Comment s`orchestre aujourd`hui la rencontre d`un film avec son

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Comment s`orchestre aujourd`hui la rencontre d`un film avec son
Marketing Cinéma: Comment s'orchestre aujourd'hui
la rencontre d'un film avec son public?
Conférence-débat du mercredi 26 octobre 2011,
Fondation d’entreprise Ricard
Dix à vingt films sortent chaque semaine sur les écrans en France. Parmi eux,
beaucoup de bons films qui malgré leur qualité, ne rencontreront pas leur public,
tout comme de grosses productions qui, malgré les moyens mis en oeuvre pour
leur lancement, n'auront pas le succès escompté.
Inversement, l'actualité récente du cinéma est riche de films dont le succès a
dépassé toutes les prévisions, de La Guerre est déclarée au Discours d'un Roi, en
passant par la fabuleuse aventure du film iranien Une Séparation.
La qualité d’un film est donc importante, mais son sort commercial repose en
grande partie sur une bonne orchestration de sa distribution.
Comment les distributeurs mettent-ils en oeuvre les stratégies gagnantes pour voir
leurs films triompher à coup sûr? Comment ont-ils précisément travaillé sur ces
films et orchestré leur rencontre avec le public?
Réunis autour d'Agathe Pinchon, responsable Cinéma/ Audiovisuel au sein du club,
plusieurs intervenants de renom ont apporté leur témoignage.
Les intervenants :
Jean-Philippe Tirel, Directeur Géneral délégué de Wild Bunch Distribution, Distributeur
notamment du Discours d’un roi et de La Guerre est déclarée.
Christophe Courtois, Directeur de la Distribution de SND (Groupe M6), Distributeur
notamment de Scream 4 et des Femmes du 6e étage.
Alexandre Mallet-Guy, Directeur Général de Memento Films Distribution, distributeur
notamment d’Une Séparation.
Cyril Barthet, fondateur et PDG de Vodkaster.com
Abstract
Il ne suffit pas qu'un film soit bon pour qu'il rencontre le succès. Le cinéma possède « un
énorme cimetière de films », qui à défaut d'avoir fait beaucoup d'entrées ont disparu
rapidement des écrans, rappelle Christophe Courtois.
La stratégie mise en oeuvre par les distributeurs est d'abord de bien connaître le public.
Contrairement aux idées reçues, 19 millions de Français ne vont en effet jamais au
cinéma, et les 2,6% d'assidus comptent pour un quart des entrées. Par ailleurs, les 25-34
ans sont curieusement ceux qui vont le moins au cinéma, tandis que les séniors y vont de
plus en plus: ils comptent aujourd'hui pour la moitié des entrées, contre le quart il y a
quinze ans. Les Français se comportent très différemment du reste du monde, et
notamment par rapport aux Etats-Unis, où le marché est porté par les adolescents. Il
importe donc de bien cibler le public susceptible d'aller voir le film proposé. Non
seulement les spectateurs doivent savoir à l'avance quel est le type de film qu'ils vont voir,
mais le film apparaît comme un « marqueur social » qui en dit long sur le spectateur.
Autre stratégie: choisir la bonne date de sortie. « Nous avons choisi de sortir Les Femmes
du 6ème étage en période de vacances, en même temps que Sex Friends et Largo
Winch, parce que nous étions n°1 sur les seniors auquel le film s'adresse » explique
Christophe Courtois. Même choix pour Alexandre Mallet-Guy distributeur d'Une
Séparation (Ours d’or à Berlin), qui, n'ayant pas réussi à le sortir avant Cannes, ont opté
pour le mois de juin, traditionnellement « creux en films d'auteurs ». Pour La Guerre est
Déclarée, déjà très remarqué à la Semaine de la Critique, à Cannes le choix s'est porté
sur une sortie fin août, au moment où l'encombrement en films était minimal. Quant au
Discours d'un Roi, c'est la saison des « Awards » américains qui a été choisie
judicieusement: le film a connu un vrai rebond dès les premières récompenses tombées.
Comme pour tout produit, un film a besoin d'un bon packaging. Le choix de l'affiche est
l'un des éléments primordiaux de son succès. Et pour cause: celle-ci compte pour 18%
dans la motivation des spectateurs à aller voir un film. « Nous utilisons beaucoup de
codes pour informer le public sur ce qu'on va lui vendre. Il s'agit avant tout de le rassurer »
explique Christophe Courtois. Pour un film romantique plutôt mélo, on optera pour la
photo d'un couple enlacé sur fond de mer; pour un film d'action, une silhouette de dos qui
court dans la nuit; pour une comédie sur l'amour, un couple, au lit... Les couleurs ont aussi
leur importance: jaune pour un film américain indépendant, bleu avec lune pour un
documentaire animalier... Les affiches se déclinent différemment selon les pays: le visuel
choisi pour Le Discours d'un Roi (une bouche parlant devant un vieux micro) fait l'impasse
sur l'acteur principal, Colin Firth, jugé trop méconnu par le grand public français.
Autre élément décisif: la campagne qui accompagne le lancement du film. « Nous avons
tout fait pour gommer l'aspect anxiogène d'un film qui traite de la maladie d'un enfant, car
outre l'aspect insupportable de ce thème, les précédents films qui en parlaient ont été des
fours », explique Jean-Philippe Tirel. Mêmes précautions pour Une Séparation. « Nous
avons gommé au maximum le côté iranien du film, car ce cinéma a une image lente et
ennuyeuse, alors que ce film est plus proche du thriller. Nous avons aussi enlevé les
prénoms iraniens dans le titre et choisi sur l'affiche de cadrer les comédiennes sur leur
visage » indique Alexandre Mallet-Guy. Il importe aussi, lorsqu'on sait le film de moindre
qualité, de minimiser la campagne...
L'approche des journalistes, a elle aussi son importance. Les inviter à des projections à en
petits comités, insister sur le succès qu'un film a remporté à l'étranger aide à créer un
climat favorable à de bonnes critiques.
Mais quels que soient les efforts faits, le succès d'un film dépend de plus en plus du
bouche à oreille. Il compte pour 60% dans la motivation des spectateurs, et jusqu'à 75%
chez les 20-25 ans. Avec Internet chacun peut émettre sa propre critique et recommander
un film. C’était déjà le cas avec les forums, les blogs, et les commentaires en bas des
pages de films et des critiques presse. C’est d’autant plus le cas aujourd’hui avec les
réseaux sociaux, qui de surcroit permettent d’identifier ceux qui prennent la parole, et de
qualifier leurs points de vue avec des outils permettant de jauger les affinités de goûts.
« Nous assistons à un déplacement des lieux de prescription culturelle depuis 5 ans.
Nous sommes passés d'une oligarchie culturelle menée par la critique légitime à une
démocratie culturelle menée par des millions d'amateurs » souligne Cyril Barthet, qui
estime qu'avec la prise de parole de cinéphiles avertis sur la Toile, il va devenir de plus en
plus difficile pour les distributeurs de sortir des films de mauvaise qualité.
Lien vers les entreprises des intervenants :
http://www.wildbunch.biz
http://www.snd-films.com
http://www.memento-films.com
http://www.vodkaster.com