2-6 L`héroisme du quotidien aujourd`hui - Notre

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2-6 L`héroisme du quotidien aujourd`hui - Notre
L’héroïsme du quotidien aujourd’hui
«L
a société actuelle, société de transition, de compromis, dite moderne, n’a aucun
plan, ne se propose aucun but déterminé, sinon celui de durer le plus longtemps
possible grâce à la méthode qui l’a servie jusqu’ici, celle d’un dégoûtant empirisme » fulminait
déjà Georges Bernanos il y a près de 80 ans dans « La grande peur des bien-pensants. »
Que dirait-il aujourd’hui alors que les enfants de mai 68 sont au pouvoir et ont imposé à la
société leur Credo individualiste, hédoniste et matérialiste ? Un désordre immoral a succédé à un
ordre qui n’était déjà plus très moral. En effet, il est illusoire de croire qu’une société puisse faire
abstraction de valeurs et de références. La vie en collectivité nécessite, pratiquement, des règles
pour fonctionner et son organisation repose, toujours, sur une certaine conception de l’homme.
Le sophisme libéral : « La liberté de chacun s’arrête où commence celle du voisin » atteint
rapidement ses limites. Les 150 000 manifestants annuels de la Gay Pride sont, par nature, une
agression contre ceux qui estiment les pratiques homosexuelles comme immorales. Certains
pourraient rétorquer que tout irait mieux si chacun faisait, dans ce domaine, ce qu’il veut sans
imposer ses « préférences » aux autres. Vision purement abstraite qui ignore que la nature a des
lois qui s’appliquent à la matière mais aussi aux hommes et à l’organisation des sociétés, avec
cette constatation aggravante que : « Si l’homme pardonne parfois, Dieu pardonne toujours mais
la nature ne pardonne jamais. »
Ce sont les enfants des familles constituées de l’union stable d’un homme et d’une femme
qui paieront les retraites des homosexuels sans enfant, comme ce sont les adultes au
comportement sexuel « traditionnel » qui paient les traitements contre le Sida dont les
principaux bénéficiaires sont les invertis et les touristes sexuels (l’ampleur du scandale du sang
contaminé en France, phénomène unique au monde, étant due à une classe politique
particulièrement idéologisée et insouciante du bien commun).
Quels sont les signes de ce « désordre immoral » ?
Notre Seigneur Jésus Christ est devenu une option privée au mépris de l’enseignement de
Pie XI dans Quas Primas : « Ce serait une erreur honteuse de dénier au Christ-Homme la
puissance sur les choses civiles quelles qu’elles soient » et « Que les chefs des nations ne
refusent donc pas de rendre par eux-mêmes et par le peuple à la puissance du Christ leurs
hommages publics de respect et d’obéissance. »
La religion catholique est ramenée au rang des autres religions et les droits de l’Eglise sont
niés. Pie XI constate, toujours dans Quas Primas : « On dénia à l’Eglise un droit dérivé du droit
du Christ lui-même, celui d’enseigner le genre humain, de porter des lois, de diriger les peuples,
de les conduire à la béatitude éternelle. Alors la religion du Christ fut peu à peu traitée d’égale
avec les faux cultes, et placée avec une choquante inconvenance sur le même niveau ; puis elle
fut soumise au pouvoir civil et presque livrée à l’arbitraire des princes et des magistrats. »
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Nous y sommes : comme l’a magistralement démontré Michel De Jaeghere dans son
« Enquête sur la christianophobie » la fureur médiatique- le quatrième pouvoir- se déchaîne en
Occident contre le christianisme alors que l’islam, ayant pris la suite du communisme, en est
déjà à la persécution sanglante ou à l’interdiction pure et simple de tout ce qui porte le nom
chrétien, dans les terres où il règne en maître.
Le dimanche -jour du Seigneur- est en train d’être sacrifié, par les pouvoirs publics, sur
l’autel du consumérisme en devenant un jour travaillé comme les autres, au prétexte de la
défense de l’emploi.
L’individualisme hédoniste l’a bien souvent emporté sur le sens du devoir et l’esprit de
sacrifice. En France,
• 40 % des mariages se terminent par un divorce
• Un mineur sur quatre ne vit pas avec ses deux parents
• Un quart des pères divorcés ne voient plus leurs enfants
• 7 Millions de personnes vivent seules .
• Le nombre de personnes âgées placées en maison de retraite par leurs enfants, alors
que certains pourraient s’en occuper, ne cesse de croître.
