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RÉUSSITES FLOR DE SELVA La passion d’entreprendre Créatrice Le moteur de sa vie ? L’amour : l’amour de son pays, le Honduras ; l’amour de sa famille, française ; et, enfin, l’amour du produit qu’elle fabrique : le cigare. À la tête d’une société qu’elle a créée et qui rencontre un certain succès, Maya Selva a su garder les pieds sur terre et rester d’une grande simplicité… PAR B RUNO DE LAIGUE FINANCE & GESTION NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013 Maya Selva 64 Franco-hondurienne, elle est la seule femme au monde à avoir créé sa propre société de fabrication de cigares. DATE DE CRÉATION 1995 EFFECTIFS 10 salariés à Paris Production 3 marques fabriquées : Flor de Selva, Cumpay et Villa Zamorano. 2 sous traitants : 1 au Honduras, 1 au Nicaragua Plus de 2 millions de cigares fabriqués par an Vendus en France, Belgique, Hollande, Allemagne, Suisse, Autriche, Italie, Grande-Bretagne, Andorre, Liban, Lituanie, Espagne, Portugal, Russie… 10 % du marché français Site www. mayaselva-cigares. com E lle arrive dans la salle de réunion où je l’attends depuis moins de cinq minutes. Le sourire charmeur, toute de noire vêtue, comme ses longs cheveux bouclés ; elle paraît fatiguée. Nous sommes vendredi soir et la semaine a été chargée. Elle, c’est Maya Selva, auvergnate par sa mère et hondurienne par son père. Seule femme au monde à avoir créé une société de fabrication de cigares, un travail habituellement dévolu aux hommes. Un parcours atypique… Après une enfance au Honduras, elle intègre l’École Internationale des Sciences du Traitement de l’Information (EISTI) à Cergy-Pontoise et termine son cursus aux États-Unis où elle décroche un Master of Sciences. Diplôme en poche, elle se destine au consulting… C’est sans compter sur son amour pour le Honduras. Elle se pose cette question : comment être utile à mon pays ? Exporter les produits issus de l’agriculture hondurienne (café, bananes, crevettes…) ? Impossible : leurs cours sont définis au niveau mondial et Maya ne se sent pas trader. Elle aimerait vendre en Europe un produit transformé au Honduras : c’est par l’entrepreneuriat que son pays évoluera « vers le haut ». Le meilleur ami de son grand père n’avait-il pas une fabrique de cigares au Honduras ? Et ne fumait-elle pas le cigare à la fac ? Le déclic est sans doute à chercher par là… Pour Maya, le cigare présente des avantages indiscutables : c’est un produit issu de l’agriculture hondurienne et son prix de vente est libre. Mais comment mettre en œuvre une telle idée : la législation française sur le tabac est draconienne et Maya n’a jamais, de sa vie, fabriqué un cigare… Double défi, que cette battante, pleine d’optimisme, va relever ! Le premier : apprendre à fabriquer un cigare. Maya passe une année entière à arpenter le Honduras pour comprendre le cigare : depuis la culture de la feuille jusqu’à la fabrication de la vitole1, en passant par les méthodes de fermentation. Second défi : faire face à la forêt vierge que représente le droit français. Elle retourne en France pour étudier la législation du travail sur le tabac… …Pour une entreprise unique ! Alors que la SEITA est privatisée, la société Flor de Selva voit le jour en 1995. Maya se charge de la fabrication, la commercialisation en France étant dévolue à son associé. Parallèlement, elle crée sa première fabrique au Honduras et revient en France avec 40 000 cigares à vendre… Son associé la quitte en raison de la crise immobilière. « Je ne fumerai certainement pas tes 40 000 cigares » lui dit alors Philippe, son mari… Un chef se reconnaît à sa capacité à faire face à l’impossible… Maya parcourt alors Paris et la province avec sa valise pleine de vitoles… sans savoir si elle les vendra ou pas (elle a déjà prévu de revenir à son métier d’origine). À force de ténacité, de persuasion – liée à une joie de vivre toute hon- durienne – Maya écoule son stock. Elle sent que son affaire prend forme le jour où ses premiers clients lui passent une seconde commande : le produit plaît… Son rêve se concrétise grâce à l’amour qu’elle porte au produit fabriqué (« en réalité je vends un goût ») et au soutien de certains. Ainsi d’un ami avocat, passionné de cigares, spécialiste du droit du travail qui l’aide pour ses premières embauches ; ou encore de son directeur commercial actuel qui frappa il y a près de 15 ans à la porte de Flor de Selva : « Maya, j’aime le cigare et suis prêt à relever le défi… » Les difficultés ont pourtant été nombreuses : sa première fabrique hondurienne disparaît le temps d’un aller-retour à Paris : tous les salariés sont partis avec les stocks de tabac… Ou encore de ce stock de 400 000 cigares invendable à cause d’un transport mal géré. Au final, la passion, et une certaine chance, l’emportent. Aujourd’hui Flor de Selva emploie une dizaine de personnes en France et commercialise plus de 2 millions de cigares par an, totalement fabriqués à la main et vendus dans le monde entier (Europe de l’Ouest, Russie, Liban…). Maya Selva, une vraie chef d’entreprise qui a les pieds sur terre et la tête dans les nuages ! Un bel exemple. l 1. Vitole : de l’espagnol vitola, gabarit ; terme utilisé par les connaisseurs pour nommer le cigare.