UNE INCROYABLE HISTOIRE (The window) - 1949

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UNE INCROYABLE HISTOIRE (The window) - 1949
Une incroyable histoire (The window) – 1949, Etats-Unis
De Ted Tetzlaff, avec Arthur Kennedy, Bobby Driscoll, Barbara Hale
Scénario : Mel Dinelli d'après une histoire de Cornell Woolrich, alias
William Irish Musique : Roy Webb Durée : 1h13
Genre : DRAME
Oscar Spécial en 1949 pour la meilleure performance d'acteur "juvénile" de l'année.
 Présentation :
- Résumé :
Une nuit d’été dans l’East End, quartier défavorisé de New York. Tommy
Woodry, un petit garçon un peu fabulateur à ses heures, sort de sa chambre par
l’échelle d’incendie pour prendre le frais sur les toits. Il surprend alors ses
voisins, les Kellerton, en train de dépouiller et d’assassiner un matelot ivre. Ses
parents refusant de le croire, il se retrouve livré à lui-même, bientôt pourchassé
par les deux meurtriers…
- Histoire détaillée :
Un enfant, Tommy, joue dans une maison abandonnée : il fait semblant de tirer sur d’autres enfants, dit
qu’il s’achètera un cheval, qu’il a un ranch, qu’il faut tuer tous les Indiens. Il rentre chez lui et dîne avec
ses parents. Il leur raconte des histoires, ses parents le grondent et
l’envoient dans sa chambre. Il dort mal car il a trop chaud et sort sur
l’escalier de secours avec son oreiller. Il finit par s’endormir, puis se
réveille. Il voit alors ses voisins, les Kellerson tuer un autre homme.
Tommy raconte cela à sa mère, pendant qu’elle étend son linge, mais elle
ne le croit pas. Son père non plus et il est puni : il doit rester dans sa
chambre. Il s’échappe par l’escalier extérieur et va jusqu’au poste de police
pour déclarer le meurtre. Le détective qui le reçoit lui dit qu’il fait des
cauchemars puis le fait raccompagner chez lui par un policier qui monte même chez les voisins du dessus
mais ne voit rien de suspect. Tommy a peur des voisins, il ne veut pas rester seul. Mais ses parents
reçoivent un télégramme qui dit que sa mère doit partir voir sa sœur malade. Le père de Tommy vérifie
que le télégramme est vrai. Tommy rentre seul chez lui, surveillé par la voisine. Il écrit à ses parents qu’il
va s’en aller, que ce qu’il avait dit sur les Kellerson est vrai. Il veut sortir, mais juste à ce moment, son
père revient. Son père le conduit dans sa chambre, cloue la fenêtre, ferme à clef la porte de la chambre et
celle de l’appartement et part. Les Kellerson s’apprêtent à agir : la femme doit descendre par l’escalier de
secours, l’homme prend un passe. Tommy entend marcher. Il voit la femme et se cache. L’homme entre,
voit la lettre de Tommy, déchire le bas (qui les accuse). Tommy fabrique un crochet, récupère la clef de
sa chambre, ouvre la porte et tombe face à monsieur Kellerson. Il lui dit qu’il l’a vu tuer un homme.
Monsieur Kellerson dit qu’il faut aller le raconter à la police. En fait, ils le poussent dans une maison,
d’où Tommy s’enfuit. Ils le poursuivent. Tommy va vers la gare, rate un train et il est rattrapé par le
couple Kellerson qui le fait monter dans un taxi. Il appelle au secours lorsqu’il voit un policier, mais
celui-ci ne croit pas ce qu’il dit ; Au moment où le taxi revient, le père de Tommy monte vers son
appartement. Il trouve la porte ouverte, ne voit pas Tommy, trouve la lettre et sort prévenir le policier.
Pendant ce temps le couple Kellerson a déposé Tommy, qui paraît endormi, dans leur appartement. Ils
veulent faire croire à un accident et posent Tommy sur l’escalier extérieur. Le père monte chez eux alors