• 250 000 avortements chirurgicaux sont pratiqués par an, sans oublier les victimes
de l’IVG médicamenteuse (RU 486) et du stérilet
• uniquement 5 % des femmes en âge de procréer n’utilisent pas de moyen
contraceptif,
• alors que les femmes ont en moyenne leur premier enfant à 29 ans, leur activité
sexuelle débute à 18 ans. Il y a ainsi 11 années d’activité sexuelle stérile ce qui a
des conséquences psychologiques considérables.
L’argent roi ne voit plus en chaque être humain qu’un consommateur destiné à être éliminé
si sa capacité de consommation vient à décliner. Chacun ne pense plus, à son niveau, qu’à
préserver ses intérêts personnels : de la défense des régimes spéciaux de retraite au montant
extravagant de certaines stock-options en passant par les délits d’initiés ou la fraude fiscale et
ceci au détriment du bien commun. Concédons que la dilapidation des fonds publics et les
avantages financiers que s’octroient les princes qui nous gouvernent n’incitent guère au civisme.
C’est à l’héroïsme du quotidien que nous sommes appelés aujourd’hui, à chaque instant,
sans nous soucier du lendemain ni nous préoccuper des choses qui ne dépendent pas de nous.
Comme l’écrit Jean Madiran : « A chaque jour suffit sa peine, sa demi-lumière, et son
cantique. » Les chrétiens qui nous ont précédés ont eux aussi connu des épreuves et des
difficultés. Pensons aux persécutions romaines des premiers siècles du christianisme, puis aux
hérésies christologiques, aux invasions barbares, au Grand schisme, aux guerres de religion, et
depuis deux siècles à l’hostilité plus ou moins larvée des pouvoirs publics, sans oublier la
montée en puissance de l’islam sur notre propre sol. Si les moyens tactiques employés par
l’adversaire ont pu évoluer au gré des circonstances, l’objectif reste le même : détruire l’Eglise
et, ce faisant, rendre le sacrifice du Christ inutile pour les âmes qui se perdent. Le désordre
immoral qui règne quasiment en maître aujourd’hui est à la fois la pente naturelle de la nature
humaine, blessée par le péché originel, quand elle n’est pas soignée par la grâce et l’arme
utilisée par l’ennemi du genre humain pour perdre les âmes. Dans son ouvrage : « L’Eglise
Romaine en face de la Révolution » Jacques Crétineau-Joly publie une lettre d’un franc-maçon
italien donnant comme consigne à ses affiliés : « Faites des cœurs vicieux et vous n’aurez plus
de catholiques. » Contre l’ordre immoral notre résistance, pacifique mais ferme, s’épanouira,
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avec l’aide de la grâce, dans le serein accomplissement de notre devoir d’état. N’est-ce pas un
compagnon de saint Jean Bosco qui écrivait : « Fait beaucoup qui fait peu mais fait son devoir,
ne fait rien qui fait beaucoup sauf son devoir. » Nos états sont multiples et nous créent des
devoirs selon ces différents états.
Enfants de Dieu nous devons un culte à Celui qui nous a créé, qui nous a racheté de son
sang et qui nous maintient dans l’être à chaque instant. Ce culte passe par la sanctification du
dimanche ce qui signifie l’assistance à la messe, l’absence de travaux serviles, un temps de
prière en famille (chapelet, vêpres…) et une œuvre de charité fraternelle (visite, courrier, jeu ou
promenade en famille…) ou d’édification spirituelle ou intellectuelle sans oublier la trop oubliée
vertu d’eutrapélie (art de se récréer sainement, voire saintement).
Fils et filles de nos parents nous leur devons assistance et soutien en particulier dans leurs
vieux jours.
Epoux ou épouse nous devons à notre conjoint non seulement la fidélité du corps mais
aussi celle du cœur. L’assistance et le soutien mutuels, l’accueil généreux et responsable à la vie
ne sont pas des options libres.
Parents, nous devons à nos enfants d’abord l’exemple d’une vie chrétienne, ensuite un
suivi personnalisé affectif et intellectuel, en fonction du tempérament de chacun. Cependant
comme la famille n’est pas une société parfaite, l’œuvre éducatrice des parents devra être
complétée par des auxiliaires éducatifs : écoles, mouvements de jeunesse, scoutisme… dont le
premier objectif sera que «L’enfant en vienne à préférer librement pour toujours le vrai au faux,
le bien au mal, le juste à l’injuste, le beau au laid et Dieu à tout » (Abbé Berto).
