a statement on body, sound, space and time
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a statement on body, sound, space and time
HØPE a statement on body, sound, space and time compagnie@sturmfrei-création 2012 Auteur(s) : Elfriede Jelinek (Winterreise / Drames de Princesses et Je voudrais être légère), Franz Schubert / Wilhelm Müller (Le voyage d’hiver). Traduction : Pour Drames de Princesses : Magali Jourdan et Mathilde Sobottke (Edition L’Arche) Pour Je voudrais être légère : Yasmin Hoffmann et Maryvonne Litaize (Edition L’Arche) Mise en scène : Maya Bösch Dramaturgie : Jeu : Barbara Baker (actrice, chanteuse), Dorothea Schürch (chanteuse, performeuse), Manon Andersen (chanteuse, performeuse), (distribution en cours) Scénographie : Sylvie Kleiber Lumières : Colin Legras Création Son : Vincent Hänni Ingénieur du Son : Assistante : Sophie Martin-Achard Costumes : Julia Studer Maquillage : Mia Vranes Photographe : Christian Lutz Production : Compagnie sturmfrei, Sandy Monney (Coordination) & Estelle Zweifel (Administration) La création A statement on body, sound, space and time est coproduite par le GRÜ / Transthéâtre Genève et reçoit le soutien de la Ville de Genève-Département de la culture et du sport et du Canton de Genève-Département de l’instruction publique. D’autres demandes de soutiens sont en cours. Depuis janvier 2012, la compagnie sturmfrei est conventionnée par la Ville de Genève-Département de la Culture et du sport. Evènement!2012, HØPE : deux créations / deux volets En janvier 2011, la compagnie sturmfrei a développé un concept pour deux créations réunies sous le titre HØPE. Durant 18 mois, de janvier 2011 à juin 2012, la compagnie travaille uniquement sur les textes d’auteurs et matériaux liés à ces créations (Allen Ginsberg, Elfriede Jelinek, Franz Schubert). Ainsi, plusieurs formes de travail et de représentations ont été envisagées pour explorer et creuser les langages, enjeux, contraintes et perspectives de ce grand projet: stage pour les acteurs professionnels, lectures, performances, expositions, créations. HOPE se compose de deux volets – le second (CH) prolongeant et englobant le premier (B) - de taille et de forme différentes. - Howl a été créé à la Biennale Charleroi/Danses (B) en novembre 2011 avec huit interprètes masculins et sera repris au GRÜ à Genève et au Manège de Mons - Festival au Carré (B) en juillet 2012. - A statement on body, space, sound and time sera créé au GRÜ en juin 2012 avec cinq interprètes féminines. Un workshop professionnel sera organisé en amont de la création pour tester les matériaux et explorer les outils de travail mais aussi de faire participer les stagiaires au processus. Certains pourraient selon les options de mise en scène, être intégrées dans le spectacle final, sous forme d’un chœur féminin. Au mois de juin à Genève, ce sont bien les deux volets de HØPE qui seront montrés: les artistes travaillant pour la création de Charleroi étant également engagés dans le second moment de création à Genève. HØPE réunira ainsi douze interprètes, féminins & masculins : ceux de Howl et ceux de A statement on body, space, sound and time, les deux volets étant mis ensemble en un seul spectacle. Du 2 au 10 juin 2012 Du 2 au 10 juin 2012 aura donc lieu cet événement : la rencontre entre Howl et A statement on body, sound, space and time. Soit une configuration in situ, en un seul geste de composition artistique, de deux créations distinctes. Les deux salles du théâtre seront mobilisées à cette occasion, ainsi que les couloirs et le dehors pour permettre au public d’assister soit au volet masculin, soit au volet féminin ou encore, de voyager entre ces différents espaces et esthétiques. A un moment, les deux créations, les deux équipes de comédiens se confronteront, sous la forme d’un bootleg scénique qu’il s’agit encore d’inventer. Tous les comédiens joueront ensemble ou les uns contre les autres, féminimasculin. Ce choc sera le dernier spectacle de la direction Bösch-Pralong à la tête du GRÜ / Transthéâtre. Comme un dernier statement sur last / lost GRÜ. Le présent dossier traite en particulier le deuxième volet, A statement on body, sound, space and time en présentant en autre le scénario, les options de mise en scène, les choix esthétiques, la direction d'acteur, la musique et la scénographie, ainsi que les auteurs, les biographies des artistes et le budget : c’est pour ce spectacle que nous demandons aujourd’hui un soutien, afin de pouvoir assurer son budget de XXX CHF. Pour mémoire : HØPE, Howl – premier volet ! Le premier volet de la série de créations HØPE intitulé