérons donc que les données actuelles permettent de conclure que la relation linéaire entre le risque de décès par cancer du poumon et lexposition cumulée au 340 Revue de l'ACOMEN, 1998, vol.4, n°4 Evaluation du risque de cancer lié à l'inhalation du radon radon décrit correctement le niveau de risque avec une pente permettant destimer lexcès de risque relatif par unité dexposition à 0,5% par WLM. Dans sa publication en 1993, la CIPR a adopté un coefficient de risque relatif de 1,34% par WLM, basé sur un plus petit nombre détudes et une méthodologie différente. Etudes cas-témoins Les études cas-témoins ont pour but de vérifier si les coefficients de risque, établis à partir dun environnement minier, sont applicables aux populations inhalant du radon dans les habitations. Un effort de collaboration internationale, soutenu par lUnion Européenne, a permis la mise en place de vastes études cas-témoins réunissant plusieurs milliers de cas et témoins, afin dobtenir une puissance suffisante pour une estimation précise du risque. Létude française que nous menons actuellement, se déroule dans ce cadre de collaboration, parallèlement à des études menées en Allemagne, Belgique, Luxembourg et Grande-Bretagne. Elle vise lévaluation du risque de cancer du poumon en fonction de lexposition au radon durant les 30 années précédant la maladie. La mesure du radon est réalisée dans chacune des maisons occupées durant ces 30 ans, sur une durée de 6 mois, avec 2 dosimètres par maison. Létude française vise à regrouper 600 cas et 1 200 témoins. Au niveau européen, lanalyse conjointe regroupera plusieurs milliers de cas appariés avec leurs témoins ; lanalyse française, puis européenne est prévue sur deux ans 1998 et 1999, la collecte des données étant en cours. Le bilan qui suit est basé sur des études publiées, notamment celles des pays scandinaves, du Canada et des USA. Le Tableau II résume ces études ainsi que leurs résultats. Certaines études, notamment suédoises, montrent une tendance significative du risque relatif en fonction de lexposition dans les maisons [13]. Leurs auteurs montrent que lexcès de risque augmente significativement en fonction de lexposition au radon. Les risques relatifs pour les différentes catégories dexposition sont : 1,0/ 1,1/ 1,0/ 1,3/ et 1,8, la première catégorie dexposition concernant les expositions inférieures à 50 Bq m-3 la dernière catégorie dexposition concernant des expositions moyennes supérieures à 400 Bq.m-3. A consommation tabagique constante, cette tendance persiste, mais de façon non significative. Il est à noter que lexcès est très élevé (risque relatif = 32.5) pour les fumeurs de plus de 10 cigarettes par jour, vivant dans des maisons où les activités volumiques de radon sont supérieures à 400 Bq.m-3. - TABLEAU II Radon et cancer du poumon dans les études cas-témoins dans la population daprès UNSCEAR rapport des Nations Unies 1994, complété de données récentes Auteur Année Localisation Effectifs Mesure d'exposition Schoenberg et al. 1990 USA 433 cas 402 témoins 1 an femmes ajustement sur tabac, âge et emploi + Blot et al. 1990 Chine 308 cas 356 témoins 1 an femmes ajustement sur tabac 0 Ruosteenoja. 1991 Finlande 238 cas 434 témoins 2 mois hommes, milieu rural ajustement sur tabac 0 Pershagen et al. 1992 Suède 210 cas 493 témoins 1 an Pershagen et al. 1994 Suède 1360 cas 2 847 témoins Létourneau et al. 1994 Canada 750 cas 750 témoins Alavanja et al. 1994 USA Auvinen et al. 1996 Finlande 3 mois Caractéristiques femmes ajustement sur tabac, âge, municipalité Résultat (+)* étude nationale + 1 an témoins de la population 0 538 cas 1 183 témoins 1 an femmes, non fumeurs 0 517 cas 517 témoins 1 an ajustement sur le tabac et l'âge 0 * tendance non significative après prise en compte de lactivité volumique pondérée par le temps et après ajustement sur lexposition professionnelle ; résultat + : tendance positive en fonction de lexposition Revue de l'ACOMEN, 1998, vol.4, n°4 341 M. TIRMARCHE A linverse, dautres études, notamment létude canadienne du Winnipeg [14] et deux études finlandaises [15, 16], ne permettent pas de conclure à une augmentation du risque avec lexposition cumulée au radon. Une étude récente, conduite dans le Missouri [17], dont les cas sont limités aux femmes ex-fumeurs ou non-fumeurs indique une absence de tendance liée au radon, même après ajustement sur le tabagisme ancien ou passif. Une