nouvelle bonification indiciaire des fonctionnaires

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nouvelle bonification indiciaire des fonctionnaires
Retraite / institutions
NOUVELLE BONIFICATION INDICIAIRE
DES FONCTIONNAIRES ET PENSIONS
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Si vous êtes secrétaire ou secrétaire
adjoint de la COTOREP, ou correspondant formation, action sociale
ou communication dans les directions régionales et départementales
du travail, ou responsable de section
administrative et financière dans
ces mêmes directions, ou encore…,
le décret n° 2007-1764 du
14 décembre 2007 vous permet
de bénéficier d’une “nouvelle bonification indiciaire”, en abrégé NBI.
Quantité d’autres fonctionnaires
sont dans le même cas, depuis le
Premier président de la Cour des
comptes jusqu’à des agents de
catégorie C. En quoi cela consiste-t-il,
et quel est le rapport de la NBI
avec les pensions de la fonction
publique ?
Création de la NBI
Comme l’explique la Cour des comptes,
la NBI est issue du “protocole Durafour”
du 9 février 1990. Ce protocole d’accord
visait à rénover la grille des classifications
et des rémunérations des trois fonctions
publiques. Sa mise en œuvre s’est étalée
sur les lois de finance relatives aux années
1991 à 1997. Il comportait des modifications de grilles indiciaires, des créations
de grades ou échelons supplémentaires
destinées à faire monter plus haut certaines carrières, et la NBI.
Un objectif était de faire dépendre la
rémunération non seulement des grades
et échelons dans un corps, mais aussi de
l’emploi occupé, de la responsabilité
exercée. Aux primes et indemnités traditionnellement utilisées dans ce but, le
protocole Durafour ajouta la NBI. Celle-ci
procure des droits à pension, à la différence des primes, indemnités et heures
supplémentaires, qui à l’époque n’en
fournissaient pas puisque la retraite
“additionnelle” fut créée nettement plus
tard, par la loi retraites de 2003. Ce droit
à pension ne fut pas basé sur la NBI de fin
de carrière, mais sur la somme des points
acquis dans le cadre de la NBI durant la
totalité de la vie active. Les fonctionnaires
cotisent sur leur rémunération NBI au
même taux que sur leur traitement statutaire.
R.F.C. 406 Janvier 2008
Un régime par points
Un fonctionnaire bénéficiant d’une NBI
de N points pendant X années engrange
NX points, que nous appellerons par
commodité PA (pour points.années (1)).
Soit T le nombre total de PA acquis lors du
départ à la retraite : la pension annuelle
s’obtient en multipliant T par la valeur du
point d’indice de la fonction publique et
par le taux de l’annuité. Il existe donc
une sorte de valeur du point PA : le produit du point d’indice de la fonction
publique par le taux de l’annuité. Comme
dans les régimes complémentaires par
points (Agirc, Arrco, etc.) la pension
annuelle est obtenue en multipliant la
valeur du point PA par le nombre de
points PA acquis durant la carrière.
Jusqu’en 2003, le taux de l’annuité était
2 %. En 2003, la valeur du point d’indice
de la fonction publique était 52,49 €. La
valeur de PA était donc (en euros)
0,02 x 52,49, c’est-à-dire 1,0498 €. Soit
par exemple un fonctionnaire ayant exercé durant 12 ans des fonctions auxquelles
était attachée une NBI de 100 points d’indice et prenant sa retraite courant 2003 ;
ayant accumulé 12 x 100 = 1 200 PA, il
obtint une pension annuelle (en sus de sa
pension de fonctionnaire basée sur son
traitement stricto sensu) se montant à
1 200 fois 1,0498 €, soit 1 259,76 €.
A partir de 2004, en application de la loi
retraites de 2003, le taux de l’annuité a
été orienté à la baisse. En désignant par K
le nombre d’annuités requises pour avoir
droit au taux plein de 75 %, la valeur de
l’annuité s’établit à 0,75/K. Tant que K
était égal à 37,5, le taux de l’annuité
s’établissait à 2 %. La loi de 2003 ayant
progressivement augmenté la valeur de K
pour l’amener à 40 en 2008, le taux de
l’annuité en 2008 s’est trouvé réduit à
1,875 %. Au début de cette même année
2008, la valeur du point d’indice est
54,41 € ; la valeur de PA en janvier 2008
est donc : 0,01875 x 54,41 = 1,0202 €.
Cette valeur est moindre que celle de
2003, y compris en valeur nominale, du
1. C’est nous qui introduisons cette notation, en
remplacement des périphrases difficiles à suivre qui
figurent dans les textes officiels.
fait des changements introduits par la loi
retraites (augmentation du nombre d’annuités requis pour avoir droit au taux
plein) et de la faiblesse de la revalorisation
du point d’indice de la fonction publique.