Howl (d’après le poète américain Allen Ginsberg, prophète de la Beat Génération) s’est déroulé à Charleroi, dans un ancien garage de 800m2. La mise en scène pour huit interprètes, tous masculins, a installé un dispositif de jeu qui fusionnait plusieurs langages : théâtre, musique, installation, danse et son. Ce spectacle a été développé comme un agencement de soli alors que le texte a été distribué selon une partition chorale. Le je a été multiplié, et a permis de rendre l’hommage de Ginsberg aux esprits détruits, plus intense. Une sorte de chœur invisible dénonçait l’injustice et l’autocratie, pleurait les âmes détruites et les morts. Leur errance est ainsi devenue une possible marche vers l’espoir. Pas d’interprétation du texte mais une chorégraphie de l’espace, des voix, des corps et du temps. Notre désir était de créer avec Howl une architecture poétique, ludique, plastique, physique et sonore qui fait revivre ce cri de Howl. Ce cri a été censuré en 1956. HØPE, A statement on body, sound, space and time - deuxième volet Le deuxième volet de la série HØPE sera donc A statement on body, sound, space and time. Ce titre évoque les quatre axes fondamentaux du travail de la compagnie sturmfrei: le corps, le son, l'espace et le temps. Pour cette création la parole sera remplacée par le chant. Ce qui ne peut se dire, sera chanté. Dans l’espace blanc de la white box seront explorées de manière simultanément, les différentes voix féminines de la distribution ainsi que la création sonore de Vincent Hänni: « Les acteurs sont la parole, ils ne parlent pas », écrit Elfriede Jelinek dans Je voudrais être légère. Démystification absolue, affolement du sens au profit des sens. La compagnie conçoit ce spectacle très sonore comme un voyage dans le corps féminin. Ténébreux, mystérieux, saturé de mythologies. Cette nouvelle création, portée majoritairement par des femmes, se développera autour des œuvres de deux artistes majeures : la Prix Nobel de littérature Elfriede Jelinek et le compositeur Franz Schubert. Mais qu’est-ce que c’est deux artistes ont en commun ? Comment faire de ces deux compositeurs des exutoires pour la voix, le cri, le chant et la parole, des vecteurs d’expression pour le corps ? Quel dispositif inventer ici pour questionner les thèmes de la solitude, de l’errance, du désespoir et de la mort ? Comment ce spectacle peut-il prolonger (ou contredire) le premier volet Howl ? Le point de départ est d’effacer le texte ou le théâtre parlé pour aller vers un espace sonore constitué de fragments de textes et de chants, voire vers une forme opératique grâce à Schubert. Le musicien Vincent Hänni joue un rôle très important. Très librement inspiré de Franz Schubert, il composera de manière personnelle « une forme musicale de la peinture ». Ainsi, la musique évoquera les vibrations et intensités d’un jeune artiste brillant traversé par multiples mythologies, doutes, interrogations, expériences. Les mots-clés de cette traversée, repris essentiellement du Winterreise (Le voyage d’hiver), sont l’errance, la solitude, la souffrance. Ce qui est visé peut se décrire comme un paysage mental, où passent lentement les sentiments. Là où les hommes de Howl suivaient l’injonction d’un cri, les femmes de A statement on body, sound, space and time sont dans le chant : la voix de la femme comme un mouvement intérieur, métaphore de la douleur et de la cruauté. Ce spectacle sera ainsi un pendant musical à la création Howl. « En voyant l’aveuglement et la misère de l’homme, en regardant tout l’univers muet et l’homme sans lumière abandonné à lui-même, et comme égaré dans ce recoin de l’univers sans savoir qui l’y a mis, ce qu’il est venu y faire, ce qu’il deviendra en mourant, incapable de toute connaissance, j’entre en effroi, comme un homme qu’on aurait porté endormi dans une île déserte et effroyable, et qui s’éveillerait sans connaître où il est et sans moyen d’en sortir. » - Blaise Pascal, Pensées Première image pour A statement on body, sound, space and time L’image inaugurale de A statement on body, sound, space and time sera la mort. La femme comme une surface de projection, une image sur papier glacé, une illusion, immobile et figée. Entrainée dans une lutte existentielle, à la recherche de la vérité, enfermée dans l’espace clos qui lui est destiné, elle chante sa mort. Reste, le temps qui file et le temps à attendre pour que les choses changent. Silence. Lenteur. Couchée au sol, l’interprète se lève en slow-motion, retombe au sol et tente de se relever à plusieurs l’extérieur, puis vers l’intérieure, contre elle, puis chante. ! reprises, prend