Dossier pédagogique - Compagnie illico echo

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Dossier pédagogique - Compagnie illico echo
Dossier pédagogique
présente
NOÉ 2.0
une création de la compagnie illico echo
Spectacle tout public à partir de 10 ans. Durée environ 1h10.
Ce document aide la compréhension du texte et l’expérience théâtrale. Il est
destiné aux enseignants et aux élèves. L’enseignant peut choisir les parties qu’il
souhaite partager avec ses élèves.
Sommaire :
L’expérience théâtrale :
- Le voyage
La pièce Noé 2.0 :
- Les personnages principaux
- L’histoire
- Extrait de la pièce
Documents annexes pour la compréhension du texte :
- L’industrie agroalimentaire
- Les origines de l’Arche de Noé
- Vocabulaire
- Sources/Inspiration
Déroulement des ateliers de pratique théâtrale.
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Le voyage
Le voyage c’est le spectacle. Pendant le voyage il nous arrive des aventures, des émotions nous
traversent, nous rêvons, nous nous imaginons, nous sommes heureux, puis déçus, et nous nous
posons plein de questions…
Le plus important c’est de se laisser aller dans ce rêve, suivre la poésie qui naît de ce moment
exceptionnel. Mais avant tout, préparons ce voyage et, après là tombée du rideau, parlons et
partageons les expériences que nous avons vécues pendant ce voyage.
Les personnages principaux
Noé : Il vit dans une ferme isolée avec sa famille. Son père travaille sur un bateau de pêcheur, son
grand père radote toujours la même histoire, Noé aide donc sa mère de son mieux en s’occupant des
animaux. Il n’a pas beaucoup d’amis car les voisins ont déserté les environs, mais il adore travailler
dans la ferme. C’est un garçon très vif de par ses responsabilités d’adulte.
Papyno : Grand-père de Noé. Il a près de 5000 ans et a sauvé le monde d’un premier déluge. Quand
les eaux sont redescendues, il a installé sa maison là où son Arche avait échoué. Il vit maintenant
en autarcie avec sa famille dont son petit-fils Noé, cultivant les terres aux alentours et élevant les
bêtes restées auprès d’eux.
Poule : On l’appelle aussi Vedette parce qu’elle a gagné un concours. Coquette, elle laisse volontiers
la garde de ses poussins à Papyno.
Cochon : C’est un vrai militant. Le droit de chacun est très important pour lui. Il veut protéger tout
le monde, mais en même temps c’est un peureux.
Vache : La vraie « mère-poule » de l’histoire. Pleine de compassion pour les autres et curieuse
de ce qui l’entoure. Tout le monde se moque d’elle en raison de son poids. En réalité elle fait plein
d’activités. Elle est aussi très naïve. On l’appellera Gallinette quand elle se fera passer pour une
poule.
Gaia : Fille unique de Mme Indus. Elle habite avec sa mère dans une bulle protégée à l’intérieur de
l’usine. C’est une virtuose du monde virtuel, des jeux vidéo et des technologies. Sa chambre est
pleine d’écrans. Elle n’a aucun ami « réel ».
Mme Indus : Une vraie femme de pouvoir, elle est à la tête de la grande industrie d’élevage de
poule : Miam Délice. Son travail est toute sa vie.
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L’histoire
Un jour, une ferme gigantesque s’est implantée à côté de celle de la famille de Noé, l’encerclant peu
à peu.
Depuis, la petite famille constate un changement dans la qualité de l’air et de l’eau, la composition
des sols, le rythme des saisons. Les récoltes s’appauvrissent, bêtes et hommes souffrent de maux
étranges. La mère de Noé tombe gravement malade. Si seulement il s’arrêtait de pleuvoir !
Papyno ne cesse de prédire un nouveau Déluge. Pour Noé ce ne sont que des histoires, bonnes pour
les poissons. Il a bien d’autres préoccupations. Déterminé à trouver des médicaments pour soigner
sa mère, il se met en route pour « la ferme d’à côté ».
