Goteni public - Génie des procédés appliqué à l`agro
Transcription
Goteni public - Génie des procédés appliqué à l`agro
Valorisation des huiles de palmiers Raphias sese et laurentii du Congo-Brazzaville Séraphin GOTENI et Thomas SILOU* Equipe Pluridisciplinaire de Recherche en Alimentation et Nutrition (EPRAN) Pôle d’Excellence Régional en Alimentation et Nutrition Université Marien NGOUABI, Faculté des Sciences, Brazzaville, Congo-Brazzaville E.Mail: [email protected] Résumé Le palmier Raphia est un végétal qui pousse naturellement dans les régions forestières du Bassin du Congo. Toutes les parties de l’arbre depuis les racines jusqu’aux feuilles sont utilisées. Les principaux produits extraits des palmiers Raphias sont : les fibres raphias extraites des folioles des palmes, les boissons locales Olenguet, Pecket, Tombet, Tsam, provenant de la sève et les huiles alimentaires et officinales locales Kolo, Mbayaka extraites de la pulpe des noix respectivement de Raphia sese (olenguet) et Raphia laurentii (ibü). Dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, des études sont réalisées pour valoriser les palmiers Raphias. Un programme de développement des technologies inspirées des savoirs locaux pour extraire les huiles des palmiers Raphias est en cours d’exécution. Ce travail contribue aussi à mettre au point un équipement approprié permettant de réduire la pénibilité des activités rurales pendant la production de l’huile de Raphia. Une extrudeuse et un malaxeur ont été conçus et fabriqués pour aider à extraire l’huile de la pulpe de noix des palmiers Raphias. Cette huile a toujours été produite et consommée par les populations locales qui la préfèrent à l’huile de palme du palmier à huile. Dans le cadre d’une étude systématique des oléagineux du Bassin du Congo, une étude physicochimique complète a été réalisée sur les huiles de Raphia sese et de Raphia laurentii du Congo-Brazzaville. Ces huiles contiennent : 37,à à 38,5% d’acide palmitique (P), 33,0 à 34,0% d’acide linoléique (L), 19,5 à 21% d’acide oléique (O), 6,0 à 7,0% d’acide stéarique (S), 1,0 à 1,4% d’acide linolénique qui conduisent aux triacylgycérols majeurs suivants : 25,0 à 26,0% palmitoyloleoyllinoleoyl- (POL), 20,5 à 22,5% linoleoyldioleoyl- (LOO), 13,5 à 15,5% palmitoyldilinoleoyl- (PLL), 9,0 à 11,0% palmitoyloleoylpalmitoyl- (POP), 8,5 à 10,0% palmitoyldioleoyl- (POO), 8,5 à 10,0% trioleoyl(OOO) glycérols, 7,2 à 16,8mg/100g de phosphatidyléthanolamine, 9,6 à 27,6mg/100g de phosphatidylserine. La fraction insaponifiable est constituée de carotènes en quantité importante : 112 à 120mg/100g ; des tocophérols ; 33,0 à 54,0mg/100g, avec l’alpha tocophérol majoritaire (32,0 à 47,0mg/100g) ; des phytostérols 104,0 à 147mg/100g, dont 88,0 à 120mg/100g de bétasistostérol. Ces résultats attestent d’une excellente qualité nutritionnelle et soutiennent la préférence des autochtones pour l’huile de Raphia sese (Kolo) et de Raphia laurentii (Mbayaka) par rapport à l’huile de palme. Mots clefs : Kolo, Mbayaka, Raphia sese, Raphia laurentii, acides gras, triacylglycérols, carotènes, rétinols, tocophérols, phytostérols, Bassin du Congo. I. INTRODUCTION Les huiles végétales constituent un enjeu politique et économique important avec plus de 32 milliards d’Euros en valeur sur le marché mondial (1). Depuis 2004, sept huiles conventionnelles dominent la production des matières grasses végétales soit 91% : huile de palme 32%, huile de soja 27%, huile de colza 15%, huile de tournesol 8%, huile de coton 4%, huile d’arachide 3% et huile d’olive 2%, (2) : puis viennent pour 9% les huiles de palmiste, de