décision relative à la requête de la défense aux fins d`une
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décision relative à la requête de la défense aux fins d`une
International Criminal Tribunal for Rwanda Tribunal pénal international pour le Rwanda UNITED NATIONS NATIONS UNIES CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE I Affaire no ICTR-01-74-T FRANÇAIS Original : ANGLAIS Devant le juge : Erik Møse Greffe : Adama Dieng Décision rendue le : 9 février 2006 LE PROCUREUR c. François KARERA DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE DE LA DÉFENSE AUX FINS D’UNE ORDONNANCE DE MESURES DE PROTECTION DES TÉMOINS À DÉCHARGE Le Procureur Charles Adeogun-Phillips Memory Maposa Peter Tafah Florida Kabasinga CI06-0006 (F) Traduction certifiée par la SSL du TPIR La Défense Me Carmelle Marchessault Me Peter Kelliher Me Alexandre Bergevin Me Rita Francis 1 Le Procureur c. François Karera, affaire no ICTR-01-74-T LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR LE RWANDA (le « Tribunal »), SIÉGEANT en la personne du juge Erik Møse, désigné par la Chambre de première instance conformément à l’article 73 du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement »), SAISI de la Requête aux fins d’une ordonnance de mesures de protection des témoins à décharge, déposée par la Défense le 1er février 2006, CONSTATANT que le Procureur n’a pas soumis d’observations, STATUE CI-APRÈS sur la requête 1. La requête en prescription de mesures spéciales de protection de l’identité des témoins qui seront appelés par la Défense de Karera a été présentée en vertu des articles 19 et 21 du Statut et 69 et 75 du Règlement. Aux termes de l’article 19 du Statut, le Tribuanl veille à ce que la protection des victimes et des témoins soit dûment assurée au cours du procès. L’article 21 du Statut fait obligation au Tribunal de prévoir dans son Règlement des mesures de protection des victimes et des témoins. Ces mesures comprennent, sans y être limitées, la tenue d’audiences à huis clos et la protection de l’identité des victimes. L’article 75 du Règlement énumère plusieurs mesures concrètes de protection qui peuvent être prescrites, notamment la mise sous scellés ou la suppression, dans les dossiers du Tribunal, du nom de l’intéressé et autres indications permettant de l’identifier, l’emploi d’un pseudonyme pour désigner un témoin et la tenue d’audiences à huis clos. Sous réserve de ces mesures, l’article 69 C) du Règlement prévoit que l’identité des témoins doit être divulguée au Procureur dans un délai lui accordant le temps nécessaire à sa préparation. 2. Les mesures de protection des témoins sont accordées au cas par cas. Selon la jurisprudence du Tribunal de céans et du Tribunal pénal international pour l’exYougoslavie, les témoins en faveur desquels des mesures de protection sont demandées doivent éprouver une crainte réelle pour leur sécurité ou celle de leur famille, et cette crainte doit reposer sur des raisons objectives. Cette crainte peut être exprimée par des personnes autres que les témoins eux-mêmes. Un autre principe qui doit être pris en compte est celui de l’équité du procès, d’après lequel les témoins à décharge et à charge doivent bénéficier de mesures similaires ou identiques1. 3. La Défense de Karera affirme que les témoins à décharge craignent pour leur sécurité et que leur crainte est justifiée par les dangers et l’insécurité dont font état les rapports joints à la requête intitulée « The Prosecutor’s Motion for Protective Measures for Victims and Witnesses to Crimes Alleged in the Indictment (Pursuant to Article 21, Rules 54, 69, 73 and 75) » déposée le 24 novembre 2005. La Chambre se conforme aux décisions antérieures relatives à la protection des témoins à décharge et admet que les témoins à décharge 1 Affaire Bagosora et consorts, Décision sur la Requête de Bagosora en mesures de protection des témoins, 1er septembre 2003, p. 2 ; affaire Bagosora et consorts, Décision relative à la requête de Kabiligi aux fins de protection de témoins, 1er septembre 2003, p. 2 ; affaire Niyitegeka, Décision (Requête de la Défense aux fins de mesures de protection des témoins à décharge), 14 août 2002, p. 4 ; affaire Elizaphan et Gérard Ntakirutimana, Décision relative à la requête du Procureur en prescription de mesures de protection des témoins à charge, 22 août 2000, p. 2 à 4. CI06-0006 (F) Traduction certifiée par la SSL du TPIR 2 Le Procureur c. François Karera, affaire no ICTR-01-74-T éprouvent de telles craintes et que celles-ci reposent sur des raisons objectives2. Elle conclut donc que les conditions requises pour la prescription de mesures de protection des témoins sont réunies. 