Accompagné de ses amis Poule, Vache et Cochon, le garçon pénètre dans ce qui s’avère être un
élevage industriel. Devant l’immensité du complexe, le groupe se sépare. Leur quête commence…
Mais les choses ne se dérouleront pas comme prévu. Des salles d’élevage en passant par le
laboratoire, du centre de vidéosurveillance à l’abattoir, la petite bande va découvrir la réalité d’une
industrie qui dévore les animaux aussi bien que les hommes.
Heureusement Noé fait la connaissance de Gaïa.
Réussira-t-il à s’évader, à retrouver ses amis et à construire une Arche pour sauver ses animaux et
sa famille ? Fuir, est-ce une solution ?
Extrait 1 : Genèse
Papyno : Je vous ai parlé de mon petit-fils ? Il s’appelle Noé, comme moi, pour le souvenir.
Noé apparaît dans un point de l’espace
Maman va mal.
Noé :
Je suis inquiet. Elle a tellement de symptômes.
Frissons.
Eternuements.
Nausées.
Elle a de la fièvre, tellement de fièvre.
Elle n’a plus la force de parler.
Et Papa qui n’est pas là.
Je ne sais vraiment pas quoi faire.
Je vais rassembler tout le monde.
C’est la merde.
(…)
Papyno :
La Terre va mal.
En tout cas elle ne va pas bien.
Tremblements de Terre.
Ouragans.
Tsunamis.
Fièvre.
Elle parle. Mais nous ne savons pas écouter.
Je vais encore devoir sauver le monde.
C’est le Déluge.
Noé, rejoignant Papyno : Papyno, il faut qu’on parle. Maman est très malade.
Papyno : La Terre aussi. Quand Papa reviendra, on mettra l’Arche à flot et on partira.
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Noé : On ne peut pas attendre Papa pour soigner Maman !
Papyno : On prendra aussi les animaux, et un exemplaire de tout ce qui existe.
Noé : Tu m’écoutes ? Elle est au plus mal.
Papyno : Ça fait 10 ans que je le dis.
Noé : Pas la Terre, Maman.
Noé : « C’est le Déluge… »
Papyno : C’est le Déluge ! La Terre est au plus mal…
Noé : Pfff …
Papyno : Pour l’instant on ne voit pas le changement mais un jour… bientôt… Elle va nous pleuvoir
à la gueule !
Extrait 2 : A.G.
(…)
Noé : S’il vous plaît ! La situation est grave. Ma mère est malade. Il faut des médicaments. Pour
cela, il faut de l’argent. Malheureusement, la moitié de la récolte a pourri sur pied… Nous n’avons
pas de légumes en trop cette année. Je vais devoir vendre l’un d’entre vous.
Poule/Vache/Cochon : Vendre l’un d’entre nous ?!
Cochon : Les animaux, toujours les animaux ! Dis, pourquoi tu serais exclu des négociations ? Je
propose qu’on vende Noé.
Vache : Voyons, c’est sa mère qui est malade.
Poule : Justement, c’est sa mère qui est malade.
Noé : Ta requête paraît équitable, Cochon. Nous allons procéder à un vote. Qui est pour qu’on me
vende ? Levez la main ? Aucune main pour. Qui est contre ? (Il lève la main) Moi, ce qui fait une voix.
Une voix contre, zéro voix pour. Je ne fais pas partie du marché. La démocratie a parlé.
Vache : Comment on fait pour lever la main quand on n’en a pas ?
Cochon : De toute façon, la démocratie c’est la dictature de la majorité !
Extrait 3 : Elevage.
Noé : Vous êtes combien ?
Clone 2 : Des dizaines. Clone 1 : Des milliers.
Clones : Des dizaines de milliers.
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Clone 1 : C’est select quoi. Si t’as pas de numéro tu rentres pas. Il est où ton numéro ?