coprah, de maïs, beurre de karité et de coco et autres huiles conventionnelles. Compte tenu de l’importance du déficit de la balance commerciale en huile alimentaire du CongoBrazzaville (3), il y a lieu de promouvoir les huiles locales déjà consommées qui présentent un intérêt nutritionnel indéniable. Les palmiers Raphias poussent naturellement surtout dans les forêts inondées et quelquefois sur les terres fermes du Bassin du Congo. Ils contribuent à jouer un rôle important dans la lutte contre la pauvreté. En effet, toutes les parties des palmiers Raphias sont habilement exploitées par les populations rurales ; celles-ci peuvent mener une activité économique par la vente des produits extraits des Raphias. Les folioles pennées brutes de palmiers Raphias sont assemblées les unes aux autres pour couvrir les toits de leurs habitations, ce qui constitue un isolant thermique écologique conférant un confort très appréciable par rapport aux tôles ondulées ; de ces mêmes folioles sont extraites des fibres souples et biodégradables servant à la confection de vêtements en tissus raphias et d’autres articles tels que sacs à main, sandales et autres décors pour objets d’arts... La sève des palmiers Raphias sert à la fabrication des boissons fermentées, sortes de « bières blanches » à faible teneur en alcool (moins de 3%), appelées localement Olenguet, Pecket etTombet pour Raphia sese et Tsam pour Raphia laurentii. Les troncs séchés de palmiers Raphias sont aussi utilisés pour la fabrication des embarcations de transport fluvial et pour la construction des murs de « nkanza », habitations destinées aux rencontres, réunions... Les troncs morts des palmiers Raphias abritent les gîtes des oeufs des rhynchophores (coléoptères) qui donnent des chrysalides rondes et lisses sans pattes qui constituent d’excellentes sources de protéines et d'huiles animales sans cholestérol pour l'alimentation. Les cœurs séchés des troncs des palmiers Raphias servent à la fabrication de tables, chaises, fauteuils, flotteurs de pêche, et d’autres objets d’art : sanzas, jouets pour enfants … Le bourgeon central cuit ou cru constitue un excellent légume. Les pulpes des noix écaillées des palmiers Raphias sont consommées avec du poisson, de la viande et des légumes, accompagnées de différents féculents de maniocs, bananes, ignames…Des pulpes, sont extraites des huiles appelées localement Kolo pour Raphia sese et Mbayaka pour Raphia laurentii ; ces huiles sont utilisées non seulement dans les recettes culinaires, mais encore comme « oings » pour la peau surtout des bébés et celle des personnes de troisième âge. Ces huiles sont prisées par les tradi-thérapeutes. Ces derniers leur attribuent beaucoup de principes actifs ayant plusieurs qualificatifs : désinfectant, hydratant, nourrissant, stimulant la formation de cellules de l’épiderme, protecteur contre les agressions de la peau, cicatrisant, antioxydant, retardataire des effets du vieillissement cellulaire, régulateur du métabolisme, participant indispensable à la cardiovasculaires et des cancers. Ces huiles servent prévention des maladies comme additifs dans les diverses préparations en pharmacologie traditionnelle Malgré toutes ces potentialités les palmiers Raphias ont fait l’objet de très peu d’études phytochimiques. La plupart de ces études concernent l’huile extraite de la pulpe et les analyses réalisées ont rarement dépassé la détermination des indices physicochimiques et de la composition en acides gras. Ces études concernent les huiles du Nigéria (4), du CongoBrazzaville (5) et du Congo-Kinshasa (6). Cette étude qui présente l’analyse la