4. Les mesures demandées par la Défense de Karera sont dans une large mesure identiques à celles déjà accordées aux témoins à charge en l’espèce. Le souci de l’équité du procès et de la simplicité administrative milite fortement en faveur de l’adoption de mesures identiques, qui sont énoncées ci-dessous dans les termes utilisés habituellement pour ce genre de mesures3. 5. La Défense de Karera demande en particulier que la Chambre prescrive des mesures de protection de l’identité des témoins à décharge KBA, BBM, YMK, YCK, BBA et KBG où qu'ils résident et qui n'ont pas expressément renoncé à leur droit de bénéficier des mesures de protection . Conformément à la pratique établie, la Chambre rend une ordonnance générale. La Défense communiquera au Procureur des informations non caviardées 35 jours avant le début de la présentation des moyens à décharge. 6. La demande de la Défense visant à ce que le Procureur lui remette une liste de toutes les personnes au Bureau du Procureur qui auront accès à l’information protégée est rejetée. Le Procureur doit bien sûr veiller à ce que son personnel ne divulgue pas les informations confidentielles à d’autres personnes, mais la façon dont le Procureur s’assure de la nondivulgation de ces informations relève exclusivement de son pouvoir d’appréciation4. PAR CES MOTIFS, LA CHAMBRE PRESCRIT LES MESURES SUIVANTES : 1. La Défense de Karera attribuera à chaque témoin pour lequel elle réclame le bénéfice de l’application de la présente ordonnance un pseudonyme par lequel celui-ci sera désigné dans les procédures devant le Tribunal, dans les communications ainsi que dans les discussions entre les parties et les relations avec le public. 2. Les noms, adresses et lieux de résidence des témoins protégés ainsi que tous autres renseignements permettant de les identifier seront placés sous scellés par le Greffe et ne figureront dans aucun dossier non confidentiel du Tribunal ou autrement accessible au public. 2 Voir les décisions mentionnées à la note de bas de page 1. Voir aussi affaire Semanza, Décision sur la requête de la Défense aux fins de mesures de protection en faveur des témoins (article 75), 24 mai 2001, p. 3 ; affaire Nahimana, Décision relative à la requête de la Défense aux fins d’obtenir des mesures de protection de témoins à décharge, 25 février 2000, p. 3 ; affaire Ruggiu, Décision relative à la requête de la Défense en prescription de mesures de protection en faveur d’un témoin, 9 mai 2000, p. 3. 3 Dans l’affaire Karera, les mesures de protection en faveur des témoins à charge sont prescrites dans la Décision relative à la requête du Procureur en prescription de mesures de protection des témoins, 1er décembre 2005. 4 Bagosora et consorts, Decision Amending Defence Witness Protective Orders, Chambre de première instance, 2 décembre 2005, par. 5 (appliquant la décision rendue dans cette même affaire et intitulée « Decision on Interlocutory Appeals of Decision on Witness Protection Orders », Chambre d’appel, 6 octobre 2005). CI06-0006 (F) Traduction certifiée par la SSL du TPIR 3 Le Procureur c. François Karera, affaire no ICTR-01-74-T 3. Au cas où les noms, adresses et lieux de résidence des témoins protégés ainsi que tous autres renseignements permettant de les identifier apparaîtraient dans les dossiers publics du Tribunal, ils devront être expurgés desdits dossiers et mis sous scellés. 4. La Défense de Karera communiquera au Greffe sous le sceau de la confidentialité l’identité des témoins protégés, ces renseignements n’étant pas communiqués au Procureur, sauf s’il en est décidé autrement. 5. Il est interdit de faire ou de diffuser des enregistrements sonores ou vidéo des témoins protégés ou de faire des photos ou des croquis de ceux-ci, sauf autorisation de la Chambre ou du témoin concerné. 6. Avant toute prise de contact avec un témoin à décharge, le Procureur ou un membre de son Bureau agissant en son nom devra aviser par écrit la Défense de Karera ; si le témoin y consent, la Défense prendra les dispositions nécessaires pour faciliter ce contact. 7. Le Procureur gardera confidentiellement en sa possession tous les renseignements permettant d’identifier un témoin visé par la présente décision et ne communiquera, ne discutera ni ne divulguera ces renseignements, directement ou indirectement. 8. La Défense de Karera pourra ne pas communiquer au Procureur l’identité de tous les témoins protégés et caviarder temporairement dans les documents qu’elle communiquera au Procureur leurs noms, adresses et lieux de résidence ainsi que tous autres renseignements permettant de les identifier. Elle devra toutefois communiquer ces renseignements au Procureur 35 jours avant le début de la présentation des moyens à décharge, afin d’accorder à celui-ci le temps nécessaire à sa préparation comme le prévoit l’article 69 C) du Règlement. Arusha, le 9 février 2006 [Signé] Erik Møse Juge [Sceau du Tribunal] _____ CI06-0006 (F) Traduction certifiée par la SSL du TPIR 4