Alors que, selon les propos de monseigneur Cloupet à monseigneur Cattenoz, archevêque
d’Avignon, rapportés par Famille Chrétienne n° 1498 : « Aujourd’hui, il faudrait fermer de 60 à
70 % des établissements (catholiques) qui ne sont plus que des établissements libres » la
recherche pour nos enfants d’établissements scolaires concrètement catholiques et pas
uniquement nominalement ou juridiquement impose aux familles fidèles de nombreux sacrifices.
Sacrifices financiers, sacrifices d’amour-propre : « Que va penser le père X, Madame Y ou tes
parents si nous ne mettons pas les enfants à l’école où toute la famille a fait ses études ? »
parfois sacrifices de la séparation dus à la nécessité de la pension.
Citoyens et membres d’une communauté nationale le sort de notre patrie ne peut nous
laisser indifférents. Nous lui devons notre terre, notre langue, les souvenirs de notre enfance, un
patrimoine culturel et artistique sans égal élevé à une dimension surnaturelle par le
christianisme qui a laissé son empreinte matérielle, par ses églises et ses calvaires, jusqu’aux
endroits les plus reculés de notre territoire. Que faisons-nous pour connaître et aimer d’abord et
faire ensuite connaître et aimer ce patrimoine national, sans même parler de le faire fructifier ?
Engagés dans la vie professionnelle considérons-nous le travail comme moyen pour
chacun de contribuer au bien commun de la société tout en obtenant ainsi en retour « une
certaine abondance de bien matériels et extérieurs, « dont l’usage est requis à l’exercice de la
vertu » (Saint Thomas) écrit Léon XIII dans Rerum Novarum. Le juste salaire est ainsi à
l’opposé du dogme libéral du « Renard libre dans le poulailler libre. »
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Dans un monde apostat, le fidèle de Jésus-Christ est condamné à être différent, il ne doit
en être ni étonné ni surpris. Etre dans le vent n’est-il pas, après tout, une simple ambition de
feuille morte ? Etre bien considéré de ce monde pour lequel le Christ n’a pas prié n’est-il pas le
signe certain que nous ne vivons plus l’Evangile dans son intégralité ? Le sel s’est affadi, il ne
dérange plus ni n’apporte sa saveur particulière à un monde insipide.
Le chrétien fidèle accepte le « martyr de la vie ordinaire » (Benoît XVI le 28/10/2007 à
l’occasion de la béatification de 498 martyrs de la guerre d’Espagne en la fête du Christ-Roi)
dans « L’héroïsme sans éclat des humbles fidélités domestiques » R.P. Calmel (op)
Il sait qu’il est fait pour mieux que la simple satisfaction de ses désirs matériels, si
légitimes fussent-ils : « La vie est belle à celui qui n’est pas l’esclave du corps, à celui qui pense
et qui pense en Dieu » écrivait le capitaine Gérard de Cathelineau.
Bien peu cependant sauront atteindre le niveau de lucidité qui permettait à saint Jean de la
Croix d’écrire : « Pour ne pas se plaindre de ce que l’on souffre, il suffit de se rappeler de ce
que l’on mérite. » L’essentiel est de se mettre en marche avec générosité sans se préoccuper de
savoir où nous mènera notre générosité initiale. Il s’agit de refuser la médiocrité et d’avoir le
courage de se relever après les inévitables chutes. N’est-ce pas sainte Thérèse d’Avila qui nous
le rappelait : « Le bon Dieu préfère les âmes généreuses aux âmes sans défaut » ? Cet appel à
suivre le Christ, s’il est exigeant, ne doit pas être réduit à néant par les difficultés qui nous
semblent insurmontables et surtout par le triste spectacle de notre société en état de
décomposition avancée. Le padre Pio avait confié à une pieuse laïque, Katarina Tangari :
« Faites en sorte que le triste spectacle de l’injustice humaine ne trouble pas votre âme : elle
aussi, dans l’économie des choses a sa valeur. C’est sur l’injustice qu’un jour vous verrez
s’élever l’immanquable triomphe de la justice de Dieu ». Nous laisserons un poète dominicain,
le père de Chivré, nous livrer le mot qui résume tout et explique tout : « Se fiancer à la vérité,
c’est se condamner au divorce avec beaucoup d’hommes ».
RENAISSANCE CATHOLIQUE
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