Paris- Annonciation 07.07.2013 Luc 10,1

Transcription

Paris- Annonciation 07.07.2013 Luc 10,1
Paris- Annonciation
07.07.2013
Luc 10,1-21
(Notes de prédication)
Le prosélytisme est-il de mauvais aloi ?
Dans la ligne de l’évangile de Luc, Jésus avait déjà envoyé ses 12 disciples en missions, à peu près dans les mêmes
conditions (ch 9) : pour proclamer le règne de dieu et guérir les malades et chasser les démons ;
Ils prolongeaient ainsi la mission de Jésus lui-même venu apporter le salut, ce qu’on pourrait résumer ainsi :
- donner du sens à l’existence (proclamer le royaume de Dieu)
- secourir les corps (guérir) et
- libérer des aliénations mentales, psychologiques et spirituelles (chasser les démons).
Ainsi, l’esprit, le corps et le sens de l’existence de l’être humain sont concernés par la venue de Jésus. Dans leur
dimension personnelle comme sociale car à l’époque, guérir les malades et chasser les démons, c’était redonner une
existence sociale aux marginalisés par excellence.
C’est ce que nous vivons à notre manière lorsque nous nous engageons au nom du Christ dans des œuvres médicales
et sociales qui soignent les corps et les esprits, et lorsque nous nous appliquons à être témoins du règne de Dieu, tel
qu’il est décrit, par exemple, dans les béatitudes.
Parce que le sens et l’action solidaire son indissociables.
C’est parfois ce que l’on nous reproche, lorsque nos rites religieux (baptême, cultes etc…) ne nous engagent à rien
vis-à-vis de nos semblables.
Mais on pourrait retourner la critique à tous ceux qui font du social sans réfléchir au sens ni quelle idéologie est
sous-jacente à leur action (il y en a toujours une).
Je lisais récemment un édito à propos de Nelson Mandela et de sa foi méthodiste1 qui a joué un rôle majeur pour
l’aider pour dépasser la revanche, à accéder à la non-violence et au pardon.
On pourrait ajouter à ses côtés un Desmond Tutu, anglican, et bien d’autres.
Bref, nos actes, même s’ils ne sont pas purs, disent l’esprit profond qui vous anime, quel « royaume » vous habite.
J’ai cité des personnages d’exception : les 12 disciples (bien que parmi eux, il y avait Judas !), Nelson Mandela,
Desmond Tutu… mais voilà que dans l’évangile de ce jour, Jésus en choisit 70 ou 72, c'est-à-dire 7 x 10, et selon la
symbolique biblique des nombres, la plénitude des humains.
L’évangile nous dit que nous sommes tous concernés, et en particulier les plus petits : « je te loue, Père, de ce que tu
as caché ces choses aux sages et intelligents, et que tu les as révélées aux tout petits » (Luc 10,21).
Telle est la conclusion : du plus grand au plus petit, et plus nous nous sentons petits au regard de cette tache, nous
sommes tous concernés par cet envoi.
Nous pourrions arrêter la prédication sur cette question : moi qui suis baptisé, moi dont le royaume de Dieu s’est
approché (pas n’importe quel royaume : celui incarné par Jésus, sa justice et son amour jusqu’au don de lui-même,
celui des béatitudes !), de quelle manière je réponds à cet envoi ? Comment je m’engage à sa suite ? S’il le faut au
prix de dérangements dans mon existence !
Le texte de ce jour nous donne en quelque sorte une feuille de route dont j’aimerais souligner quelques éléments.
1- Quels que soient les lieux, les circonstances, favorables ou défavorables, dites-le toujours : « le
royaume/règne de Dieu s’est approché de vous ! ». Que vous soyez reçu ou que vous ne le soyez pas, dites :
« le royaume/règne de Dieu s’est approché de vous ! ».
Cette phrase, sortie de son contexte, peut être énigmatique. En réalité, elle nous renvoie à Jésus, à sa
personne, à son amour et sa justice, au don de lui-même et, à cause de cela, à sa victoire toujours actuelle
sur la mort et les puissances de mort.
1
Le méthodisme est un courant du protestantisme né dans les bas-fonds ouvriers anglais du XIXe, porté par John Wesley,
insistant sur l’expérience personnelle de la conversion et sur la sainteté morale de la vie du chrétien.
Si Dieu s’approche quelque part du monde et surtout de chacun de nous, c’est à la manière et à travers la
personne de l’homme Jésus, dit l’évangile.
Si bien que toutes les discussions fumeuses sur l’existence de Dieu, ne servent à rien. Elles nous éloignent
même de l’évangile ! Pour le chrétien, dire « le règne de Dieu s’est approché de vous », c’est d’abord cesser
les discussions stériles sur Dieu et inciter à regarder ensemble l’homme de Nazareth et à le suivre un
moment dans sa vérité, voir ce qu’il a « dans le ventre », et découvrir dans sa profonde humanité (si proche
de nous !) un autre visage du divin, peut-être le seul digne de confiance.
Cette découverte est assez bouleversante pour faire de nous, envers et contre tout (parfois envers et contre
tous !), les témoins de cette Bonne Nouvelle : le royaume de Dieu n’est pas à chercher dans le ciel mais tout
proche de nous, dans notre humanité, dans cette figure emblématique qu’est l’homme Jésus.
Alors, ne vous perdez pas en blablabla qui n‘en finissent pas (ou en longues salutations à l’orientale : Luc
10,4), ne perdez pas l’essentiel de ce qui vous habite et que le baptême a planté en vous !
