La neurostimulation médullaire dans les douleurs neuropathiques

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La neurostimulation médullaire dans les douleurs neuropathiques
La neurostimulation médullaire dans les
douleurs neuropathiques chroniques
Par Philippe Brissaud (Rhumatologue libéral, Paris)
Le principe de la neurostimulation médullaire est simple. Il s’agit de stimuler, avec
une électrode implantée dans le canal médullaire, les cordons postérieurs de la
moelle et donc les fibres sensitives de gros calibre ce qui rétablit un contrôle soussegmentaire de la douleur (théorie du gate control).
Les stimulations transcutanées reposent sur le même principe mais leurs effets sont
beaucoup moins bons et les résultats très aléatoires.
Physiopathogénie
Base et historique de la thérapie par stimulation médullaire
Voies anatomiques de la douleur
On distingue :
Des fibres fines (faiblement ou non myélinisées) à conduction lente (1 à 5m/sec)
activée par une stimulation intense : fibres A δ et C nociceptives
Des grosses fibres (myélinisées), à conduction rapide (40 à 100m/sec),
réagissant à de faibles stimulations : fibres Aα et Aβ qui véhiculent la sensation
tactile
Les mécanismes des douleurs neurogènes
Par opposition aux douleurs dites par excès de stimulation nociceptive, les douleurs
neurogènes sont secondaires à des lésions partielles ou complètes du système
nerveux périphérique et/ou central, et ne s’accompagnent pas de lésions tissulaires.
On distingue deux types de douleurs neurogènes, selon l’origine et le lieu de la
lésion :
• Les douleurs neurogènes secondaires à une lésion nerveuse périphérique :
radiculopathie chronique chez un patient multi-opéré du rachis, plaie des nerfs
post-traumatique, accidentelle ou iatrogène, amputation créant une douleur du
membre fantôme ou algo-hallucinose, douleur ischémique périphérique,
dystrophie sympathique réflexe, arachnoïdite
Les douleurs centrales sont secondaires à une lésion nerveuse centrale : zona,
traumatismes médullaires, syndrome thalamique,…
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Ces douleurs neuropathiques sont rebelles aux traitements antalgiques et
notamment ne répondent pas ou peu aux opiacés.
Leur traitement pharmacologique repose sur l’utilisation d’anti-épileptiques et
d’antidépresseurs tricycliques associés aux myorelaxants, à la physiothérapie voire
aux antalgiques de niveau II.
Souvent la neurostimulation transcutanée ou TENS est la dernière étape médicale.
Si elle est efficace, son efficacité finit par s’épuiser et les patients se retrouvent de
nouveau dans une impasse thérapeutique.
Base de la thérapie par stimulation médullaire
La thérapie par stimulation médullaire est basée sur une théorie appelée théorie du
“Gate Control” ou théorie du passage contrôlé de la douleur.
L’électrode de stimulation médullaire, positionnée dans l’espace épidural sur la duremère, déclenche l’inhibition de la douleur en stimulant les fibres nerveuses non
douloureuses.
La stimulation produite par le système de stimulation médullaire couvre la sensation
de douleur par une sensation de paresthésie. L’objectif de cette thérapie consiste
donc à masquer la douleur sans en supprimer sa cause.
Les différentes étapes du traitement
Sélection des patients
L’indication est celle de douleurs neuropathiques chroniques rebelles aux
traitements habituels.
Il faut donc tout d’abord évaluer correctement la douleur et ses différentes
composantes, lésionnelle, psychologique et sociale.
Il faut que la douleur soit essentiellement neurogène, donc neuropathique.
En rhumatologie, les indications sont donc simples :
radiculalgie post-opératoire (patients multi-opérés), lésions médullaires
si la douleur neurogène est plus intense que la douleur rachidienne
si les traitements habituels sont restés inefficaces
en l’absence de troubles psychiatriques
état cognitif convenable
absence de procédure juridique en cours
prise en charge globale conjointe avec une équipe habituée
Ainsi plus de 4 000 patients pourraient bénéficier de ce système en France mais
seulement 330 ont été implantés en 2001. Plusieurs raisons expliquent cette
insuffisance de prise en charge : l’éparpillement des patients chez de nombreux
spécialistes, la limitation des budgets hospitaliers et le manque d’information des
médecins.
