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10 n
technique
&
économie
La Haute-Saône Agricole et Rurale - N°2013 - vendredi 4 avril 2014
Infos-techniques
Gilles Gallinet aux
commandes de son
multirotors.
La démonstration à Venisey.
DRONES / A l'occasion de l'assemblée générale de la FDCUMA de Haute-
Saône, Gilles Gallinet, cofondateur de l'entreprise Terranodrone, est venu
présenter l'un de ses engins volants. Une technologie nouvelle en plein
essor dont les applications pour l'agriculture pourraient commencer à voir
le jour.
Prendre de la hauteur
I
ls sont deux frères, tous deux
passionnés de modélisme depuis
l'enfance. Alain est architecte, Gilles
est géologue. Chacun dans leur domaine
professionnel, ils ont eu à un moment
besoin de prendre de la hauteur, et ont fait
appel à leur passion pour le modélisme.
« Nous avons développé Terranodrone
avant tout pour nos métiers respectifs »,
expliquait la semaine passée Gilles à un
parterre de curieux, Cumistes et élèves
de la MFR de Montbozon venus pour la
démonstration à Venisey.
Des photos précises et
géoréférencées
Debout à côté de son « multirotors », une
sorte d'hélicoptère à 4 hélices conçu et
construit par les deux entrepreneurs,
Gilles explique le déroulement du vol à
venir. Pianotant sur son ordinateur, il
indique sur une carte les points que le
drone devra suivre. Un véritable plan de
vol où il programme également l'altitude
et la vitesse que l'engin devra atteindre.
« L'autonomie de l'appareil est de 12 minutes
environ », indique Gilles avant de placer
son appareil en position de décollage.
L'appareil s'élève dans un bourdonnement
sourd, stationne à 55m, puis commence
à parcourir le trajet programmé. Sa
télécommande à la main, Gilles commente
le vol : « La législation nous autorise à
voler jusqu'à 150m d'altitude. Au-delà de
100 m de distance de l'opérateur, il est
obligatoire de disposer d'une information
en temps réel de la position du drone et
l'enregistrement des paramètres de vols. »
Pendant ce temps, l'appareil parcourt son
trajet, et à intervalles réguliers, il prend
des photos à la verticale de son lieu de
passage. A la fin de son plan de vol, il
revient se poser. Dans la carte SD de
l'appareil, une multitude de photos que
Gilles Gallinet assemble et traite sur son
ordinateur: « Nous produisons des orthophotos géoréférencées. » Orthophotos,
c'est à dire corrigées de la distorsion due
à l'angle de prise de vue. Géoréférencées,
cela permet de connaître exactement
l'emplacement de chaque élément de
la photo. Chaque pixel sur cet exemple
représente 2 cm au sol, ce qui donne
une idée de la précision obtenue.
Un outil pour les
diagnostics dégâts de
gibier ?
Après un vol relativement court, et un
traitement ad-hoc par informatique, la
photo livrée est donc d'une précision
excellente. « Un outil qui pourrait par
exemple être utilisé pour les déclarations
de dégâts de gibier », illustre le pilote. Pour
le moment, l'appareil ne prend que des
photos dans le visible. Mais d'autres
entreprises savent déjà traiter le rayonnement infrarouge des cultures, pour
mesurer par exemple l'activité photosynthétique (voir article ci-contre), à
l'aide de « caméras multispectrales
développées par l'INRA ».
Les conditions météo pour faire voler le
multirotors doivent être bonnes. « Pas
trop de vent (bien que sur ce point les ailes
volantes soient plus tolérantes), et pas de
pluie. » Côté autorisation, le pilote doit
disposer d'un brevet théorique d'aviation.
Il faut également obtenir une homolo-
gation par l'aviation civile, et respecter
les procédures (pas de survol des routes,
des agglomérations, pas plus d'un kilomètre autour du point de départ). Tout
vol particulier exige la demande d'autorisations et l'équipement de l'appareil
(parachute obligatoire notamment).
800 € la journée
Des conditions d'utilisation strictes qui
empêchent probablement l'acquisition
de l'appareil dans le cadre d'une Cuma,
en dehors de la présence d'un spécialiste.
Mais des entreprises, en Haute-Saône
et dans le Doubs notamment, proposent
la prestation clef en main, pour un coût
journalier de 800 € environ. Terranodrone
est ainsi en mesure de cartographier
« 40 à 70 ha par jour, selon le fraction-
nement des parcelles et des avoisinants ». Un prix encore élevé mais qui
pourrait évoluer rapidement selon le
marché. « Aujourd'hui le drone en soi n'est
pas une activité rentable, confirme Gilles
Gallinet. Si je n'en avais pas besoin pour
mon métier de géologue, dans le cas
d'inspections de falaise par exemple, je
n'aurais pas développé l'activité. »
Il reste donc une marge de progrès avant
que le drone ne devienne un véritable
outil pour l'agriculture, d'autant que pour
le moment, la charge utile de l'appareil
est extrêmement faible. « On peut imaginer
des lâchers d'auxiliaires de culture, comme
des trichogrammes par exemple, ce
qui se pratique déjà en Suisse », s'avance
Gilles Gallinet. Un projet pour fin
2014… n
LD
ÉCLAIRAGE / Emmanuel de Maistre est fondateur de Redbird, entreprise spécialisée dans la
prestation de services de drones, notamment pour les applications agricoles. Il est également
président de la fédération professionnelle du drone civil. Il revient sur le potentiel réel que
représente pour l'agriculture l'utilisation des drones.