plus complète, à l’heure actuelle, de ces huiles s’est attelée à déterminer, dans des conditions strictement identiques et pour deux espèces de raphias (Raphia sese et Raphia laurentii), la densité, la viscosité, l’indice de réfraction, l’indice d’acide, l’indice d’iode, l’indice de saponification, ainsi que la composition en acide gras, en triacylgylycérols, en phosphoacylglycérols, en carotènes, en rétinols (vitamine A), en tocophérols (vitamine E) et en phytostérols, de façon à faire émerger l’intérêt nutritionnel et les potentialités technologiques de cette ressource. II. MATERIEL ET METHODES 1. Matériel végétal : Le palmier Raphia appartient à l’embranchement des spermaphytes, sousembranchement des angiospermes, classe des monocotylédones, super ordre des spadiciflores, ordre de palmea, famille des palmacae, sous-famille des lepidocaryoides, genre raphia : la systématique n’est pas très précise au niveau des espèces en Afrique (7, 8). Les deux espèces qui font l’objet de ce travail sont Raphia sese (localement appelé en mbosi : olenguet) et Raphia laurentii (désigné en mbosi : ibü). Elles fournissent respectivement des huiles appelées localement Kolo (huile rouge-orangée) pour Raphia sese et Mbayaka (huile jaunâtre légèrement orangeâtre) pour Raphia laurentii. Ces deux espèces poussent naturellement dans les forêts marécageuses du Bassin du Congo. Elles se différencient par leur taille : Raphia sese possède un tronc effilé et mince de 8 à 12 mètres de hauteur avec des empruntes foliaires de feuilles mortes et entouré de longues fibres pendantes ; tandis que le tronc de Raphia laurentii est gros et court de 3 à 6 mètres de hauteur, entouré de gaines et des pétioles foliaires persistantes. Les deux troncs ont des feuilles (palmes) pennées, dressées arquées à l’extrémité, courtes pour Raphia sese et longues pour Raphia laurentii portant des pétioles épineuses. Les fruits des deux espèces sont des baies globuleuses recouvertes d’écailles imbriquées les unes aux autres, vertes, devenant à la maturité rougeâtres pour Raphia sese et jaunâtres pour Raphia laurentii. 2. Extraction de l’huile par la méthode traditionnelle améliorée ( MT ) : Les fruits mûrs du palmier Raphia sont entassés et recouverts de feuilles. Après 6 à 14 jours de ramollissement de la pulpe, les écailles sont aisément séparées du fruit. La pulpe est triturée pour la séparer de la graine en présence d’eau. Après avoir vigoureusement trituré la pulpe en présence d’eau, on sépare la phase liquide de la phase solide par décantation. La phase solide constituant les tourteaux est éliminée et la phase aqueuse contenant l’huile est chauffée jusqu’à ébullition. On sépare l’huile de l’eau au cours d’une deuxième décantation. 3. Extraction de l’huile par la méthode artisanale ( MA ) : L’huile est extraite à partir de la pulpe à l’aide d’une extrudeuse. La pulpe fraîche des fruits, préalablement écaillés et séparée de la graine, est écrasée dans le corps pourvu de la vis sans fin. La mouture est recueillie dans un récipient et l’eau y est ajoutée; le mélange est remué vigoureusement à l’aide d’un agitateur. Une décantation permet l’élimination des tourteaux triturés et le surnageant est chauffé jusqu’à ébullition ; l’huile est recueillie après décantation. 4. Détermination des caractéristiques physico-chimiques Les indices d’acide (IA), d’iode (II), de saponification (IS) des huiles Kolo et Mbayaka ont été déterminés selon les normes AFNOR (9) La masse volumique à 20°C a été mesurée à l’aide du densimètre automatique Anton Paar DMA 35N Standard. La viscosité a été mesurée à l’aide d’un viscosimètre capillaire : viscosimètre automatique AVS470 à détection photoélectrique. L’indice de réfraction a été lu à l’aide du réfractomètre automatique AR60. 