un couteau, l’oriente vers Matériaux divers Le matériau de chacune des actrices sera constitué par plusieurs lieder et leurs variations: Le Voyage d’hiver de Wilhelm Müller / Franz Schubert (cycle de 24 lieder), et La jeune fille et la mort de Matthias Claudius / Franz Schubert, un extrait de Winterreise et Rosamunde, tiré des Drames de Princesses, ainsi que le texte Je voudrais être légère, texte fondateur de l’anti-théâtre d’Elfriede Jelinek. Avec ce conglomérat d’écritures, la démarche consistera à développer un voyage en quatre actes. Premier acte: le corps ; deuxième acte: le son ; troisième acte: l’espace ; quatrième acte: le temps. Ils détermineront le déroulement et le rythme du spectacle, ainsi que son atmosphère, sa température et sa durée. Semblables à un quatuor, ces quatre actes évoqueront le destin de la femme autour de plusieurs variations et thèmes tirés du matériel donné. A ses différents textes et morceaux de musique s’ajoutent des tableaux des peintres autrichiens Edward Munch et Egon Schiele, des photographies récentes de femmes artistes, Valie Export, Cindy Sherman ou encore Amy Tracey, qui toutes évoquent des drames féminins : ces images serviront à stimuler et nourrir un nouveau vocabulaire pour le corps féminin. Le corps de la femme entraîné dans une lutte existentielle, et référé ici à un champ de bataille, à une lutte de classe, à une hystérie sexuelle, à un désir douloureux. La femme vouée à la mort, telle une « machine à souffrir » comme l’a nommée le cinéaste allemand, Fassbinder. Tout l’enjeu étant de tirer du mouvement de cette situation de souffrance et de mort. Intentions / Mise en scène Le travail va s’appuyer sur des partitions vocales, chorales et sur des mouvements. La mise en scène dirigera les voix et les corps telle une chorégraphie pour danse et pour chant. A statement on body, sound, space and time se déploiera en profondeur et de manière sensorielle : la mise en scène organisera et dirigera le flux des voix sous forme de chant individuel, de chœur chanté, ou avec des voix superposées, amplifiées ou doublées. Chaque chant développera une présence physique spécifique pour chaque acte. La présence de l’actrice se constituera de plusieurs mouvements chorégraphiés. A partir de la voix et de la partition pour le chant, les mouvements se développeront. Souvent, le corps résistera au rythme du chant. Ainsi, le corps jouera toujours un contrepoint au chant. Quand la voix se durcit, le corps bougera légèrement, doucement, gaiment et de manière flottante. Le travail consiste à développer un langage bizarre, étrange et sensuel entre la conduite du corps et de la voix afin de donner des couleurs, des accents, des densités, de la poésie et de l’humour ; des expressions différentes. Direction d’actrices Une fois le matériau textuel distribué, le travail consistera, à travers des répétitions individuelles et des improvisations de groupe, à construire des soli et du chœur. L’exigence sera cette fois-ci posée sur le chant, le mouvement et la dissociation. Il s’agira d’amener les actrices à un niveau technique qui leur permette d’interpréter des formes différentes (poème, discours, lied) avec le chant. Des entraînements de voix et un travail sur la respiration et le rythme permettront de mettre à jour la musicalité de chaque artiste afin de dessiner une personnalité vocale singulière. Trois ou quatre actrices vont créer des formes solo sur les lieder de Franz Schubert, à partir des œuvres, Le voyage d’hiver et La jeune fille et la mort. Il y aura un moment de chœur chanté entre femmes et, plus tard, un moment de chœur chanté entre femmes et hommes lors de la rencontre des deux équipes. Le chant aura une place primordiale en tant que performance. Ma voix. Ma voix. Ma voix. Ma voix. Ne dit rien sont les derniers mots de Rosamunde avant qu’elle entre en immobilité et en silence. Quant au mouvement, les actrices vont devoir bannir l’illustration pour une poésie du corps plus cruelle et plus sauvage. Le travail consistera à créer des parcours physiques spécifiques pour chacune d'entre elles, en fonction de leur corps, de leur langage et de leur qualité d’expression. Mais aussi en fonction de l’espace. La présence du corps, l’allure du mouvement, la variation et la fluidité du geste dans l’espace, viseront à développer une plasticité brillante de présences singulières. Le corps en représentation fera objet d’une « figure » (forme et force extérieure), alors que la voix (la parole ou le chant) évoquera « l’âme » (forme et force intérieure). La relation entre le corps et la voix pourrait se développer sur