Sabina Sciubbia n`aime pas que l`on photographie ses
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Sabina Sciubbia n`aime pas que l`on photographie ses
BRAZILIAN GIRLS Sabina Sciubbia n'aime pas que l'on photographie ses yeux. N'en déplaise à ses interlocuteurs, la sensuelle chanteuse de Brazilian Girls entend garder une part de mystère que sa faconde lui refuse. Au cours de cette discussion remplie de digressions truculentes difficiles à retranscrire, elle nous entraîne dans l'underground new-yorkais, là où son groupe a poussé, au milieu d'une communauté d'artistes hétéroclites pas totalement découragés par la flambée des loyers. Jouant avec une image volontairement désinvolte de "jet-setters fauchés" (dixit), ces authentiques musiciens plus à l'aise sur scène qu'en studio cachent bien leur jeu et "Talk to Labomb", leur second album à ce jour, s'affirme comme un creuset sonore bouillonnant où le désir de séduire côtoie celui de danser, un verre à la main. Avec eux, le freak c'est vraiment chic. Adage à vérifier dans quelques jours sur la scène du Nouveau Casino à Paris. Brazilian Girls, ça sonne comme un fantasme exotique. Qui êtes-vous vraiment ? On est 20 filles, brésiliennes, danseuses de carioca et on a toutes de très belles fesses… Non, on est 4, 3 garçons et moi. On habite à New York même si aucun n'en est originaire. Moi, je suis italoallemande, Didi Gutman est argentin, Jesse Murphy a grandi en Californie et Aaron Johnson, notre batteur, est du Kansas. Qu'est-ce qui vous a réunis à New York ? On est tous venus à NYC pour la musique. Même si on a des parcours différents on a beaucoup de choses en commun. À commencer par le conservatoire de jazz qu'on a tous rejeté quelques années plus tard parce que ça nous ennuyait. Mais on a gardé cette propension à improviser qui est à la base de notre écriture musicale. Qu'est-ce qui a été le déclencheur ? Avec ce groupe, l'évolution a été extrêmement rapide. On a commencé à jouer en 2003 dans un club totalement underground de l'East Village qui s'appelle le Nublu. Le public y est très mélangé, très bohème aussi. On jouait le dimanche soir tard. On y croisait des vieux poètes comme John Farris par exemple qui a fait partie de la beat génération ou des gens comme Butch Morris qui est une figure du jazz expérimental (inventeur de la Conduction, un langage des signes pour orchestre, ndlr). Petit à petit, le buzz s'est installé autour de nos concerts et la salle est devenue trop petite pour nous accueillir. L'esprit de Brazilian Girls est né de jam-sessions entre musiciens qui se connaissaient ou bien d'une volonté de monter un groupe et un répertoire ? Je n'aime pas vraiment les jam-sessions. Disons qu'on a prétendu avoir des morceaux déjà prêts pour jouer même si ce n'était qu'en partie vrai. Didi avait apporté des ambiances, des samples qui nous servaient de base. Moi je chantais des paroles dans toutes les langues pour être sûre que personne ne comprenne. Après quelques semaines, certains morceaux se sont affirmés plus que d'autres. Parallèlement, un ami à nous, Hector Castillo, qui est un génie total de la prise de son, nous a invité dans le studio de Philip Glass qui était vide et qu'il fallait faire tourner. On nous a donc permis d'enregistrer gratuitement alors qu'on avait même pas encore de nom de groupe. On a été surpris par la cohérence du son de ces morceaux qu'on a enregistrés de manière très détendue. Comment fut accueilli le premier disque ? Très bien. Ça nous a surpris d'autant plus que nous avons été signés par une major alors que nous avions des paroles scabreuses qui ne pouvaient pas passer à la radio. Avec Hector, on a d'abord produit un EP et nous avons commencé à le vendre au Nublu, c'est comme ça qu'on a été repéré par la major qui s'est montrée très enthousiaste au point d' acheter le disque en préparation. Ce fut un peu une suite d'heureux hasards ? Oui et ça nous a permis de garder cette irrévérence et cet humour qui font totalement partie de notre musique. Sur votre deuxième disque, comment faites-vous cohabiter ces compositions très travaillées avec ce côté plus désinvolte ? C'est drôle que tu dises ça parce que je trouve que la musique n'est pas du tout travaillée au contraire. On est vraiment des fainéants, notre méthode c'est d'enregistrer tout en même temps. C'est une convergence de nos 4 sensibilités qui crée ce son cohérent. Le travail vient plutôt après l'enregistrement quand il faut raccourcir. Un morceau de 12 minutes, on en fait un titre de 4 minutes. Ça a souvent été comme ça pour ce disque même si d'autres morceaux ont d'abord été testés sur scène. Ce qui est frappant, c'est le décalage entre vos personnalités fortes et le son léché, voire chic, de votre disque. Est-ce que vous êtes conscient de ce décalage ? Ce disque a été enregistré en 4 mois après une tournée assez intense de presque deux ans. Il n'y a aucune conceptualisation. On travaille très vite, de façon très instinctive, ce qui va à l'encontre de ce que tu dis. En plus, il faut savoir qu'aux Etats-Unis, on s'est surtout fait connaître par le live. Les gens qui nous ont vus savent qu'on a des couilles sur scène. Alors cette image "chic" ne me semble pas exacte. Il faut nous voir sur scène pour comprendre. Mark Plati a produit vos deux disques, quel rôle joue t-il auprès de vous quatre qui êtes déjà très investis dans la production ? C'est vrai qu'on est totalement investi dans la production mais comme on n'aime pas les impératifs, on adore travailler avec Mark parce qu'il canalise tout le monde. Il est comme un oncle très patient. Il est très professionnel -son CV parle pour lui- mais pas directif. Il est plutôt là pour nous aider à faire les bons choix. Hector Castillo est aussi quelqu'un qui a beaucoup compté pour nous. Il a une qualité essentielle, il ne parle pas. Au-delà de la musique, est-ce que vous essayez de jouer avec autre chose sur scène ? Moi, je joue surtout avec les tenues et l'attitude. Je ne conçois pas d'aller voir un concert statique pendant une heure et demie ou alors il faut que la musique soit vraiment bonne. Donc, je trouve que s'il n'y a pas un aspect théâtral c'est un peu ennuyeux pour tout le monde. Et puis, j'aime qu'il y ait un message qui passe quand nous jouons. Tu parles beaucoup, par exemple ? Non, par forcément. J'aime garder une part de mystère. D'ailleurs, il n'y a pas beaucoup d'espaces entre les morceaux. Est-ce que tu connais Brigitte Fontaine parce que ta voix m'y fait penser et qu'en plus, elle est très théâtrale sur scène ? Non mais on m'en a déjà parlé… Votre musique se prête bien au remixage, est-ce que ça vous est déjà arrivé ? Oui, on a été remixé plusieurs fois. Il y en a un de Matthew Herbert que j'adore, c'est "Lazy Lover". Il en a fait quelque chose de très bizarre. Il y a Riton qui a fait un remix de "Don't Stop" qui n'a plus rien à voir avec l'original. Et récemment Carl Graig a fait un remix de "Last Call". Ce type a tout d'un extra-terrestre. Quand on l'a rencontré dans sa loge à Amsterdam, il portait des cyberlunettes et des bouchons d'oreille surmontés d'antennes. C'est un type qui dégage une forte intensité. Il doit être très malin avec le business… Propos recueillis par Luc Taramini & Julien Bourgeois Photos de Julien Bourgeois Merci à Laurent