2-
Pour autant, ce n’est pas de la guimauve ! C’est même exactement le contraire ! Il suffit de regarder le
destin de Jésus pour le savoir. Mais aussi le destin des premiers disciples.. et le destin de bien des chrétiens
de part le monde lorsqu’ils se laissent saisir et envoyer par cet évangile. On est loin de nos conforts
occidentaux et de nos religions à options. Je suis frappé de voir que, dans l’histoire, pas un lieu n’a vu la
naissance du christianisme sans martyrs.
Il y aura des loups, dit notre passage. Il y aura aussi des gens qui ne vous recevront pas. Peu importe. Ce
n’est pas à vous de juger, dit Jésus. L’histoire jugera. Vous, vous avez à annoncer que le royaume de Dieu
s’est approché de nous en Jésus, et vous avez une double attitude à tenir :
a. Dire la paix : toujours dire la paix, toujours chercher la paix, dans tous les sens du terme sauf celui
du compromis négatif qui obligerait à renier le Christ, son amour et sa justice. Plutôt aller au
martyr… mais ce sera alors par grâce car nous n’en sommes pas capables nous-mêmes !
b. Respecter ces gens-là ; respectez-les avec un scrupule au-delà de la mesure : jusqu’à leur rendre la
poussière de leur ville qui s’attache à vos sandales. On interprète souvent cette expression comme
une sorte de rejet ou de dédain, mais c’est plutôt la marque du respect : tu ne veux rien avoir à faire
avec moi, je respecte ! Je te donne même la paix mais (et c’est la limite) je maintiens qu’en Jésus,
Dieu s’approche de toi.
La question de ce dimanche était « y’a-t-il un prosélytisme de bon aloi ? ». Nous sommes au cœur de la question.
Le prosélytisme a aujourd’hui une connotation négative liée à la pression et à la manipulation des personnes : je te
guéris, je te soigne, je t’aide, à condition que tu embrasses ma religion ».
Ce prosélytisme est de mauvais aloi, il profite de l’ignorance ou de la situation de faiblesse des gens pour les rendre
dépendants.
Mais cela n’a pas toujours été ainsi. Le prosélyte a d’abord été, dans la Bible, celui/celle qui adhère à la foi juive ou
chrétienne, par choix libre (autant que possible), après l’écoute d’un témoignage de foi qui le convainc. Il y a ici un
prosélytisme de bon aloi.
Nos contemporains ne se rendent pas compte qu’en condamnant toutes les formes de prosélytisme ou
d’évangélisation ou de témoignage religieux, ils font le jeu des intégrismes de tous bords qui interdisent à leurs
ouailles de changer de religion ou de conviction. En interdisant tout témoignage religieux sur la place publique, notre
société fait le jeu des intégrismes et enferme les gens dans la prison de leurs religions.
L’évangile de ce jour nous aide au discernement entre les deux : toujours témoigner du Christ, en toutes
circonstances et parfois au péril de nous mêmes (car l’évangile dérange nos conforts intérieurs et par là, suscite de
l’opposition). Mais toujours rechercher et donner la paix, et toujous respecter scrupuleusement la liberté de
l’autre, que celui-ci accueille ou refuse cette Bonne Nouvelle.
C’est sur ces critères que se discerne un vrai témoin évangélique.
Cette responsabilité de témoin, qui est celle de tout baptisé (et celle des parents auprès de leur enfants !), doit
s’exercer en toute humilité, dit l’évangile : ne vous réjouissez pas d’une quelconque autorité qui vous serait
conférée, réjouissez vous de ce que vos noms sont inscrits dans les cieux, c'est-à-dire que vous avez été choisis,
appelés pour cette mission. Et cela ne vient pas de vous, c’est une pure grâce de Dieu. Vivez donc, vous, de
reconnaissance ! Votre témoignage ne peut être que reconnaissance !
Il reste une chose que l’évangile met en tête de notre récit d’aujourd’hui : la moisson est grande, et il y a peu
d’ouvrier : priez-donc ! (v2).
La prière est au cœur du problème. Non pas la prière pour nous et nos intérêts. Jésus ne nous convoque pas pour
avoir ce genre de sécurité. Au contraire, ni bourse, ni sac, ni sandales !
Pas non plus une grande sagesse, ni une grande intelligence qui pourrait nous donner une certaine assise.
Le fondement et la sécurité de notre vocation de chrétien et de notre témoignage tels que le baptême vous y
appelle, nous le trouvons dans … la prière !
Même pas la prière pour avoir ceci ou cela, une bonne vie par exemple… mais la prière pour que le maitre envoie
des ouvriers dans la moisson.
Il y a peu d’endroit où Jésus donne des sujets de prière. Mais là, oui : pour que le Maître envoie des ouvriers.
Mais attention : si vous priez, vous risquez alors d’entendre Jésus vous dire ce que le verset suivant mentionne :
priez et… allez ! Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups !
Ainsi, la prière du cœur fait de nous des envoyés pour dire, dans l’insécurité la plus totale qui nous oblige à nous
rattacher à sa seule Grâce, mais avec l’urgence au cœur, avec la paix et le respect scrupuleux, en toutes
circonstances et avec nos mos maladroits : le royaume de Dieu s’est approché de vous.
Par pitié donc, ne laissez pas aux sages et aux intelligents, aux théologiens et pasteurs, aux philosophes et aux
notables, le soin de dire l’évangile.
Priez et prenez votre part, là où vous êtes envoyés : dites en toutes circonstances qu’en cet homme Jésus, se trouve
le sens profond de notre existence et qu’il vaut la peine de le suivre, même sur des chemins incertains.
Ne cessez de dire cette Bonne Nouvelle qui fait notre Bonheur.