5. Analyse de la composition chimique des huiles : 5.1 Analyse des acides gras (AG) : Les acides gras ont été déterminés par la méthode de méthylation par chromatographie en phase gazeuse dont les caractéristiques sont les suivantes : Appareil GC, Agilent 6890 series GC apparatus pourvu d’un Supercowax10, colonne capillaire (SGE, Courtaboeuf, France) de longueur : 30 m, diamètre intérieur : 0.32 mm. Le gaz vecteur est l’hélium avec un débit de 1 ml/min. La température de l’injecteur est de 250°C et celle du détecteur FID est de 270°C. L'enregistrement des chromatogrammes est effectué sur micro ordinateur avec un logiciel de traitement de données Chemstation-Agilent. 5.2 Analyse des triacylglycérols (TAG) : La détermination des triacylglycérols est réalisée sur une chaîne HPLC Thermo Fischer en travaillant en phase inverse avec deux colonnes greffées C18 en série, (24 cm x 0.4 cm). Le détecteur est un détecteur à diffusion de lumière de marque Alltech. L’enregistrement des chromatogrammes est effectué sur microordinateur avec un logiciel de traitement des données Azur. 5.3 Analyse des glycérophospholipides. La détermination des différents acylglycérophospholipides est réalisée par chromatographie en phase liquide haute performance (HPLC) avec colonne de silice WATERS (100x46mm, 34m) à la température ambiante régulée. Le débit de la pompe est règlée à 1ml/min. Phase mobile A : hexane /THF (99 :1, v/v) B : Isopropanol /CHCl3 (80 :20, v/v) C : Isopropanol /eau (50, v/v) Le volume injecté est 20µl Le détecteur utilisé est un détecteur à diffusion de lumière EUROSEP Les températures du nébuliseur 45°C et de l’évaporateur 60°C pression d’azote 1,6 bars. L’enregistrement des chromatogrammes est effectué sur microordinateur avec un logiciel de traitement de données Chromquest 4.1 Thermo Fischer. 5.4 Analyse des carotènes, rétinols (vitamine A) : La détermination des carotènes est fait par colorimétrie suivant la méthode décrite dans le manuel des corps gras (10) ; la densité optique a été lue à 450 nm au spectrophotomètre Perkin Elmer Lambda 25. Le dosage de la vitamine A en équivalent de rétinol est réalisée par chromatographie liquide haute performance ( CLHP ) suivant Norme NF 12823-1 ; CLHP avec colonne de silice kromasil (250 mm x 4,6mm) à température ambiante ; la phase mobile est : hexane / isopropanol (98v / 2v) et le débit de la pompe isocratique est de 1,2 ml/min ; le détecteur est un fluorimètre Jasco dont la longueur d’onde d’excitation est à 325 nm et celle de l’émission est à 475nm. L’enregistrement des chromatogrammes est effectué sur un microordinateur avec un logiciel de traitement des données Chromquest 4.1 Thermo Fischer. 5.5 Analyse des tocophérols (Vitamine E) : La détermination des tocophérols est effectuée suivant la norme ISO 9936, à l’aide de la chaîne HPLC Thermo Fischer avec colonne de silice ( 25 cm x 0,4 cm ). Le détecteur utilisé est un spectrofluorimètre de marque Thermo Fisher ( FL 3000 ). L’enregistrement des chromatogrammes est effectué sur microordinateur avec un logiciel de traitement de données Chromquest 4.2 Thermo Fischer. 