Miguel de Cervantes et don Quichote dans le pays madrilène

Transcription

Miguel de Cervantes et don Quichote dans le pays madrilène
Miguel de Cervantes et don Quichote dans le pays madrilène
©Catherine Dhérent, décembre 2011
Cervantes, créateur du roman moderne, est une icône dans son pays, comme Shakespeare l’est au
Royaume-Uni. Il faut dire que Don Quichotte serait le deuxième livre le plus lu au monde après la
Bible. A Madrid, on peut passer trois jours très agréables sur les traces de ce génie des lettres.
Miguel de Cervantes y Saavedra , fils de Rodrigo de Cervantes et de Leonor de Cortinas, fut baptisé à
Alcala de Henares le 29 septembre 1547. Il s’installa à Madrid en 1566. Il s’inscrivit à l'Estudio de la
Villa, géré par le professeur de grammaire Juan López de Hoyos, qui a publié en 1569 un livre sur la
maladie et la mort de la reine Isabelle de Valois, troisième épouse du roi Philippe II, dans lequel il
inclut trois poésies de Cervantes, « notre cher et aimé disciple ». Une plaque rappelle l’endroit où se
trouvait cette académie.
C'est à cette époque que Cervantes prit goût au théâtre en assistant aux représentations de Lope de
Rueda et, comme il le déclare dans la seconde partie de Don Quichotte, par la bouche du personnage
principal, « se le iban los ojos tras la farándula » (« il adorait le monde du théâtre »).
Sa vie aventureuse d’errance, de guerres (il participa activement à la bataille de Lépante),
d’emprisonnements et d’évasions, commença en 1569. Ce n’est que fin 1580 qu’il retrouva sa famille
à Madrid. Il publia à Alcala de Henares, La Galatea, sa première grande œuvre littéraire, rédigée
entre 1581 et 1583. Il épousa en décembre 1584, une jeune fille de 20 ans, Catalina de Salazar y
Palacios dans un village près de Tolède, Esquivias. Sans doute déçu par ce mariage, il reprit ses
voyages à travers l’Andalousie.
Ce n’est qu’à près de 60 ans qu’il publia, en 1605, son chef d’œuvre, le premier tome de L’Ingénieux
Hidalgo Don Quichotte de la Manche sur les presses de l’imprimerie de Juan de la Cuesta. La seconde
partie parut dix ans plus tard. Il mourut peu après et fut enterré le 23 avril 1616 à Madrid.
Madrid
Monument Cervantes, plaza de Espãna
C’est sur cette place, à l’époque colline inhabitée, où les soldats de Napoléon exécutèrent les
révoltés espagnols les 2-3 mai 1808, que se trouve le monument consacré à l’auteur de Don
Quichotte. On n’imaginerait pas en France un monument aussi grandiose pour un de nos grands
auteurs, Molière par exemple. Devant un bassin, sur un immense pilastre au haut duquel des
femmes lisent, Cervantes médite devant Don Quichotte et Sancho Pança de bronze sur leurs
montures respectives. Sur les côtés, se trouvent la paysanne simple Aldonza Lorenzo et la belle rêvée
Dulcinée del Toboso représentation du « vrai amour » pour Don Quichotte.
Ce monument a été conçu par les architectes Rafael Martinez Zapatero et Pedre Muguruza et par le
sculpteur Lorenzo Coullaut-Valera. La plus grande partie en fut érigée de 1925 à 1930 et il ne fut
achevé qu’en 1957 par Federico Coullaut-Valera Mendigutia, fils de Lorenzo.
Barrio de las Letras
On célèbre dans ce quartier ancien, les auteurs les plus fameux de l’Age d’or, Cervantes, Lope de
Vega, Calderón de la Barca, Tirso de Molina, qui y vécurent au XVIIe siècle.
Calle Huertas
Dans cette rue pittoresque, une des plus anciennes de la ville, des plaques commémorent le souvenir
des grands écrivains espagnols qui ont vécu dans ce quartier : l’une d’elles au coin de la calle León
rappelle que Cervantes a habité dans plusieurs de ces rues et en particulier ici. Sur le pavement, la
première phrase de Don Quichotte en lettres de bronze.