Un fonctionnaire ayant bénéficié de 100
points de NBI pendant 12 ans, puis ayant
exercé pendant 3 ans des fonctions comportant 150 points de NBI, et ayant terminé sa carrière par deux années sans NBI
avant de prendre sa retraite en janvier
2008 obtient donc la pension NBI suivante :
• nombre de points PA : 100 x 12 + 150x3
= 1 650 ;
• valeur du point : 1,0202 € ;
• montant annuel de la pension :
1650 x 1,0202 = 1 683,33 €.
On voit qu’il s’agit là d’un régime par
points, ressemblant assez à celui de l’Agirc
ou de l’Arrco. Ressemblance ne signifie
cependant pas absence de différences ;
en particulier, la loi retraites de 2003 a
indexé les pensions de la fonction
publique après leur liquidation sur l’indice
Insee des prix de détail hors tabac, tandis
que l’évolution du point Agirc et celle du
point Arrco, tout en ayant été sensiblement la même ces dernières années,
pourrait devenir différente par simple
décision des partenaires sociaux.
La fonction publique a ainsi été dotée d’un
second régime de retraite, très différent du
régime principal puisqu’il ne se base pas
sur l’indice de fin de carrière, mais sur une
accumulation de points PA tout au long de
la carrière. Si par exemple un fonctionnaire obtient une majoration d’indice de N
points vingt ans avant son départ à la
retraite à taux plein, le supplément de pension qu’il en retire est le double de celui
que lui aurait procuré une NBI de N points
perçue durant ces vingt années.
Par référence aux cotisations versées sur la
NBI (au même taux que sur le traitement
indiciaire), la Cour des compte estime
“contributive” la pension liée au NBI. Elle «
reflète strictement le volume de bonifications
perçues tout au long de la carrière », et donc
le total des cotisations versées à ce titre,
alors que la pension principale reflète le
traitement de fin de carrière et la durée de
celle-ci, sans se préoccuper des traitements
perçus avant la dernière année.
Le principal avantage
des régimes spéciaux
Les spécialistes des retraites le savent : la
réforme de 2003 pour la fonction publique,
et celle de 2007 pour d’autres régimes spéciaux, laissent subsister la plus grande partie des privilèges attachés à ces régimes. Le
plus important de ces privilèges est le fait
de calculer la pension sur la base du traitement de fin de carrière, ce qui donne un
résultat nettement plus avantageux que les
méthodes en vigueur dans le régime général et dans les régimes complémentaires
Arrco et Agirc.
Un exemple simplifié illustrera cet avantage. Un fonctionnaire né en janvier 1948
prend sa retraite à 60 ans en janvier 2008
en ayant validé 40 annuités. Ayant débuté à l’indice 300, il gagne 100 points d’indice tous les dix ans et termine sa carrière à l’indice 600, qu’il a depuis 1998.
Calculons sa pension de trois manières :
selon la méthode en vigueur dans le régime spécial des fonctionnaires (comme
salaire de référence, le traitement de fin
de carrière) ; selon celle en vigueur dans
le régime général (salaire moyen des 25
meilleures années) ; et selon la formule
des points en vigueur pour la NBI.
• Selon le statut actuel de la fonction
publique, ce fonctionnaire a droit pour sa
pension à 75 % de son traitement de fin
de carrière, qui s’élève à 600 fois 54,41 € :
il percevra donc 24 485 € par an.
• Selon la formule régime général (exception faite du système de réévaluation des
salaires anciens), le salaire de base est la
moyenne de 600 points d’indice sur 10
ans, de 500 points sur 10 ans, et de 400
points sur 5 ans. On obtient 520 points,
ce qui donne une pension annuelle de
21 220 €, inférieure de 13,3 % à celle du
cas précédent.
• Selon la formule NBI, le nombre de
points PA est de 3 000 pour les dix pre-
mières années, 4 000 pour les dix suivantes, puis 5 000 et 6 000 pour les deux
dernières décennies. Le total s’élève à
18 000 point PA. On a vu qu’en janvier
2008 un point PA fournit une pension
annuelle de 1,0202 € ; le fonctionnaire
aurait donc une pension de 18 364 €,
inférieure de 25 % à celle qu’il obtient
dans le système actuel.
Pour en savoir plus
• Cour des comptes : Les pensions des
fonctionnaires civils de l’Etat, éditions des
JO, avril 2003, PP. 143-146.
• Pierre-Edouard du Cray : “NBI : un nouveau régime spécial”, Sauvegarde Retraites,
Etudes et analyses n° 17, novembre 2007.
• Loi n° 91-73 du 18 janvier 1991, art. 27.
■ Jacques BICHOT
Economiste, professeur à l’Université Lyon 3
15
R.F.C. 406 Janvier 2008