5.6 Analyse des phytostérols : La détermination des phytostérols est réalisée par chromatographie en phase gazeuse après saponification et purification par chromatographie en couche mince. La chromatographie en phase gazeuse est de marque Thermo Quest GC 8000 avec colonne apolaire DBI (100% diméthyl siloxane) de 15 m x 0.25 mm ; la température du four est programmée à 220 °C, la température de l’injecteur est de 300°C et celle du détecteur est de 310°C. Le gaz vecteur est de l’hélium au débit de 6ml/mn. L'enregistrement des chromatogrammes est effectué sur micro ordinateur avec un logiciel de traitement de données Chemstation-Agilent. III. RESULTATS ET DISCUSSION 1. Teneur en huile : Avec la méthode artisanale ( MA ), l’huile est extraite de Raphia sese avec un rendement de 44% contre 38% pour Raphia laurentii. Avec la méthode traditionnelle améliorée ( MT ), ces rendements tombent respectivement à 23% et 14%. Ces deux espèces peuvent être considérées comme des oléagineux au même titre que le palmier à huile (elaeïs guinensis) (Tableau 1). 2. Caractéristiques physico-chimiques : La valeur de l’indice d’acide est deux fois plus élevée pour l’huile extraite par la méthode traditionnelle (MT) que celle extraite par la méthode artisanale (MA). Toutefois avec un ordre de grandeur maximum de 4, cette valeur reste faible comparée à celle rencontrée dans la littérature pour les huiles brutes africaines et qui peuvent atteindre 22mg KOH/mL pour les cucurbitacées (11). L’indice d’acide qui rend compte des acides gras libres présents dans l’huile, est responsable de l’acidité et de l’oxydabilité de l’huile ; c’est un indicateur de qualité de l’huile. Avec un indice d’acide de l’ordre de 2,4 à 2,8 l’huile extraite par MA est de meilleure qualité que celle obtenue par MT. La période nécessaire au ramollissement naturel de la pulpe indispensable dans le procédé traditionnel et qui dure quelques jours multiplie par 2 la quantité d’acides gras libres présents dans l’huile. Les autres caractéristiques ne varient pratiquement pas d’une méthode à l’autre et d’une espèce à l’autre ; ce qui conduit à deux huiles très semblables. Par ailleurs les valeurs obtenues pour l’ensemble des caractéristiques sont du même ordre de grandeurs que les huiles alimentaires courantes. 3. Composition en acides gras : Sur 12 acides gras identifiés (Tableau 1), trois avec des teneurs individuelles supérieures à 19% constituent plus de 90% des acides gras totaux. L’acide palmitique (C16 : 0) acide gras saturé, principal constituant de l’huile de palme, occupe la première position dans les huiles de Raphias avec une teneur de l’ordre de 38% contre plus de 50% dans l’huile de palme ( 12 ) et l’huile de safou ( 13 ). Une telle observation, est en faveur d’une meilleure qualité de l’huile des Raphias étudiés lorsque l’on sait que : L’acide linoléique {C 18 : 2(n-6)}, acide gras essentiel arrive en seconde position avec une teneur de l’ordre 34% dans les deux huiles. Cet acide intervenant dans la régulation du taux de cholestérol diminue le risque des accidents cardiovasculaires (14, 15). Le troisième acide, l’acide oléique {C18 : 1 (n-9)} est présent à près de 20%. Comme l’acide linoléique, il intervient dans la régulation du cholestérol. Deux constituants mineurs complètent le profil des huiles étudiées : l’acide stéarique (C18 :0) (6-7%), acide gras saturé et l’acide de linoléique {C18 :3(n-3)} (1%) acide gras essentiel polyinsaturé. Le rapport entre les acides gras insaturés et les acides saturés qui est de 1,2 indépendamment du procédé et de l’espèce traitée est légèrement supérieur à celui trouvé pour l’huile de palme (0,9) mais très supérieur à celui de l’huile palmiste (0,3) (12). 