Calle Cervantes
Une plaque signale la maison où il mourut en 1616.
Au n° 11 de cette rue, vous pouvez visiter la maison-musée de Lope de Vega. On peut y voir des
œuvres d’art qui se trouvait dans l’église où est enterré Cervantes.
Calle Lope de Vega, église de Las Trinitarias
Il fut enterré dans cette église avec sa femme, sans qu’on sache à quel endroit exactement. Sa fille
Isabelle était nonne dans ce couvent. L’édifice actuel (ouvert pour les offices) fut construit en 1673,
après destruction de la chapelle précédente. Une plaque sur la façade baroque rappelle que le lieu
abrite les restes du grand écrivain.
Calle Atocha
Plaque commémorative avec Don Quichotte et Sancho Pancha qui tire son âne récalcitrant sur le mur
de l’église au coin de la calle Fucar.
Musée du Prado
Tableaux de l’époque de Cervantes, et en particulier de magnifiques El Greco.
Une journée dans la Manche
« Dans une bourgade de la Manche, dont je ne veux pas me rappeler le nom, vivait il n'y a pas
longtemps un de ces gentilshommes avec lance au râtelier, bouclier de cuir à l'ancienne, levrette pour
la chasse et rosse efflanquée. »
Prenez la direction du sud vers Tolède. Dans la Manche, où se déroulent la plupart des aventures de
Don Quichotte, chaque village veut détenir la preuve qu'il est l'authentique lieu d'origine de Don
Quichotte. Sur ce plateau castillan battu par les vents froids l'hiver et écrasé par la chaleur l'été, la
limite entre la littérature et la vie, entre l’imaginaire et le réel, n'existe plus. Cervantes l’avait-il
pressenti : « Telle fut la fin de l'Ingénieux Hidalgo duquel Cid Hamet ne voulut pas indiquer
ponctuellement le pays natal, afin que toutes les villes et tous les bourgs de la Manche se
disputassent l'honneur de lui avoir donné naissance… ».
Esquivias
Cervantes s’y marie le 12 décembre 1584, avec Catalina de Salazar y Palacios, surtout pour des
raisons financières. La mairie de ce gros bourg aux maisons blanches a conservé l'acte original du
mariage, écrit en vieux castillan. Le jeune couple Cervantès vécut plusieurs années à Esquivias dans la
maison d'un parent de la mariée, un dénommé Don Alonso Quijada Salazar, gentilhomme vivant de
ses rentes. La ressemblance entre ce nom et celui du héros du livre, Alonzo Quijano, le vrai nom de
Don Quichotte, est étrange et il est possible que Cervantès se soit inspiré de la personnalité de
l'oncle de sa femme pour créer le personnage de Don Quichotte.
Visiter la Casa-Museo Cervantes d'Esquivias.
El Toboso
« (…) le village de Don Quichotte est à une nuit et deux jours de cheval d'El Toboso. »
Le village d'El Toboso n'est qu'un gros bourg, mais un des mieux préservés de la Manche. Cervantès
le mentionne très souvent dans son livre. En bon visionnaire, il l'avait prédit : « El Toboso sera
fameux et renommé pour des siècles. »
Visiter le Museo-Casa de Dulcinea
À côté de l'église, le Centro Cervantino abrite la Bibliothèque cervantine : plus de 450 éditions rares
du livre Don Quichotte y sont pieusement exposées, écrites en plus de 40 langues. On y remarque
des éditions dédicacées par Nelson Mandela, Lech Walesa, Moubarak...
La route traverse un beau paysage ponctué de petits groupes de fermes éparpillées derrière de
minces haies. De grands champs cultivés ondulent au gré du relief. Ce n'est pas un hasard si
l'essentiel du roman se passe là. Seuls obstacles naturels au glissement du regard vers l'horizon, de
petites collines caillouteuses, couronnées par des châteaux forts (comme Belmonte), portent de
temps en temps des moulins à vent qui semblent attendre le retour du chevalier errant. De la plaine
de Montiel dépeuplée, au Sud, à la plaine herbue d'Aranjuez, au Nord, c'est bel et bien la Manche
éternelle, telle que l'a décrite Cervantès, un paysage de l'âme, sévère et ascétique, qui s'accorde
pourtant si bien à l'idéal généreux de Don Quichotte.