plusieurs axes : ou bien, la voix suit l’histoire du corps, ou bien la voix contredit l’histoire du corps, ou bien la voix et le corps énoncent simplement deux histoires différentes. Jouer avec les deux expressions en opposition, contradiction ou harmonie. Ce travail sera accompagné par des entraînements de yoga et de kung-fu qui nous permettront de renforcer la musculature et la force physique et, en parallèle, de travailler l’écoute et le silence, la flexibilité et la symétrie dans le yoga. Tirée des concepts de Schubert et de Jelinek, la dramaturgie posera aussi un pendant à la création Howl en développant deux axes : - L’époque du romantisme allemande cherchait surtout à renouer la rupture philosophique entre la raison et l’âme. Les artistes de cette époque voulaient faire entendre l’âme souffrante. Un parallèle à Allen Ginsberg qui clôturait son poème avec un dernier éloge aux pauvres, intitulé « sacré ». La désolation, la pauvreté, la solitude, la souffrance sont des thèmes majeures dans le processus romantique. Notre travail consiste à développer un contrepoint à notre monde sur-rationnel en allant vers le plus petit dénominateur, la souffrance et la déformation du corps. - On pourrait comprendre notre histoire culturelle occidentale comme une histoire de la peur. Peur de la femme, peur de son corps, peur de sa langue, peur de son chant. Pour le travail, il s’agit de penser autrement le corps féminin, en tous les cas, quand il s’agit de le représenter. Au lieu de la perfection, il faut mettre en avant l’imperfection, la déformation, la maladie, la sexualité, la mort. La femme ne peut trouver sa beauté que dans la souffrance. Quand elle est sauvagement libre dans ses mouvements et ses expressions. Une bête. Musique/ Son Le musicien Vincent Hänni accompagnera le spectacle avec des variations électroacoustiques autour de l’univers sombre et triste de Franz Schubert. Le spectacle se développera à travers des improvisations, des essais, et démarches afin de composer un langage entre le créateur son et les interprètes. Une adaptation post-moderne, un mythe de déconstruction passé par l’ordinateur. Ses nappes sonores, soumises au principe de la série, accompagneront le jeu des actrices, s’entrecroiseront avec le rythme de leurs voix. La musique de Vincent Hänni sera une dimension constante de A statement on body, sound, space and time. Scénographie & Lumières La scénographie devrait évoquer des paysages poétiques et mentaux, des tableaux plastiques. Tout sera blanc dans ce spectacle, mais d'une multitude de blancs. La scénographie pourrait évoluer au cours du spectacle, déployant des matériaux plastiques qui évoquent la fin, l’inconnu ou l’étrange. Dans cette géographie de la mort, la seule trace sera la suite des sons, des pas, des respirations, des notes et des cris. La white box – espace blanc, emblématique du GRÜ et lieu de tant d’expérimentations au cours de ces 6 années - sera l’ancrage, la piste d’envol de ce voyage en 4 actes, L’espace féminin et blanc du 2ème étage entrera en résonance, en dialogue ou confrontation avec le projet masculin Howl joué dans la black box - salle noire du sous sol. Espace-manifeste ? Des sols différents permettraient de travailler les appuis des corps en mouvement, comment le pied arriverait-il à se poser ou pas; comment il pourrait s’enfoncer dans la terre; comment il pourrait disparaître dans l’eau; comment il arriverait à devenir tout blanc dans la glace; comment il oserait danser sur le gazon etc. Le sol serait ici la métaphore de l’errance voire de l’échec. La boîte de théâtre devrait se transformer pour accueillir un espace habité de sons, un paysage de corps climatique, dont les points cardinaux seraient brouillés. Cette installation in situ pourrait modifier la perception de l’architecture rationnelle de la maison des Arts du Grütli pour tendre vers un espace sculptural, plus organique et brut. Tous les éléments de scénographie, de lumière et de son, sont installé dans cet espace pour créer ensemble un lieu éphémère, simple, but, qui peut s’animer par le souvenir, la douleur, la mort que les œuvres insufflent. L’effet de la lumière, du son et de la scénographie va créer des moments de transe, de suspension, de flottement. Les auteurs Le spectacle se développera à partir de lieder du compositeur autrichien Franz Schubert (1797-1828). Le cycle des poèmes, Le Voyage d’hiver a été initialement écrit par Wilhelm Müller et reprit par Elfriede Jelinek dans Winterreise (2010); sa variation personnelle autour du poème La jeune fille et la mort écrit initialement par Matthias Claudius était