4. Composition en triacylglycérols ( TAG ): Pour les 2 espèces étudiées et quelle que soit la méthode d’extraction d’huile utilisée (Tableau 1), nous avons pu identifier 14 TAG essentiellement constitués par les acides majeurs identifiés en chromatographie en phase gazeuse. P,L,O,S. Ces TAG se répartissent 6 TAG majeurs (>8%), de 3 TAG mineurs (1-4%) et de 5 TAG à l’état de traces (<1%). Ce résultat est très proche de celui obtenu dans une étude en cours sur l’évaluation de la biodiversité des huiles de raphia du Congo-Brazzaville et qui a été réalisée sur un nombre d’huiles plus important. Elle conduit à l’identification de 4 TAG majeurs PLL, POL, PPL, PSL, de 3 TAG mineurs OLL, OOL, POO, et de 8 TAG qui sont à l’état de traces : LLL, PLLn, OOO, PPP, SSO, PSO, PPS, SOO (16). 5. Composition en phosphoacylglycérols : Les acylphosphoglycérols identifiés sont les phosphatidylethanolamines dont la teneur varie de 14,5 à 16,8 mg/100g pour l’huile Kolo de Raphia sese et de 7,2 à 7,8 mg/100g pour l’huile Mbayaka de Raphia laurentii et les phosphatidylserines dont la teneur varient de 24,4 à 27,6mg/100g pour Kolo de Raphia sese et de 9,6 à 10,4mg/100g pour Mbayaka de Raphia laurentii. Les phospholipides sont cités parmi les constituants des membranes cellulaires. 6. Composition en carotènes: Comme l’huile de palme, les huiles de Raphias étudiés sont plus ou moins colorées en rouge à cause de carotènes qu’elles contiennent. L’huile de Raphia sese qui est rouge orangée a une teneur en carotènes de 112 à 120 mg/100g de même ordre de grandeur que l’huile de palme (Tableau 2). L’huile de Raphia laurentii de couleur jaunâtre contient très peu de carotènes (5,9 à 6,4 mg/100g). Ces observations valent aussi bien pour la méthode d’extraction traditionnelle que pour la méthode artisanale. La teneur en vitamine A est environ 2 fois plus faible pour Raphia laurentii que pour Raphia sese. En définitive l’huile Kolo contient 20 fois plus de carotènes et 2 fois plus de vitamine A que l’huile Mbayaka. Elle parait plus proche de l’huile de palme à laquelle elle peut se substituer en tant que source de carotènes et de vitamine A. 7.Composition en tocophérols et en tocotriénols : L’huile Kolo de Raphia sese contient plus de tocophérols totaux que l’huile Mbayaka de Raphia laurentii soit 56mg/100g environ contre 43mg/100g environ de matière grasse (Tableau 2).Ces valeurs sont beaucoup plus élevées que celle de l’huile de palme qui est de 30mg/100g de matière grasse. L’alpha tocophérol est l’isomère majoritaire sur les 4 isomères présents (alpha-, beta-, gamma-, delta-tocophérol). Les tocophérols ou vitamines E sont des antioxydants endogènes pour les huiles végétales et de ce point de vue l’huile de Raphia sese est mieux protégée de l’auto-oxydation que celle de Raphia laurentii et les deux sont mieux protégées que l’huile de palme. Par ailleurs les tocophérols ou vitamines E, les carotènes, l’acide ascorbique ou vitamine C, les polyphénols surtout les flavonols, constituent les quatre principaux antioxydants végétaux. Ils contribuent à neutraliser les radicaux libres ; ils jouent ainsi pour l’homme un rôle essentiel dans la protection de la membrane cellulaire ( 17, 18 ). 8.Composition en phytostérols : Les campestérol, sigmastérol, béta sitostérol, delta avéastérol sont présents dans les huiles de Raphia sese et Raphia laurentii; le béta sitostérol est majoritaire dans ces deux huiles avec respectivement 126mg/100g et 91mg/100g de matière grasse (Tableau 2) ; on note l’absence du cholestérol. Dans l’organisme, les phytostérols diminuent l’absorption du cholestérol et participent ainsi à la baisse de LDL ou mauvais cholestérol (19, 20) Tableau 1 : teneur en huile, indices physico-chimiques et composition de la fraction glycéridique des huiles de deux espèces de palmiers Raphias ( R. laurentii, R. sese ) *Méthode traditionnelle améliorée ** Méthode artisanale Raphia laurentii Raphia sese Mbayaka Kolo * ** * ** Huile (%) 14±3 38±3 23 ±3 44±2 Densité (20°c) 0,924±0,005 0,918±0,003 0,930±0,008 0,924±0,006 Viscosité (20°c) 27,64±0,08 26,41±0,03 27,71±0,06 26,60±0,08 Indice réfraction 1,4665±0,0005 1,4671±0,0004 1,4668±0,0004 1,4663±0,0003 Indice acide 4,50±1,10 2,86±0,04 4,16±1,08 2,60±0,14 Indice saponifi. 