Clone 2 : Mais nan, il a pas droit au numéro, lui. C’est un zhumain.
Clones : T’es un zhumain de ménage, c’est ça ?
Clone 2 : Ou un zhumain de médoc ? Tu fais quoi dans la vie ?
Noé : Rien, j’ai 11 ans.
Clone 1 : Hein ? Le dinosaure ! Ça va Papy, tu vas pas nous claquer dans les pattes ?
Noé : Très drôle, trois ans d’âge mental.
Clone 2 : Ci-mer, on a un mois et dix jours.
Noé : Vous êtes des bébés ! Vous devriez dormir. Je vais éteindre. Où est la lumière ?
Clone 1 : « Vous devriez dormir ». Allô Papy, c’est samedi soir.
(...)
Clone 2:
Clone 1:
Tu ne sais pas ce qui est bon ! Gras. Huiles industrielles.
Tourteaux de soja,
Vitamines,
Accélérateurs de croissance,
Farines animales.
Médicaments.
garanti OGM
Des tas
Des tas.
Des tas.
Clone 2 : Des tas. Pas n’importe lesquels, hein. Des gentil-biotiques. Un zhumain n’a pas le droit d’y
toucher. C’est very réservé. Les gentil-biotiques c’est pas automatique !
Clones, stone : Oh le kiffe. Je plane.
Noé : On dirait que vous êtes drogués.
Clone 1 : Détend-toi Papy. C’est thérapeutique. Il se marre.
Noé : Vous êtes malades ?
Clone 1 : Ben ouais. Tu vois le poulet à l’autre bout là ? Il a failli mourir, hein.
Clone 2 : Ben ouais. Franchement on rigole pas avec la santé. Oh, je vole !
Clone 1 : Ouais gros !
Noé : Vous êtes drogués.
Clone 2 : Tout de suite les grands mots…
Clone 1 : Médicaments, nourriture, drogue… Au final tout ça ce sont des molécules.
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Clones : Les mêmes molécules.
Noé : C’est grave à votre âge.
Clone 1 : Tu sais quoi, Papy ? Tu deviens pénible. T’es vieux, tu fais pas le ménage… Tu sers à rien.
Peut-être qu’on devrait te bouffer toi aussi ?
Ils se rapprochent de manière menaçante.
(…)
Extrait 4 : Laboratoire.
Vache, entre et observe l’agronome : Qu’est-ce que vous fabriquez ?
Agronome : Des poulets.
Vache : Ça tombe bien, je suis une poule. Cot-cot.
Agronome : Une poule avec des dents ! Tu as un matricule ?
Il la flashe.
Vache : Je m’appelle Gallinette. Je suis là pour la visite. La visite médicale ?
Agronome : Ah oui, Mme Indus m’a mis au courant. Bon, ce qui saute aux yeux, c’est qu’avec ta
taille, on t’utilisera aussi pour ta chair. Belle rentabilité.
Vache : Ça veut dire cot-cot ?
Agronome : Tu fais des œufs et à la fin on te bouffe. J’imagine que si tu es une poule, tu fais des
œufs? Combien tu peux en pondre ?
Vache : Cot-cot. Je ne sais pas trop… En tout cas je donne 1000 litres de lait par an.
Agronome : Tu fais du lait aussi ? Ça, on va tenter de le refaire.
Vache : Oui enfin cot-cot. Il me faut des petits à élever pour donner du lait.
Agronome : Toi, on va te faire avoir plein de petits ! Tu pourrais me faire un œuf, juste là comme ça,
que je vois la taille que ça a ?
Vache, mal à l’aise : Je n’aime pas trop qu’on me regarde cot-cot quand je fais ça…
Agronome : Allez quoi, il suffit de pousser.
Vache essaie de pondre un œuf.
Agronome : Bon, ça prend du temps, c’est pas top. Je mets ça dans les choses à améliorer. Il y en a
d’autres, comme toi ?