analyse conjointe [18] reprenant les données de base de 3 études castémoins ciblant le cancer du poumon de près de 1 000 femmes, na pas démontré de tendance positive en fonction de lexposition cumulée au radon. Une analyse récente, publiée fin juillet 1998 [19], présente les données de létude anglaise : il existe une tendance à laugmentation du risque de cancer du poumon en fonction de lexposition, mais cette tendance nest pas statistiquement significative, malgré un effectif étudié élevé. Une méta-analyse récente [20] a essayé de tirer les conclusions des différentes études publiées. Une méta-analyse se distingue dune analyse conjointe par le fait quelle ne retourne pas aux données de base initiales, mais réalise une synthèse à partir des données publiées dans des revues scientifiques. Cette démarche obéit à une approche méthodologique standardisée, le but étant une synthèse objective à partir des études publiées. Dans cette métaanalyse, le but est la démonstration dune augmentation du risque en fonction des différents groupes dexposition décrits. Elle réunit un total de 4 263 cancers du poumon et 6 612 témoins et montre une tendance positive des risques relatifs en fonction de la dose, avec une estimation dun risque relatif de 1,14 (intervalle de confiance à 95% : 1,011,3) pour une exposition annuelle à 150 Bq par m-3 pendant 25 ans. Mais il faut noter une grande variabilité des estimations spécifiques à chaque étude et le test dhomogénéité est rejeté. Cette estimation est très proche de celle provenant de lanalyse des mineurs faiblement exposés [5] en se basant sur des équivalences dexposition posant quune exposition cumulée de 25 WLM dun mineur est comparable à 25 années dexposition domestique à 230 Bq.m-3 . 3.3. Interaction avec dautres cancérogènes Daprès les données des mineurs, linteraction radon-tabac serait plutôt de type multiplicative. En dautres termes, leffet combiné des deux expositions est supérieur à laddition des effets de chaque exposition considérée isolément. A partir des études cas-témoins, les données actuelles sont insuffisantes pour trancher : chez les nonfumeurs, on na pas pu démontrer une augmentation significative du risque en fonction de lexposition cumulée ; mais dans létude suédoise, montrant une tendance positive, linteraction radon-tabac existe, notamment pour les gros fumeurs exposés à plus de 400 Bq par m-3. Les coefficients de risque basés sur les études des mineurs duranium supposent un contrôle des facteurs autres que les descendants du radon, présents dans la mine et absents dans les maisons et qui peuvent avoir une influence dans la cancérogenèse pulmonaire. Une vérification de linteraction de ces facteurs sur la forme de la relation exposition au radon-cancer du poumon simpose. Or, lexposition aux rayonnements gamma et aux poussières duranium dans les mines na pas été enregistrée dans le passé, sur une base individuelle, sauf en France, où une étude de linfluence de ces deux facteurs est en cours. Dautres produits, comme larsenic, les fumées de diesel, peuvent exister dans certaines mines. Lextrapolation de la relation exposition-effet pour les faibles expositions chroniques, au niveau de lhabitat, repose sur lhypothèse dune absence dinteraction entre le radon et ces autres facteurs de risque. 4. Quantification du risque Le risque encouru par les populations exposées au radon est évalué essentiellement par extrapolation des données concernant les mineurs (exposés également à dautres cancérigènes soupçonnés ou avérés). Cette extrapolation nécessite des ajustements pour établir les indicateurs de risque appropriés. Plus on séloigne des conditions initiales de lexposition des mineurs (niveaux de concentration ou dexposition cumulée dans le temps, sexe, âge, habitudes tabagiques), plus la prédiction est incertaine. Pour les populations les moins exposées, le risque est estimé en retenant lhypothèse quil décroît proportionnellement à lexposition. En tenant compte de cette hypothèse et des différences de durée dexposition au cours du temps entre les mineurs et la population, les diverses études citées plus haut permettent détablir une correspondance entre lexposition cumulée des mineurs et celle des habitants. Pour les habitants de logements dont lactivité volumique du radon dépasse 1 000 Bq.m-3, lexposition sur une vie entière dépasse lexposition de la majorité des mineurs français cumulée durant leur vie professionnelle. Entre 1 000 et 400 Bq.m-3, lexposition des habitants est voisine de celle de ces mineurs. Entre 400 et 150 Bq.m-3, la "distance" avec lexposition des mineurs est plus grande, mais certaines études conduisent à supposer lexistence dun excès de risque. En dessous de 150 Bq.m-3, aucun excès de risque na pu être mis en évidence. 