216±8 220±12 222±7 226±12 Indice Iode 84±0,8 83±0,8 82±0,8 83±0,8 C14 : 0 0,20 0,18 0,30 0,22 C16 : 0 38,44 38,45 37,30 37,42 C16 : 1 (n-7) 0,10 0,10 0,18 0,18 C18 : 0 6,30 6,20 7,06 7,00 C18 : 1 (n-9) 19,50 19,54 20,82 20,81 C18 : 2 (n-6) 33,80 33,85 32,85 32,88 C18 : 3 (n-6) 1,40 1,41 1,13 1 ,16 C18 : 3 (n-3) 0,03 0,02 0,02 0,03 C20 : 0 0,10 0,10 0,14 0,12 C20 : 1 (n-11) 0,07 0,08 0,10 0,10 Acides gras (%) C22 : 0 0,02 0,02 0,04 0,02 C24 : 0 0,04 0,05 0,06 0,06 ∑ sat 45,10 (1,2) 45,00 (1,2) 44,90 (1,2) 44,84 (1,2) ∑insat 54,90 55,00 55,10 55,16 OLL 2 ,1 2,3 3,2 3,3 PLL 13,3 13,5 15,2 15,4 LnOP 2,0 1,9 2,8 2,6 LOO 20,4 20,5 22,3 22,5 POL 25,8 25,7 25,2 25,0 PPL 1,0 0,8 0,2 0,1 OOO 10,0 10,2 8,1 8,2 POO 10,0 9,9 8,6 8,5 POP 10,9 10,8 9,7 9,5 PPP 0,1 0,0 0,1 0,0 SOO 0,9 1,0 0,8 0,9 POS 0,7 0,7 0,7 0,7 PSS 2,6 2,5 3,0 3,2 SOS 0,2 0,2 0,1 0,1 TAG (%) Phosphoacylglycérols en mg/100g Phosphatidyléthanolamine 7,2 Phosphatidylserine 9,6 7,8 10,4 Tableau 2 : Composition de la fraction insaponifiable des huiles de deux espèces de palmiers Raphia 14,5 24,4 16,8 27,6 *Méthode traditionnelle Raphia laurentii Raphia sese Mbayaka Kolo Carotène mg/kg Vitamine microgrammeEq. Rétinol/100g **Méthode artisanale A 28 * ** * ** 5,9 5,6 112 113 28 44 46 Tocophérol mg/100g alpha 31,0 31,5 46,1 46,7 béta 6,4 6,8 2,3 2,1 gamma 0,0 0,0 0,1 0,0 delta 0,1 0,2 0,4 0,6 alpha 3,8 4,1 2,8 2,6 béta 0,2 0,0 1,6 1,8 gamma 0,4 0,6 2,6 3,0 compestérol 5,8 6,2 10,6 11,0 Stigmastérol bétaSistostérol D5avenastérol 8,9 9,2 15,8 16,7 88,2 91,4 120,0 126,0 1,0 0,0 2,4 2,2 Tocotrienol mg/100g Stérols mg/100g V. CONCLUSION L’extraction de l’huile de la pulpe de fruit de Raphia par la méthode artisanale donne une teneur en huile de près de 44% pour l’huile Kolo de Raphia sese et de près de 38% pour l’huile Mbayaka de Raphia laurentii ; tandis que l’extraction de l’huile de la pulpe par la méthode traditionnelle ne fournit qu’un rendement de près de 23% d’huile de Kolo pour Raphia sese et 14% d’huile Mbayaka pour Raphia laurentii. L’extrudeuse a été fabriquée par les artisans locaux et des améliorations sont en cours d’expérimentation pour augmenter les rendements et pour que l’huile soit recueillie après un pressage approprié soit à froid ou à chaud. Hormis l’indice d’acide qui est élevé pour les huiles extraites par la méthode traditionnelle, les autres indices d’iode, de réfraction, la densité et les divers constituants des huiles à savoir les acides gras, les triacylglycérols, les phosphoacylglycérols, les carotènes, les rétinols ou vitamines A, les tocophérols ou vitamines E, les phytostérols, sont sensiblement de même grandeur aussi bien pour les huiles extraites par la méthode artisanale que pour les huiles de la méthode traditionnelle. La richesse des huiles de Raphias en antioxydants leur permet de contribuer à la lutte contre les maladies de la civilisation telles que le cancer, le diabète, l’arthrite, la maladie d’Alzheimer, les maladies cardiovasculaires, les maladies des yeux, de la peau qui trouvent leur origine dans le stress oxydant causé par les radicaux libres. Ces huiles ne doivent pas être raffinées pour ne pas perdre leurs propriétés antioxydantes, protectrices, capables de piéger les radicaux libres; elles sont