Moins de 10 « dronistes » opérationnels
pour les applications agricoles
Emmanuel de
Maistre, fondateur de
Redbird, propose des
applications agricoles
de ses drones.
On parle beaucoup d'utilisation de
drones récemment. Comment est
structuré le marché civil ?
Emmanuel de Maistre : On compte
aujourd'hui environ 430 entreprises
opératrices déclarées en France en
moins de 2 ans! Déjà 30 constructeurs
de drones ont reçu de la DGAC (direction générale de l'aviation civile) des
attestations de construction pour
les drones de série. L'exercice de la
profession est réglementé depuis avril
2012 ; depuis ce temps, entre 1.000 et
1.500 télépilotes ont été formés et
ce chiffre ne cesse de croître. Et en
parallèle aux professions directement
liées à la construction et l'exploitation
des drones, de nombreux autres
emplois indirects ou connexes se
sont développés, notamment autour
du traitement de données.
La France est le pays où l'on dénombre
le plus d'opérateurs au monde. En
Europe, on dénombre 1.400 sociétés
opératrices ; aux USA, aucune société
n'est actuellement autorisée à opérer
commercialement… La réglementation s'est mise en place relativement
rapidement en France. Le législateur
différencie 4 scénarios du S1 au S4
(vol "hors vue"). Cette dernière catégorie
est la plus stricte : seulement 2 entreprises ont passé cette homologation,
dont Redbird. L'altitude maximale de
vol est de 150 mètres. Le poids des
engins va de 0 à 25 kg, mais la plupart
des appareils pèsent entre 2 et 4 kg.
Quels sont les domaines d'application
des drones ?
EdM : En pratique, 90 % des dronistes
opèrent dans le secteur de l'audiovisuel
et des médias. Les 10 % restant se
concentre sur les secteurs technique
ou industriel : et parmi elles, moins de
10 entreprises sont présentes sur le
marché agricole. La principale raison
mise en cause est la difficulté et le coût
que représente le traitement des
données (capteurs, logiciels, ingénierie…).
D'ailleurs, l'essentiel de nos clients son
des groupements de producteurs, par
exemple des coopératives.
En agriculture, qu'est-ce qui se fait
aujourd'hui, quelle offre de services
trouve-t-on sur le marché ?
EdM : Il y aurait entre 5 et 10 sociétés
annonçant des activités agricoles et
viticoles : Redbird, Terranodrone,
Delta Drone, Exametrics, Azur Drones,
Airinov par exemple. Parmi celles-ci,
un petit nombre ont intégré des
capacités de traitement d'informations.
Les offres de services sont variées sur
le secteur, avec la fourniture de cartes
d'indices du végétal, le conseil en
fertilisation raisonnée (azote notamment),
la gestion du parcellaire (bornage), le
comptage de pieds manquants
(vignes), l'indication de situation de
stress hydrique, la cartographie des
indices de vigueur et de qualité,
l'évaluation des dégâts ou maladies
(flavescence, mildiou, oïdium, et même
carences), etc. La liste n'est pas
exhaustive et nous imaginons sans
cesse de nouvelles applications.
D'autres application pourraient
suivre ? L'épandage ? L'échantillonnage ? Quels applications pour les
zones défavorisées ?
EdM : Nous avons été sollicités pour
des demandes parfois originales, voire
particulièrement loufoques. En élevage
par exemple, nous avons eu des
demandes pour la détection des
chaleurs dans les troupeaux en pâture
afin de gérer au mieux les inséminations ; en élevage ovin, on nous a posé
la question de la surveillance des troupeaux en estive, et la prévention des
attaques de loup la nuit, avec transfert
d'alerte au berger… En grandes cultures,
nous avons étudié la mesure du stress
hydrique sur maïs pour un pilotage fin
de l'irrigation. Sur colza, on nous a
réclamé des moyens pour positionner
un anti-limaces en conditions humides,
quand le tracteur ne passe pas. En
arboriculture, des clients ont imaginé
la possibilité de prise de température à
différentes altitudes afin de modéliser
les risques de gels de printemps sur
vergers en fleurs.
Plus concrètement, les applications de
demain pourraient d'abord concerner
l'épandage, le traitement aérien sur
vignes, vergers ou maïs par exemple.
Le Yamaha Rmax est ainsi le drone
civil le plus vendu au monde (2.500
exemplaires, 14.000 pilotes au Japon).
Il a remplacé 95 % des hélicoptères
de travail agricole en 20 ans !!
On verra surtout se développer la
fourniture de cartes de conseil
azoté pour de nombreuses cultures
travaillées ou non par les acteurs
actuels. n
Propos recueillis par Louis de Dinechin

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