Drames de Princesses. Des poèmes donc que Jelinek a reconfigurés, adaptés, déplacés, mélangés avec sa propre biographie et ainsi transformés jusqu’à les rendre étranges et méconnus. Elfriede Jelinek (1946, ) Sulfureuse, inclassable, révoltante, perverse, monstrueuse, inconfortable, vertigineuse, scandaleuse, hargneuse, féroce, grinçante, irrespirable, cruelle, blessante, déprimante, pornographique, rugueuse, provoquante, «équivalent chaotique, corrosive, féminin de froide, outrancière, irritante, Thomas écœurante, Bernhard, en plus venimeux », «insoutenable pour les hommes, haïssable pour les féministes » , «romancière des situations sans issue et de la violence », Elfriede Jelinek écrit comme on crache, à jets tendus, et jette sur la place publique les tripes pourries du passé. Les termes employés par les critiques littéraires pour qualifier l’œuvre de l’écrivaine viennoise sont autant de raisons de la lire. La lire ou plutôt, l’écouter. L’auteure s’adonne à la composition musicale, ce rituel tyrannique - typiquement autrichien - qui inflige ses raffinements cruels aux âmes tourmentées. Ce n’est pas un hasard si Elfriede aime les lieder de Schubert. Effusion lyrique, le lied célèbre simultanément la conquête de soi et la dissolution du moi dans l’âme du monde. Cette désintégration, d’abord éprouvée comme une catastrophe, dissipe les illusions nées de notre capacité d’expression qui nous permet d’opposer artificiellement la partie au tout. Si l’homme est « parlé par son langage » comme l’écrit Peter Handke, il faut éventrer le verbe pour révéler l’humain. La rhétorique se fait médecine légale et le texte autopsie. Ce scepticisme linguistique conduit à un nouveau mysticisme esthétique dont Jelinek pourrait bien devenir la sainte martyre. Dans l’œuvre de Elfriede Jelinek, littérature et musique fusionnent en une antimatière dévoratrice pour notre plus grand effroi. « J’aime composer les mots comme j’ai appris à composer les sons. L’étude de la musique sérielle est ainsi à la base de mon travail littéraire ; elle est la référence constante de mes phrases, elle me sert de grammaire ». Dans ses partitions littéraires, Jelinek confie le rôle du hasard à une ponctuation improbable, s’accordant ainsi, à l’instar de ses frères musiciens, à l’univers tel que nous l’entendons aujourd’hui : non plus fini et statique mais expansif et quantique. Avec Winterreise, Elfriede Jelinek gagne pour la quatrième fois le célèbre Prix des œuvres dramatiques de Mülheim. Franz Schubert (1797-1828) Le thème, La jeune fille et la mort a un passé à multiples facettes. Il prend racine dans de très vieilles traditions mythologiques: chez les anciens Grecs, le rapt de Perséphone (Proserpine chez les Romains) par Hadès (Pluton), dieu des Enfers, est une claire préfiguration de cette collision entre Éros et Thanatos. La jeune déesse cueillait des fleurs en compagnie de nymphes insouciantes lorsqu'elle aperçut un joli narcisse et le cueillit. À ce moment, la terre s'entrouvrit; Hadès sortit des abysses et enleva Perséphone. Le thème met en relief le sombre lien entre la sexualité et la mort. Son corps, son visage, sa chevelure, sa poitrine deviendront un jour pâture pour les vers... Ce thème a franchi les frontières de la peinture. Schubert a mis en musique ce poème pour un quatuor à cordes en 1824. Après avoir tant chanté le mouvement de l'eau, celui de l'errance, le mystère fluctuant de la nuit, Schubert se fige dans l'immobilité du désespoir. Et dans cet hiver qui n'en finit pas de 1827, après une grande période de glaciation créatrice, il découvre les textes de Wilhelm Müller (1794-1827), à peine parus et qui sonnent en complète harmonie avec l'hiver de son âme. « Mes créations musicales sont les filles de la connaissance de ma douleur », disait-il. Le narrateur est « entré dans l'hiver, la nuit, la mort de l'âme ». Il dévide le récit d'un fantôme en errance. Commencé comme une destinée individuelle, révélation de son statut d'étranger au monde, trahison de l'almée, glaciation progressive - des sentiments malgré les rêves de printemps, le cycle finit par devenir une odyssée initiatique dans un climat de plus en plus oppressant, jusqu'au glas final de la destinée humaine. Ce n'est plus le suicide d'un jeune amoureux trompé, mais la prise dans les glaces d'un homme usé, fini, figé dans la solitude et la souffrance. Et cette douleur atteint à l'universel. Nous autres qui errons l’âme en peine Ah comme nous aimons l’illusion bien douce qui nous dit : regarde ! Il y a là-bas pour toi au fond de la nuit sous la glace et l’effroi la maison qu’éclaire le visage