que tommy vient de s’enfuir. Il part se réfugier dans la vieille maison, poursuivi par le couple Kellerson.
Il voit les pieds de l’homme mort, crie, court. Tout s’effondre. Tommy est sur une toute petite poutre et
monsieur Kellerson aussi. La poutre tombe. Tommy appelle au secours. Les fenêtres du voisinage
s’éclairent et des gens appellent la police. Un policier guide Tommy et il saute. Il raconte à ses parents
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qu’il a vu le cadavre. Son père promet de le croire et Tommy dit qu’il n’inventera plus d’histoires de
gangsters. Tommy sourit.
Image de la ville endormie et générique de fin.
 Pistes d’exploitation :
- AVANT la projection du film :
* Il est nécessaire de préparer les élèves à la projection du film pour qu’ils ne soient pas surpris par ce
qu’ils voient : ici le film situe l’action à New-York, dans les années 50, cela ne correspondra pas à ce que
les enfants connaissent (lieux…). De plus, il est en version originale, VO, c’est-à-dire en anglais, ce qui
impliquera une attention aux sous-titrages.
* L’adaptation d’un roman au cinéma : travail à partir d’une lecture. Comment traduire au cinéma ce
qui est écrit (par exemple, les réflexions, les sentiments d’un personnage) ? On peut lire des extraits du
roman de William Irish, par exemple : « La femme regarda longuement Buddy… Il y avait quelque
chose dans ce regard qui vous transperçait. C’était comme si la mort vous avait regardé. Jamais encore
Buddy n’avait vu un regard pareil, si calme, si profond, si froid, si dangereux… Puis elle sourit. Son
regard demeura inchangé, mais elle sourit : « Ah ! les gosses… » fit-elle gentiment en hochant la tête.
Elle étendit la main comme pour tirer l’oreille de Buddy ou une mèche de ses cheveux, mais il rejeta
vivement la tête de côté avec une sorte d’horreur, et la main ne l’atteignit pas. (page 60)
- APRES la projection du film :
1. Restitution :
Le titre : l’expliquer, le justifier, comparer le titre français et anglais
Raconter ou résumer l’histoire : du point de vue du garçon, de ses parents, du couple meurtrier…
Retrouver les principaux personnages : Tommy et ses parents, le couple des Kelersons, les
policiers…
2. Le film :
♦ Le réalisateur : Ted Tezlaf
C’est son cinquième film. Avant, Tezlaf avait été chef opérateur pendant près de 20 ans. Il débute comme
réalisateur par des films modestes avec une esthétique minimaliste. Le film s’applique à imposer une
ambiance oppressante par des jeux de cadre et de lumière complexes et crée une véritable tension lorsque
la partie entre l’enfant et le couple vire au jeu du chat et de la souris.
♦ Le genre du film : fiction, policier, suspense, drame, fable…
Le suspense est un procédé d’écriture qui consiste à cultiver l’anxiété du spectateur en prolongeant une
situation dont le dénouement prévu est dramatique. Hitchcock définissait le suspense par rapport à la
surprise : si une bombe explose dans une pièce à la fin d’une scène sans que les protagonistes ni le public
en aient été informés préalablement, elle ne provoque chez les spectateurs qu’un effet violent mais de très
brève surprise. Si, au contraire, nous savons q’une bombe est cachée dans la pièce et qu’elle explosera à
une heure donnée, les instants précédents l’explosion sont vécus intensément par l’assistance : nous
obtenons un effet de suspense. Le suspense suppose donc que le spectateur soit « mis dans le coup »,