Vache : Je ne crois pas. Papyno dit que je suis unique en mon genre.
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Extrait 5: Une rencontre
Gaïa, voit s’approcher Noé : Un nouveau jeu interactif ?
Noé, sursaute : Qui es-tu ?
Gaïa : Un jeu d’énigme ! J’adore ! Je suis Gaïa.
Noé : Où est-ce que je suis tombé encore ?
Gaïa : Qu’est-ce que c’est bien fait…
Noé : Non mais ; je suis vrai. Je m’appelle Noé.
Gaïa : Gaïa ! Viens, on joue.
Noé : D’accord.
Gaïa, active le jeu : Ca c’est ma planète.
Noé : C’est beau.
Gaïa : Il y a des choses en plus depuis la dernière fois !
Noé : Ta planète se développe toute seule ?
Gaïa : On dirait. Par contre je ne vois plus les dinosaures. On va les chercher.
Mme Indus, dans un point de l’espace : Salut ma chérie !
Gaïa : Maman, où sont mes dinosaures ?
Mme Indus : Je ne sais pas, si tu ranges ta planète comme ta chambre…
Noé : Je les ai trouvés ! Par contre ils sont morts.
Mme Indus : Ce sont mes Homos qui ont fait ça. Ils ont inventé les armes. Tout seul !
Gaïa : Tes « Homos » ?
Mme Indus : Homo Industrialis.
Gaïa : C’est bizarre « Homos »
Mme Indus : « Homins’ » alors.
Gaïa : Je t’avais dit de laisser des dinosaures ! Bon, on va les recycler. Je les mets en terre… Quel
gâchis, tes joueurs pourraient au moins les manger.
Mme Indus : Ils préfèrent ça, ces petites choses à fourrure. C’est vrai que c’est bon.
Noé : Ça vous dérange si je mets ces fleurs noires sur leurs tombes ?
Gaïa : Non c’est bien. Maman, je te présente Noé, il joue avec nous.
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Extrait 5bis: Une rencontre (la suite)
Gaia : Non c’est bien. Maman je te présente Noé, il joue avec nous.
Mme Indus : Mes Homins’ s’intéressent aux fleurs noires. Forcement : elles ne poussent pas sous leur
latitude. Bravo Zoé, tu viens d’inventer l’offre et la demande. Je te félicite ! Je crée des expéditions,
je vais me faire plein d’argent !
Gaia : On partage ?
Mme Indus : Désolé ma chérie tu n’as pas déposé d’acte de propriété pour tes fleurs. Elles sont à
moi maintenant.
Noé : Il fait froid, non ?
Gaia : Parce qu’il n’y a quasiment plus de fleurs noires maintenant ! J’en remets mais ne les arrachez
pas !
Mme Indus : Gaïa, tu nous ennuies avec tes fleurs !
Gaïa : Elles absorbent la chaleur du soleil.
Noé : J’enseigne aux Homins’ comment les cultiver.
Gaïa : J’en reviens pas ! IIs nous font des doigts d’honneur !
Noé : Je crois que si ce n’est pas rentable ça ne les intéresse pas.
Mme Indus : Ils ont tout compris !
Gaia : Les petites bêtes à fourrures meurent de froid.
Mme Indus : Elles n’ont qu’à inventer le feu, comme mes joueurs.
Gaïa : Mais Maman, on joue tous ensemble !
Mme Indus : Ah bon ? Comment on marque des points alors ?
Gaïa : Il n’y a pas de points.
Mme Indus : Ah bon ? Comment on gagne alors ?
Gaïa : On ne gagne pas.
Mme Indus : Ah bon ? Pourquoi on joue alors ? C’est moi qui t’ai offert ça ?
(…)
Mme Indus : Alors je n’ai pas le droit de gagner mais perdre je peux ? Ce jeu est complètement
stupide. Crtl, Alt, Supprimé !
Elle débranche tout et disparaît.