d’un amour l’illusion ? Le seul bien vraiment que je possède. Le travail récent de la compagnie sturmfrei Depuis le cycle WET ! et RE-WET !, un spectacle basé sur deux textes de l’anti-théâtre d’Elfriede Jelinek, la compagnie a introduit des nouveaux concepts de travail, de jeu et de représentation. Concrètement, il s’agit de mettre en question notre rapport au texte et à la langue et d’explorer plusieurs présences possibles de l’acteur. Le texte s’est fragmenté, acquérant différents statuts de profération : il est devenu un tissu de citations sous l’effet de la mise en scène. Cette forme de plus en plus hybride correspond à un travail que nous développons aussi au niveau du son et de l’espace. Le son construit des contre-rythmes, des contrastes, des contradictions du mouvement de la parole, et il contribue ainsi à activer les multiples couches dramaturgiques. Le lieu de représentation permet également une réflexion sur le rapport entre acteur et spectateur. La scénographie détermine l’espace (plein ou vide) qu’investit le temps, et avec lui, toutes les histoires et expériences partagées entre acteur et spectateur durant une durée ponctuelle. Dans ces espaces, souvent vides, conçus principalement par Thibault Vancranenbroeck et parfois par Sylvie Kleiber, les mises en scènes parlent de voyage ou d’errance. C’était le cas, entre autre, pour Lui pas comme lui, Déficit de Larmes, Souterrainblues, ou HØPE, Howl. L’improvisation de deux musiciens Vincent Hänni et Jean-Marc Montera lors de la création Howl a modifié le rapport entre l’acteur et l’espace architecturale et sonore. ! ! La compagnie sturmfrei sturmfrei est une compagnie qui se caractérise par un théâtre expérimental et de création. La compagnie travaille régulièrement avec des artistes suisses, français et belges, ainsi qu’avec des artistes du domaine de la performance et de la danse. Plusieurs langues sont souvent intégrées dans une création, grâce aux oeuvres choisies d’origine allemande, mais aussi à cause du parcours personnel de la metteuse en scène qui s’est développé à Zurich, New York, Bruxelles, Vienne et Berlin. Sturmfrei reste néanmoins une compagnie genevoise engagée dans le paysage culturel romand. La compagnie profite de la fidélité de ses artistes et acteurs associés depuis presque dix ans - Thibault Vancraenenbroeck et Sylvie Kleiber (scénographes), Colin Legras et Jean-Michel Broillet (lumières), Rudy Decelière (artiste sonore), Michèle Pralong et Timo Kirez (dramaturges), Julia Studer (costumes), Mia Vranes (maquillage). Une dizaine d'acteurs travaillent régulièrement avec la compagnie : Anne Marchand, Barbara Baker, Fred Jacot-Guillarmod, Roberto Garieri, Véronique Alain, Nalini Selvadoray, Gilles Tschudi, Dorothea Schürch et Nicolas Leresche. La compagnie sturmfrei établit des passerelles trans-disciplinaires avec des artistes associés ponctuellement ou régulièrement (Cindy Van Acker, Noemie Lapzeson, Marcela San Pedro, Mathilde Monnier, Vincent Hänni, Jean-Marc Montera). La compagnie sturmfrei a été fondée en 2000 à Genève autour de Maya Bösch. La compagnie fait des créations d'oeuvres contemporaines, des installations, des lectures et des performances. Elle porte l'identité d'une compagnie expérimentale et de recherche pour un théâtre politique. Sturmfrei crée des espaces particuliers de représentations, de nouvelles architectures pour renouveler le rapport entre spectateur et acteur. Une réflexion philosophique, architecturale et performative accompagne régulièrement la compagnie dans ses créations qu'on pourrait comprendre comme une continuité d'une même histoire qui questionne notre temps. Elle travaille en Suisse, en France et en Belgique. Depuis 2009, le bureau sturmfrei travaille avec Sandy Monney (coordinatrice générale) et Estelle Zweifel(administratrice). Depuis 2012, la compagnie est conventionnée par la Ville de Genève-Département de la Culture et du Sport. • En Suisse, la cie sturmfrei a crée et a tourné: A Zürich, Unterführung Escherwyss: HAMLETMASCHINE de Heiner Müller • A Neuchâtel, au théâtre du Pommier et à Lausanne au 2 21 • A Bâle au Schauspielhaus durant « Stückparcours » • A la Chaux-de-Fonds, au Théâtre Populaire Romand (TPR) La Chaux-de-Fonds • A Bellinzona durant le « Festival International del Teatro » • A la Comédie de Genève, au Galpon, à la Villa Bernasconi, au T50, au Théâtre St Gervais et à l'Orangerie et dans le cadre du Festival de La Bâtie, au GRÜ / Transthéâtre Genève En Belgique, la cie sturmfrei a tourné: • Au Manège de Mons/Festival au Carré (B): RE-WET! de Elfriede Jelinek • A Charleroi durant la Biennale