même si les personnages de la fiction ne le sont pas. Le suspense n’est rien d’autre que la chronique étirée
d’un malheur annoncé qui se conclut généralement de façon violente mais inattendue.
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Le film de peur : C’est un film qu’un cinéaste réalise dans le but de faire peur aux spectateurs, en se
demandant à chaque étape du film : écriture du scénario, conception du décor et des costumes, mise en
place des éclairages, de la caméra, direction des acteurs… de quelle façon y parvenir.
Dans l’enfance, il y a différentes raisons d’avoir peur : peur du noir, d’être séparés des parents, de faire
des cauchemars…
De nombreux contes pour enfants peuvent faire peur : Le petit chaperon rouge, le petit Poucet, Blanche
neige… Mais ils ont aussi un côté rassurant car ils racontent un apprentissage : un jeune garçon ou une
jeune fille parcourt avec succès un chemin semé d’embûches et lourd de menaces, pour accéder à la
maturité, à l’amour et au bonheur.
La fable : en début de film, il y a référence à la fable d’Esope (voir plus loin). Le film peut être vu
comme une fable avec une morale.
♦ L’adaptation d’un roman au cinéma :
L’auteur du roman, William Irish (1903-1968) a écrit une vingtaine de romans et plusieurs centaines
de nouvelles. Il a été surnommé l’ « Edgar Poe » du XXème siècle
François Truffaut l’a décrit comme le plus grand écrivain du suspense, un « artiste de la peur » et il a
adapté au cinéma deux de ses romans : La sirène du Mississipi et La Mariée était en noir. Une autre de
ses nouvelles a été adaptée au cinéma par Alfred Hitchcock : Fenêtre sur cour.
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 Du roman au film : ce qui est conservé, modifié…problématique de l’adaptation
On peut lire des extraits pour comparer avec le film
- Dans le film, sont gardés : l’histoire d’un petit garçon qui voit un crime et du couple qui le poursuit
- Ce qui est différent :
* le nom des personnages : dans le roman, le garçon s’appelle Charlie et il est surnommé Buddy.
Le couple qui tue un homme s’appelle Kellerman.
* l’instrument du crime : dans le film, on voit des ciseaux ; dans le roman, c’est un rasoir.
* dans le roman, les policiers trouvent vraiment des preuves de la culpabilité du couple.
 Comparaison avec d’autres histoires : La Nuit du chasseur de Charles Laughton, 1955)
Les contes sont peuplés de « mauvais pères « et de mauvaises mères » qui constituent la face négative
des parents aimants et protecteurs.
La peur d’une défaillance ou même d’une trahison de la part de ceux dont les enfants attendent au
contraire amour et secours est au cœur du film, comme dans La Nuit du chasseur. Dans ce dernier film,
Harry Powell adopte la posture du gentil père de famille alors que c’est l’assassin.
♦ Le travail filmique : noir et blanc, cadrages, musique, lumière… Tout contribue à créer une
atmosphère dramatique.
♦ Le temps au cinéma : Il est raccourci. Le récit se passe pendant 2 nuits. La seconde nuit, lorsque
Tommy est seul dans sa chambre, un gros plan montre l’heure au réveil (9H moins 10). Le plan
suivant montre la montre de monsieur Kellerson. Puis, lorsque sa femme entre dans la chambre de
Tommy, le réveil marque 2H10 (un long temps s’est écoulé en quelques scènes).
3. Les lieux :
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La fenêtre : C’est la fenêtre ouverte sur un autre monde, la fenêtre où il ne faut pas regarder, mais où
il est impossible de ne pas regarder. Elle est la limite entre le monde intérieur et le monde extérieur.