342 Revue de l'ACOMEN, 1998, vol.4, n°4 Evaluation du risque de cancer lié à l'inhalation du radon Lexcès de risque relatif de décès par cancer du poumon est ainsi estimé à 0,25% par an et pour 100 Bq.m-3 caractérisant lexposition au radon domestique (estimation de létude IPSN sur les mineurs français, confirmée par les analyses internationales). indiscutable : chez les mineurs, en présence de tabagisme. La démonstration directe dun risque évident aux faibles concentrations, sur une population de non-fumeurs, est plus difficile à réaliser, nécessitant, du fait dune incidence rare, une population détude deffectif très élevé. Calculé sur une durée de vie de 70 ans, il serait de lordre de : Le laboratoire dépidémiologie de lIPSN conduit, parallèlement aux études précitées et en collaboration étroite avec la Direction Générale de la Santé, une cartographie de lexposition au radon domestique dans les départements français [21]. Un bilan régulier de lexposition moyenne est publié [22]. Parallèlement, des techniques de réduction des concentrations de radon dans un habitat donné sont également étudiées [23]. Dans la majorité des situations, des techniques de réduction simples permettent de baisser de façon notable le niveau de radon dans une habitation. Une synthèse récente, reprenant lensemble des informations liées au radon a été publiée en 1998 [23]. 35% pour loccupant dun habitat dont lactivité volumique du radon est 200 Bq.m-3 (risque multiplié par 1,35) ; 70% pour loccupant dun habitat dont lactivité volumique du radon est 400 Bq.m-3 (risque multiplié par 1,7) ; 175% pour loccupant dun habitat dont lactivité volumique du radon est 1 000 Bq.m-3 (risque multiplié par 2,75). Ces estimations valent pour un temps dexposition de 7000 heures par an à lintérieur de lhabitat et lexcès de risque est comparé à une population fictive exposée à 0 Bq m-3. Ces estimations sont des ordres de grandeurs utilisables quand on compare le risque dune population fortement exposée à une population faiblement exposée. Lorsque le tabagisme est associé au radon, les effets font plus que sadditionner et la probabilité de développer un cancer du poumon augmente notablement. Or lexcès de risque relatif de cancer du poumon est déjà au minimum de 900% pour un fumeur dun paquet de cigarettes par jour. Par comparaison, celui encouru par une personne vivant dans une maison où les concentrations de radon se situent entre 200 et 400 Bq.m-3 est proche de celui dune personne vivant dans une atmosphère de tabagisme passif. La transformation de lactivité volumique annuelle en radon en mSv/an est possible, si on veut comparer le risque radon au risque engendré par dautres types dexpositions aux rayonnements ionisants. Mais au stade actuel de nos connaissances, il subsiste un certain nombre dincertitudes dans le calcul de cette conversion et il faut considérer les valeurs comme susceptibles dévoluer. Elles sont de lordre de 3,5 mSv/an pour une exposition moyenne annuelle à 200 Bq.m-3. 5. Conclusion Le radon est un gaz de notre environnement que nous inhalons tous et la question actuellement posée est celle du niveau à partir duquel il peut être considéré comme cancérigène. Lépidémiologie a permis de cerner les conditions dans lesquelles la mise en évidence de ce risque est Revue de l'ACOMEN, 1998, vol.4, n°4 Références bibliographiques 1. Stidley A.C., Samet J.M. A review of ecologic studies of lung cancer and indoor radon. Health Phys., 1993 ; 65 : 234-251. 2. Report of WHO Working Group Indoor Air Quality : A Riskbased Approach to Health Criteria for Radon Indoors (1996), EUR/ ICP/CEH 108 (A), WHO Regional Office for Europe, Copenhagen, Denmark. 3. Lubin J.H., Boice J.D., Edling C., Hornung R.W., Howe J., Kunz E., Kusiak R.A., Morrison H.I., Radford E.D., Samet J.M., Tirmarche M., Woodward A., Xiang Y.S., Pierce D. Radon and lung cancer risk: a joint analysis of 11 underground miner studies. National Institutes of Health, NIH Publication N° 94-3644, 1994. 4. 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