Campo de Criptana et Consuegra
À Campo de Criptana, près de la ville d'Alcázar de San Juan, à Consuegra, plus à l'ouest, des dizaines
de moulins à vent ont été restaurés comme des monuments historiques à la gloire de la Manche et
de Don Quichotte.
Puerto Lapice
C’est dans une auberge toute simple de ce modeste village que le vieil hidalgo confond avec un
château, qu’il fait escale avec Sancho Pança. Il y est fait chevalier par l'aubergiste, qu'il a pris pour un
grand seigneur. Les boutiques de souvenirs regorgent de figurines, de statuettes, d'objets divers.
Argamasilla de Alba
Une maison abrite le siège de l'association des Cervantistes, groupe international de spécialistes de
l'œuvre de Cervantes. Après avoir descendu un escalier creusé dans le roc, on parvient à une cave
appelée la Cueva de Medrano. Ce lieu aurait servi de cachot à Cervantes entre 1600 et 1603, lors de
sa deuxième détention.
Almagro
Le petit théâtre du XVIIème siècle de cette ville où Cervantès fit jouer certaines de ses comédies est
enchâssé dans de vieilles halles à arcades.
On peut décoouvrir aussi les bourgs perdus de Tirteafuera, entre Caracuel et Almodovar del Campo,
ou de Miguelturra, à « 2 lieues » de Ciudad Real.
Une journée à Alcala de Henares
A 31 km de Madrid, il ne faut pas manquer de découvrir la vieille cité d’Alcala, siège d’une des
universités les plus prestigieuses d’Espagne et du monde, l’université Complutensis. C’est ici qu’est
né Cervantes et qu’il a publié la Galatea en 1585.
Pour découvrir la ville, partir de la Plaza de Cervantes, centre névralgique de la ville, où se trouve
une statue en pied de l’écrivain. Sur cette place, on découvre les ruines de l’église Santa Maria la
Major détruite par un incendie en 1936, lors de la guerre civile. Ne subsiste que la tour, une partie
de l’abside, la chapelle de l’Oidor qui renferme des fragments des fonts baptismaux sur lesquels fut
baptisé Miguel de Cervantes.
On admire le siège de l’université avec sa façade du XVIe siècle, ses cloîtres et patios Renaissance.
Le Colegio del Rey est le siège de l’Institut Cervantes, défenseur de la langue castillane.
Le Teatro de Cervantes fut construit au Siècle d’or et vit les mises en scène de Lope de Vega et de
Calderon de la Barca qui avaient tous deux faits leurs études à Alcala.
De cette place part la calle Mayor, principale artère commerçante depuis le XIIe siècle.
Au n° 48 a été reconstituée la maison de Cervantes, aujourd’hui musée, la Casa Museo. Devant, Don
Quichotte et son fidèle serviteur Sancho Pança, de bronze, sont en pleine discussion sur un banc. La
maison est un exemple d'architecture castillane du XVIème siècle. Restaurée en 1956, elle permet de
découvrir l’intérieur d'une famille aisée du XVIème siècle. Sa façade est en maçonnerie et en briques
et les fenêtres sont pourvues de grilles. Les deux étages s'articulent autour d'une cour entourée
d’une galerie reposant sur des colonnes en pierre et en granit, surmontées de chapiteaux
corinthiens. Autour du patio central, plusieurs dépendances, décorées de meubles anciens et de
multiples objets domestiques, recréent la vie quotidienne de l'époque : cuisine, salle à manger,
boudoir, salon, salle de couture, salle des femmes et le bureau du chirurgien, métier du père de
Cervantes, arracheur de dents à ses heures !
L'étage supérieur était destiné aux salons et aux chambres. Y est conservée l'une des meilleures
collections d'éditions de Don Quichotte en diverses langues et la totalité de l'œuvre de Cervantes,
dont une édition originale de 1605 ou une édition en français de la vie et des exploits du célèbre Don
Quichotte de la Manche illustrée par Salvador Dali. Cet étage abrite par ailleurs une importante
collection de meubles, céramiques, gravures et peintures de l'époque.
On regagne Madrid.

Documents pareils