Danses (B): STATIONS URBAINES • A venir: • Mons en 2012 et Charleroi en novembre 2011 (B): HØPE, Howl En France, la cie sturmfrei a tourné: • Au Théâtre de Gennevilliers (F) : RE-WET de Elfriede Jelinek • A Marseille à Montevideo (F): DRAMES DE PRINCESSES • A venir: • A Valenciennes au Théâtre National (F): TRAGEDY RELOADED en 2013 Créations HØPE, Howl (Allen Ginsberg) / DRAMES DE PRINCESSES (Elfriede Jelinek) / SOUTERRAINBLUES (Peter Handke) / DEFICIT DE LARMES (Sofie Kokaj, Elfriede Jelinek, Pier Paolo Pasolini) / RE-WET & WET (Elfriede Jelinek) / EIN SPORTSTÜCK : STATIONS URBAINES 1-3 (Eflriede Jelinek) / INFERNO (Dante) / RICHARD III (Shakespeare) / LUI PAS COMME LUI (Elfriede Jelinek) / JOCASTE (Michèle Fabien) / GENEVA.LOUNGING (Mathieu Bertholet) / CRAVE (Sarah Kane) / HAMLETMASCHINE (Heiner Müller). Performances Howlucination (d’après Howl d’Allen Ginsberg) à Zabriski Point, Rond-point de Plainpalais Genève / EXPLOSION (d’après Timo Kirez), black box GRÜ Genève / L'HOMME ASSIS DANS LE COULOIR ( d’après Marguerite Duras), white box GRÜ Genève / ELECTRE (d’après Heiner Müller), Villa Bernasconi Petit-Lancy www.ciesturmfrei.ch MAYA BÖSCH / METTEUR EN SCENE ET DIRECTRICE DE LA COMPAGNIE STURMFREI ET DU GRÜ / TRANSTHEATRE GENEVE Née en 1973 à Zürich de double nationalité (CH/USA), Maya Bösch se distingue aujourd’hui sur la scène artistique et culturelle par le caractère exploratoire et novateur des formes théâtrales qu’elle conçoit. Dans le cadre d'études de mise en scène qu’elle suit à l’Université de Bryn Mawr à Philadelphie (USA), elle se concentre sur le Political Theater. Elle travaille ensuite pendant trois ans aux côtés de plusieurs metteurs en scène au Castillo Theater à New York, au CIFAS à Bruxelles, à Berlin, Vienne et Genève et prend part à des projets collectifs d’expérimentations théâtrales et performatives, en particulier avec le theatercombinat Vienne / Claudia Bosse et Josef Szeiler. En 2000, elle fonde sturmfrei, compagnie indépendante au sein de laquelle elle explore des écritures contemporaines telles que Heiner Müller, Sarah Kane, Michèle Fabien, Mathieu Bertholet, Elfriede Jelinek, Peter Handke,... mais s’empare également des classiques. Elle met en scène geneva.lounging de Mathieu Bertholet et hunger ! / Richard 3 de Shakespeare à la Comédie de Genève. Parallèlement aux créations, Maya Bösch crée des installations théâtrales (architecture et son), stations urbaines (Ein Sportstück) installé sur le toit du Théâtre Saint-Gervais Genève et à la Vigie-Charleroi (B). Elle développe une méthode de travail transdisciplinaire, en composant de plus en plus avec des notions d’architectures, de danse et de musique contemporaine. Avec RE-WET (je voudrais être légère et Sens : indifférent. Corps : inutile) elle développe le format de la performance et tourne dans plusieurs festivals, centres dramatiques en France et en Belgique. Depuis 2006, elle alterne plusieurs formats de créations pour explorer des nouvelles formes et divers modes de travail dans un même élan et une vision globale de développement dramaturgique, performatif et esthétique issus de la compagnie. Avec sturmfrei, elle impulse un mode de fonctionnement collectif, engagé tout au long du processus de travail qui suppose la conscience artistique et quasi politique de l’ensemble de ses collaborateurs. Conscience de participer à un projet commun qui s’inscrit dans une logique concertée. Inscrire l’objet théâtral dans le paysage urbain, exploser les gabarits du théâtre traditionnel en inventant, à chaque création, un nouveau rapport au temps et à l’espace, en résistant à la tendance consumériste d’une culture de masse dominante en défendant une approche artistique, critique et politique. Depuis septembre 2006, Maya Bösch codirige avec Michèle Pralong le GRÜ / Transthéâtre Genève, une scène expérimentale et pluridisciplinaire de théâtre. En 2011, elle participe en tant que curatrice à WHO’S AFRAID OF PERFORMANCE ART ?, un festival de performances financé par la Ville de Genève, où elle programme le week-end JETER SON CORPS DANS LA BATAILLE !. Maya Bösch a reçu la bourse Simon I. Patino pour un séjour d’une année à Paris (Cité International des Arts). Elle est régulièrement sollicitée pour mener des ateliers dans des Ecoles dramatiques, notamment au Théâtre National de Bretagne (F), au Centre International de Formation de l’Art de la Scène (B). Elle a participé en tant que jury au Festival Emulation à Liège (B) et a été invité en tant qu’artiste et metteure en scène au Theatertreffen Berlin (A). Elle participe à de nombreuses plateformes professionnelles