Gaïa, à sa mère : Je m’en fous ! Ma planète va continuer toute seule, elle n’a pas besoin de nous !
Noé : Tu crois qu’un jour, il nous arrivera la même chose ? Avec tout ce qui se passe. Parfois j’ai
l’impression que nous ne sommes plus les bienvenus. Je crois que mon papy a raison. La Terre est
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en train de nous dire quelque chose…
Gaïa, riant : C’est ça ouais, « la Terre me parle… » Il est tard, tu devrais rentrer chez toi.
(…)
Extrait 6: Le dîner
Mme Indus : A table !
Gaïa : Qu’est-ce qu’on mange ?
Mme Indus : Un poulet de Maman ! Tu voulais absolument goûter. Du bon poulet, tout frais surgelé.
Tu n’aimes pas ma chérie ?
Gaïa : (elle sent, elle grimasse) Il y a quoi dedans ?
Mme Indus : Prends la boîte et dis-moi.
Gaïa : Poivrons, 9%.
Mme Indus : Ces petits carrés, là.
Gaïa : Où ça ?
Mme Indus : Approche-toi bien.
Gaïa : Ah oui ! Poulet…
Mme Indus : En petits morceaux. Goûte, c’est le poulet de Maman.
Gaïa : Et aussi : épaississant, stabilisant, antioxydant…
Mme Indus : Chut-chut-chut, ça doit être la notice en langue étrangère. Tu sais qu’on nourrit le
monde ma chérie.
Gaïa : Hé bien le monde n’a pas de chance. C’est ça que les gens mangent ?
Mme Indus : Tu exagères ! Pense aux petits africains qui meurent de faim.
Gaïa : J’y pense… Maman ?
Mme Indus : Quoi encore ?
Gaïa : On fait partie des animaux, alors comment on sait qu’on est différent ?
Mme Indus : Parce que nous sommes des animaux particuliers. Le carré est un rectangle particulier.
Or, le carré est un rectangle, mais en mieux. Donc…
Gaïa : Donc nous sommes des animaux, mais en mieux.
Mme Indus : Exactement !
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Documents annexes pour la compréhension du texte
L’industrie agroalimentaire
L’engrenage du développement de l’industrie agroalimentaire est un enjeu vital pour l’humanité.
La pollution, le réchauffement climatique, le dérèglement des saisons, la mise en danger de la biodiversité, la disparition des producteurs locaux constituent des problèmes qui vont en s’aggravant.
À plus petite échelle, nous pouvons nous demander simplement d’où vient ce que nous avons dans
notre assiette, comment les animaux destinés à notre consommation ont-ils été nourris et traités,
et conclure par la question suivante : devient-on ce que l’on mange … ?
Née au début du XXe siècle, précurseur des fameuses chaînes de montage reprises avec le succès
que l’on sait par Henry Ford, l’industrie de la viande s’est développée après la 2nde Guerre Mondiale.
Il a alors fallu trouver un moyen de production suffisamment rapide et efficace pour nourrir une
population épuisée, meurtrie et affamée. La parcellisation du travail et le rendement étaient nés.
L’industrie de la viande a eu pour ambition réussie d’augmenter de manière significative le niveau
de vie d’une très large catégorie de population. La viande, autrefois réservée à une élite, était
désormais accessible à tous, quelle que soit sa catégorie sociale.
Comment cela a-t-il été possible ? Grâce aux conditions d’élevage et d’abattage, aux antibiotiques,
aux manipulations génétiques...?
Les animaux qui finissent dans nos assiettes n’existeraient pas dans la nature si nous ne les avions
pas soigneusement sélectionnés et transformés.
« Tout est transparent », mais il est plus dur de pénétrer dans des zones d’abattage que dans des
centrales nucléaires. La propreté doit être irréprochable, mais les usines se noient dans un trop-plein
de déchets organiques qui empoisonnent peu à peu eaux et sols. On prétend « nourrir le monde »,
mais l’industrie agroalimentaire participe activement à l’aggravation de la famine. Aujourd’hui, elle
semble surtout raisonner en termes de bénéfices, au détriment de la qualité.