Il faut proposer cette méthode à un moment favorable dans la vie socioprofessionnelle du patient en lui expliquant bien que ce système ne supprime pas la
cause de la douleur mais permet de la contrôler.
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Depuis le 20 Septembre 2002, la stimulation des cordons postérieurs de la
moelle est prise en charge par la sécurité sociale (JO du 20 Septembre 2002)
pour les patients atteints de :
douleurs chroniques irréductibles après échec des autres moyens
thérapeutiques, secondaires à :
des radiculalgies chroniques (sciatalgies, cruralgies, cervico-brachialgies)
une lésion nerveuse périphérique, post-traumatique ou post-chirurgicale
une amputation (algo-hallucinose)
un syndrome régional douloureux complexe (dystrophies sympathiques
réflexes, causalgies périphériques)
douleurs ischémiques périphériques type artérite de stade III, IV
Niveau médullaire
Il est possible de poser une électrode à tous les niveaux du rachis, même en
cervical, mais l’efficacité est maximum en dessous de D8 en raison de la faible
distance entre les cordons postérieurs et la dure-mère.
Autres indications
Cette méthode est aussi utilisée pour les douleurs sévères des artériopathies
chroniques des membres inférieurs et a été proposée dans certains cas de
coronarite rebelle chronique.
Phase de test
♦
TENS
La stimulation transcutanée ou TENS représente toujours la 1ère étape thérapeutique.
Ce n’est qu’après échec, inefficacité partielle ou transitoire ou intolérance que l’on
propose dans un 2e temps la stimulation des cordons postérieurs de la moelle.
L’efficacité de la stimulation transcutanée n’a qu’une valeur prédictive limitée : si l’on
a observé une efficacité significative mais transitoire, il est vraisemblable que la
stimulation médullaire sera efficace. En revanche, en aucun cas, l’inefficacité de la
stimulation transcutanée ne doit être interprétée comme une contre-indication à la
stimulation médullaire.
♦
Stimulation test
Sous anesthésie péridurale, l’électrode est posée en épidurale et testée.
Le premier test se fait en per opératoire et s’il est efficace, l’électrode épidurale est
reliée à un neurostimulateur externe portable qui est laissé en place pendant au
moins 2 à 3 semaines, en condition réelle de vie habituelle.
Le patient peut lui-même régler le stimulateur, selon des cycles différents pour
chacun, le plus habituellement on propose 2 heures de stimulation puis deux heures
d’arrêt .
♦
Mise en place définitive
Si la phase de test a permis d’obtenir un soulagement d’au moins 50% des douleurs,
le système est posé définitivement et la pile de neurostimulation implantée sous la
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peau de la paroi abdominale. Le patient a toujours la possibilité de contrôler le
système à travers la peau et de l’arrêter en cas de besoin, notamment lors du
passage dans les portiques de sécurité et lors d’un examen IRM.
Complications
Elles sont exceptionnelles avec moins de 5% d’infections lors de la phase de test, et
des cas exceptionnels de déplacement de l’électrode ou de fibrose.
On a rapporté aussi des hématomes, des hémorragies épidurales, une paralysie, des
brèches durales, une réaction allergique, une migration.
Contre-indications
Le système est contre-indiqué chez les patients porteurs d’un pacemaker ou d’un
cardiovecteur.
La diathermie et les traitements par ultrasons sont interdits.
Résultats
Si les patients ont été correctement sélectionnés et évalués et que la phase de test a
été positive, les résultats à plus de 5 ans sur des douleurs sciatiques rebelles sont
bons dans plus de 70% des cas, ce qui est remarquable dans cette pathologie.
La consommation d’antalgiques est rapidement réduite et les patients retrouvent une
vie quasi normale, avec reprise des activités socio-professionnelles dans plus d’un
tiers des cas.
Outre la sélection rigoureuse des patients, un facteur de bon pronostic est la pose de
la neurostimulation moins de 3 ans après la dernière intervention chirurgicale.
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Matériel
Le matériel Medtronic nécessaire est inscrit sur la Liste des Produits et Prestations et
remboursé au prix de :
Electrode Pisces Quad, Symmix ou Resume : 650 euros
Système complet Itrel 3 comprenant le stimulateur avec l’ensemble de ses
accessoires (extension et programmateur patient) : 5 635 euros
Renouvellement du stimulateur : 5 385 euros
Référence : www.medtronic.com
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