et intervient sur le théâtre post-dramatique, la performance et les formes et esthétiques nouvelles. Maya Bösch a été une des fondatrices du mouvement 804 en 2005 qui réagissait contre la coupe de subventions de l’Etat de Genève. Michèle Pralong / dramaturge Née en 1963, Michèle Pralong a fait des études de Lettres à l’Université de Genève. De 1988 à 1993, elle a travaillé comme critique de danse et de théâtre au Courrier puis au Journal de Genève. De 1994 à 1996, elle est collaboratrice artistique au Théâtre du Grütli dirigé par Bernard Meister. De 2000 ˆ 2003, elle est collaboratrice artistique de Anne Bisang à la Comédie de Genève. En 2004, elle fait ré-ouvrir et rénover un petit théâtre à Villereuse (Genève), le T/50 / où elle travaille production, dramaturgie et programmation pendant deux saisons. Depuis juin 2006, elle co-dirige le Grü/Théâtre du Grütli avec Maya Bösch. Elle travaille régulièrement comme dramaturge de la cie sturmfrei. ! Sylvie Kleiber / scénographe Architecte diplômée en 1991 de l’école polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), Sylvie Kleiber s’intéresse à la scénographie d’exposition et à la scénographie de spectacle. Elle a travaillé comme architecte-scénographe pour la construction ou la rénovation de plusieurs salles de spectacle, en collaboration notamment avec l’ingénieur scénique Alexandre Forissier (à Grandson, Moutier et à Plan-les-Ouates). Elle a longuement travaillé comme assistante du scénographe Jacques Gabel à Paris (sur des projets d’Alain Françon, de Joël Jouanneau, de Philippe van Kessel,...). En Suisse, elle a eu une collaboration de dix ans avec Simone Audemars, réalisé des décors pour Robert Bouvier (Peepshow dans les Alpes , 1998), Geneviève Pasquier (A ma Personnagité , 2004 et I Remember , 2006), Yan Duyvendak (Side Effects , 2004) et Gilles Jobin (Steak House, 2005). Elle a récemment conçu les scénographies de projets d’Andrea Novicov, de Yan Duyvendak et pour la compagnie sturmfrei, dirigée par Maya Bösch. Colin Legras / lumières Né en 1970 à Paris. Colin Legras travaille en France, en Belgique et en Suisse. Depuis 2000 avec la compagnie sturmfrei / Maya Bösch. Entre 2006 et 2008, il a été Directeur Technique du Théâtre les Tanneurs à Bruxelles . Il travaille comme éclairagiste avec des artistes de domaines différents, musique, danse, art plastique et théâtre ; il est membre fondateur de Cloportes Productions (B), membre de FLC EXTENDED (B), laboratoire interdisciplinaire de création urbaines. Vincent Hänni / musique Né en 1972. Brillant guitariste électrique, il est sonore. depuis toujours passionné par le son et l'expérimentation Débutant à l'adolescence avec un enregistreur à 4 pistes il découvre à 20 ans les sampleurs et les synthétiseurs analogiques. A 30 ans il plonge dans l'étude des instruments acoustiques et la musique baroque. 2008, il intègre collaboration avec THE YOUNG GODS comme quatrième membre du groupe, sans pour autant cesser sa En régulière Gabriel Scotti. ! Julia Studer / costumes Née en 1981 à Lausanne, Julia Studer est une designer qui évolue entre le monde de la mode, de l’évènementiel, ainsi que du théâtre. Elle suit des études de design de mode à la Haute école d’Art et de Design de Genève, ainsi qu’à la Amsterdam Fashion Institut. Diplômée en juillet 2008, elle reçoit le prix de Design industriel et de Produit de la Haute Ecole d’Art et de Design de Genève. Elle collabore à divers projets de conception d’espace (Montreux jazz Festival), de danse (Cie du Coquelicot), d’installations sonore et visuelle (collaboration avec le musicien Piero SK) et de théâtre (Cie La Saburre, Cie Le Tempestaire). Elle travaille actuellement à l’élaboration d’audiofilms sous forme de soirées cabaret-théâtre et sur divers projets de théâtre. Maya Bösch a rencontré Julia lors du défilé 2008 HEAD-Genève. Depuis les deux femmes collaborent ensemble sur: Déficit de Larmes, Souterrainblues, Drames de princesses. Mia Vranes / maquillage Mia travaille comme maquilleuse de théâtre depuis sa formation a l'institut Ernest Buchs, à Berlin, dirigé par Manfred Karge, collabore en 1993. Elle participe activement a la création de théâtre indépendant en suisse-romande et avec Andrea Novicov, Pierre Dubey, Michel Rossy, Bernard Meister, tout en réalisant des maquillages et perruques pour les operas au Grand théâtre de Genève. Elle a collaboré avec Maya Bösch sur plusieurs projets collectifs au Grü / Théâtre du Grütli et au sein de la compagnie sturmfrei depuis 2009. Son parcours artistique a été particulièrement marqué par les rencontres avec Thomas Ostermeier et Olivier Py.