Actuellement en Europe on autorise la réintroduction de farines animales pour nourrir les poissons
d’élevage, au moment même où l’on retrouve de la viande de cheval dans des plats estampillés pur
bœuf.
L’utilisation du Déluge pour évoquer la crise écologique nous permet de montrer la Nature
autrement que comme une victime. Comme le réchauffement planétaire, le mythe a des origines
anthropiques. L’homme a causé son propre malheur.
A travers les phénomènes climatiques extrêmes qui vont aller en augmentant, on sort également de
la vision romantique selon laquelle la Nature vaste, immuable et inerte a la capacité de se remettre
de tout. Certes elle se remettra, mais à quel prix ? Les plus grands climatologues estiment que la
moitié du vivant disparaîtra. Dont l’espèce humaine. Ce ne serait pas la fin du monde mais celle de
l’Homme.
La Nature se tient donc plutôt comme une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes.
Elle nous révèle un peu plus chaque jour sa puissance d’action, nous remettant à notre place d’hôtes
éphémères d’une planète qui était et sera toujours là, bien après nous.
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On peut se demander enfin si en tant qu’espèce dominante, nous avons réellement tous les droits
sur notre environnement et ceux qui le peuplent. Les géologues nous font entrer doucement dans
l’ère de l’Anthropocène. Aujourd’hui en effet, l’homme façonne la planète bien plus que les volcans.
Mais cette appellation apparemment flatteuse ne nous donne-t-elle pas plutôt une responsabilité
accrue vis-à-vis des autres espèces, et plus largement du Vivant ?
Les origines de l’Arche de Noé
Les mythes du Déluge, qui racontent comment le monde a été détruit et l’humanité anéantie, sont
presque universellement connus. Bien que rares en Afrique, ils sont présents en Inde, en Iran, en
Asie du Sud-Est, en Mélanésie et en Polynésie, en Australie, en Amérique du Nord et du Sud.
Aucun de ces mythes de la fin du monde n’est radical : à la destruction succède toujours la
régénération.
Les tablettes sumériennes, qui datent du XVIIème siècle avant J-C, sont la première trace écrite
de l’histoire d’un bateau construit pour échapper au Déluge, pendant lequel une pluie torrentielle
s’abat sur la Terre durant sept jours.
Le nom du Noé sumérien est Ziusudra, dernier des rois anté-diluviens de Sumer. Alors que les dieux
ont décidé d’anéantir l’humanité par un déluge, le dieu Enki lui apparaît en rêve et lui conseille de
construire un bateau.
Bien que les noms des personnages et des dieux changent selon les civilisations et les époques,
cette histoire réapparaît ensuite à plusieurs reprises.
Chez les Babyloniens, auxquels les Hébreux empruntent probablement leur version du mythe
du Déluge, cette histoire apparaît d’abord dans l’épopée d’Atrahassis, puis dans la XIe tablette
de l’épopée de Gilgamesh. Cette dernière version est la plus complète des versions antérieures à
l’Ancien Testament qui nous soit parvenue.
Bien qu’ayant juré aux autres dieux de garder le secret de leur décision, Ea, dieu des eaux douces et
protecteur des humains, prévient Utnapishtim, en lui parlant à travers la paroi de roseaux qui forme
le mur de sa maison. Il lui conseille de démolir sa maison pour en faire un bateau afin de sauver sa
famille, un artisan de tous les métiers, et des spécimens de tous les animaux.
Mais pour quelles raisons ce Déluge est-il provoqué ?
Dans les versions babyloniennes, les dieux créent initialement les hommes afin de pouvoir s’adonner
à l’oisiveté pendant que ces derniers travailleraient pour les nourrir. Mais au fur et à mesure, les
hommes deviennent de plus en plus nombreux et bruyants, empêchant par-là les dieux de se
reposer. Ces derniers se réunissent alors en conseil et décident d’exterminer les humains.