La maison : Dans beaucoup de contes, on remarque que les deux lieux le plus fréquemment associés à
la peur sont la forêt et la maison (Blanche Neige, Hansel et Gretel…). La maison symbolise le foyer et
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offre l’espoir d’un refuge pour les enfants abandonnés, espoir souvent trompeur. Dans les films de
peur, le moment de la découverte de la maison est donc un moment ambivalent, porteur à la fois de
soulagement et d’angoisse car le spectateur sait que ce qu’il y a dans la maison peut se révéler bien
pire que ce à quoi le personnage vient d’échapper. L’exploration pièce après pièce, d’une maison
apparemment vide, constitue ainsi un des motifs classiques du film de peur (par exemple dans
Psychose).
Ici, dans le film, le garçon joue au début dans une maison abandonnée et, c’est là qu’il sera conduit par le
couple de meurtriers pour être éliminé.

La ville : l’histoire se situe à New-York, dans les années 50. On peut faire des recherches.
4. Les personnages : les décrire, les caractériser

Le garçon : il vit dans deux mondes à la fois, celui de la réalité et celui de
l’imagination.
Dans le roman, on peut lire : « …Il vivait dans deux mondes à la fois. L’un
d’eux était petit, terne, confiné, limité à deux pièces sordides à l’arrière d’un
immeuble de six étages, au 20 Holt Street. Etouffantes en été, on y gelait en
hiver. Deux grandes personnes seulement habitaient ce monde, M’man et
P’pa… Son autre monde n’avait ni frontières ni limites. On pouvait y faire ce
qu’on voulait, aller n’importe où. Il vous suffisait pour cela de rester assis,
bien tranquillement, et de penser pour inventer à mesure. Le monde de l’imagination… » (page 6)
Son problème, c’est qu’il invente des histoires et que ses parents ne le croient plus. Il est puni
lorsqu’il les raconte : « Et maintenant, vas-tu continuer à raconter des histoires ? demande son père, après
l’avoir tapé. Non, p’pa répondit-il d’un ton soumis, je n’inventerai plus d’histoires. Mais le père
ajouta : Alors tu es prêt à reconnaître que ce que tu m’as raconté tout à l’heure, n’était pas vrai ?.
Réponds ! Oui ou non ?
Il essaya de s’en tirer en posant lui-même la question : Quand on… quand on voit quelque chose, quand
on le voit avec ses yeux… est-ce que c’est vrai ? balbutia-t-il. » (pages 32, 33)
Et lorsqu’il va au commissariat, on ne le croit pas non plus. : « Es-tu bien sûr de savoir quand tu inventes
des choses et quand tu n’en inventes pas, petit ? Oh ! oui, alors ! protesta l’enfant. Je sais bien que je
n’invente rien, cette fois ! Je sais bien que c’est vrai. » (page 48).
Tommy est dans la même situation que le petit berger de la fable d’Esope : Le garçon qui criait
toujours au loup. (La Fontaine s’est inspiré des fables d’Esope).
« Un petit berger qui passait ses journées à s’ennuyer en gardant son troupeau, eut un jour une idée pour
se distraire. Il cria de toutes ses forces : « Au loup, au loup ! » Tous les villageois accoururent pour se
porter à son secours. Mais la farce avait si bien marché que le petit berger s’en amusa pendant des
semaines entières. Un beau jour, un vrai loup apparut. Le garçon hurla : « Au loup, au loup ! » Mais
personne ne vint à son secours et tout son troupeau disparut. »
« On ne croit pas les menteurs,
même quand ils disent la vérité ».
L’histoire qui arrive à Tommy est comme une épreuve initiatique qui le fait grandir.

Les parents : ils veulent que leur fils grandisse et ne vive pas toujours dans son
monde imaginaire. Ils le punissent pour essayer de lui faire passer cette habitude
de raconter des histoires. A la fin, ils trouveront que leur fils s’est comporté en
héros et le père promet de le croire. Il est fier de lui.
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
Le couple de meurtriers : ils feront tout pour faire disparaître l’enfant qui a été témoin du meurtre. Ils
s’apprêtent à le tuer.

Les policiers : ils ne croient pas Tommy. Ils lui
disent qu’il a fait des cauchemars, qu’il
invente des histoires. Heureusement, ils
arriveront à temps pour le sauver.

Les autres personnages : le chauffeur de taxi…
 Points de vue :
« Certains films mineurs de l’histoire du
cinéma ressemblent parfois à des brouillons
de chefs d’œuvres à venir. C’est le cas avec
cette Incroyable histoire de Ted Tetzlaff qui,
comme Rear Window (Fenêtre sur cour) sept ans
plus tard, évoque les relations qui relient
"scène de crime" et pulsion scopique.
Ainsi, avec son irréprochable esthétique
"noire" de studio comme seul point fort,
Une incroyable histoire, même s’il
n’exploite qu’assez peu les possibilités
narratives et plastiques de son titre original
(The window), se révèle cependant une œuvre
artisanale sympathique et dynamiquement
mené. »
Fabien Thévenot.
« Ce film noir crée une véritable tension. Il
nous plonge dans un univers oppressant
grâce à ses jeux de lumière complexes. La
cruauté de certaines séquences évoque un
autre bijou du genre : La Nuit du
chasseur ». Serge Bromberg
 Pour en savoir plus :
Livres : Roman de William Irish Une
incroyable histoire, collection Souris noire,
Syros
Ecoles, genres et mouvements au cinéma,
collection Comprendre, Reconnaître,
Larousse,
La peur au cinéma d’Emmanuel Siety, Actes sud Junior, La Cinémathèque française.
DVD : Une incroyable histoire, RKO, éditions Montparnasse.
Document réalisé par Nicole Montaron, Atmosphères 53. Octobre 2007.
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