utilisées par les populations du Bassin du Congo dans la préparation de leurs aliments qu’elles considèrent à juste titre comme leurs premiers médicaments. Remerciements : Nous présentons nos vifs remerciements à Messieurs PIOMBO G. et Coll. du CIRAD Montpellier (France) d’avoir confirmé les résultats d’analyses des acides gras, de triacylglycérols, de carotènes, de tocophérols, de phytostérols et Messieurs DEJEAN et Coll. de l’ITERG Pessac (France) d’avoir confirmé les résultats d’analyses de phosphoacylglycérols et de vitamines A . Bibliographie : 1- Food Authenticity, 1998, Issues and Methodologies, F.A.I.M. Concerted Action, n°AIR3-CT94-2452, Eurofins Scientific, 214-257 2- Oil World, 2010, CETIOM, Centre Technique Interprofessionnel des Oléagineux Métropolitains ; B.P. : 04, 78850 Thiverval-Grignon France 3- Tolo Hekomono P., 1990, Contribution à l’étude de la filière Corps gras cas de l’huile d’arachide et de l’huile de palme, Mémoire de DESP en Sciences Economiques, Université Marien NGOUABI, Brazzaville pp.140 4- Otedoh M.O., 1974, Raphia Oil: its extraction, properties and utilization, J. of Nigerian inst. Oil Palm Research 5,19, 45-49 5- Silou TH., Makonzo-Mokando C., Profizi J.P., Boussoukou A. Maloumbi G., 2000, Caractéristiques physico-chimiques et composition en acides gras des huiles de Raphia sese et Raphia laurentii, Tropicultura 18, 1, 26-31 6- Malumba Mukaya A., 2007, Composition phytochimique du fruit de Raphia sese de Wild (Palmaceae) récolté en République Démocratique du Congo et évaluation nutritionnelle de l’huile de la pulpe, Thèse de Doctorat en sciences Groupe: Chimie, Faculté des Sciences, Université de Kinshasa B.P. :190 Kinshasa XI 7- Mémento de l’Agronome (C), 2002 – CIRAD.fr. Agriculture spéciale (les plantes textiles) 8-Profizi J.P., 1983 Les palmiers raphias au sud du Bénin. Utilisations actuelles et ponctuelles. Publication, n°178, 25-35 9- Association Française de Normalisation, 1998, Corps gras, graines oléagineuses, produits dérivés, 4e édition, Afnor, Paris 10-Wolff J.P., 1968, Manuel d’analyse des corps gras, Paris 11-Fokou E., Achu,M.B.,Kansci G., Ponka R., Fotso M., Tchiégang C. and Tchouanguep F.M., 2009, Pakistan Journal of Nutrition 8 (9) : 1325-1334 12-Nitou G., 1983, Structure glycéridique des huiles de palme et de raphia. Sciences et technologie 2 ,42-45 13-Silou Th., Kama-Niamayoua, R., Mampouya D., Kinkela Th., Hernalesteen I., 2000, Décembre, Bulletin africain “Bioressources *Energie* Développement*Environnement” n°12 14- Douste-Blazy L. et Mendy F.,1988, Biologie des lipides chez l’homme, de la physiologie à la pathologie, Editions médicales internationales, Paris 15- Lecerf J.M., 1989, Maladies cardio-vasculaires et alimentation des lipides à l’athérosclerose, Revue Lyon pharmaceutique, Tome 40 N°2, Lyon P.117 16-Silou T., Makonzo-Mondako C., Makany R., Loumouamou B., Mapola G., Maloumbi M. G., Mampouya D. Evaluation de la variabilité du rendement d’extraction et de la composition chimique des huiles mbayaka (Raphia laurentii) et kolo (Raphia sese) produites consommées dans le bassin du Congo 2010, soumis à OCL. 17- Machlin L. G. Vitamin E., 1980, A comprehensive treatise, Marcel Dekker, New-York, 18- Burton G. W., and INGOLD K. U., 1986, Vitamin E: application of the principales of physical organic chemistry to the exploration of its structure and function. ACC. Chem. Res., 19, 194. 19- Nigon F., Serfaty-Lacrosnière C., Chauvois D., Neveu C., Chapman M.J., Brucker, 2000, Sang thrombose vaisseaux Vol.12, Num. 9, 488-490 20- Schapira G., 1981, Eléments de biochimie clinique et physiologie, Flammarion, Paris