Dans la version biblique, Dieu décide d’anéantir les hommes pour les punir de leur méchanceté.
Seul Noé, homme réputé pour être juste, échappe à sa colère : lui et sa famille, ainsi que toutes les
espèces animales, survivront au Déluge. Selon la tradition juive tardive, Dieu aurait renouvelé à
Noé, après le Déluge, le don des six lois qu’il avait fait à Adam pour toute l’humanité. Une septième
y est ajoutée concernant le droit de manger les animaux.
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Vocabulaire
Agronomie1 : Etude scientifique de tous les processus concernant l’agriculture.
Farine animale1 : Substance pulvérulente obtenue par traitement et broyage de certains produits
d’origine animale et qui peut être utilisée dans l’alimentation des animaux ou pour la fabrication
d’aliments destinés aux animaux. OGM1: Abréviation de organisme génétiquement modifié.
Piéçage: L’ultime opération de découpe. Il s’agit du produit final qui sera commercialisé en l’état
dans les réseaux de distribution.
Pesticide1 : Se dit d’un produit chimique utilisé pour la protection ou le traitement des végétaux.
Traçabilité1 : Possibilité de suivre un produit aux différents stades de sa production, de sa
transformation et de sa commercialisation, notamment dans les filières alimentaires.
Transgénique1 : Modification du génome d’un être vivant par introduction d’un fragment d’A.D.N.
au stade d’ovule ou de jeune embryon (La transgenèse est actuellement interdite chez l’homme.)
Toxine1 : Poison rencontré chez certains organismes vivants. Substance toxique élaborée par un
micro-organisme et responsable de la capacité de celui-ci à provoquer une maladie.
Sexage1 : Détermination du sexe des jeunes animaux dès leur naissance, en particulier dans les
élevages industriels de poussins.
Sources
1. http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais
2. http://www.groupeevs.eu/nos-savoir-faire/nos-metier/le-piecage/
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Sources/Inspirations.
Nous avons lu de nombreux ouvrages signés par des scientifiques, des journalistes ou des philosophes
sur l’industrie agro-alimentaire, la climatologie ou le lobbysme et visionné plusieurs documentaires.
Toutes ces sources (parmi lesquelles Naomi Oreskes, James Lovelock, Valérie-Masson-Delmotte, Bruno
Latour, Fabrice Niccolino et d’autres) nous ont permis de construire un socle stable et cohérent sur
lequel bâtir notre spectacle. Mais nous ne prétendons pas être des spécialistes. Noé 2.0 est une réaction
artistique à ce qui nous semble être un problème qui relève autant de la responsabilité individuelle que
collective.
D’un point de vue plus esthétique, accordons une pensée à tous les créateurs qui se sont interrogés
sur notre civilisation, colosse aux pieds d’argile. Les supports sont multiples (dessins-animés,
musiques, romans ou films d’anticipation) et le sujet fascine depuis des décennies. Surpopulation
et épuisement des ressources naturelles, voici quelques exemples….
- Soleil Vert (Soleynt Green), film de Richard Fleischer d’après le roman éponyme d’Harry Harrison.
Sous la canicule qui a détruit la faune et la flore, faisant exploser le coût des aliments naturels,
connaît-on vraiment la composition de ce qui reste à manger ?
- Saison Brune, roman graphique de Philippe Squarzoni. Une enquête minutieuse sur la réalité du
réchauffement climatique. L’auteur et narrateur, très ignorant du sujet, apprend, comme nous,
pas à pas et bascule de l’inquiétude à la révolte. Le chemin d’un homme pris par ses propres
contradictions.
- La Folle Semence (The Wanting Seed), roman d’Anthony Burgess. Par l’auteur de l’Orange
Mécanique. La Terre est épuisée par la surpopulation. Les Etats – il n’en reste que deux ! – encouragent
l’homosexualité et briment les naissances. Le cannibalisme n’est pas loin…
- La Jungle (The Jungle), roman naturaliste d’Upton Sinclair. Une plongée ahurissante dans les
abattoirs de Chicago en 1905. Journaliste, Upton Sinclair a enquêté pendant des semaines au cœur
de l’industrie de la viande, dans les Union Stock Yards. Sinclair pensait tirer une sonnette d’alarme
sur les conditions de vie et de travail dramatiques des ouvriers immigrés, ses lecteurs n’ont retenu
que le scandale alimentaire. « Je visais le cœur des gens, écrit Sinclair dans son autobiographie, et
j’ai malencontreusement touché leur estomac ».
- South Park, Les Poux (Lice capades), S11E03. Parallèle surprenant et jeux d’échelles. Un organisme
vivant qui lutte pour se débarrasser d’hôtes devenus trop gourmands. Non, ce n’est pas le
réchauffement climatique, c’est Kenny qui a des poux !
- Frankenstein ou le Prométhée Moderne (Frankenstein or the Modern Prometheus), roman gothique
de Mary Shelley. Pour la vision de la Nature, personnage à part entière, dont la beauté et la puissance
inspirent la crainte. Pour la vision de l’homme, dont la mégalomanie est punie à force de jouer avec
les frontières sacrées de la Vie. Le véritable péché ici est moins d’avoir créé un monstre que de
l’avoir abandonné, se détournant de lui et le livrant à la solitude.
- Chantecler, pièce de théâtre d’Edmond Rostand. La vie quotidienne d’une basse-cour sur laquelle
règne le coq Chantecler. Et pour cause, il est persuadé, par son chant, de faire se lever le soleil.
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- L’île du docteur Moreau (The Island of Dr. Moreau), roman de science-fiction d’H.G. Wells. Réflexion
angoissante sur la vivisection et les relations entre hommes et animaux. Sur son île, le Dr Moreau
mène d’effroyables expériences de greffes et de transfusions sanguines sur des animaux afin d’en
faire des êtres rationnels doués de parole. Ces hommes-bêtes vénèrent et obéissent à la Loi dictée
par le docteur. Jusqu’au jour où celui-ci est sauvagement assassiné par l’Homme-Puma…
- La Ferme des Animaux (Animal Farm), apologue de George Orwell. Bien qu’il s’agisse plus
précisément d’une satire du stalinisme, on ne peut qu’être sensible à ces dictateurs déguisés en
cochons, ces loups dans la bergerie. L’être humain aurait-il complètement renié sa part d’animalité,
qui le relie pourtant à toutes ces espèces qu’il estime inférieures ?
- Vers la sobriété heureuse et Manifeste pour laTerre et l’humanisme, de Pierre Rahbi. Les témoignages
bouleversants d’humilité d’un humaniste au parcours extraordinaire.
- Et bien sûr, le mythe de Prométhée. Créateur des hommes. Pour les distinguer des autres animaux
qui ont reçu vélocité ou force, Prométhée dérobe le feu sacré de la vie, le savoir divin. Aujourd’hui,
déterminer qu’est-ce qui, au juste, constitue le propre de l’homme est une question essentielle de
l’éthique animale. Peut-on vraiment disposer d’un être dont on sait qu’il aime, souffre, rit, utilise
des outils, est organisé en société complexe et développe même une conscience de soi ? Même s’il
le fait à un degré moindre du nôtre ?
- Le mythe du Déluge, dont nous allons parler plus en détails.
COMPAGNIE ILLICO ECHO © 2014 | 14
Un document annexe plus détaillé est mis à disposition pour
découvrir les différents modules d’ateliers proposés.
Les ateliers commencerons dès 2015 et la tournée du spectacle à partir de Février
2016.
Pour toutes informations supplémentaires, concernant le spectacle, les ateliers et
les tarifs n’hésitez pas à nous contacter :
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